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15/06/2023 | LUXEMBOURG | N°72/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 15 juin 2023, 72/23


N° 72 / 2023 pénal du 15.06.2023 Not. 26997/11/CD Numéro CAS-2022-00088 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à S. ADRESSE1.) (Portugal), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée WASSENICH LAW, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée au

x fins de la présente procédure par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cou...

N° 72 / 2023 pénal du 15.06.2023 Not. 26997/11/CD Numéro CAS-2022-00088 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quinze juin deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à S. ADRESSE1.) (Portugal), demeurant à L-

ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée WASSENICH LAW, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de 1) la société anonyme de droit portugais SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à ADRESSE3.), représentée par ses organes statutaires, 2) PERSONNE2.), demeurant à P-ADRESSE4.), 3) PERSONNE3.), demeurant à P-ADRESSE4.), 4) PERSONNE4.), demeurant à P-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 12 juillet 2022 sous le numéro 214/22 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé au pénal et au civil par Maître Lise REIBEL, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 10 août 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 12 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur la recevabilité du pourvoi Aux termes de l’article 43, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire du défendeur au civil devra, sous peine de déchéance, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.

Le demandeur en cassation n’a pas signifié son mémoire en cassation aux parties civiles.

Il s’ensuit que le demandeur en cassation est à déclarer déchu de son pourvoi au civil.

Le pourvoi au pénal, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef de faux, usage de faux, escroquerie et blanchiment à une peine d’emprisonnement de quatre ans, assortie du sursis pour une durée de deux ans, et à une peine d’amende.

Au civil, le tribunal avait déclaré partiellement fondées les demandes en indemnisation dirigées contre le demandeur en cassation. La Cour d’appel a confirmé ce jugement, sauf à réduire la durée du sursis à un an.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution qui dispose que :

2 et de la violation de l’article 195 du Code de procédure pénale qui dispose que :

circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes. » ;

Que la Cour d’Appel a violé les textes susvisés alors qu’elle a augmenté la peine ferme à laquelle les premiers juges avaient condamné PERSONNE1.) en confirmant la peine de quatre ans d’emprisonnement tout en diminuant la période de sursis de deux à un an, et qu’elle a confirmé la peine d’amende de 500.000.- € ainsi que la contrainte par corps maximale de 10 ans ;

En considérant :

criminelle dont celui-ci a fait preuve dans le cadre de la présente affaire et l'importance du préjudice causé, ce prévenu, tout au long de l'enquête, a résisté de manière délibérée aux évidences qui se sont révélées au fur et à mesure de l'enquête qui a été menée par le service de police judiciaire, de sorte que la mauvaise foi de PERSONNE1.) est manifeste.

Il en suit qu'en l’espèce, le seul élément qui s'interprète en faveur de ce prévenu est le dépassement du délai raisonnable, la Cour notant que même si le dépassement du délai a une incidence sur le quantum des peines à prononcer, il ne constitue toutefois pas une circonstance atténuante.

Le tribunal a relevé à bon escient que la peine la plus forte qui puisse être prononcée contre PERSONNE1.) est celle comminée à l'article 506-1 du Code pénal qui prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans et/ou une amende pouvant s'élever au montant de 1.250.000 euros Compte tenu des développements qui précèdent, la Cour, en tenant compte du dépassement du délai raisonnable, estime que les peines d'emprisonnement de quatre ans et d’amende de 500.000 euros, tiennent compte, à suffisance de droit, de ce critère qui est le seul élément favorable dont ce prévenu puisse bénéficier.

A noter que si la circonstance que le casier judiciaire du prévenu ne renseigne aucune condamnation s'opposant à l’octroi d'un sursis à l’exécution de la peine d'emprisonnement a, à bon droit, amené la juridiction de première instance à aménager la peine d'emprisonnement d'un sursis, la Cour retient toutefois, par réformation, qu'il y a lieu d'assortir l'exécution de cette peine d’emprisonnement d'un sursis à hauteur d'un an seulement, étant donné que la présente juridiction considère qu'un sursis plus large ne se justifie pas, A noter que même si l'amende est facultative, aucun élément de la cause ne permet, toutefois, de faire abstraction de cette peine.

3 Il convient de rappeler qu'en application des articles 28 à 30 du Code pénal, le montant de l’amende est déterminé dans les limites fixées par la loi, en tenant compte des circonstances de l'infraction ainsi que des ressources et des charges des prévenus, que les jugements et arrêts prononçant une condamnation à l’amende par application du présent code ou de lois spéciales fixant en même temps la durée de la contrainte par corps applicable à défaut de paiement de l’amende, étant précisé que la durée de la contrainte par corps est d’un jour par 100 euros d’amende.

En l'espèce, la peine d'amende prononcée à hauteur de 500.000 euros par le tribunal à l'encontre du prévenu est légale et adaptée à la gravité des faits qui ont été retenus à l'encontre du prévenu. Elle tient, en outre, compte du fait que le prévenu dont il est établi qu'il a détourné un montant de 3.527.000 euros, sur lequel il a prélevé le montant de 520.000 euros en espèces, le solde ayant notamment servi à l’acquisition en 2012 d'un appartement au Maroc, bien immobilier qu'il a vendu en 2018, dispose manifestement de ressources, la Cour constatant que la tentative de PERSONNE1.) tendant à voir admettre qu'il est sans ressources, outre le fait qu'elle n'est étayée par aucune pièce pertinente, est vaine. A noter que la circonstance que cette peine, en cas de non-paiement, soit exécutée moyennant la contrainte par corps n'est que la suite logique de l'exécution des peines dont la compétence n'appartient pas à la juridiction assise, mais bien au contraire au Parquet général.

Étant donné que PERSONNE1.), à l’heure à laquelle la Cour statue, n'a pas atteint la limite d'âge prévue à l’article 30 (6) du Code pénal, il en suit qu'il ne saurait être fait abstraction de la contrainte par corps.

Le jugement entrepris est partant à confirmer en ce que PERSONNE1.) a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatre ans et à une amende de 500.000 euros, sauf à dire que l'exécution de la peine d'emprisonnement, par réformation, est à assortir d'un sursis à hauteur d'un an. » ;

Attendu qu’en se prononçant comme elle l’a fait, la Cour n’a pas motivé la peine comme elle aurait dû le faire, le seul renvoi à la mauvaise foi alléguée et au dépassement avéré du délai raisonnable ne constituant en aucun cas une motivation de la peine, ceci d’autant plus que l’allégation de mauvaise foi fera l’objet ci-après du deuxième moyen de cassation ;

Que l’arrêt encourt cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès lors qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Par les motifs reproduits au moyen, les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

4 Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui dispose que :

Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.

ainsi que de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et plus particulièrement de l’article 6.2 qui dispose que :

Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

et encore de la violation de la violation des articles combinés :

- L’article 153 du Code de procédure pénale qui dispose :

L’instruction de chaque affaire sera publique, à peine de nullité.

Elle se fera à l’audience dans l’ordre suivant :

Le président du tribunal constate l’identité de la personne citée et donne connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal. Il l’informe de son droit de se taire et de son droit de ne pas s’incriminer soi-même. Il constate aussi, s’il y a lieu, la présence ou l’absence de la partie civile, des témoins, des experts et des interprètes.

Les témoins, s’il en a été appelé, seront entendus s’il y a lieu.

L’instruction à l’audience terminée, la partie civile est entendue en sa demande, s’il y a lieu, le ministère public prend ses conclusions et la personne citée et, s’il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense.

La partie civile et le ministère public peuvent répliquer. La personne citée ou son conseil ont toujours la parole en dernier.

Le tribunal de police prononcera le jugement à l’audience où l’instruction aura été terminée, et au plus tard, à l’audience suivante.

- L’article 190-1 (2) du Code de procédure pénale qui dispose :

A l’audience, le président du tribunal constate l’identité du prévenu et donne connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal. Il l’informe de son droit de se taire et de son droit de ne pas s’incriminer soi-même. Il constate aussi, s’il y a lieu, la présence ou l’absence de la partie civile, des témoins, des experts et des interprètes.

Le prévenu comparaît libre à l’audience dans le cadre de l’affaire le concernant, sauf décision motivée du président du tribunal, rendue soit d’office, soit à la requête du procureur d’État, pour des raisons liées au cas d’espèce relatives à la sécurité ou à la nécessité d’empêcher les suspects ou les personnes poursuivies de prendre la fuite ou d’entrer en contact avec des tiers.

5 Attendu que c’est en effet à tort que la Cour d’Appel a pu déduire de l’usage par le requérant de son droit de se taire, sinon de ne pas s’incriminer soi-même, comme une résistance délibérée aux évidences et comme de la mauvaise foi manifeste ;

Que l’usage de son droit prescrit par la Loi ne doit en aucun cas servir à motiver la peine et en tous cas à l’alourdir ;

Que c’est pourtant ce qui a été fait par la Cour d’Appel et qu’il convient de constater ;

Que la motivation de la peine prononcée s’est faite au détriment des droits reconnus de PERSONNE1.) ;

Que l’arrêt encourt cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la présomption d’innocence et le droit de ne pas s’auto-incriminer en ayant motivé l’aggravation de la peine prononcée par le silence gardé par le demandeur en cassation.

Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En retenant « Concernant PERSONNE1.), il faut souligner qu'outre l'énergie criminelle dont celui-ci a fait preuve dans le cadre de la présente affaire et l'importance du préjudice causé, ce prévenu, tout au long de l'enquête, a résisté de manière délibérée aux évidences qui se sont révélées au fur et à mesure de l'enquête qui a été menée par le service de police judiciaire, de sorte que la mauvaise foi de PERSONNE1.) est manifeste. » les juges d’appel n’ont pas fait état d’une attitude passive à travers le silence gardé par le demandeur en cassation tout au long de l’instruction pour justifier l’aggravation de la peine, mais ils ont constaté son attitude active ayant consisté à résister de façon délibérée aux évidences pour caractériser la mauvaise foi et l’énergie criminelle dans son chef.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui dispose :

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de 6 caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [ ] » Qu’en motivant la décision comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a failli à cette disposition ;

Il en suit qu'en l’espèce, le seul élément qui s'interprète en faveur de ce prévenu est le dépassement du délai raisonnable, la Cour notant que même si le dépassement du délai a une incidence sur le quantum des peines à prononcer, il ne constitue toutefois pas une circonstance atténuante.

Le tribunal a relevé à bon escient que la peine la plus forte qui puisse être prononcée contre PERSONNE1.) est celle comminée à l'article 506-1 du Code pénal qui prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans et/ou une amende pouvant s'élever au montant de 1.250.000 euros Compte tenu des développements qui précèdent, la Cour, en tenant compte du dépassement du délai raisonnable, estime que les peines d'emprisonnement de quatre ans et d’amende de 500.000 euros, tiennent compte, à suffisance de droit, de ce critère qui est le seul élément favorable dont ce prévenu puisse bénéficier.

A noter que si la circonstance que le casier judiciaire du prévenu ne renseigne aucune condamnation s'opposant à l'octroi d'un sursis à l’exécution de la peine d'emprisonnement a, à bon droit, amené la juridiction de première instance à aménager la peine d'emprisonnement d'un sursis, la Cour retient toutefois, par réformation, qu'il y a lieu d'assortir l'exécution de cette peine d’emprisonnement d'un sursis à hauteur d'un an seulement, étant donné que la présente juridiction considère qu'un sursis plus large ne se justifie pas, A noter que même si l'amende est facultative, aucun élément de la cause ne permet, toutefois, de faire abstraction de cette peine.

Il convient de rappeler qu'en application des articles 28 à 30 du Code pénal;

le montant de l’amende est déterminé dans les limites fixées par la loi, en tenant compte des circonstances de l'infraction ainsi que des ressources et des charges des prévenus, que les jugements et arrêts prononçant une condamnation à l'amende par application du présent code ou de lois spéciales fixent en même temps la durée de la contrainte par corps applicable à défaut de paiement de l’amende, étant précisé que la durée de la contrainte par corps est d'un jour par 100 euros d'amende.

En l'espèce, la peine d'amende prononcée à hauteur de 500.000 euros par le tribunal à l'encontre du prévenu est légale et adaptée à la gravité des faits qui ont été retenus à l'encontre du prévenu. Elle tient, en outre, compte du fait que le prévenu dont il est établi qu'il a détourné un montant de 3.527.000 euros, sur lequel il a prélevé le montant de 520.000 euros en espèces, le solde ayant notamment servi à l’acquisition en 2012 d'un appartement au Maroc, bien immobilier qu'il a vendu en 2018, dispose manifestement de ressources, la Cour constatant que la tentative de PERSONNE1.) tendant à voir admettre qu'il est sans ressources, outre le fait qu'elle n'est étayée par aucune pièce pertinente, est vaine. A noter que la circonstance que cette peine, en cas de non-paiement, soit exécutée moyennant la contrainte par corps 7 n'est que la suite logique de l'exécution des peines dont la compétence n'appartient pas à la juridiction assise, mais bien au contraire au Parquet général.

Étant donné que PERSONNE1.), à l’heure à laquelle la Cour statue, n'a pas atteint la limite d'âge prévue à l’article 30 (6) du Code pénal, il en suit qu'il ne saurait être fait abstraction de la contrainte par corps.

Le jugement entrepris est partant à confirmer en ce que PERSONNE1.) a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatre ans et à une amende de 500.000 euros, sauf à dire que l'exécution de la peine d'emprisonnement, par réformation, est à assortir d'un sursis à hauteur d'un an. » Attendu que le demandeur critique l'arrêt entrepris, non pas en ce qu’il a, à bon droit, reconnu le principe d'un dépassement du délai raisonnable, mais pour n’avoir pas réparé cette violation pourtant dument constatée, d'une manière qui puisse être considérée comme réelle et effective ;

Attendu que la rédaction de l’arrêt ne fait que constater le dépassement du délai raisonnable, tout en excluant son caractère de circonstance atténuante, sans toutefois en tirer de conclusions sur le quantum de la peine d’emprisonnement et d’amende ;

Que force est de constater qu’il ne s’en est suivi aucune réduction en relation, comme il n’y a pas eu d’application de circonstances atténuantes ;

Qu’en conséquence rien ne permet de contrôler qu'il y a eu prise en compte et réparation réelle et effective du dépassement du délai raisonnable ;

Que l’arrêt encourt cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’incidence du dépassement du délai raisonnable constaté par eux sur la peine à prononcer, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation déclare le demandeur en cassation déchu de son pourvoi au civil ;

rejette le pourvoi au pénal ;

8 condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 44 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quinze juin deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du conseiller Théa HARLES-WALCH, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

9 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public et des parties civiles 1. la société anonyme SOCIETE1.) 2. PERSONNE2.) 3. PERSONNE3.) 4. PERSONNE4.) N° CAS-2022-00090 du registre Par déclaration faite le 10 août 2022 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Lise REIBEL, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation au pénal et au civil contre un arrêt n° 214/22 rendu le 12 juillet 2022 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 12 septembre 2022 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Lise REIBEL.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire 10 en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés1.

Il en suit que le pourvoi est recevable au pénal.

Aux termes de l’article 43, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire du défendeur au civil devra, sous peine de déchéance, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.

Le demandeur en cassation, tout en déclarant former un pourvoi en cassation au pénal et au civil contre l’arrêt entrepris, n’a pas signifié son mémoire en cassation aux parties civiles SOCIETE1.), PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) avant le dépôt dudit mémoire.

Il en suit que le demandeur en cassation est à déclarer déchu de son pourvoi au civil.

Faits et rétroactes Par jugement n° 523/2021 du 8 mars 2021, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, a condamné PERSONNE1.) à une peine d’emprisonnement de quatre ans dont deux avec sursis et à une amende de 500.000 euros des chefs de faux et usage de faux, escroquerie et blanchiment. Au civil, PERSONNE1.) a été condamné à indemniser les parties civiles SOCIETE1.), PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.).

Sur l’appel du prévenu et du Ministère public, la Cour d’appel a réduit à un an le sursis octroyé par les juges de première instance sur la peine d’emprisonnement et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

1 Conformément à l’article 1260 du Nouveau code de procédure civile, le délai d’un mois prévu à l'article 43 de la loi pour déposer le mémoire en cassation, qui devait expirer le samedi 10 septembre 2022, a été prorogé au premier jour ouvrable suivant, à savoir le lundi 12 septembre 2022, de sorte que le mémoire déposé ce même 12 septembre 2022 l’a été endéans le délai légal.

11 Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 195 du Code de procédure pénale qui obligent les juges de motiver leurs jugements.

Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir augmenté la peine d’emprisonnement sans sursis prononcée à son égard et d’avoir confirmé la peine d’amende ainsi que la contrainte par corps, sans avoir motivé cette peine.

Il est rappelé que les juges du fond peuvent, dans les limites déterminées par la loi, fixer discrétionnairement les peines à infliger au prévenu condamné2. Ainsi, le choix, à l’intérieur des limites légales, de la peine à infliger au délinquant est, pour les juges du fond, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte. Ce pourvoir discrétionnaire comporte dispense de l’obligation de motiver3. Il en va autrement lorsque la loi met à charge du juge du fond une obligation spéciale de motivation, notamment lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement ferme (article 195-1 du Code de procédure pénale). En cas de violation d’une telle obligation spéciale de motivation, la cassation s’imposera4.

Il est suit que la décision des juges du fond sur le quantum de la peine d’emprisonnement et de l’amende, endéans les limites fixées par la loi, relève de leur pouvoir discrétionnaire et échappe à l’obligation de motivation. L’obligation de motivation n’existe que si le juge prononce une peine d’emprisonnement sans sursis.

Le moyen, en ce qu’il fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé le quantum de la peine d’emprisonnement et de l’amende, et à fortiori celui de la contrainte par corps subsidiaire qui se déduit du montant de l’amende5, ne saurait partant être accueilli.

En ce qui concerne ensuite la décision des juges d’appel de n’octroyer au prévenu qu’un sursis partiel d’un an, les juges d’appel ont motivé cette décision par les motifs suivants :

2 Cass. 27 janvier 2011, n° 2817 du registre.

3 BORÉ, La cassation en matière pénale, 4ème édition, n° 81.42.

4 Idem n° 81.41.

5 Aux termes de l'article 30 (1) du Code pénal, la durée de la contrainte par corps est d'un jour par 100 euros d'amende.

12 « Concernant PERSONNE1.), il faut souligner qu’outre l’énergie criminelle dont celui-ci a fait preuve dans le cadre de la présente affaire et l’importance du préjudice causé, ce prévenu, tout au long de l’enquête, a résisté de manière délibérée aux évidences qui se sont révélées au fur et à mesure de l’enquête qui a été menée par le service de police judiciaire, de sorte que la mauvaise foi de PERSONNE1.) est manifeste.

Il en suit qu’en l’espèce, le seul élément qui s’interprète en faveur de ce prévenu est le dépassement du délai raisonnable, la Cour notant que même si le dépassement du délai a une incidence sur le quantum des peines à prononcer, il ne constitue toutefois pas une circonstance atténuante.

Le tribunal a relevé à bon escient que la peine la plus forte qui puisse être prononcée contre PERSONNE1.) est celle comminée à l’article 506-1 du Code pénal qui prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et/ou une amende pouvant s’élever au montant de 1.250.000 euros.

Compte tenu des développements qui précèdent, la Cour, en tenant compte du dépassement du délai raisonnable, estime que les peines d’emprisonnement de quatre ans et d’amende de 500.000 euros, tiennent compte, à suffisance de droit, de ce critère qui est le seul élément favorable dont ce prévenu puisse bénéficier.

A noter que si la circonstance que le casier judiciaire du prévenu ne renseigne aucune condamnation s’opposant à l’octroi d’un sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement a, à bon droit, amené la juridiction de première instance à aménager la peine d’emprisonnement d’un sursis, la Cour retient toutefois, par réformation, qu’il y a lieu d’assortir l’exécution de cette peine d’emprisonnement d’un sursis à hauteur d’un an seulement, étant donné que la présente juridiction considère qu’un sursis plus large ne se justifie pas. » Par ces motifs, les juges d’appel ont formellement motivé leur décision de n’octroyer qu’un suris partiel d’un an sur la peine d’emprisonnement et n’ont partant pas violé les dispositions légales visées au moyen.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

13 Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation combinée de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme au sujet du droit à un procès équitable et plus particulièrement de la disposition en vertu de laquelle toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ainsi des articles 153 et 190-1 (2) du Code de procédure pénale au sujet du droit du prévenu de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir déduit de l’usage de son droit de se taire, sinon de ne pas s’incriminer soi-même, une résistance délibérée aux évidences et une mauvaise foi manifeste.

Il reproche à la Cour d’appel d’avoir alourdi la peine prononcée à son encontre, alors même qu’il n'aurait fait usage que de son droit légalement reconnu de se taire, respectivement de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

A titre principal, le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris.

En effet, pour justifier l’aggravation de la peine prononcée en première instance, les juges d’appel se sont prononcés comme suit :

« Concernant PERSONNE1.), il faut souligner qu’outre l’énergie criminelle dont celui-ci a fait preuve dans le cadre de la présente affaire et l’importance du préjudice causé, ce prévenu, tout au long de l’enquête, a résisté de manière délibérée aux évidences qui se sont révélées au fur et à mesure de l’enquête qui a été menée par le service de police judiciaire, de sorte que la mauvaise foi de PERSONNE1.) est manifeste.

Il en suit qu’en l’espèce, le seul élément qui s’interprète en faveur de ce prévenu est le dépassement du délai raisonnable, la Cour notant que même si le dépassement du délai a une incidence sur le quantum des peines à prononcer, il ne constitue toutefois pas une circonstance atténuante.

Le tribunal a relevé à bon escient que la peine la plus forte qui puisse être prononcée contre PERSONNE1.) est celle comminée à l’article 506-1 du Code pénal qui prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et/ou une amende pouvant s’élever au montant de 1.250.000 euros.

14 Compte tenu des développements qui précèdent, la Cour, en tenant compte du dépassement du délai raisonnable, estime que les peines d’emprisonnement de quatre ans et d’amende de 500.000 euros, tiennent compte, à suffisance de droit, de ce critère qui est le seul élément favorable dont ce prévenu puisse bénéficier.

A noter que si la circonstance que le casier judiciaire du prévenu ne renseigne aucune condamnation s’opposant à l’octroi d’un sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement a, à bon droit, amené la juridiction de première instance à aménager la peine d’emprisonnement d’un sursis, la Cour retient toutefois, par réformation, qu’il y a lieu d’assortir l’exécution de cette peine d’emprisonnement d’un sursis à hauteur d’un an seulement, étant donné que la présente juridiction considère qu’un sursis plus large ne se justifie pas. » Il en suit que les juges d’appel ont justifié l’aggravation de la peine non seulement par le manque de coopération de PERSONNE1.), mais encore par l’énergie criminelle dont il a fait preuve et par l’importance du préjudice causé.

Il en suit que le moyen manque en fait.

A titre subsidiaire, il est relevé que les dispositions légales visées au moyen visent l’établissement de la culpabilité dans le chef du prévenu, celui-ci étant présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie et ne pouvant en l’absence de tout élément de preuve probant, être déclaré coupable uniquement en raison de son refus de s’avouer coupable.

La critique formulée par l’actuel demandeur en cassation concerne cependant non pas la déclaration de culpabilité, mais la peine prononcée par les juges d’appel.

Or, comme relevé ci-avant à propos au moyen précédent, sauf l’exigence spéciale de motiver le refus d’un sursis telle que prescrite par l’article 195-1 du Code de procédure pénale, le juge du fond peut, dans les limites déterminées par la loi, fixer librement les peines à infliger au prévenu condamné. Le juge d'appel, pour autant qu'il soit saisi de l'appel du Ministère public, peut partant prononcer une peine plus lourde qu’en première instance, du moment que la peine prononcée est légale et que s’agissant d’un refus de l’octroi d’un sursis, cette décision est spécialement motivée.

En l’espèce, les juges d’appel, qui étaient saisis également d'un appel du Ministère public, pour fixer la peine et décider que le sursis à l’exécution de la 15 peine d’emprisonnement était à réduire de deux à une année, ont souligné l’énergie criminelle dont le prévenu a fait preuve, l’importance du préjudice causé et le manque de coopération du prévenu à l’enquête.

Ils n’ont fait qu’appliquer par-là, endéans les limites de peine prévues par la loi, les principes de l’individualisation de la peine au prévenu. Ils peuvent ainsi tenir compte de circonstances de fait, liés notamment à la personnalité du prévenu et décider de réduire le sursis octroyé en première instance.

Les juges d’appel ont partant pu, sans violer les dispositions légales visées au moyen, aggraver la peine prononcée par les juges de première instance.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation combinée de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme au sujet du droit à un procès équitable et en particulier du droit d'être jugé dans un délai raisonnable.

Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief à l'arrêt entrepris, tout en constatant le principe d'un dépassement du délai raisonnable, de ne pas avoir réparé cette violation de manière réelle et effective par le bais d'une réduction mesurable de la peine d'emprisonnement et de l'amende prononcées contre lui.

A titre principal, ce moyen ne saurait être accueilli, en ce que sous le couvert du grief de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation, par les juges du fond, des conséquences à tirer de la constatation d'un dépassement du délai raisonnable sur la peine à prononcer, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe au contrôle de Votre Cour6.

6 Cass. 30 avril 2020, n° 60/2020 pénal, n° CAS-2019-00068 du registre ; Cass. 10 mars 2022, n° 39/2022 pénal, n° CAS-

2021-00017 du registre ; Cass. 09 mars 2023, n° 23/2023 pénal, n° CAS-2022-00071 du registre, réponse au quatrième moyen de cassation.

16 A titre subsidiaire, la Cour d'appel a constaté que compte tenu du concours idéal entre les différents infractions, la peine la plus forte qui pouvait être prononcée contre le prévenu PERSONNE1.) était celle comminée à l'article 506-1 du Code pénal qui prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans et / ou une amende pouvant s'élever au montant de 1.250.000 euros. Elle a ensuite considéré, « en tenant compte du dépassement du délai raisonnable, […] que les peines d'emprisonnement de quatre ans et d'amende de 500.000 euros, tiennent compte, à suffisance de droit, de ce critère qui est le seul élément favorable dont le prévenu puisse bénéficier. » Elle a encore considéré, par réformation du jugement de première instance, qu'un sursis plus large que celui à hauteur d'un an ne se justifiait pas.

Par conséquent, en prononçant une peine d'emprisonnement située d'une année en deçà du maximum encouru, en octroyant un sursis facultatif à l'exécution d'une année de cette peine d'emprisonnement et ne prononçant une peine amende largement en deçà du maximum encouru, tout en renvoyant de manière expresse au dépassement du délai raisonnable comme seul élément favorable dont le prévenu puisse bénéficier, les juges d'appel ont procédé de façon expresse et mesurable à une allégement de peine pour sanctionner la violation du droit de voir entendre sa cause jugée dans un délai raisonnable.

Il en suite qu'à titre subsidiaire, le moyen n'est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n'est pas fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marc HARPES 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 72/23
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-06-15;72.23 ?

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