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29/06/2023 | LUXEMBOURG | N°87/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 29 juin 2023, 87/23


N° 87 / 2023 du 29.06.2023 Numéro CAS-2021-00053 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), veuve PERSONNE2.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, c

omparant par la société à responsabilité limitée JURISLUX, inscrite à la lis...

N° 87 / 2023 du 29.06.2023 Numéro CAS-2021-00053 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), veuve PERSONNE2.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée JURISLUX, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, et la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, établissement public, établie à L-1724 Luxembourg, 1A, boulevard Prince Henri, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J35, défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

____________________________________________________________________

Vu l’arrêt n°112/2022 de la Cour de cassation du 7 juillet 2022 qui a sursis à statuer en attendant que la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la CJUE ») se prononce sur la question préjudicielle lui posée par la Cour de cassation par arrêt n° 138/2021 du 25 novembre 2021 dans le cadre de l’affaire numéro CAS-

2020-00128, de la teneur suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union s’opposent aux dispositions du droit d’un Etat membre, telles les articles 195 du Code luxembourgeois de la sécurité sociale et 3,4 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, qui subordonnent l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans l’Etat membre d’origine, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans l’Etat membre d’accueil d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire tenu par ledit Etat aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de cet Etat membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans l’Etat membre d’accueil est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? » ;

Vu l’arrêt de la CJUE du 8 décembre 2022 dans l’affaire C-731/21 ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire en réponse » signifié le 24 février 2023 par PERSONNE1.), veuve PERSONNE2.), à la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, (ci-après « la CNAP »), déposé le 27 février 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse intitulé « mémoire additionnel en cassation » signifié le 27 février 2023 par la CNAP à PERSONNE1.), déposé le 1er mars 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions additionnelles du premier avocat général Marc HARPES.

Réponse de la Cour Vu les articles 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016.

Dans l’affaire C-731/21, la CJUE a dit pour droit :

« L’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016, doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État. ».

Dès lors qu’il ressort de la réponse donnée par la CJUE à la question préjudicielle que la législation nationale, en ce qu’elle rend inopposable aux tiers un partenariat conclu à l’étranger à défaut d’être enregistré au Luxembourg, n’est pas conforme aux articles 45 TFUE et 7 du règlement (UE) no 492/2011, il appartenait aux juges d’appel de laisser inappliqué le droit national en vertu de la primauté du droit de l’Union Européenne et d’examiner l’incidence de l’opposabilité du partenariat à la CNAP sur le droit à une pension de survie de la demanderesse en cassation, de sorte qu’ils ont violé les dispositions visées ci-dessus.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les premier et troisième moyens de cassation la Cour de cassation casse et annule l’arrêt numéro 2021/0060 (No. du reg. : PESU 2020/0170), rendu le 25 février 2021 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale, autrement composé ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée JURISLUX, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Conseil supérieur de la sécurité sociale et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Deuxièmes conclusions additionnelles du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.), veuve PERSONNE2.) contre CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (n° CAS-2021-00053 du registre) Suivant missive du greffe du 2 janvier 2023, Votre Cour a prié le Ministère public de déposer de nouvelles conclusions suite à l’arrêt du 8 décembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (n° 1241986 / affaire C-731/21) qui a été rendu sur question préjudicielle soumise par Votre Cour en vertu de l’arrêt n° 138/21 du 25 novembre 2021 (numéro CAS-2020-00128 du registre).

Dans son arrêt du 8 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit :

« L’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016, doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État. » Sur le moyen d’ordre public relevé d’office, tiré de la violation du droit de l’Union européenne :

Comme déjà relevé dans ses conclusions précédentes du 16 mai 2022, dans l’affaire sous rubrique, la situation de fait est identique à celle de l’affaire pour laquelle Votre Cour avait soumis à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle, à savoir qu’une pension de survie a été refusée par le Conseil supérieur de la sécurité sociale au partenaire survivant, au motif que le partenariat qui avait été conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne n’était pas opposable à la CNAP, faute d’avoir été inscrit au répertoire civil conformément aux exigences de l’article 195 du Code de la Sécurité sociale et des articles 3, 4 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats.

La solution de l’arrêt précité de la Cour de justice de l’Union européenne doit partant trouver application dans la présente espèce.

En vertu du principe de la primauté du droit de l’Union européenne qui oblige les Etats membres de ne pas appliquer une norme de droit national contraire au droit de l’Union1, il appartenait ainsi au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’écarter l’application de la réglementation nationale – en l’espèce l’application combinée de l’article 195 du Code de la Sécurité sociale et des articles 3, 4 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats – au profit des dispositions du droit européen relatives à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union et à l’égalité de leur traitement.

Il en suit qu’en considérant que PERSONNE1.) n’avait pas droit à une pension de survie du chef de l’assurance de feu PERSONNE2.) avec lequel elle avait contracté un partenariat enregistré en France, au seul motif que ce partenariat n’avait pas été inscrit au répertoire civil, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé l’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2016.

Il en suit que le moyen est fondé et que l’arrêt entrepris par le pourvoi encourt la cassation.

Au vu de la cassation encourue du chef du moyen relevé d’office et, dans la mesure où les deux premiers moyens de cassation concernent le même grief que celui qui a 1 CJUE, 15 juillet 1964, Costa contre E.N.E.L, Aff 6-64.

fait l’objet du moyen relevé d’office, à savoir qu’il est reproché au Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour décider que PERSONNE1.) n’avait pas droit à une pension de survie, de ne pas avoir tenu compte du partenariat enregistré en France conclu avec le partenaire défunt, il est superfétatoire de répondre à ces moyens.

Le troisième moyen de cassation qui est tiré de la violation de l’article 197 du Code de la sécurité sociale est à rejeter pour les motifs indiqués à titre principal dans les conclusions du soussigné du 2 décembre 2011, à savoir qu’il est étranger à l’arrêt entrepris.

Conclusion Le moyen relevé d’office par Votre Cour est fondé.

L’arrêt entrepris encourt la cassation.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 87/23
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-06-29;87.23 ?

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