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04/05/2023 | LUXEMBOURG | N°47/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 04 mai 2023, 47/23


N° 47 / 2023 pénal du 04.05.2023 Not. 5622/12/XD Numéro CAS-2022-00066 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatre mai deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Laurent RIES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à D-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.), de

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N° 47 / 2023 pénal du 04.05.2023 Not. 5622/12/XD Numéro CAS-2022-00066 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatre mai deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Laurent RIES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de 1) PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE3.), 2) PERSONNE3.), demeurant à D-ADRESSE4.), 3) PERSONNE4.), demeurant à L-ADRESSE5.), demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :

1Vu l’arrêt attaqué, rendu le 15 juin 2022 sous le numéro 166/22 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé au pénal et au civil par Maître Laurent RIES, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 8 juillet 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 15 juillet 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Monique SCHMITZ.

Sur la recevabilité du pourvoi Aux termes de l’article 43, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire du défendeur au civil devra, à peine de déchéance, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.

Le demandeur en cassation n’a pas signifié son mémoire aux parties civiles.

Il s’ensuit que le demandeur en cassation est déchu de son pourvoi au civil.

Le pourvoi au pénal, introduit dans les forme et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) du chef de faux et usage de faux, de port public de faux nom, d’extorsion commise au préjudice d’un salarié, de calomnies et de certaines infractions au Code du travail à une peine d’emprisonnement assortie du sursis intégral et à une amende. La Cour d’appel a, par réformation partielle, déchargé le demandeur en cassation de la peine d’emprisonnement et augmenté la peine d’amende.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Par rapport aux seules infractions relatives au Code du Travail et au rôle de l’ITM :

Grief : Vice de motivation (vice de forme) Moyen tiré de :

En ce que les motifs de la décision attaquée omettent de constater et d’en tenir compte que l’ITM (seule autorité légalement prévue aux termes des articles 2611-1 et 612-1 (d) n’a jamais enregistré, inspecté, constaté ni notifié (au sens juridique du terme) d’éventuelles infractions au Procureur, en privant de la sorte de demandeur d’une garantie essentielle et en légitimant et favorisant une situation de droit appelée en droit constitutionnel .

Cela se manifeste par le fait qu’une institution exerce les missions et compétences appartenant à une autre institution respectivement quand une institution omet tout simplement d’exercer ses pouvoirs et prérogatives.

Les juges ignorent ce reproche avancé et discuté à la barre sans autrement justifier ni motiver l’arrêt dans sur ce point précis.

Dispositions : Article 89 de la Constitution, article 6 CEDH et article 195 et 211 du CPP. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation, qui limite son moyen aux seules infractions retenues à sa charge en relation avec le Code du travail, fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions visées au moyen pour avoir omis de répondre au moyen par lui soulevé suivant lequel l’Inspection du travail et des mines (ci-après « l’ITM ») n’aurait ni constaté les infractions ni notifié lesdites infractions au procureur d’Etat de Diekirch.

S’il ressort de l’arrêt attaqué, seul document auquel la Cour peut avoir égard, que le demandeur en cassation a soulevé « que les irrégularités constatées relèveraient en réalité de la compétence de l’ITM, qui n’aurait pas porté plainte en l’espèce » ni « formulé de réclamation » et que « l’ITM ne se serait pas plainte de l’absence de registre », il n’en a déduit aucune conséquence juridique de nature à influer sur la solution du procès.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Grief : Absence de motifs par rapport aux preuves négatives fournies par le prévenu - absence de réponse aux conclusions de Me Ries du 9 mars 2022 - le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme Moyen tiré de :

L’obligation de motivation imposée par l’article 195 et 211 du Code de procédure pénale impose non seulement aux juridictions de motiver toute décision, mais également de répondre, ne serait-ce que sommairement, aux moyens invoqués par les parties au procès.

3La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme retient que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme contient également l’obligation pour les juridictions, de répondre aux moyens soumis par les parties au procès.

Un simple silence gardé par une juridiction face à un moyen soumis ne saurait en aucun être interprété comme un refus implicite, et donc comme une réponse suffisante à un moyen soumis.

L’obligation de motivation, et a fortiori de réponse tout court, est une garantie essentielle imposée aux juridictions.

Cette nécessité s’est tout naturellement imposée, car il est difficile dans le cas contraire de parler d’un procès équitable.

La Cour européenne, à travers de nombreuses décisions, a clairement indiqué que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions. (CEDH, 19 avr.

1994, Van de Hurk c/ Pays-Bas, Série A n°288 §61, Justices 1996 p. 235 obs. J.-F.

FLAUSS ; 27 sept. 2001, Hirvisaari c/ Finlande, n° 49684/99, non publié, Europe 2002 Com. N°73 obs. V. LECHEVALLIER. ; L. BORE, La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme, JCP 2002-I-104, p.

121 s. Cf. aussi CEDH, 28 avr. 2005, Albina c/ Roumanie, n°57808/00, §36.) Dispositions : Article 89 de la Constitution, article 6 CEDH et article 195 et 211 du CPP.

Droits de la défense comme corollaire de l’article 89 Constitution ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas du moyen quels arguments le demandeur en cassation aurait exposés dans le cadre de sa défense et réitérés dans une note de plaidoirie versée aux juges d’appel à l’audience du 9 mars 2022 auxquels il n’aurait pas été répondu.

Il s’y ajoute que le demandeur en cassation ne verse pas la note de plaidoirie dont il fait état, de sorte que la Cour de cassation est dans l’impossibilité d’examiner le bien-fondé du moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 22,75 euros.

4 Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quatre mai deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Roger LINDEN, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Christiane JUNCK en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

5 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) / Ministère Public Affaire n° 2022-00066 du registre Par déclaration faite le 8 juillet 2022 au greffe de La Cour Supérieure de Justice, Maître Laurent RIES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre l’arrêt n° 166/22 X rendu le 15 juin 2022 par la Cour d’appel, siégeant en matière correctionnelle, ayant condamné PERSONNE1.) au pénal et ayant au civil.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 15 juillet 2022 du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Laurent RIES, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de PERSONNE1.).

Le pourvoi respecte le délai d’un mois, courant à partir du prononcé de la décision attaquée endéans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la prédite loi, endéans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.

Toutefois, préalablement à son dépôt au greffe de la Cour, le mémoire n’a pas été signifiée aux parties civiles1. Le pourvoi est donc irrecevable quant au volet civil de l’affaire2.

Le pourvoi reste cependant recevable en ce qui concerne le volet pénal.

Quant aux faits et rétroactes :

Par le jugement entrepris, PERSONNE1.), poursuivi en sa qualité de gérant unique, voire de gérant technique de deux sociétés, a été condamné à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois, intégralement assortie d'un sursis à l'exécution, et à une peine d'amende de 15.000 euros du chef de :

* faux et usage de faux en relation avec un contrat de travail (point A.1 de l'ordonnance de renvoi)3, * port public de faux nom (point A.3 de l'ordonnance de renvoi), * extorsion commise au préjudice d’un salarié (point B de l'ordonnance de renvoi), 1 à savoir les parties civiles PERSONNE3.) et PERSONNE4.) ;

2 voir en ce sens : Cass. 7 juillet 2022 pénal, n° 109/2022, n° CAS-2021-00135 du registre ;

3 il fut acquitté d’autres infractions de faux et usage de faux en relation avec une lettre de licenciement et divers courriels, de tentative de faux en relation avec une quittance ;

6 * calomnie au préjudice des certains salariés (points C.1 et C.2 de l'ordonnance de renvoi), * certaines infractions prévues au Code du travail :

- infractions à la réglementation sur le travail clandestin : violation des articles L.571-1 (2) point 2 et L.571-6 alinéa 2 du Code du travail (point D.1 de l’ordonnance de renvoi), - infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier/hebdomadaire : violation des articles L.211-12 et L.212-2 à L.212-4 du Code du travail (point D.2.1 de l’ordonnance de renvoi), - infractions à la réglementation sur les coupures de service maximales :

violation de l’article L.212-7 du Code du travail (point D.2.2 de l’ordonnance de renvoi), - infractions à la réglementation sur les périodes de repos : violation des articles L.211-16 (1) et L.211-16 (3) et 211-36 du Code du travail (point D.2.3 de l’ordonnance de renvoi), - infractions à la réglementation sur l’examen médical préalable à l’embauche :

violation des articles 326-1, 326-4, 326-9, 327-2 du Code du travail (point D.2.4.1 et D.2.4.3 de l’ordonnance de renvoi)4, - infractions à la réglementation en relation avec la tenue d'un registre des prolongations de la durée normale du travail : violation des articles L.211-29 et L.211-36 du Code du travail (point D.2.6 de l’ordonnance de renvoi)5, - le prévenu fut acquitté du reproche sub.) le point D.5 de l'ordonnance de renvoi, à savoir d’avoir agi en violation de l’article L.222-10 du Code du travail, soit d’avoir versé un salaire inférieur au salaire social minimum.

Par arrêt dont pourvoi, quant aux infractions en relation avec le Code du travail, les premiers juges furent confirmés sauf à rectifier le libellé de l’infraction aux articles L.571-

1 (2) point 2 et L.571-6 alinéa 2 du Code du travail (travail clandestin). Quant à la peine, par réformation, PERSONNE1.) fut déchargé de la peine d’emprisonnement prononcée contre lui et condamné à une peine d’amende de vingt-cinq mille (25.000) euros. Au civil, par réformation, la Cour d’appel a dit que les juridictions pénales sont incompétentes pour connaître de la demande civile de PERSONNE2.) et a confirmé le jugement au civil pour le surplus.

4 il fut acquitté pour un fait d’omission de soumettre un des salariés à l’examen médical ;

7 Quant au premier moyen de cassation :

Le demandeur en cassation a remarqué à titre préliminaire que le moyen se limite aux seules infractions en relation avec le Code du travail, reproduites ci-avant, et le rôle de l’ITM.

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, de l’article 6 CEDH et des articles 195 et 211 du CPP, en ce que les magistrats d’appel ont omis de constater et de tenir compte « que l’ITM (seule autorité légalement prévue aux termes des articles 611-1 et 612-1 (d) du Code de travail) n’a jamais enregistré, inspecté, constaté, ni notifié (au sens juridique du terme) d’éventuelles infractions au Procureur, en privant de la sorte le demandeur d’une garantie essentielle et en légitimant et favorisant une situation de droit appelée en droit constitutionnel « d’Etat incomplet ».

Cela se manifeste par le fait qu’une institution exerce les missions et compétences appartenant à une autre institution, respectivement quand une institution omet tout simplement d’exercer ses pouvoirs et prérogatives.

Les juges ignorent ce reproche avancé et discuté à la barre sans autrement justifier ni motiver l’arrêt dans sur ce point précis. » Il semble être est reproché aux magistrats d’appel d’avoir méconnu leur obligation de motivation ancrée dans les dispositions visées au moyen en ce que, par rapport aux infractions relatives au Code de travail reprochées au prévenu et retenues dans son chef, ils n’auraient pas pris position par rapport à l’argument de la défense que l’ITM « n’a ni constaté des infractions, ni notifié lesdites infractions au Procureur d’Etat de Diekirch ».

S’il appert certes de l’arrêt dont appel que PERSONNE1.) a soutenu que l’ITM n’ait pas formulé de réclamations6, voire que les salariés s’étant adressés à des fins de réclamations à l’ITM auraient été renvoyés au commissariat de Vianden à des fins de centralisation des plaintes7, fait est que le prévenu s’est contenté de ce cette seule affirmation sans en avoir déduit une conséquence juridique quelconque.

Quid donc de l’incidence de l’absence d’intervention de l’ITM alléguée? L’intervention de l’ITM devrait-t-elle constituer un préalable aux poursuites pénales et son absence devrait-elle entraîner l’irrecevabilité des poursuites ? Est-elle de nature avoir une incidence sur les éléments constitutifs des infractions pénales visées par le Code du travail? Le prévenu est resté autrement muet y relativement et n’a fourni aucun développement circonstancié ni devant les juges de 1ère instance, ni devant les magistrats d’appel.

Dans le silence, l’exigence d’une réponse ne peut dès lors être admise.

Pour rappel, les dispositions visées au moyen sanctionnent l’absence de motifs qui est un 6 cf. p. 64 de l’arrêt ;

7 cf. p. 26 de l’arrêt ;

8vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.

Une motivation, même incomplète, inopérante ou implicite, satisfait à la loi.

Selon la jurisprudence constante de Votre Cour, « le jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif exprès ou implicite, si incomplet ou vicieux soit-il sur le point considéré ».

Il suffit donc de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné pour écarter le moyen tiré de la violation des dispositions légales visées au moyen.

L’extrait pertinent de la motivation des juges d’appel en relation avec les infractions en matière de droit du travail est le suivant8 :

«- le travail clandestin (point D.1) Il est reproché au prévenu d’avoir enfreint les articles L.571-1 (2) point 2 et L.571-6 alinéa 2 du Code du travail par le fait d'avoir, en sa qualité de gérant unique des sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.), accompli des actes nécessaires pour que les quatre salariés PERSONNE5.), PERSONNE6.), PERSONNE7.), PERSONNE8.) ainsi que les cinq étudiants PERSONNE9.), PERSONNE10.), PERSONNE11.), PERSONNE12.) et PERSONNE13.) travaillent sans qu’ils soient affiliés, ceux-ci sachant que leur situation était irrégulière au regard de la législation relative à la sécurité sociale.

Tout salarié, même embauché à l'essai, doit être affilié à la sécurité sociale.

L’article 425 du Code de la sécurité sociale dispose que toute déclaration d’entrée ou de sortie ainsi que tout changement ayant une influence sur les modalités de l’assurance sont à adresser dans le délai de huit jours au Centre commun de la sécurité sociale. Si cette disposition permet une affiliation rétroactive du salarié dans certaines limites de temps, elle ne dispense pas l’employeur de son obligation légale de déclarer les salariés qu’il occupe dès le premier jour de leur occupation.

Selon l'article L.151-6 du Code du travail, l'occupation d'élèves et d'étudiants ne donne pas lieu à affiliation en matière d'assurance maladie et d'assurance pension mais elle est soumise à l'assurance contre les accidents du travail.

Selon l'article L.571-1 (2) point 2.b) du Code du travail, est notamment considéré comme travail clandestin la prestation d'un travail salarié lorsque celui qui s'y livre sait que sa situation en qualité de salarié n'est pas régulière au regard de la législation relative à la sécurité sociale.

Le libellé de cette disposition précise vise le salarié qui preste le travail tout en sachant, par exemple, qu’il n’est pas en situation régulière au regard de la sécurité sociale.

8 cf. p. 79 à 87 de l’arrêt ;

9L’article 66 du Code pénal dispose que « Seront punis comme auteurs d’un crime ou d’un délit ceux qui, par ….abus d’autorité ou de pouvoir….auront directement provoqué à ce crime ou délit ».

Lorsque les conditions de l’article L.571-1(2) point 2.b) sont données dans le chef du salarié, notamment lorsque ce dernier sait que sa situation est irrégulière au regard de la législation sur la sécurité sociale, l’employeur, auquel il incombe d’affilier son personnel auprès du Centre commun de la sécurité sociale, est susceptible d’être lui aussi puni de l’infraction de travail clandestin, à titre de coauteur ayant provoqué cette infraction par abus de pouvoir, au cas où il occupe du personnel non affilié à la sécurité sociale.

En l’espèce, la Cour tient pour établi que PERSONNE5.), PERSONNE4.), PERSONNE9.), PERSONNE10.), PERSONNE11.), PERSONNE13.), PERSONNE12.) et PERSONNE8.) savaient, pour les périodes incriminées, qu’ils travaillaient en se trouvant dans une situation irrégulière au regard de la législation sur la sécurité sociale. Cette conclusion découle de leurs déclarations auprès de la police, de la comparaison des périodes de travail effectif dont ils font état avec les périodes d’activité mentionnées dans leurs contrats de travail ainsi que des réclamations répétées de PERSONNE9.), PERSONNE10.) et PERSONNE11.) auprès du prévenu respectivement de PERSONNE15.) en vue de l’obtention de leur contrat de travail.

L’allégation du prévenu selon laquelle il ne s’occupait pas et n’avait pas la maîtrise de la gestion des contrats de travail et de l’affiliation du personnel embauché est contredite notamment par les déclarations de PERSONNE10.), qui a réclamé son contrat de travail à PERSONNE15.), mais s’est vu opposer par cette dernière un refus au motif qu’elle n’était pas habilitée à lui remettre un contrat de travail sans l’autorisation expresse du prévenu. De plus, il est renvoyé aux développements précédents selon lesquels la responsabilité pénale d’un état infractionnel incombe par principe au gérant d’une société à responsabilité limitée et selon lesquels la preuve d’une délégation de pouvoirs du prévenu aux managers/assistant managers n’est pas rapportée en l’espèce. Le prévenu ne peut donc pas s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il ne s’est pas personnellement occupé des affiliations et contrats de travail du personnel.

En ce qui concerne PERSONNE5.) en particulier, c’est à partir du 25 avril 2012, date de la signature forcée de son second contrat de travail, qu’il est établi que ce salarié a obtenu connaissance de l’irrégularité de sa situation (du 6 au 25 avril 2012, il a travaillé sous le couvert du premier contrat de travail ayant pris effet le 6 avril 2012 et a pu éventuellement admettre qu’il était affilié). Les circonstances de temps de l’infraction sont donc à limiter à la période du 25 au 30 avril 2012.

En ce qui concerne PERSONNE7.), ce dernier avait conclu un contrat de travail pour la période du 3 mai 2012 au 26 août 2012 avec la société SOCIETE1.). Son lieu de travail se trouvait au lieu d’exploitation de l’entreprise, sans préjudice d’une autre affectation. La période incriminée se situe du 4 juin 2012 au 26 août 2012 et vise la période pendant laquelle le salarié a été affecté de fait au restaurant SOCIETE3.) à ADRESSE6.). Etant couvert par un contrat de travail, 10il n’est pas établi qu’il ait su qu’il se trouvait en situation irrégulière au regard de la législation sur la sécurité sociale, le simple changement du lieu de travail, prévu par le contrat de travail, ne suffisant pas à engendrer dans l’esprit du salarié la conscience de l’existence d’une irrégularité par rapport à la législation sur la sécurité sociale. L’infraction de travail clandestin n’est donc pas établie en tous ses éléments constitutifs, de sorte que le prévenu ne saurait en être le coauteur.

En ce qui concerne PERSONNE12.), les circonstances de temps et de lieu de l’infraction sont à rectifier dans la mesure où il y a lieu de faire abstraction des 5 heures prestées pour la société SOCIETE1.) entre le 1er mai 2012 et le 12 juillet 2012 à ADRESSE7.). En effet, il n’est pas établi quand ces 5 heures ont été prestées et si elles l’ont été en dehors de la période visée par le contrat de travail que PERSONNE12.) s’est vu remettre, période pendant laquelle PERSONNE12.) pouvait légitimement admettre qu’elle était en règle au regard de la législation sur la sécurité sociale.

Il résulte de ce qui précède que sous réserve des trois modifications précitées (en relation avec l’embauche de PERSONNE5.), PERSONNE7.) et PERSONNE12.)), c’est à bon droit que le prévenu a été retenu dans les liens de l’infraction de travail clandestin en ce qui concerne les salariés PERSONNE5.), PERSONNE6.) et PERSONNE8.) ainsi que les étudiants PERSONNE9.), PERSONNE10.), PERSONNE11.), PERSONNE12.) et PERSONNE13.). En relation avec le salarié PERSONNE7.), l’infraction de travail clandestin n’est pas établie.

- infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier/hebdomadaire, sur les coupures de service et sur les périodes de repos (points D.2.1, D.2.2 et D.2.3) Il est reproché au prévenu d’avoir enfreint les articles L.212-2 à L.212-4 du Code du travail pour les cinq salariés PERSONNE4.), PERSONNE16.), PERSONNE7.), PERSONNE17.) et PERSONNE18.) (salariés du secteur GROUPE1.) effectuant un travail classique) ainsi que l’article L.211-12 du Code du travail pour les trois salariés PERSONNE15.), PERSONNE3.) et PERSONNE19.) (salariés du secteur GROUPE1.) effectuant un travail de nature principalement intellectuelle), par le fait d’avoir occupé tous ces salariés au-delà des limites maxima de durée de travail journalier / hebdomadaire fixées par les articles précités.

Il est également reproché au prévenu d’avoir contrevenu à l’article L.212-7 du Code du travail, par le fait de ne pas avoir respecté les coupures de service maximales de trois heures pour les sept salariés PERSONNE16.), PERSONNE7.), PERSONNE20.), PERSONNE8.), PERSONNE17.), PERSONNE18.) et PERSONNE21.) ainsi que pour l'étudiante PERSONNE12.).

Il est enfin reproché au prévenu de ne pas avoir fait bénéficier les trois salariés PERSONNE16.), PERSONNE17.) et PERSONNE18.) d’une période de repos de onze heures au moins au cours d’une période de référence de vingt-quatre heures (article L.211-16 (3) du Code du travail et de ne pas avoir fait bénéficier le salarié 11PERSONNE7.) d’un ou de plusieurs temps de repos alors que sa durée de travail journalière était supérieure à six heures (article L.211-16 (1) du Code du travail).

Le tribunal a correctement défini les dispositions applicables en matière de durée du travail et distingué les deux régimes applicables en la matière dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, selon que le salarié concerné effectue ou non un travail de nature exclusivement sinon principalement intellectuelle.

Le jugement est à confirmer, par adoption de ses motifs, en ce qu’il a considéré que PERSONNE15.), PERSONNE3.) et PERSONNE19.) n’étaient pas des cadres.

Il est également à confirmer en ce qu’il a retenu que ces trois salariés effectuaient un travail de nature principalement intellectuelle, étant donné qu’ils constituaient dans les locaux des restaurants SOCIETE3.) le relais du prévenu, gérant de la société SOCIETE2.), dont ils devaient veiller sur place à l’exécution des consignes. De ce fait, ils ne tombaient pas sous le régime spécifique de la durée du temps de travail du secteur GROUPE1.) découlant des articles L.212-1, L.212-

2 à L.212-4, L.212-7 et L.212-10 du Code du travail, mais dans le champ d’application de l’article L.211-12 du Code du travail.

Tel que déjà mentionné, le prévenu reste en défaut de rapporter la preuve de l’existence d’une véritable délégation de pouvoirs au bénéfice de ses managers/assistant managers qui aurait été susceptible de valoir exonération de sa responsabilité pénale.

Quant à la durée du temps de travail des salariés, il ressort des éléments du dossier que le prévenu effectuait provisoirement chaque semaine une répartition des salariés entre les sites de SOCIETE1.) et les restaurants SOCIETE3.) exploités à ADRESSE1.), ADRESSE6.) et ADRESSE8.).

- PERSONNE3.) a déclaré sous la foi du serment en première instance que les plannings de travail étaient établis par le prévenu, que les heures supplémentaires prestées étaient ajoutées à la main par les salariés et que les listings correspondent à la réalité. Elle a précisé que les heures réellement prestées par les salariés n’étaient jamais inférieures aux heures figurant sur les plannings (à la question : « net manner geschafft wéi um Planning », elle a répondu « sie hun awer nie manner geschafft ». PERSONNE16.) a déclaré sous la foi du serment en première instance « Wat um Planning stung war de Minimum ».

Ces plannings de travail, affichés dans les restaurants SOCIETE3.) constituent dès lors une base d’appréciation valable. Il est à noter que l’enquêteur a tenu compte, dans l’analyse des plannings en question, des spécificités induites par les dérogations prévues dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie quant à la durée maximale de travail journalier/hebdomadaire en fonction du mois de l’année et du nombre de salariés occupés. Il a également tenu compte des déclarations des salariés plaignants.

Les heures reprises dans les plannings de travail ne constituent pas des heures supplémentaires que les salariés auraient prestées sans l’accord du prévenu, mais matérialisent les décisions du prévenu quant à la détermination et répartition des horaires du personnel employé.

12 Les coupures de service incriminées procèdent d’horaires de travail déterminés à l’avance par le prévenu et ne résultent pas de situations ponctuelles lors desquelles les salariés auraient été autorisés en dernière minute à quitter leur lieu de travail en raison d’une visite médicale ou faute de travail suffisant.

Le moyen consistant à dire que les dépassements d’heures de travail allégués sont fantaisistes pour la simple raison qu’ils excèdent les heures d’ouverture des restaurants SOCIETE3.) n’est pas pertinent étant donné qu’il résulte des déclarations de PERSONNE3.) et de PERSONNE16.) que les salariés avaient d’autres tâches à effectuer en dehors de ces créneaux horaires.

PERSONNE3.) a remis aux enquêteurs 45 feuilles de plannings couvrant la période du 22 octobre 2012 au 16 juin 2013, saisies suivant procès-verbal de police n° 164/2013 du 20 juin 2013 figurant dans le rapport coté B18A. Elle a établi un listing des heures de travail qu’elle a prestées sur base du planning saisi.

Ce listing a été exploité par l’enquêteur.

Sur base de ces éléments, l’infraction à la réglementation sur la durée maximale du travail hebdomadaire (article L.211-12 du Code du travail) est établie pour les périodes incriminées à l’égard de PERSONNE3.).

- PERSONNE16.), convoquée au bureau de police pour le 3 décembre 2012, a soumis à l’enquêteur des photos des plannings de travail récapitulant les heures de travail prestées par tout le personnel des établissements SOCIETE3.) à ADRESSE8.) et ADRESSE6.) pour la période du 27 août 2012 au 2 décembre 2012 et qui étaient affichés dans le restaurant, y compris les heures qu’elle avait prestées. Elle a remis ces photos à l’enquêteur, contrairement à la consigne reçue par téléphone le 30 novembre 2012 de la part du prévenu, qui se trouvait en congé, de ne pas remettre à l’enquêteur lesdits plans de service.

Sur base du planning en question, saisi suivant procès-verbal de police n°334 du 3 décembre 2012 et exploité par l’enquêteur (cote B06), les infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier/hebdomadaire, sur les coupures de service et sur les périodes de repos, telles que reprochées au prévenu à l’égard de PERSONNE16.), sont établies.

- Il ressort de plusieurs procès-verbaux de police que PERSONNE15.) s’est présentée le 9 décembre 2012 au bureau de police et qu’elle a remis à l’enquêteur le planning de travail dont elle était en possession et qui reprenait les heures prestées par le personnel des restaurants SOCIETE3.) du 20 février 2012 au 7 octobre 2012. Ce planning a été saisi suivant procès-verbal de saisie n° 347 du 9 décembre 2012.

Sur base de ce planning, l’enquêteur a établi le relevé des heures prestées par PERSONNE7.) et en a déduit les dépassements de durée de travail journalier/hebdomadaire, les coupures de service et périodes de repos qui n’ont pas été respectées. Il a déclaré sous la foi du serment que PERSONNE7.) a relaté avoir travaillé pendant 20 jours de 9 à 22 heures sans interruption.

13Sur base du planning remis par PERSONNE15.), analysé par l’enquêteur, les infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier en relation avec PERSONNE15.) sont établies.

Les plannings de travail saisis par les enquêteurs ont permis d’établir les infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier/hebdomadaire, sur les coupures de service et sur les périodes de repos en relation avec PERSONNE17.) et PERSONNE18.). Il en est encore de même en ce qui concerne les infractions à la réglementation sur les coupures de service en relation avec PERSONNE20.) et PERSONNE12.).

En ce qui concerne les infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail hebdomadaire en relation avec PERSONNE19.) (article L.211-12 du Code du travail), elles sont établies sur base du planning de travail analysé par les enquêteurs et de l’audition policière de PERSONNE19.), consignée dans le procès-verbal de police n°7/2015 du 9 janvier 2015 (cote B30).

Les infractions à la réglementation sur les coupures de service en relation avec PERSONNE21.) et PERSONNE8.) sont établies sur base des déclarations de ces derniers sur leurs horaires de travail, déclarations consignées aux rapports cotés B17 et B13.

En ce qui concerne PERSONNE4.), ce dernier a déclaré lors de son audition policière consignée au procès-verbal de police n°309/2012 (rapport B03) qu’il travaillait à l’SOCIETE1.) de 8.30 heures à 22-22.30 heures. Pendant la semaine, il bénéficiait d’une pause de deux heures, contrairement au week-end où il travaillait en continu, sauf une interruption de 15 à 30 minutes pour manger. Il a tenu un agenda des heures de travail qu’il a prestées jusqu’au 29 juillet 2012 et il a confirmé sous la foi du serment que cet agenda correspondait à la vérité. Cet agenda a servi de base d’analyse à l’enquêteur.

Les infractions à la réglementation sur la durée maximale du travail journalier/hebdomadaire (article L.212-2 du Code du travail) sont dès lors établies à l’égard de PERSONNE4.).

En résumé, le jugement est à confirmer en ce qu’il a retenu le prévenu dans les liens des infractions libellées. Les modifications des libellés des infractions, opérées par le tribunal en page 61 du jugement, sont également à confirmer.

- examen médical à l’embauche (point D.2.4) Il est reproché au prévenu d’avoir contrevenu à l’article L.326-1 du Code du travail par le fait d'avoir occupé les salariées PERSONNE16.) et PERSONNE3.) sans les soumettre à l'examen médical prescrit dans les deux mois de leur embauche (points D.2.4.1 et D.2.4.3) et d’avoir occupé pour un poste à risques le salarié PERSONNE17.) sans le soumettre à un examen médical avant son embauche (point D.2.4.2).

Ainsi que cela a été développé ci-dessus, le chef d’entreprise est tenu de veiller personnellement à l’application des dispositions légales en ce qui concerne le 14fonctionnement de son entreprise. Il est notamment tenu de veiller au respect des prescriptions légales existant en matière de sécurité et de santé au travail.

Le prévenu reste en défaut de rapporter la preuve de l’existence d’une véritable délégation de pouvoirs au bénéfice de ses managers/assistant managers. Il ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité au motif qu’il ne s’est pas personnellement occupé des examens médicaux à l’embauche des salariés.

PERSONNE3.) a confirmé lors de son audition par la police consignée dans le rapport coté B18A qu’elle a été embauchée le 1er octobre 2012. A la date de son audition le 20 juin 2013, elle n’avait toujours pas été soumise à un examen médical d’embauche.

Il découle du contrat de travail annexé au procès-verbal de police coté B06 que PERSONNE16.) a été embauchée à partir du 27 août 2012 par la société SOCIETE2.). PERSONNE16.) a confirmé à la police (page 6 du procès-verbal n°333/2012 du 3 décembre 2012 cote B06) qu’elle n’a pas été examinée par un médecin du travail après son embauche.

Le prévenu a, partant, enfreint pour ces deux salariées l’article L. 326-1 alinéa 2 du Code du travail qui prescrit pour tout salarié ne travaillant pas la nuit et n’occupant pas un poste à risques un tel examen dans les deux mois de l’embauche du salarié. Le jugement est à confirmer sur ce point.

Quant à PERSONNE17.), celui-ci a été engagé en qualité de cuisinier suivant contrat prenant effet le 1er avril 2012. Il a été licencié le 30 mai 2012.

Par adoption de ses motifs, le jugement est à confirmer en ce qu’il a retenu que le poste de cuisinier n’est pas à qualifier de poste à risques nécessitant un examen médical avant l’embauche du salarié.

Au vu de la durée de la relation de travail limitée à deux mois, le prévenu n’a pas enfreint l’article L.326-1 du Code du travail. C’est à bon droit que le tribunal n’a pas retenu ce fait à sa charge.

- infractions à l'article L. 222-10 du Code du travail par le fait d'avoir versé des salaires inférieurs au salaire social minimum (point D.2.5) Sont incriminés plus précisément : le versement à PERSONNE4.) d’une rétribution insuffisante au titre du travail presté en octobre 2012 et au titre d’heures supplémentaires, l’omission de paiement de 134,50 heures prestées par l’étudiant PERSONNE10.), l’omission de paiement à PERSONNE7.) du salaire du mois d’août 2012 et de 150 heures supplémentaires, l’omission de paiement de 20 heures prestées par l’étudiante PERSONNE12.), l’omission de paiement de 13,5 heures prestées par l’étudiante PERSONNE14.), l’omission de paiement de 28 heures prestées par l’étudiant PERSONNE2.), l’omission de payer à PERSONNE3.) 319,5 heures supplémentaires prestées, l’omission de paiement de 154 (84,5 + 24 + 42 + 3,5) heures prestées par l’étudiant PERSONNE24.), l’omission de paiement à PERSONNE22.) de 60,25 heures prestées, l’omission de paiement de 63 heures prestées par l’étudiant PERSONNE23.), l’omission de 15paiement de 108 heures prestées par PERSONNE24.) et l’omission de paiement du montant de 4.846,18 heures prestées par PERSONNE19.).

Le tribunal a correctement résumé les dispositions de l’article L.222-10 du Code du travail.

Eu égard aux contestations du prévenu, force est de constater que cette disposition incrimine la perception par le salarié d’un salaire inférieur à un taux légalement fixé. Elle ne vise pas l’inexécution par l’employeur de son obligation contractuelle de s’acquitter du salaire convenu ou de certains salaires ou heures supplémentaires, que cette inexécution repose sur une cause de justification (comme par exemple l’existence de contestations quant à la réalité des heures prestées) ou non, question qui relève de la compétence des juridictions du travail.

En l’occurrence, il n’est pas établi que le prévenu ait payé des salaires inférieurs aux taux de salaire minima prévus par la loi.

C’est dès lors à bon droit que le prévenu a été acquitté de ces infractions. Le jugement est à confirmer sur ce point.

- l’absence de tenue d’un registre des prolongations de la durée du travail (point D.2.6) Il est reproché au prévenu d’avoir violé l'article L.211-29 du Code du travail par l'absence de tenue d'un registre des prolongations de la durée normale de travail, des heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que des rétributions payées de l’un ou l’autre de ces chefs pour les salariés/étudiants PERSONNE16.), PERSONNE7.), PERSONNE11.), PERSONNE12.), PERSONNE14.), PERSONNE15.), PERSONNE20.), PERSONNE8.), PERSONNE17.), PERSONNE18.) et PERSONNE2.).

Les deux sociétés SOCIETE1.) et SOCIETE2.) sont concernées.

Contrairement aux affirmations du prévenu, l'obligation pour l'employeur de tenir un registre des prolongations de la durée du travail existait avant la loi du 14 mars 2017, donc plus précisément au moment de la période infractionnelle (9 janvier 2012 au 30 novembre 2012). En effet, d’après la version de l’article L.211-

29 du Code du travail en vigueur au moment des faits, « L’employeur est tenu d’inscrire sur un registre spécial ou sur un fichier toutes les prolongations de la durée normale du travail, les heures prestées les dimanches, les jours fériés légaux ou la nuit ainsi que les rétributions payées de l’un ou de l’autre de ces chefs. Ce registre ou fichier est à présenter à toute demande de la part des agents de l’Inspection du travail et des mines.» Le fait qu’un planning de travail ait été affiché dans la cuisine du restaurant SOCIETE3.) et que les salariés pouvaient y inscrire leurs heures supplémentaires n’équivaut pas à la tenue d’un registre ou autre document qui centralise les heures supplémentaires que l’employeur est obligé d’y répertorier.

16Il ne découle pas des éléments du dossier que pour la société SOCIETE1.) ou la société SOCIETE2.), le prévenu ait satisfait aux prescriptions de l’article L.211-

29 du Code du travail.

De ce fait et par adoption des motifs du jugement, c’est à bon droit que le tribunal a retenu le prévenu dans les liens des infractions libellées. » En se déterminant par la motivation ci-avant reproduite, les magistrats d’appel ont examiné les éléments constitutifs des infractions en relation avec le Code du travail tout en tenant compte des explications et contestations du prévenu, étant précisé qu’ils n’ont pas l’obligation de prendre position et de répondre à tous les arguments et affirmations en détail.

Cela d’autant plus lorsque, tel qu’indiqué ci-avant, l’actuel demandeur en cassation n’a tiré aucune conséquence en droit par rapport à son argument tiré de la non-intervention de l’ITM.

Dans le mesure où les infractions en matière de droit du travail telles que réglées par le Code du travail n’exigent effectivement pas l’intervention de l’ITM à quelque titre que ce soit afin que les infractions respectives puissent être constituées, les juges du fond, par la motivation employée, ont implicitement dit que la seule affirmation en relation avec l’ITM est sans pertinence et qu'elle ne mérite pas de réponse.

Le moyen est dès lors à rejeter.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est également tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, de l’article 6 CEDH et des articles 195 et 211 du CPP.

Le moyen est libellé comme suit :

L’obligation de motivation imposée par l’article 195 et 211 du Code de procédure pénale impose non seulement aux juridictions de motiver toute décision, mais également de répondre, ne serait-ce que sommairement, aux moyens invoqués par les parties au procès.

La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme retient que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme contient également l’obligation pour les juridictions, de répondre aux moyens soumis par les parties au procès.

Un simple silence gardé par une juridiction face à un moyens soumis ne saurait en aucun être interprété comme un refus implicite, et doc comme une réponse suffisante à un moyen soumis.

L’obligation de motivation, et a fortiori de réponse tout court, est une garantie essentielle imposée aux juridictions.

Cette nécessité s’est tout naturellement imposée, car il est difficile dans le cas contraire de parler d’un procès équitable.

La Cour européenne, à travers de nombreuses décisions, a clairement indiqué que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions. (CEDH, 19 avr. 1994, Van de Hurk c/ 17Pays-Bas, Série A n°288 §61, Justices 1996 p. 235 obs. J.-F. FLAUSS ; 27 sept. 2001, Hirvisaari c/ Finlande, n° 49684/99, non publié, Europe 2022 Com. N°73 obs. V.

LECHEVALLIER. ; L. BORE, La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme, JCP 2002-l-104, p. 121 s. Cf. aussi CEDH, 28 avr. 2005, Albina c/ Roumanie, n°57808/00, §36.) La Cour a en grande partie copié collé la motivation des premiers juges sans réserver de réponse aux arguments de la défense exposés et réitérés dans la note de plaidoirie écrite – versée et communiquée à l’audience du 9 mars 2022 (dans le dossier) – point B pages 4 à 7 – fausses preuves détaillées avec précision – non autrement considérées par la Cour. » Quels arguments de la défense ? Le demandeur en cassation omettant de dire aux termes de son moyen quelle partie de l’arrêt attaqué est critiquée, voire à quels arguments les magistrats d’appel auraient omis de répondre, et ne versant pas non plus à titre de pièce la note de plaidoirie à laquelle il réfère dans son moyen, tant Votre Cour, que la soussignée sont dans l’impossibilité de comprendre le sens et la portée du moyen, d’examiner le vice de motivation allégué, voire d’y prendre position autrement.

Le moyen sous examen pêchant par son caractère lacunaire, il ne répond aucunement aux exigences de précision requises par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, en vertu duquel chaque moyen ou chaque branche de moyen doit non seulement préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué et la partie critiquée de la décision, mais encore ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Sous cet aspect, le moyen est irrecevable et n’appelle pas d’autres examens.

Conclusion :

Le pourvoi est irrecevable quant au volet civil.

Il est recevable quant au volet pénal, mais à rejeter pour le surplus.

Pour le Procureur Général d’Etat 1er avocat général Monique SCHMITZ 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47/23
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-05-04;47.23 ?

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