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30/03/2023 | LUXEMBOURG | N°38/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 30 mars 2023, 38/23


N° 38 / 2023 du 30.03.2023 Numéro CAS-2022-00082 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour de cassation, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à l

a Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1. PERSONNE2.), demeurant à L-...

N° 38 / 2023 du 30.03.2023 Numéro CAS-2022-00082 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour de cassation, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1. PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2. PERSONNE3.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeurs en cassation, comparant par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicilie est élu.

Vu le jugement attaqué, numéro 2021TALCH03/00102, rendu le 15 juin 2021 sous le numéro TAL-2021-00913 du rôle par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 1er août 2022 par PERSONNE1.) à PERSONNE2.) et à PERSONNE3.), déposé le 2 août 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 7 septembre 2022 par PERSONNE2.) et PERSONNE3.) à PERSONNE1.), déposé le 15 septembre 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général MAGISTRAT6.).

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le juge de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, avait débouté le demandeur en cassation de la demande en restitution de la garantie locative. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe général de droit prohibant les engagements perpétuels En ce que le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a décidé que, même après avoir résilié unilatéralement le contrat de bail, un colocataire solidaire et indivisible reste redevable aux bailleurs de toute obligation issue du contrat de bail jusqu’à la résiliation par toutes les parties du contrat de bail, Alors qu’il existe un principe général de droit qui prohibe les engagements perpétuels, Que l’on est en présence d’un tel engagement perpétuel lorsque les parties à un contrat passé sans limitation de durée n’ont pas la possibilité de s’en retirer sans l’accord de l’autre, Qu’en France, l’article 8-1 VI de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs dispose que , Que la loi luxembourgeoise est lacunaire sur ce point, Qu’en tout état de cause, en l’absence d’une durée prévue légalement, l’engagement du locataire qui a valablement résilié le bail ne saurait perdurer au-

delà du terme prévu par le contrat afin de respecter le principe général de droit qui interdit les engagements perpétuels, En l’espèce, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, en décidant que , et que , a violé le principe général de droit visé au moyen. ».

Réponse de la Cour Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt, en ce que les juges d’appel n’ont pas admis que le demandeur en cassation était perpétuellement tenu aux obligations du contrat de bail, mais ont retenu que son courrier de résiliation adressé aux bailleurs devait rester sans effet.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’obligation de non-contradiction des juges En ce que le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a, d’une part, retenu que le contrat de bail conclu entre parties avait été résilié par le locataire et mis à charge de ce dernier une obligation de restitution du bien loué tout en retenant, d’autre part, que le contrat de bail litigieux était toujours en vigueur et en cours d’exécution, Alors que les juges des tribunaux ont l’obligation de motiver leurs jugements sans se contredire dans la rédaction de leurs motifs, Que selon la jurisprudence constante de Votre Cour, les motifs qui se contredisent équivalent à une absence de motif (Cass ; 1er mars 2012, décision 7/12, fiche JUDOC : 100000705), Que selon la jurisprudence française à un défaut de motifs » (Civ, 7 janv. 1891, DP 1891.151 – Cass., ch. Mixte, 21 juin 1974. Civ.N°2.-Civ 2e, 25 oct. 1995, n°93.14.077 et n°93-14.079, Bull.civ.II, n°252), En l’espèce, en retenant, d’une part, que juillet 2017, PERSONNE1.) a, à travers son mandataire, déclaré aux bailleurs qu’il résilie le contrat de bail du 23 novembre 2015 avec effet au 30 novembre 2017 » et en mettant par conséquent une obligation de restitution à charge du locataire découlant de cette résiliation, obligation de restitution dont le demandeur en cassation n’était toujours pas déchargé selon le jugement attaqué qui le constate en ces termes , tout en retenant, d’autre part, qu’ , les juges d’appel se sont déterminés par des motifs contradictoires. ».

Réponse de la Cour Par les motifs reproduits au moyen, dont il résulte que les juges d’appel ont constaté que l’intention exprimée par le seul demandeur en cassation de résilier à la prochaine échéance le contrat de bail, auquel il était tenu solidairement avec son épouse, n’avait pas eu pour effet d’emporter résiliation dudit contrat et qu’il n’était partant pas délié de ses obligations contractuelles, les juges d’appel ne se sont pas contredits.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 1165 du Code Civil En ce que le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a retenu qu’un contrat de bail peut avoir des effets à l’égard d’une personne tierce au contrat.

Alors que l’article 1165 du Code Civil dispose que d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus par l'article 1121. », Que le contrat de bail ne rentre pas dans les exceptions prévues par le Code Civil, Que le contrat de bail n’a dès lors aucun effet obligatoire à l’égard du tiers et qu’il ne peut ainsi nuire à ce dernier à aucun titre que ce soit, En l’espèce, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, en décidant que et que des locataires est tenu de provoquer le départ du ou des autres colocataires, l’obligation de restitution s’appliquant à chaque colocataire individuellement et indépendamment des liens familiaux ou autres existant entre les colocataires, ces liens étant en effet, du point de vue de l’obligation de restitution, inopposables au bailleurs. », sans avoir préalablement constaté que la colocataire qui est restée dans les lieux y serait restée sans le consentement du bailleur, c’est-à-dire comme occupante sans droit ni titre dont la propre obligation de restitution devait être exécutée et n’aurait pas été exécutée, a violé l’article 1165 du Code Civil. ».

Réponse de la Cour En retenant « Ainsi, comme l’a retenu à juste titre le premier juge, la circonstance que PERSONNE4.) se soit maintenue seule dans les lieux après que PERSONNE1.) a informé les bailleurs de son intention de résilier le contrat de bail pour la prochaine échéance, n’a pas pour effet de décharger ce dernier de sa propre obligation de restitution à l’égard du bailleur.

(…) PERSONNE1.) en sa qualité de colocataire solidaire et indivisible reste donc, au même titre que PERSONNE4.), redevable aux bailleurs de toute obligation issue du contrat de bail et donc également de la garantie bancaire à première demande. », pour constater l’absence d’effet de la résiliation du contrat de bail opérée par le colocataire solidaire et « (…) le jugement entrepris n’a pas déclaré résilié le contrat de bail mais a simplement constaté dans sa motivation que PERSONNE1.) a par courrier recommandé du 31 juillet 2017 résilié le contrat de bail.

Telle constatation n’équivaut pas à une résiliation judiciaire du contrat de bail litigieux en ce que le premier juge ne retient ni le caractère justifié de cette résiliation ni aucune autre conséquence en droit. », pour constater l’absence de résiliation judiciaire du contrat de bail, les juges d’appel ont retenu que le demandeur en cassation restait tenu par le contrat de bail, partant ont nécessairement exclu la qualité de tiers au contrat de bail dans son chef.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 1134 du Code Civil En ce que le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a retenu qu’après qu’un contrat de bail ait été régulièrement et valablement résilié par la partie sortante, celui-ci est resté en vigueur.

Alors que selon l’article 1134 du Code Civil formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

Que les parties à un convention sont libres de conclure et de s’engager dans une relation contractuelle dans les termes convenus entre eux, mais aussi à l’inverse libres de terminer cette relation dans les conditions déterminées par les parties au contrat, Que cette disposition s’applique également au contrat de bail à usage d’habitation, Que le juge qui retient qu’une partie a résilié le contrat de bail selon la loi des parties, seule applicable à cette résiliation, ne peut pas considérer parallèlement que ledit contrat de bail est toujours en vigueur sans violer l’article 1134 du Code civil et priver la partie sortante d’exercer valablement son droit de résilier le contrat afin d’en sortir et de se libérer de ses engagements, Que la validité et l’effectivité d’une résiliation ne peuvent, en fait et en droit, être subordonnées à l’exécution des obligations qui découlent de cette résiliation telle que l’obligation de restitution qui, si elle n’est pas exécutée, n’est pas de nature à maintenir le contrat en vigueur contrairement à ce que les juges d’appel ont retenu en confirmant à tort le premier juge sur ce point, En l’espèce, en retenant que le contrat de bail est resté en vigueur après la résiliation dudit contrat par Monsieur PERSONNE1.), les juges ont violé l’article 1134 du Code Civil. ».

Réponse de la Cour Il résulte de la réponse donnée au troisième moyen que les juges d’appel ont constaté que le contrat de bail n’avait pas été résilié.

Le moyen, en ce qu’il procède d’une lecture erronée du jugement attaqué, manque en fait.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer aux défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître AVOCAT2.), sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président MAGISTRAT1.) en présence de l’avocat général MAGISTRAT7.) et du greffier GREFFIER1.).

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre 1.PERSONNE2.), épouse PERSONNE3.) 2. PERSONNE3.) N°CAS-2022-00082 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de PERSONNE1.), par un mémoire en cassation signifié en date du 1er août 2022 aux époux PERSONNE2.) et PERSONNE3.), et déposé le 2 août 2022 au greffe de la Cour, est dirigé contre un jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel, sous le numéro TAL-2021-00913 du rôle.

Il ne se dégage pas du dossier soumis à Votre Cour que cet arrêt a été signifié.

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, telle que modifiée, est recevable.

Le mémoire en réponse des époux GROUPE1.), signifié le 7 septembre 2022 à PERSONNE1.) en son domicile élu et déposé au greffe de la Cour le 15 septembre 2022, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes :

Saisi d’une requête introduite par PERSONNE1.), dirigée à l’encontre des époux GROUPE1.) et tendant au paiement de la somme de 6.300.- Euros à titre de garantie locative non remboursée, le tribunal de paix de Luxembourg, statuant en matière de bail à loyer, a débouté le requérant de sa demande par jugement du 4 décembre 2020.

Sur appel interjeté par PERSONNE1.), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par jugement du 15 juin 2021, a confirmé la décision entreprise, sauf en ce qui concerne le volet de l’indemnité de procédure accordée en première instance aux défendeurs.

Le pourvoi est dirigé contre ce jugement.

Sur les moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation tiré de la violation du principe général de droit prohibant les engagements perpétuels en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a décidé que, même après avoir résilié unilatéralement le contrat de bail, un colocataire solidaire et indivisible reste redevable aux bailleurs de toute obligation issue du contrat de bail jusqu’à la résiliation par toutes les parties du contrat de bail, alors qu’il existe un principe général de droit qui prohibe les engagements perpétuels.

Selon une jurisprudence traditionnelle et constante de Votre Cour, « la violation d’un principe général ne peut donner ouverture à cassation que s’il a reçu une consécration légale dans une disposition du droit positif ou a été reconnu comme tel par une juridiction supranationale »1. Si le principe général se trouve consacré dans une disposition écrite, qu’elle soit de droit interne ou de droit international, la référence à cette disposition absorbe en quelque sorte le principe général ou rend son invocation superflue. Si, par contre, le principe n’est pas expressément consacré par une disposition écrite, Votre Cour a généralement refusé de le considérer.

1 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation n°33/03 du 22 mai 2003 ; Cour de cassation, 5 février 2022, n° 14/2022, numéro CAS-2021-00008 du rôle (réponse au premier moyen) ; idem, 19 décembre 2019, n° 175/2019, numéro CAS-2018-00124 du rôle (réponse au troisième et quatrième moyens réunis) En l’espèce, le moyen ne rattache le principe invoqué à aucune disposition légale précise et ne fait pas non plus état de sa reconnaissance par une juridiction supranationale.

En droit positif interne, on retrouve ce principe à l’article 1780 du Code civil, selon lequel on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée.

Cette disposition légale ne concerne toutefois que le louage d’ouvrage et d’industrie. Aucune règle similaire ne se retrouve en matière de bail à loyer et elle n’a pas non plus été consacrée de manière générale quant à la durée des contrats, comme par exemple en droit français2.

Le principe de la prohibition des engagements perpétuels ne fait pas non plus l’objet d’une consécration formelle de la part d’une juridiction supranationale.

Il en suit qu’à titre principal, le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, le moyen manque en fait en ce qu’il procède d’une lecture erronée du jugement attaqué.

La critique qu’il formule consiste à reprocher aux juges d’appel d’avoir décidé que « même après avoir résilié unilatéralement le contrat de bail, un colocataire solidaire et indivisible reste redevable aux bailleurs de toute obligation issue du contrat de bail jusqu’à la résiliation par toutes les parties du contrat de bail »3.

Or, le tribunal n’a pas décidé que le bail avait été résilié par l’actuel demandeur en cassation et que malgré cette résiliation unilatérale, il serait resté redevable de toutes les obligations découlant du contrat.

Il se dégage de la lecture du jugement attaqué que les magistrats d’appel ont seulement pris acte que ce dernier « a informé les bailleurs de son intention4 de résilier le contrat de bail pour la prochaine échéance »5, mais que cette circonstance était indifférente, de sorte que le bail continuait à exister6.

Contrairement aux termes du moyen, les juges du fond n’ont donc pas retenu que le contrat de bail avait été résilié par l’actuel demandeur en cassation.

A titre superfétatoire, on peut encore ajouter que loin de lier l’actuel demandeur en cassation par un engagement perpétuel, les juges d’appel, en constatant que le contrat de bail, contrat à durée indéterminée par reconduction 2 Article 1210 du Code civil français, introduit par une ordonnance du 10 février 2016 3 Mémoire en cassation, page 4, alinéa 3 4 Souligné par la soussignée 5 Jugement attaqué, page 6, alinéa 4 6 Jugement attaqué, page 6, alinéa 6, dernier tiret : « Aucun nouveau contrat de bail n’a pu se former entre PERSONNE4.) et les bailleurs, le contrat de bail du 23 novembre 2015 étant toujours en cours d’exécution. » tacite, continuait à s’exécuter, ont bien reconnu que ce contrat pouvait être résilié et donc trouver sa fin, mais sous condition du départ de tous les colocataires.

Etant donné que le contrat de bail n’avait pas été valablement résilié, c’est à bon droit et sans violer le principe de prohibition des engagements perpétuels, que le tribunal a pu décider que l’actuel demandeur en cassation, en tant que colocataire solidaire, restait tenu par les obligations en découlant.

Quant au deuxième moyen de cassation tiré de la violation de l’obligation de non-contradiction des juges en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a, d’une part, retenu que le contrat de bail conclu entre parties avait été résilié par le locataire et mis à charge de ce dernier une obligation de restitution du bien loué tout en retenant, d’autre part, que le contrat de bail litigieux était toujours en vigueur et en cours d’exécution, alors que les juges de tribunaux ont l’obligation de motiver leurs jugements sans se contredire dans la rédaction de leurs motifs.

A titre principal, le moyen est irrecevable pour manquer de précision.

En effet, aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture et doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d’ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Or, le moyen reste en défaut d’indiquer quel est le texte légal qui aurait été violé par le jugement attaqué. Ainsi, le cas d’ouverture mis en œuvre ne se trouve pas défini avec la précision requise par la loi.

A titre subsidiaire, le moyen manque en fait.

A l’instar du premier moyen, il se fonde sur le prétendu constat de la résiliation du contrat de bail par les juges d’appel.

Toutefois, tel que la soussignée l’a développé à propos du premier moyen de cassation, le tribunal n’a pas retenu que ledit contrat avait été résilié. La contradiction que le moyen fait valoir n’est donc pas établie.

A cela s’ajoute qu’il n’y a pas de contradiction entre la décision des magistrats d’appel selon laquelle le contrat de bail initial était toujours en cours d’exécution et celle de retenir l’obligation de restitution de l’immeuble loué, qui constitue la matérialisation concrète de la volonté de mettre un terme au contrat de bail, tel que l’avait indiqué correctement le premier juge7.

Pour les juges du fond, le fait que l’immeuble loué n’avait pas été restitué aux propriétaires démontrait que le bail n’avait pas été valablement résilié.

Le moyen doit donc être rejeté.

Quant au troisième moyen de cassation :

tiré de la violation de l’article 1165 du Code civil, en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a retenu qu’un contrat de bail peut avoir des effets à l’égard d’une personne tierce au contrat, alors que l’article 1165 du Code civil dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans les cas prévus à l’article 1121 ».

Le troisième moyen de cassation n’est que difficilement compréhensible En effet, il n’est pas clair qui serait à considérer comme tiers par rapport au contrat de bail litigieux, au vu de la norme visée : l’actuel demandeur en cassation, qui avait « à travers son mandataire, déclaré aux bailleurs qu’il résilie le contrat de bail »8 ou bien « la colocataire qui est restée dans les lieux (…) sans le consentement du bailleur, c’est-à-dire comme occupante sans droit ni titre dont la propre obligation de restitution devait être exécutée»9 ? Etant donné qu’il n’appartient pas à Votre Cour de spéculer quant au sens à accorder à un moyen en cassation, il y a lieu de déclarer le moyen irrecevable pour manquer de précision.

De plus, le demandeur en cassation ne tire aucune conséquence juridique de l’application du texte légal visé. Il omet ainsi d’indiquer en quoi la décision attaquée encourt le grief invoqué et le moyen est encore irrecevable de ce chef.

A titre subsidiaire, il est manifestement à rejeter.

Au vu du constat sus-mentionné des juges du fond que le contrat de bail conclu entre parties était toujours en cours d’exécution et que aussi bien l’actuel demandeur en cassation que son ex-épouse, co-signataire du contrat se maintenant dans les lieux loués, restaient solidairement tenus des obligations en découlant, ni l’un, ni l’autre ne saurait être considéré comme tiers par 7 Pièce n° 14 de la farde de Maître AVOCAT3.) : Jugement du tribunal de paix de Luxembourg, page 6, alinéa 2 8 Mémoire en cassation, page 5, dernier alinéa 9 Mémoire en cassation, page 6, alinéa premier rapport audit contrat.

Le texte visé par le moyen n’a donc aucune vocation à s’appliquer en l’espèce, de sorte que le moyen est inopérant.

Quant au quatrième moyen de cassation :

tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, en ce que le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a retenu qu’après qu’un contrat de bail ait été régulièrement et valablement résilié par la partie sortante, celui-ci est resté en vigueur, alors que selon l’article 1134 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Le quatrième et dernier moyen de cassation manque en fait, dès lors qu’à l’instar des premier et deuxième moyens, il procède d’une lecture erronée du jugement attaqué.

Tel que déjà indiqué ci-dessus, les juges d’appel, contrairement aux termes du moyen, n’ont pas retenu que le contrat de bail avait été régulièrement et valablement résilié par l’actuel demandeur en cassation. Au contraire, ils ont décidé que le contrat de bail initialement conclu était toujours en cours d’exécution et qu’en sa qualité de colocataire solidaire, celui-ci restait tenu des obligations en découlant, dont notamment celle de fournir une garantie bancaire à première demande pendant toute la durée du contrat.

Le quatrième moyen réitère le même reproche que le deuxième, cette fois-ci en tant que vice de fond. En réalité, en sus du constat qu’il manque en fait, il ne fait que remettre en cause, sous le couvert de la violation de la loi, la décision des magistrats d’appel selon laquelle le contrat de bail litigieux n’était pas résilié et qu’il continuait à s’exécuter, se fondant sur les éléments factuels et moyens de preuve leur soumis. Cette décision relève de leur appréciation souveraine et échappe au contrôle de Votre Cour.

Sous cet aspect, le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, MAGISTRAT6.) 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38/23
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-03-30;38.23 ?

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