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29/06/2023 | LUXEMBOURG | N°86/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 29 juin 2023, 86/23


N° 86 / 2023 du 29.06.2023 Numéro CAS-2020-00128 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maîtr

e Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile...

N° 86 / 2023 du 29.06.2023 Numéro CAS-2020-00128 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à F-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, établissement public, établie à L-1724 Luxembourg, 1A, boulevard Prince Henri, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J35, défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt n° 138/2021 du 25 novembre 2021 de la Cour de cassation qui a soumis à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la CJUE ») la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union s’opposent aux dispositions du droit d’un Etat membre, telles les articles 195 du Code luxembourgeois de la sécurité sociale et 3,4 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, qui subordonnent l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans l’Etat membre d’origine, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans l’Etat membre d’accueil d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire tenu par ledit Etat aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de cet Etat membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans l’Etat membre d’accueil est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? » ;

Vu l’arrêt de la CJUE du 8 décembre 2022 dans l’affaire C-731/21 ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire complémentaire » signifié le 27 février 2023 par PERSONNE1.) à la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (ci-après « la CNAP »), déposé le 1er mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire additionnel en cassation » signifié le 27 février 2023 par la CNAP à PERSONNE1.), déposé le 1er mars 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les « conclusions complémentaires après renvoi préjudiciel » du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Réponse de la Cour Vu les articles 45 TFUE et 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016.

La CJUE a dit pour droit :

« L’article 45 TFUE et l’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016, doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation d’un État membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre État membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier État membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit État. ».

Dès lors qu’il ressort de la réponse donnée par la CJUE à la question préjudicielle que la législation nationale, en ce qu’elle rend inopposable aux tiers un partenariat conclu à l’étranger à défaut d’être enregistré au Luxembourg, n’est pas conforme aux articles 45 TFUE et 7 du règlement (UE) no 492/2011, il appartenait aux juges d’appel de laisser inappliqué le droit national en vertu de la primauté du droit de l’Union européenne, de sorte qu’ils ont violé les dispositions visées ci-

dessus.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu le 25 juin 2020 sous le numéro 2020/0144 (No. du reg.: PESU 2020/0059) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale, autrement composé ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du Conseil supérieur de la sécurité sociale et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Bob PIRON et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions complémentaires du Parquet Général, après renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne, dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) c/ CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (affaire n° CAS-2020-00128 du registre) Par votre arrêt n° 138/2021, numéro CAS-2020-00128 du registre, du 25 novembre 2021, vous avez, dans le cadre du pourvoi en cassation en cause, rejeté l’ensemble des moyens à l’exception du sixième, au sujet duquel vous avez saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Celle-ci a, par arrêt du 8 décembre 20221, dit pour droit que :

« L’article 45 TFUE [Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne] et l’article 7 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs, à l’intérieur de l’Union, tel que modifié par le règlement (UE) 2016/589 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2016, doivent être interprétés en ce sens que :

ils s’opposent à une réglementation d’un Etat membre d’accueil qui prévoit que l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre Etat membre, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier Etat membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, soit subordonné à la condition de l’inscription préalable du partenariat dans un répertoire tenu par ledit Etat ».

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale avait, en l’espèce, confirmé le rejet du recours de la demanderesse en cassation contre le refus de sa demande en obtention d’une pension de survie du fait du décès de son partenaire. Ce partenariat avait été légalement conclu en France. Il n’avait cependant, contrairement à ce que disposent les articles 3 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, pas été inscrit à Luxembourg, condition prévue pour en assurer à Luxembourg l’opposabilité aux tiers, y compris aux administrations. C’est en raison de ce défaut d’inscription à Luxembourg du partenariat, légalement conclu en France, ayant entraîné l’inopposabilité de ce dernier aux tiers, y compris aux administrations, que la Caisse nationale d’assurance pension avait rejeté la demande en obtention de la pension de survie. La demanderesse en cassation avait fait soutenir devant le Conseil supérieur que cette législation méconnaîtrait notamment les articles 45 TFUE et 7 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs. Le Conseil supérieur avait rejeté ce moyen au motif qu’il n’y 1 Cour de justice de l’Union européenne, huitième chambre, 8 décembre 2022, C-731/21.

avait pas violation du principe d’égalité de traitement parce que le partenariat conclu à Luxembourg doit, au même titre que celui conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne, faire l’objet d’une inscription pour être opposable aux tiers.

Dans son sixième moyen de cassation, la demanderesse en cassation avait, sous le visa notamment des deux articles précités, critiqué que ce motif méconnut le droit de l’Union européenne. La Cour de justice décida dans son arrêt précité que la législation luxembourgeoise, en subordonnant à Luxembourg l’opposabilité aux tiers d’un partenariat valablement conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne à une formalité d’inscription à Luxembourg, méconnaît effectivement ces dispositions.

Il en suit que, au regard de l’interprétation du droit de l’Union européenne retenue par la Cour de justice, le motif attaqué de l’arrêt du Conseil supérieur n’est pas conforme à ce droit.

Le sixième moyen, qui est le seul qu’il vous reste à trancher, est, partant, fondé.

Conclusion :

Le sixième moyen, qui est le seul qui reste à trancher, est fondé.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 86/23
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-06-29;86.23 ?

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