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06/07/2023 | LUXEMBOURG | N°91/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 06 juillet 2023, 91/23


N° 91 / 2023 pénal du 06.07.2023 Not. 35101/14/CD Numéro CAS-2022-00125 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERSONNE3.) et 3) PERSONNE4.), les deux demeurant à L-ADRESSE3.), défendeurs en cass

ation, comparant par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, en l’...

N° 91 / 2023 pénal du 06.07.2023 Not. 35101/14/CD Numéro CAS-2022-00125 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à Luxembourg, demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2) PERSONNE3.) et 3) PERSONNE4.), les deux demeurant à L-ADRESSE3.), défendeurs en cassation, comparant par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 3 novembre 2022 sous le numéro 1107/22 Ch.c.C.

par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 8 décembre 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 29 décembre 2022 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.), à PERSONNE3.) et à PERSONNE4.), déposé le 5 janvier 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 janvier 2023 par PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) à PERSONNE1.), déposé le 26 janvier 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc SCHILTZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisie par les parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.), avait renvoyé le demandeur en cassation, par application de circonstances atténuantes, devant une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour y répondre du chef des infractions de faux, d’usage de faux, d’escroquerie et de blanchiment. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé cette ordonnance.

Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi en application de l’article 416 du Code de procédure pénale qui dispose « (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements de dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ;(…).

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».

L’arrêt attaqué n’a pas mis fin à l’action publique poursuivie à charge du prévenu et n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur le principe d’une action civile.

Il s’ensuit que le recours est irrecevable au regard de l’article 416 du Code de procédure pénale.

Le demandeur en cassation conclut néanmoins à la recevabilité du pourvoi et soulève deux exceptions jurisprudentielles à l’interdiction de se pourvoir immédiatement contre les arrêts préparatoires et d’instruction prévue à l’article 416 du Code de procédure pénale, à savoir, d’une part, l’excès de pouvoir et, d’autre part, 2 la violation des conditions essentielles de l’existence légale de la décision. Il invoque la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (ci-après « la CEDH »).

Le demandeur en cassation n’invoque pas une lacune formelle de l’arrêt, mais critique la chambre du conseil de la Cour d’appel d’avoir, en ne rejetant pas le mémoire déposé par les parties civiles le dernier jour de la mise à disposition du dossier, violé le principe de l’égalité des armes. Il ne formule partant aucun motif mettant en cause une des conditions essentielles à l’existence de la décision attaquée.

L’excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité.

Le reproche tiré de la violation de l’égalité des armes ne rentre pas dans la définition de l’excès de pouvoir.

Il s’ensuit que le pourvoi en cassation est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient d’allouer à chacun d’eux une indemnité de procédure de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne le demandeur en cassation à payer à chacun des défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 1.000 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux du Ministère public étant liquidés à 5,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, six juillet deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

3 Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, président, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Christiane JUNCK en présence de l’avocat général Nathalie HILGERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

4 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère Public en présence de PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) Affaire n° CAS-2022-00125 du registre Par déclaration faite le 08 décembre 2022 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, PERSONNE1.) a formé un recours en cassation contre l’arrêt n° 1107/22 rendu le 03 novembre 2022 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg.

Cette déclaration du recours a été suivie en date du 05 janvier 2023 du dépôt au greffe de la Cour Supérieure de Justice d’un mémoire en cassation signé par Maître Philippe PENNING, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, signifié au préalable, soit le 29 décembre 2022 à PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.).

Aux termes de l’article 41 de la Loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation le délai pour se pourvoir en cassation en matière pénale est d’un mois.

Ce délai a commencé à courir le 09 novembre 2022 au vu de la notification en date du 08 novembre 2022 (date de l’avis de passage) de la décision entreprise au demandeur en cassation.1 En l’espèce, le pourvoi a partant été introduit dans le délai d’un mois prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il s’ensuit que le pourvoi est recevable en la pure forme.

Quant aux faits et rétroactes :

Par ordonnance du 16 février 2022 la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, après avoir été saisie par les parties civiles PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.), a, entre autres, renvoyé le demandeur en cassation, par application de circonstances atténuantes, devant une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg pour y répondre des infractions de faux, d’usage de faux, d’escroquerie et de blanchiment.

Contre cette ordonnance le demandeur en cassation a régulièrement relevé appel en date du 22 février 2022 en concluant principalement à la nullité de l’ordonnance entreprise au motif que ses droits de la défense auraient été violés par la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg alors que celle-ci a refusé d’écarter le mémoire du 09 février 2022 soumis à ladite juridiction par les parties civiles la veille de l’examen du dossier.

1 Voir annexe 1 5 Par arrêt n°1107/22 du 03 novembre 2022 l’ordonnance déférée a été confirmée par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg.

C’est contre cet arrêt que le pourvoi est dirigé.

Quant à la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre un arrêt de la chambre du conseil Aux termes de l’article 416 du Code de procédure pénale :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif; l'exécution volontaire de tels arrêts ou jugements préparatoires ne peut, en aucun cas, être opposée comme fin de non-recevoir.

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile. ».

En l’espèce il ne s’agit ni d’une décision sur la compétence ni encore d’une décision ayant statué définitivement sur le principe de l’action civile.

Pour échapper à l’irrecevabilité du pourvoi qui devrait en découler, le demandeur en cassation invoque deux exceptions jurisprudentielles aux dispositions de l’article 416 précité à savoir l’excès de pouvoir et la violation des conditions essentielles de l’existence légale de la décision.

Or, force est de constater que le demandeur en cassation n’invoque point de lacune formelle de l’arrêt mais lui reproche une violation de l’égalité des armes ; reproche de fond qui, même à le supposer – quod non – fondé, ne constitue pas une violation des conditions essentielles de l’existence légale de l’arrêt entrepris.

L’excès de pouvoir quant à lui « ne se réduit pas à une simple violation de la loi. Il est la transgression par le juge, compétent pour connaitre du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi circonscrit son autorité. »2.

Le reproche tiré de la violation de l’égalité des armes ne rentre à l’évidence pas dans cette définition alors que l’égalité des armes (entre parties) ne circonscrit pas l’autorité de la juridiction.

Par voie de conséquence le pourvoi est à déclarer irrecevable.

2 Cass., 08.12.2022, n°149/2022 pénal, n° du registre CAS-2022-00047 6 A titre subsidiaire et quant au fond Le seul et unique moyen de cassation est tiré de la violation « de l’article 6§1 CEDH et notamment l’exigence du respect du droit à l’égalité des armes visé par cet article » aux motifs que :

« La chambre du conseil de la Cour d’appel constate tout d’abord que le dossier d’instruction a été mis, dans le cadre de la procédure de règlement, à la disposition des inculpés et de leur conseil du 28 janvier 2022 au 9 février 2022, en conformité des prescriptions énoncées à l’article 127, paragraphe (6) du Code de procédure pénale et que l’examen du dossier a été fixé au 10 février 2022. Cette mise à disposition a été suffisante pour garantir efficacement les droits de la défense.

Le fait qu’un mémoire ait été déposé par les parties civiles le 9 février 2022 ne permet également pas de conclure à une violation des droits de la défense des inculpés dans la mesure où, jusqu’au prononcé, ils avaient la possibilité de présenter à leur tour des observations destinées à orienter la décision de la juridiction de première instance.

Par ailleurs, tel qu’il a été rappelé à bon escient par la juridiction d’instruction de première instance, aucun débat contradictoire des charges dégagées n’est prévu au stade de la procédure de règlement en première instance et la communication des mémoires n’est pas prévue.

Il s’ensuit que l’ordonnance entreprise n’encourt pas la nullité de ce chef. ».

Le demandeur en cassation reproche ainsi à l’arrêt entrepris une violation du droit à l’égalité de armes alors qu’il n’a pas pu matériellement prendre position par rapport à un mémoire versé par les parties civiles le dernier jour utile.

Abstraction faite de ce que le principe de l’égalité des armes compris comme un élément du procès équitable consacré par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme s’apprécie « à l’aune de la conduite de la procédure dans son ensemble et non en se fondant sur l’examen isolé de tel ou tel point ou incident»3, il importe de relever qu’en l’espèce les juridictions d’instructions ont correctement appliqué l’article 127 (6) du Code de procédure pénale disposant que « Le dossier, y compris, selon le cas, le rapport du juge d’instruction, est mis à la disposition de l’inculpé et4 de la partie civile ainsi que de leur avocat, huit jours ouvrables au moins avant celui fixé pour l’examen par la chambre du conseil » ; article dont il ressort du libellé même que l’égalité des armes est respectée.

Ce que semble viser le moyen – même s’il ne le dit pas – est plutôt une violation du principe du contradictoire.

Or, ce principe n’est en l’espèce pas méconnu alors que l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme se limite à exiger « que les autorités de poursuite5 communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge 3 Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable (volet pénal), mise à jour 31.08.2022, §2 page 9/132 4 Mise en évidence ajoutée 5 Mise en évidence ajoutée 7 comme à décharge »6 ; communication qui résulte de la mise à disposition du dossier par la juridiction d’instruction.

Par ailleurs, l’actuel demandeur en cassation a pu discuter – au plus tard devant la juridiction d’instruction d’appel - des arguments avancés par la partie civile et ni l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ni aucune autre disposition de droit international n’exigent un double degré de juridiction pour ce qui est des juridictions d’instructions.

Par voie de conséquence, à supposer le recours en cassation recevable, il n’est pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est irrecevable, sinon non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, le 1er avocat général, Marc SCHILTZ pièce en annexe :

- Accusé de réception RR 2343 8020 1 LU (notification de la décision entreprise) 6 Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable (volet pénal), mise à jour 31.08.2022, §176 page 39/132 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 91/23
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-07-06;91.23 ?

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