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23/03/2023 | LUXEMBOURG | N°34/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 23 mars 2023, 34/23


N° 34 / 2023 du 23.03.2023 Numéro CAS-2022-00052 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-trois mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), conseiller à la Cour de cassation, président MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour d’appel, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à D-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître

AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1. l’établis...

N° 34 / 2023 du 23.03.2023 Numéro CAS-2022-00052 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-trois mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), conseiller à la Cour de cassation, président MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour d’appel, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à D-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1. l’établissement public CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, établi à L-1724 Luxembourg, 1a, boulevard Prince Henri, représenté par le président du conseil d’administration, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J35, défendeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2. l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, dont les bureaux sont établis à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine et pour autant que de besoin par le Ministre de la Sécurité Sociale, dont les bureaux sont établis à L-2763 Luxembourg, 26, rue Sainte Zithe, défendeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT3.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

_____________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 14/22 - IX - CIV, rendu le 2 février 2022 sous le numéro CAL-2020-00724 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 30 mai 2022 par PERSONNE1.) à l’établissement public CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (ci-après « la CNAP ») et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT »), déposé le 1er juin 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 juillet 2022 par la CNAP à PERSONNE1.) et à l’ETAT, déposé le 13 juillet 2022 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 25 juillet 2022 par l’ETAT à PERSONNE1.) et à la CNAP, déposé le 27 juillet 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général MAGISTRAT6.).

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement avait dit fondée, sur base de l’article 1, alinéa 1, de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, la demande de PERSONNE1.) dirigée contre la CNAP en réparation du préjudice moral subi suite au refus de lui accorder une pension d’invalidité. La Cour d’appel a réformé le jugement et déclaré la demande du demandeur en cassation non fondée.

2Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation de la loi par mauvaise application ou interprétation, en l’occurrence de l’article 1er, alinéa premier de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, en ce que la Cour d’appel, pour rejeter la demande en indemnisation de Monsieur PERSONNE1.), a réformé le jugement de première instance, qui s’était fondé sur l’identification des notions d’illégalité et de faute pour en déduire que la faute de la CNAP se trouvait automatiquement établie du fait que la décision de refus de la pension d’invalidité a été réformée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale ; que la Cour d’Appel a entendu cette vision du droit de la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques au motif que la théorie de l’unité des notions d’illégalité et de faute se justifierait parfaitement en cas d’annulation d’un acte par une juridiction administrative, le juge d’annulation exerçant un contrôle de la légalité et ne devant pas se livrer à des appréciations d'opportunité de l’action administrative, ni se substituer à l’administration en se prononçant sur des appréciations subjectives tout en se plaçant au moment où la décision a été prise pour en apprécier la légalité et en se basant sur le dossier administratif versé aux débats, lui permettant de vérifier les faits et d’exercer son contrôle de légalité et de régularité formelle de l’acte, sans tenir compte des éléments de fait postérieurs au moment où l’autorité statue, tandis que le juge de réformation statuerait à nouveau, en se substituant à l’administration par le réexamen de la décision entreprise sous tous ses aspects (les points de fait et de droit, la légalité de l’acte mais aussi son caractère approprié, voire son opportunité pouvant être remis en cause) en se plaçant au moment où il statue pour prendre en considération les évolutions factuelles et règlementaires survenues depuis l’adoption de l’acte, y compris les nouveaux moyens et pièces produites en cours d’instance.

Se poserait dès lors le problème de l’automatisme de la faute en cas de réformation d’un jugement en ce qu’une décision pourrait être réformée sur base de pièces nouvelles sans que la décision réformée n’ait été illégale au vu des pièces présentées à l’époque où la décision a été prise, voire sans qu’une erreur d’appréciation ne puisse être reprochée au juge (ou plutôt à la CNAP).

Dans le cadre de l’affaire opposant PERSONNE1.) à la CNAP, aucun moyen en annulation n’aurait été invoqué dans le cadre de l’exercice des voies de recours en réformation prévues devant les juridictions sociales et aucune illégalité n’aurait été constatée.

Il conviendrait donc de retenir que ce serait à tort que le tribunal se serait fondé sur l’idée d’identification de l'illégalité et de la faute pour juger que du seul fait qu’une décision aurait été réformée par la juridiction de recours, la faute de la CNAP se trouverait établie.

Il conviendrait au contraire, même par application de la jurisprudence à laquelle le tribunal s’est référé, de distinguer selon les motifs de la réformation :

illégalité de la décision du 20 novembre 2014 ou alors une simple différence 3d’appréciation quant à l’opportunité d’octroyer la pension d’invalidité litigieuse.

Ainsi, la solution qui conviendrait dans le cadre du système luxembourgeois basé sur le des services judiciaires et administratifs consisterait à le détacher du système de la responsabilité de l’administration pour actes administratifs illégaux et à rechercher si la décision incriminée serait le résultat, non pas d’une appréciation de l’opportunité ni même d’une interprétation du droit divergeant de celle adoptée par la juridiction de recours (ni l’une ni l’autre ne pourraient être réputées fautives en elles-mêmes), mais d’un comportement illégal ou négligent des services de la justice.

Sur base du constat fait par le tribunal qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité - outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014 - et compte tenu de la reconnaissance implicite par le tribunal que le CASS, pour prendre sa décision, aurait disposé d’un dossier plus étoffé que la CNAP au moment de sa décision de refus de la pension d’invalidité - la Cour d’Appel est arrivé à la conclusion qu’une appréciation différente faite par le CASS n’établirait pas pour autant un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision par le comité-directeur de la CNAP de nature à engager la responsabilité de la CNAP.

Contrairement aux juges de première instance, la Cour estime dès lors qu’une faute de la CNAP dans la prise de décision de refus du 20 novembre 2014 ne serait pas établie.

Première branche :

alors que cette demande était pourtant justifiée sur base du principe de l’unité de l’illégalité et de la faute consacrée par le texte visé au moyen et une jurisprudence constante en la matière sanctionnant le fonctionnement défectueux des services publics, que la responsabilité de la CNAP était engagée en vertu de la décision définitive du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017 ayant décidé que l’assuré PERSONNE1.), par suite des pathologies dont il est atteint, n’est plus en mesure d’assumer un travail professionnel et qu’il est à considérer comme atteint d’invalidité permanente depuis le 28 mars 2014, date de sa demande en obtention de la pension d’invalidité, et que la CNAP ne pouvait pas faire valoir une erreur invincible de nature à l’exonérer de sa responsabilité pour avoir illégalement privé l’actuel demandeur en cassation de son droit légitime à l’obtention d’une pension d’invalidité en raison de son état de santé l’empêchant d’exercer sa profession d’architecte indépendant ou une autre occupation correspondant à ses forces et aptitudes et dont la Cour d’Appel reconnaît qu’elle a été certifiée par au moins un certificat médical, à savoir celui du Docteur EXPERT1.), médecin spécialiste en neuro-psychiatrie, du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014.

Deuxième branche :

Alors qu’en matière de sécurité sociale, matière particulière située entre le 4droit administratif et le droit judiciaire avec un net penchant du côté de ce dernier, la distinction opérée par l’arrêt entrepris entre les pouvoirs respectifs du juge d’annulation et du juge de réformation ne présente aucun intérêt et tombe à faux dans un contentieux où - tout à l’opposé du contentieux administratif - les recours en réformation sont la règle et les recours en annulation l’exception ;

Que le refus de la CNAP d’accorder une pension d’invalidité à une personne y ayant droit en vertu de son état de santé obéré constitue une violation d’un droit garanti par le Code de la sécurité sociale et ne saurait être considéré comme une décision prise , laissée à la discrétion de l’organisme de sécurité sociale compétent, alors que ce refus constitue en dernière analyse une illégalité à l’égard de l’assuré social, ayant cotisé pendant toute sa vie professionnelle pour être couvert contre le risque d‘invalidité.

Troisième branche :

alors qu’en cas de doute quant au caractère définitif et irréversible de l’incapacité de travail de l’actuel demandeur en cassation, il aurait pour le moins appartenu à la CNAP de faire bénéficier celui-ci d’une invalidité temporaire ou provisoire en attendant une éventuelle amélioration de son état de santé ; ».

Réponse de la Cour Sur les deux premières branches du moyen réunies Il se déduit du principe de l’unité des notions d’illégalité de l’acte administratif et de la faute valant fonctionnement défectueux de la puissance publique au sens de l’article 1er, alinéa premier, de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, que le fonctionnement défectueux de l’administration découle du constat de l’illégalité de l’acte administratif par les juridictions de recours. Ce principe est également applicable au recours en réformation en matière de sécurité sociale.

En considérant que la décision de la CNAP de ne pas accorder de pension d’invalidité au demandeur en cassation n’avait pas été jugée illégale par le Conseil arbitral de la sécurité sociale et que le seul fait que cette décision ait été réformée n’établissait pas une faute dans le chef de la CNAP propre à engager sa responsabilité, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

Sur la troisième branche du moyen Le grief adressé à la CNAP, de ne pas avoir reconnu au demandeur en cassation une invalidité temporaire ou provisoire en attendant une éventuelle amélioration de son état de santé, est étranger à la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, est irrecevable.

5Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du défaut de base légale de l’arrêt au regard de l’article 1er, alinéa premier de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, en ce que la Cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le tribunal aurait dans un premier temps relevé qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité, outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014. Il aurait encore relevé que le CASS, quant à lui, aurait disposé nécessairement de pièces supplémentaires afin d’apprécier la situation de PERSONNE1.) à l’origine de ladite décision de refus qui l’auraient par ailleurs amené à ordonner des mesures d'instruction.

Le tribunal aurait néanmoins constaté dans un second temps que la CNAP aurait déjà en 2014 en possession de pièces qui auraient justifié la mise en invalidité de PERSONNE1.), ou du moins des investigations complémentaires sans pour autant préciser ces pièces.

En retenant cependant que la CNAP serait restée en défaut de rapporter la preuve que la décision du 20 novembre 2014 aurait été différente, si elle avait été en possession des pièces que PERSONNE1.) a versé ultérieurement en cours de la procédure devant le CASS, le tribunal reconnaît implicitement que le CASS avait en sa possession un dossier plus étoffé pour prendre sa décision.

PERSONNE1.) n’affirmerait d’ailleurs pas avoir déjà soumis lesdites pièces au comité-directeur de la CNAP. Il y aurait donc lieu d’admettre que ce serait seulement au moment de son recours devant le CASS qu’il aurait présenté ces pièces.

alors que d’une part, première branche, que la Cour d’appel est restée en défaut d’expliquer en quoi la production de pièces médicales aurait eu une incidence sur la solution du litige, étant donné que son état de santé a été examiné à deux reprises différentes par le médecin-conseil du Contrôle médical.

alors que d’autre part, deuxième branche, la Cour d’appel aurait dû demander à la CNAP sinon au Conseil arbitral de la sécurité sociale, de produire l’intégralité du dossier administratif contenant l’ensemble des certificats médicaux produits par Monsieur PERSONNE1.) tant au moment de sa demande en obtention de la pension d’invalidité en date du 28 mars 2014 qu’au moment de son opposition du 10 octobre 2014 tout comme pendant la procédure devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale au lieu de se baser sur de simples conjectures ; ».

6 Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En retenant qu’aucune illégalité n’avait été constatée par le Conseil arbitral des assurances sociales dans prise de décision de la CNAP, que celui-ci avait à sa disposition plus de pièces que la CNAP pour apprécier la situation d’invalidité du demandeur en cassation et qu’aucun comportement illégal ou négligent n’avait été établi dans le chef de cette dernière, propre à engager sa responsabilité au sens de la disposition visée au moyen, les juges d’appel ont motivé à suffisance leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir ordonné une mesure d’instruction.

Ce grief est étranger au cas d’ouverture tiré du défaut de base légale.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation de la loi par mauvaise application ou interprétation, en l’occurrence des articles 1350 et 1351 du Code civil relatif à l’autorité de chose jugée attachée au jugement définitif du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017 En ce que la Cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le tribunal aurait dans un premier temps relevé qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité, outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014. Il aurait encore relevé que le CASS, quant à lui, aurait disposé nécessairement de pièces supplémentaires afin d’apprécier la situation de PERSONNE1.) à l’origine de ladite décision de refus qui l’auraient par ailleurs amené à ordonner des mesures d'instruction.

Que le tribunal aurait néanmoins constaté dans un second temps que la CNAP aurait déjà en 2014 en possession de pièces qui auraient justifié la mise en invalidité de PERSONNE1.), ou du moins des investigations complémentaires sans 7pour autant préciser ces pièces.

Que sur base du constat fait par le tribunal qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité - outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014 - et compte tenu de la reconnaissance implicite par le tribunal que le CASS, pour prendre sa décision, aurait disposé d’un dossier plus étoffé que la CNAP au moment de sa décision de refus de la pension d’invalidité - la Cour d’Appel est arrivée à la conclusion qu’une appréciation différente faite par le CASS n’établirait pas pour autant un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision par le comité-directeur de la CNAP de nature à engager la responsabilité de la CNAP.

Contrairement aux juges de première instance, la Cour estime dès lors qu’une faute de la CNAP dans la prise de décision de refus du 20 novembre 2014 ne serait pas établie Alors que le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale a définitivement jugé que l’actuel demandeur en cassation était invalide dès sa demande en obtention d’une pension d’invalidité du 28 mars 2014 et que l’autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé ;

Qu’il en va plus particulièrement ainsi lorsque la Cour d’Appel cherche à semer le doute sur le début de l’invalidité en se posant des questions sur la date de production des certificats médicaux y relatifs par Monsieur PERSONNE1.), comme si ce dernier n’avait pas été examiné par le médecin-conseil du Contrôle médical et son dossier traité par la CNAP, qui - en cas de besoin - étaient habilités tous les deux à lui demander de plus amples certificats médicaux et renseignements ou à recourir à l’avis d’un médecin spécialiste en psychiatrie, étant donné que l’invalidité de M.

PERSONNE1.) relevait du domaine psychique ( et sévère dépression endogène) plutôt que physique. ».

Réponse de la Cour Tout jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, a, dès son prononcé, autorité de chose jugée. L’exercice d’une voie de recours en suspend la force exécutoire, mais non l’autorité de chose jugée y attachée qui demeure tant que le jugement n’est pas réformé. Elle fait obstacle à soulever dans le cadre d’une autre demande entre parties une prétention dont le fondement est inconciliable avec ce qui a été jugé.

En statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

8 Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du défaut de réponse à conclusions valant violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que la Cour d’appel s’est limitée à se référer aux conclusions du mandataire de Monsieur PERSONNE1.) du 10 avril 2021 dans les termes suivants :

sans autrement aborder la faute distincte reprochée à la CNAP ayant consisté à refuser de reconsidérer sa décision du 30 juin 2017 (ayant accordé la pension d’invalidité à partir du 1er janvier 2017 seulement nonobstant la survenance de l’élément nouveau que constituait la décision du CCSS du 25 septembre 2016 portant dispense des cotisations sociales pour les risques de maladie, pension et accident accordée à Monsieur PERSONNE1.) du 28 mars 2014 au 31 décembre 2015 étant donné que son revenu était inférieur à un tiers du salaire social minimum.

Alors que l’actuel demandeur en cassation avait reproché à la CNAP d’avoir, en faisant obstruction à sa demande, une fois de plus engagé sa responsabilité car il lui appartenait de limiter autant que faire se peut la perte de revenu de Monsieur PERSONNE1.) au lieu de s’acharner à méconnaître les nouvelles données d’accès à la pension par suite de la désaffiliation opérée par le CCSS et qu’en agissant ainsi et en refusant obstinément d’émettre une nouvelle décision qui soit conforme à la décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale en matière de désaffiliation (celle-

ci ayant fait courir la pension d’invalidité de Monsieur PERSONNE1.) à partir de sa désaffiliation), la CNAP a non seulement lésé, une fois de plus, les intérêts légitimes de son assuré, mais également privé celui-ci d’un accès à la justice pourtant garanti par l’article 6 alinéa 1er de la Conv.EDH contre une décision parfaitement illégale pour être contraire à l’autorité de chose jugée de la décision du Conseil arbitral.

Qu’il appartenait à la Cour d’Appel de prendre position quant à cette faute reprochée à la CNAP, alors que cette faute était distincte de celle consistant dans l’illégalité de la décision initiale de refus de la pension d’invalidité et qu’elle engageait pareillement la responsabilité de la CNAP pour avoir lésé Monsieur PERSONNE1.) d’une partie des arriérés de pension d’invalidité auxquels il aurait pu prétendre en faisant rétroagir sa désaffiliation au 28 mars 2014, quitte à en perdre le bénéfice pendant l’année 2016, pendant laquelle ses revenus avaient dépassé le tiers du salaire social minimum. ».

9Réponse de la Cour Il ne ressort ni de l’arrêt attaqué ni des conclusions d’appel et pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fondé son action en indemnisation sur une faute commise par la CNAP en rapport avec la décision du 30 juin 2017, intervenue postérieurement au jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017. Le grief est, dès lors, étranger à l’arrêt attaqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient d’allouer à chacun d’eux une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à chacun des défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître AVOCAT2.) et de Maître AVOCAT3.), sur leurs affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller MAGISTRAT1.) en présence du premier avocat général MAGISTRAT7.) et du greffier GREFFIER1.).

10 Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre 1. l’établissement public CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION 2. l’ETAT DU GRAND DUCHÉ DE LUXEMBOURG (n° CAS-2022-00052 du registre) Par mémoire signifié le 30 mai 2022 et déposé le 1er juin 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de PERSONNE1.), a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 2 février 2022 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2020-00724 du rôle.

Le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus dans la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Le pourvoi est partant recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié le 8 juillet 2022 au demandeur en cassation par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de l’établissement public Caisse nationale d’assurance pension (ci-après la « CNAP ») et a été déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 13 juillet 2022. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

1 Le demandeur en cassation résidant en Allemagne, le délai pour l’introduction du pourvoi est, en vertu de l’article 7, alinéas 1 et 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ensemble avec l’article 167, sous 1°, premier tiret du Nouveau code de procédure civile, fixé à deux mois et quinze jours. L’arrêt entrepris ayant été notifié au demandeur en cassation le 23 mars 2022 (pièce n° 27 de Maître AVOCAT1.)) et le pourvoi ayant été introduit le 1er juin 2022, ce-dernier est recevable quant aux délais.

11Un autre mémoire en réponse a été signifié le 25 juillet 2022 au demandeur en cassation par Maître AVOCAT3.), avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de l’ETAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG (ci-après l’ « ETAT ») et a été déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 27 juillet 2022. Ce mémoire peut pareillement être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les antécédents :

Selon l’arrêt attaqué, par un jugement du 21 avril 2017, Conseil arbitral de la sécurité sociale avait réformé une décision de la CNAP du 20 novembre 2014 qui, sur avis négatif du Contrôle médical de la sécurité sociale, avait refusé l’octroi à PERSONNE1.) d’une pension d’invalidité. Dans son jugement, non frappé de recours, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait considéré que PERSONNE1.) était atteint d’une invalidité permanente depuis l’introduction de sa demande le 28 mars 2014 et qu’il avait droit à une pension d’invalidité à partir de sa désaffiliation.

Par un jugement du 27 mai 2020, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré fondée, pour un montant fixé ex aequo et bono, la demande en indemnisation dirigée, sur base de l’article 1er, alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, par PERSONNE1.) contre la CNAP pour le préjudice qu’il avait subi du fait du fonctionnement défectueux des services de la CNAP dans la reconnaissance de son état d’invalidité. Par statuer ainsi, les juges du tribunal d’arrondissement de Luxembourg se sont fondés sur la thèse de l’unité des notions d’illégalité et de faute en retenant que la décision réformée de la CNAP du 20 novembre 2014 constituait une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par l’arrêt entrepris par le pourvoi, la Cour d’appel a réformé le jugement du 27 mai 2020 et a déclaré la demande en indemnisation de PERSONNE1.) non fondée. Les juges d’appel ont considéré qu’une appréciation différente faite par le Conseil arbitral de la sécurité sociale du bien-fondé de la demande de PERSONNE1.) n’établissait pas ipso facto une faute de la CNAP, que cette faute ne pouvait résulter que d’un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision et qu’en l’espèce, un tel comportement fautif n’était pas établi.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen se présent comme suit :

12 « PREMIER MOYEN Pris de la violation de la loi par mauvaise application ou interprétation, en l’occurrence de l’article 1er, alinéa premier de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, en ce que la Cour d’appel, pour rejeter la demande en indemnisation de Monsieur PERSONNE1.), a réformé le jugement de première instance, qui s’était fondé sur l’identification des notions d’illégalité et de faute pour en déduire que la faute de la CNAP se trouvait automatiquement établie du fait que la décision de refus de la pension d’invalidité a été réformée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale ; que la Cour d’Appel a entendu « nuancer » cette vision du droit de la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques au motif que la théorie de l’unité des notions d’illégalité et de faute se justifierait parfaitement en cas d’annulation d’un acte par une juridiction administrative, le juge d’annulation exerçant un contrôle de la légalité et ne devant pas se livrer à des appréciations d'opportunité de l’action administrative, ni se substituer à l’administration en se prononçant sur des appréciations subjectives tout en se plaçant au moment où la décision a été prise pour en apprécier la légalité et en se basant sur le dossier administratif versé aux débats, lui permettant de vérifier les faits et d’exercer son contrôle de légalité et de régularité formelle de l’acte, sans tenir compte des éléments de fait postérieurs au moment où l’autorité statue, tandis que le juge de réformation statuerait à nouveau, en se substituant à l’administration par le réexamen de la décision entreprise sous tous ses aspects (les points de fait et de droit, la légalité de l’acte mais aussi son caractère approprié, voire son opportunité pouvant être remis en cause) en se plaçant au moment où il statue pour prendre en considération les évolutions factuelles et règlementaires survenues depuis l’adoption de l’acte, y compris les nouveaux moyens et pièces produites en cours d’instance.

Se poserait dès lors le problème de l’automatisme de la faute en cas de réformation d’un jugement en ce qu’une décision pourrait être réformée sur base de pièces nouvelles sans que la décision réformée n’ait été illégale au vu des pièces présentées à l’époque où la décision a été prise, voire sans qu’une erreur d’appréciation ne puisse être reprochée au juge (ou plutôt à la CNAP).

Dans le cadre de l’affaire opposant PERSONNE1.) à la CNAP, aucun moyen en annulation n’aurait été invoqué dans le cadre de l’exercice des voies de recours en réformation prévues devant les juridictions sociales et aucune illégalité n’aurait été constatée.

13 Il conviendrait donc de retenir que ce serait à tort que le tribunal se serait fondé sur l’idée d’identification de l'illégalité et de la faute pour juger que du seul fait qu’une décision aurait été réformée par la juridiction de recours, la faute de la CNAP se trouverait établie.

Il conviendrait au contraire, même par application de la jurisprudence à laquelle le tribunal s’est référé, de distinguer selon les motifs de la réformation : illégalité de la décision du 20 novembre 2014 ou alors une simple différence d’appréciation quant à l’opportunité d’octroyer la pension d’invalidité litigieuse.

Ainsi, la solution qui conviendrait dans le cadre du système luxembourgeois basé sur le « fonctionnement défectueux » des services judiciaires et administratifs consisterait à le détacher du système de la responsabilité de l’administration pour actes administratifs illégaux et à rechercher si la décision incriminée serait le résultat, non pas d’une appréciation de l’opportunité ni même d’une interprétation du droit divergeant de celle adoptée par la juridiction de recours (ni l’une ni l’autre ne pourraient être réputées fautives en elles-mêmes), mais d’un comportement illégal ou négligent des services de la justice.

Sur base du constat fait par le tribunal qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité - outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014 - et compte tenu de la reconnaissance implicite par le tribunal que le CASS, pour prendre sa décision, aurait disposé d’un dossier plus étoffé que la CNAP au moment de sa décision de refus de la pension d’invalidité - la Cour d’Appel est arrivé à la conclusion qu’une appréciation différente faite par le CASS n’établirait pas pour autant un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision par le comité-directeur de la CNAP de nature à engager la responsabilité de la CNAP.

Contrairement aux juges de première instance, la Cour estime dès lors qu’une faute de la CNAP dans la prise de décision de refus du 20 novembre 2014 ne serait pas établie.

Première branche :

alors que cette demande était pourtant justifiée sur base du principe de l’unité de l’illégalité et de la faute consacrée par le texte visé au moyen et une jurisprudence 14constante en la matière sanctionnant le fonctionnement défectueux des services publics, que la responsabilité de la CNAP était engagée en vertu de la décision définitive du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017 ayant décidé que l’assuré PERSONNE1.), par suite des pathologies dont il est atteint, n’est plus en mesure d’assumer un travail professionnel et qu’il est à considérer comme atteint d’invalidité permanente depuis le 28 mars 2014, date de sa demande en obtention de la pension d’invalidité, et que la CNAP ne pouvait pas faire valoir une erreur invincible de nature à l’exonérer de sa responsabilité pour avoir illégalement privé l’actuel demandeur en cassation de son droit légitime à l’obtention d’une pension d’invalidité en raison de son état de santé l’empêchant d’exercer sa profession d’architecte indépendant ou une autre occupation correspondant à ses forces et aptitudes et dont la Cour d’Appel reconnaît qu’elle a été certifiée par au moins un certificat médical, à savoir celui du Docteur EXPERT1.), médecin spécialiste en neuro-psychiatrie, du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014.

Deuxième branche :

Alors qu’en matière de sécurité sociale, matière particulière située entre le droit administratif et le droit judiciaire avec un net penchant du côté de ce dernier, la distinction opérée par l’arrêt entrepris entre les pouvoirs respectifs du juge d’annulation et du juge de réformation ne présente aucun intérêt et tombe à faux dans un contentieux où - tout à l’opposé du contentieux administratif - les recours en réformation sont la règle et les recours en annulation l’exception ;

Que le refus de la CNAP d’accorder une pension d’invalidité à une personne y ayant droit en vertu de son état de santé obéré constitue une violation d’un droit garanti par le Code de la sécurité sociale et ne saurait être considéré comme une décision prise « en pure opportunité », laissée à la discrétion de l’organisme de sécurité sociale compétent, alors que ce refus constitue en dernière analyse une illégalité à l’égard de l’assuré social, ayant cotisé pendant toute sa vie professionnelle pour être couvert contre le risque d‘invalidité.

Troisième branche :

alors qu’en de doute quant au caractère définitif et irréversible de l’incapacité de travail de l’actuel demandeur en cassation, il aurait pour le moins appartenu à la CNAP de faire bénéficier celui-ci d’une invalidité temporaire ou provisoire en attendant une éventuelle amélioration de son état de santé. » 15La disposition légale visée au moyen dispose comme suit :

« L’Etat et les autres personnes morales de droit public répondent, chacun dans le cadre de ses missions de service public, de tout dommage causé par le fonctionnement défectueux de leurs services, tant administratifs que judiciaires, sous réserve de l´autorité de la chose jugée. » Aux termes des trois branches du moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir considéré qu’une appréciation différente du bien-fondé de la demande en allocation d’une pension d’invalidité faite par le Conseil arbitral de la sécurité sociale n’établirait pas pour autant un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision par la CNAP de nature à engager sa responsabilité. Il considère que la responsabilité de la CNAP aurait dû être retenue sur base de la disposition légale visée au moyen conformément au principe de l’unité de l’illégalité et de la faute (première branche). Il fait encore valoir qu’en matière de sécurité sociale, la distinction opérée entre les pouvoirs respectifs du juge de l’annulation et du juge de réformation tomberait à faux puisque dans ce contentieux, les recours en réformation seraient la règle et les recours en annulation l’exception (deuxième branche). Finalement, il considère qu’en cas de doute quant au caractère définitif ou irréversible de son incapacité de travail, la CNAP aurait dû faire bénéficier celui-ci d’une invalidité temporaire ou provisoire (troisième branche).

Sur les deux premières branches du moyen :

A titre principal, il est rappelé que Votre Cour considère que relève de l’appréciation souveraine des juges du fond l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité civile délictuelle2 ou contractuelle3.

Le moyen ne saurait ainsi être accueilli en aucune de ses branches, puisque sous le couvert de la disposition légale visée au moyen, il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges du fond quant à l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la CNAP, en ce qu’ils ont considéré qu’à défaut de preuve d’un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision, le seul fait que sa décision ait été réformée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale 2 Cass. 9 novembre 2017, n° 3853 du registre, réponse au huitième moyen de cassation ; Cass. 17 décembre 2015, n° 3569 du registre, réponse aux quatrième et cinquième moyens de cassation ; Cass. 27 février 2014, n° 3289, réponse au quatrième moyen de cassation.

3 Cass. 27 avril 2017, n° 3781 du registre, réponse au troisième moyen de cassation ; Cass. 7 juillet 2016, n° 3626 du registre, réponse au quatrième moyen de cassation ; Cass. 21 avril 2016, n° 3631, réponse au troisième moyen de cassation.

16n’établissait pas une faute dans le chef de la CNAP, cette appréciation échappant au contrôle de Votre Cour.

A titre subsidiaire, il est rappelé que suivant Votre Cour, l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques ne fait qu’appliquer aux personnes morales de droit public, dans une terminologie adaptée à celles-ci, le principe de la responsabilité civile délictuelle de droit commun qui se fonde sur le concept de la faute4.

C’est partant à juste titre que certaines jurisprudences antérieures à la loi du 1er septembre 1988 ont pu être invoquées, et notamment un arrêt de la Cour d’appel du 13 décembre 1983 qui a fondé en droit luxembourgeois la thèse de l’unité des notions d’illégalité et de faute. Dans cette décision, la Cour a retenu qu’ « un acte administratif annulé par le Conseil d’Etat est un acte illicite, même s’il est imputable à une simple erreur d’interprétation ou d’appréciation, et constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat, une fois établie la relation entre l’acte fautif et le préjudice subi. »5 Ce principe a depuis lors été réaffirmé à de nombreuses reprises par la Cour d’appel et les tribunaux d’arrondissements6.

Dans l’arrêt entrepris par le pourvoi, la Cour d’appel n’a pas entendu se départir de ce principe, mais l’a nuancé et considérant que ce principe sortait pleinement ses effets pour le contentieux de l’annulation où le juge exerce un contrôle de la légalité de la décision administrative, mais non celui de la réformation où le juge statue à nouveau, en se substituant à l’administration par le réexamen de la décision entreprise sous tous ses aspects. D’après la Cour, dans le cadre du recours en réformation, le principe sortirait ses effets si la réformation est prononcée en raison de l’illégalité sous-jacente de l’acte administratif, mais non lorsque le juge administratif estime que la décision administrative est légale, mais ne répond pas à sa propre appréciation de l’opportunité administrative. Pour apprécier si la responsabilité civile de l’administration est engagée, il conviendrait ainsi de rechercher si la décision litigieuse est ou non le résultat d’un comportement illégal ou négligent7.

4 Cass. 24 avril 2003, Pas. 32, p. 368.

5 Tr. arr. Luxembourg, 4 novembre 1981, confirmé par Cour d’appel 13 décembre 1983, n° 6539 du rôle ; Pas. 26, p. 252.

6 Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, Pasicrisie luxembourgeoise 2014, n° 199, p. 218.

7 Arrêt entrepris, pages 8 à 10.

17Il est rappelé que suivant la jurisprudence des juridictions administratives, « le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se limiter à contrôler si la décision lui déférée n'est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, sans pouvoir substituer à l'appréciation de l'autorité administrative sa propre appréciation sur base de considérations d'opportunité »8.

Le juge de l’annulation doit se placer au moment où la décision de l’administration a été prise pour en apprécier la légalité. « La légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, puisque le juge, lorsqu’il contrôle les décisions de l’administration, doit se placer au même moment et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative. La légalité d’un acte administratif se trouve donc en principe cristallisée au moment où cet acte est pris et le juge se place exactement dans les mêmes conditions où se trouvait l’administration : c’est la logique du procès fait à un acte. »9 « C’est d’abord le dossier administratif versé aux débats qui permet au juge [de l’annulation] de vérifier les faits et d’exercer son contrôle de légalité et de la régularité formelle de l’acte. Il n’est pas tenu compte des éléments de fait postérieurs au moment où l’autorité statue. On ne peut en effet reprocher à l’autorité de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile. »10 Les pouvoirs du juge de réformation sont plus étendus, il ne se limite pas à contrôler la légalité de l’acte : « Lorsqu’il réforme, il statue à nouveau, en se substituant à l’administration par le réexamen de la décision entreprise sous tous ses aspects. Les points de fait et de droit, la légalité de l’acte mais aussi son caractère approprié, voire son opportunité peuvent être remis en cause. Les seules considérations d’opportunité peuvent donc entraîner la réformation, alors même que l’acte serait parfaitement légal »11.

S’y rajoute qu’ « [à] la différence du recours en annulation où il s’agit de confronter l’acte à la légalité objective, ce qui oblige le juge à se placer au moment où l’acte a été pris, le recours en réformation amène nécessairement le juge administratif à se placer au moment où il statue pour prendre en considération les évolutions factuelles 8 Bulletin de jurisprudence administrative, Pasicrisie 2022, verbo Recours en annulation, n° 49, p. 1242.

9 Idem, n° 18, p. 1234.

10 Rusen ERGEC, Francis DELAPORTE, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Bulletin de jurisprudence administrative, Pasicrisie 2021, n° 85.

11 Idem, n° 98.

18et réglementaires survenues depuis l’adoption de l’acte. Si le juge ne peut statuer que dans les limites des moyens articulés par les parties, celles-ci sont en revanche libres de les compléter par de nouveaux moyens et pièces en cours d’instance »12.

L’arrêt entrepris est conforme à cette jurisprudence administrative dont il a repris les principes13.

C’est à juste titre que la Cour d’appel a considéré dans ce contexte que « Se pose dès lors le problème de l’automatisme de la faute en cas de réformation d’un jugement, étant donné que le recours en réformation oblige le juge à se placer au moment où il statue, il ne statue pas nécessairement sur base des mêmes pièces que la juridiction dont la décision est attaquée. Il se peut qu’une décision soit réformée sur base de pièces nouvelles sans que la décision réformée n’ait été illégale au vu des pièces présentées à l’époque où la décision a été prise, voire sans qu’une erreur d’appréciation ne puisse être reprochée au juge. »14 Il convient dès lors de se reporter aux motifs de la décision attaquée pour déterminer les motifs de la réformation.

En l’espèce, il appert de l’arrêt entrepris que la Cour a considéré, en vertu de son pouvoir souverain d’appréciation des faits et des éléments de preuve, d’une part, qu’aucune illégalité de la décision de la CNAP n’avait été ni soulevée, ni constatée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale15 et, d’autre part, que le Conseil arbitral de la sécurité sociale disposait, pour prendre sa décision, de pièces supplémentaires dont la CNAP ne disposait pas16.

C’est partant à juste titre, au vu du régime de droit commun de la faute, qu’elle a pu retenir que la responsabilité de la CNAP pour avoir pris une décision réformée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale n’était pas établie en l’absence de preuve d’un comportement illégal ou négligent – et donc d’un comportement fautif – au niveau de la prise de décision.

Il est encore relevé que cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour d’appel concernant la responsabilité de l’Etat et des autres personnes morales de droit public du fait de décisions administratives ou judiciaires infirmées dans le 12 Idem, n° 99.

13 Arrêt entrepris, pages 8 et 9.

14 Arrêt entrepris, page 9, deuxième alinéa.

15 Arrêt entrepris, page 9, avant-dernier alinéa.

16 Arrêt entrepris, page 10.

19cadre d’un recours en réformation. En effet, deux arrêts d’appel, rendus tous les deux le 18 février 2016 dans deux causes différentes ont retenu la même solution17.

Il en suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux premières branches.

Sur la troisième branche du moyen :

La troisième branche du moyen, en ce qu’elle fait grief à la CNAP de ne pas avoir fait « bénéficier [le demandeur en cassation] d’une invalidité temporaire ou provisoire en attendant une éventuelle amélioration de son état de santé » est étranger à la disposition visée au moyen qui détermine les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité civile de l’Etat et des autres personnes morales de droit public.

Il en suit que le moyen est irrecevable en sa troisième branche.

A titre subsidiaire, à supposer que cette branche soit à analyser comme tendant à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond quant à l’existence d’une faute dans le chef de la CNAP, elle ne saurait être accueillie.

A titre plus subsidiaire, il est renvoyé aux développements ci-dessus quant au bien fondé des deux premières branches du moyen pour dire que la troisième branche du moyen n’est pas fondée non plus.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen se lit comme suit :

« DEUXIÈME MOYEN :

Pris du défaut de base légale de l’arrêt au regard de l’article 1er, alinéa premier de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l’Etat et des collectivités publiques, en ce que la Cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le tribunal aurait dans un premier temps relevé qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité, outre le 17 Cour d’appel 18 février 2016, n° 41647 du rôle, un pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté (Cass. 6 février 2020, n° CAS-2019-00041 du rôle) ; Cour d’appel 18 février 2016, n° 41490 du rôle.

20certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014. Il aurait encore relevé que le CASS, quant à lui, aurait disposé nécessairement de pièces supplémentaires afin d’apprécier la situation de PERSONNE1.) à l’origine de ladite décision de refus qui l’auraient par ailleurs amené à ordonner des mesures d'instruction.

Le tribunal aurait néanmoins constaté dans un second temps que la CNAP aurait déjà en 2014 en possession de pièces qui auraient justifié la mise en invalidité de PERSONNE1.), ou du moins des investigations complémentaires sans pour autant préciser ces pièces.

En retenant cependant que la CNAP serait restée en défaut de rapporter la preuve que la décision du 20 novembre 2014 aurait été différente, si elle avait été en possession des pièces que PERSONNE1.) a versé ultérieurement en cours de la procédure devant le CASS, le tribunal reconnaît implicitement que le CASS avait en sa possession un dossier plus étoffé pour prendre sa décision.

PERSONNE1.) n’affirmerait d’ailleurs pas avoir déjà soumis lesdites pièces au comité-directeur de la CNAP. Il y aurait donc lieu d’admettre que ce serait seulement au moment de son recours devant le CASS qu’il aurait présenté ces pièces.

alors que d’une part, première branche, que la Cour d’appel est restée en défaut d’expliquer en quoi la production de pièces médicales « supplémentaires » aurait eu une incidence sur la solution du litige, étant donné que son état de santé a été examiné à deux reprises différentes par le médecin-conseil du Contrôle médical.

alors que d’autre part, deuxième branche, la Cour d’appel aurait dû demander à la CNAP sinon au Conseil arbitral de la sécurité sociale, de produire l’intégralité du dossier administratif contenant l’ensemble des certificats médicaux produits par Monsieur PERSONNE1.) tant au moment de sa demande en obtention de la pension d’invalidité en date du 28 mars 2014 qu’au moment de son opposition du 10 octobre 2014 tout comme pendant la procédure devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale au lieu de se baser sur de simples conjectures. » Le défaut de base légale vise le cas où la décision entreprise comporte des motifs, de sorte que sa régularité formelle ne saurait être contestée, mais où les motifs sont imprécis ou incomplets à un point tel que la Cour de cassation est dans l’impossibilité de contrôler 21l’application de la loi18. Ce cas d’ouverture à cassation est défini comme étant l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit19.

Sur la première branche :

Aux termes de la première branche du moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé à suffisance « en quoi la production de pièces médicales « supplémentaires » aurait eu une incidence sur la solution du litige, étant donné que son état de santé a été examiné à deux reprises différentes par le médecin conseil du Contrôle médical. » En considérant qu’aucune illégalité n’avait été constatée par le juge de la réformation dans le chef de la décision de la CNAP, que celui-ci avait disposé de davantage de pièces pour apprécier la situation d’invalidité de l’actuel demandeur en cassation que n’en disposait la CNAP au moment de la prise de la décision et que de manière générale, qu’aucun comportement illégal ou négligent n’avait été établi dans le chef de la CNAP au niveau de la prise de décision de ne pas allouer une pension d’invalidité au demandeur en cassation, pour en déduire que la CNAP n’avait pas engagé sa responsabilité au sens de la disposition légale visée au moyen, les juges d’appel ont motivé à suffisance leur décision sur le point considéré.

Il en suit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la deuxième branche :

Aux termes de la deuxième branche du moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir ordonné une mesure d’instruction. Ce grief est étranger au cas d’ouverture du défaut de base légale visé au moyen.

Il en suit que le moyen, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation se lit comme suit :

« TROISIEME MOYEN :

18 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n°s 78.04 et 78.31.

19 Idem, n° 78.21.

22Pris de la violation de la loi par mauvaise application ou interprétation, en l’occurrence des articles 1350 et 1351 du Code civil relatif à l’autorité de chose jugée attachée au jugement définitif du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017.

En ce que la Cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le tribunal aurait dans un premier temps relevé qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité, outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014. Il aurait encore relevé que le CASS, quant à lui, aurait disposé nécessairement de pièces supplémentaires afin d’apprécier la situation de PERSONNE1.) à l’origine de ladite décision de refus qui l’auraient par ailleurs amené à ordonner des mesures d'instruction.

Que le tribunal aurait néanmoins constaté dans un second temps que la CNAP aurait déjà en 2014 en possession de pièces qui auraient justifié la mise en invalidité de PERSONNE1.), ou du moins des investigations complémentaires sans pour autant préciser ces pièces.

Que sur base du constat fait par le tribunal qu’il ne résulterait pas du dossier de quelles pièces la CNAP aurait disposé à l’appui de la demande en octroi des allocations d’invalidité - outre le certificat médical du Docteur EXPERT1.) du 2 octobre 2014 versé par PERSONNE1.) à l’appui de son opposition introduite contre la décision de refus du 12 septembre 2014 - et compte tenu de la reconnaissance implicite par le tribunal que le CASS, pour prendre sa décision, aurait disposé d’un dossier plus étoffé que la CNAP au moment de sa décision de refus de la pension d’invalidité - la Cour d’Appel est arrivée à la conclusion qu’une appréciation différente faite par le CASS n’établirait pas pour autant un comportement illégal ou négligent au niveau de la prise de décision par le comité-directeur de la CNAP de nature à engager la responsabilité de la CNAP.

Contrairement aux juges de première instance, la Cour estime dès lors qu’une faute de la CNAP dans la prise de décision de refus du 20 novembre 2014 ne serait pas établie Alors que le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale a définitivement jugé que l’actuel demandeur en cassation était invalide dès sa demande en obtention d’une pension d’invalidité du 28 mars 2014 et que l’autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé ;

23 Qu’il en va plus particulièrement ainsi lorsque la Cour d’Appel cherche à semer le doute sur le début de l’invalidité en se posant des questions sur la date de production des certificats médicaux y relatifs par Monsieur PERSONNE1.), comme si ce dernier n’avait pas été examiné par le médecin-conseil du Contrôle médical et son dossier traité par la CNAP, qui - en cas de besoin - étaient habilités tous les deux à lui demander de plus amples certificats médicaux et renseignements ou à recourir à l’avis d’un médecin spécialiste en psychiatrie, étant donné que l’invalidité de M.

PERSONNE1.) relevait du domaine psychique (« burn-out » et sévère dépression endogène) plutôt que physique. » Aux termes du moyen, il est fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait disposé de davantage de pièces que la CNAP pour apprécier l’état d’invalidité du demandeur en cassation. Ce faisant la Cour d’appel « chercherait à semer le doute sur le début de l’invalidité en se posant des questions sur la date de production des certificats médicaux y relatifs par Monsieur PERSONNE1.) » alors que, suivant l’argumentaire du demandeur en cassation, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait considéré que le demandeur en cassation avait été invalide dès sa demande en obtention d’une pension d’invalidité le 28 mars 2014 et que cette décision définitive s’imposait aux juges d’appel en vertu de l’autorité de chose jugée.

A titre principal, ce moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris. En considérant que la décision de la CNAP de ne pas accorder de pension d’invalidité au demandeur en cassation n’avait pas été jugée illégale par le Conseil arbitral de la sécurité sociale et que ce-dernier, au moment de prendre son jugement de réformation de la décision de la CNAP, avait disposé de davantage de pièces pour apprécier de l’état d’invalidité du demandeur en cassation, pour en déduire qu’en l’absence preuve d’un comportement illégal ou négligent de la part de la CNAP au niveau de la prise de décision, aucune faute ne pouvait lui être reprochée, les juges d’appel n’ont pas remis en cause la date de début de l’invalidité du demandeur en cassation telle que fixée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale, mais se sont prononcés sur la responsabilité de la CNAP du fait de la réformation de sa décision par le Conseil arbitral de la sécurité sociale.

Il en suit qu’à titre principal, le moyen manque en fait.

A titre subsidiaire, ce moyen ne saurait être accueilli, puisque sous le couvert de la disposition légale visée au moyen, il ne tend en réalité qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des faits, en ce qu’ils ont considéré, dans le cadre 24de l’appréciation de l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la CNAP sur base de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, que le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait disposé de davantage de pièces pour apprécier la situation d’invalidité de l’actuel demandeur en cassation que n’en disposait la CNAP au moment de la prise de la décision, cette appréciation relevant du pouvoir souverain des juges du fond qui échappe au contrôle de Votre Cour.

A titre plus subsidiaire, il est rappelé que pour que joue l’effet de chose jugée, il faut qu’il y ait une identité d’objet entre la nouvelle demande et le jugement déjà rendu20.

Or, en l’espèce, l’objet de la demande nouvelle dont étaient saisis les juges d’appel est distinct de l’objet du jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale. En effet, la demande nouvelle porte sur la mise en œuvre de la responsabilité de la CNAP et de l’ETAT pour fonctionnement défectueux de leurs services sur base de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, alors que le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale avait pour objet de statuer sur l’octroi d’une pension d’invalidité à PERSONNE1.) en application des articles 186 et suivants du Code de la sécurité sociale.

Il en suit qu’à titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen se présente comme suit :

« QUATRIEME MOYEN :

Pris du défaut de réponse à conclusions valant violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er en combinaison avec l’article 587 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que la Cour d’appel s’est limitée à se référer aux conclusions du mandataire de Monsieur PERSONNE1.) du 10 avril 2021 dans les termes suivants : « Quant au fond, la Cour retient qu’eu égard à la décision relative à la responsabilité de la CNAP telle que précisée ci-dessus (à savoir son refus d’appliquer en l’espèce le principe de l’unité d’illégalité et de faute à la décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017), la demande en indemnisation de PERSONNE1.), renseignée dans ses conclusions du 10 avril 2021, n’est pas justifiée » sans autrement aborder la faute 20 Cédric BOUTY, Répertoire Dalloz de procédure civile, Chose jugée, n° 576.

25distincte reprochée à la CNAP ayant consisté à refuser de reconsidérer sa décision du 30 juin 2017 (ayant accordé la pension d’invalidité à partir du 1er janvier 2017 seulement) nonobstant la survenance de l’élément nouveau que constituait la décision du CCSS du 25 septembre 2016 portant dispense des cotisations sociales pour les risques de maladie, pension et accident accordée à Monsieur PERSONNE1.) du 28 mars 2014 au 31 décembre 2015 étant donné que son revenu était inférieur à un tiers du salaire social minimum.

Alors que l’actuel demandeur en cassation avait reproché à la CNAP d’avoir, en faisant obstruction à sa demande, une fois de plus engagé sa responsabilité car il lui appartenait de limiter autant que faire se peut la perte de revenu de Monsieur PERSONNE1.) au lieu de s’acharner à méconnaître les nouvelles données d’accès à la pension par suite de la désaffiliation opérée par le CCSS et qu’en agissant ainsi et en refusant obstinément d’émettre une nouvelle décision qui soit conforme à la décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale en matière de désaffiliation (celle-

ci ayant fait courir la pension d’invalidité de Monsieur PERSONNE1.) à partir de sa désaffiliation), la CNAP a non seulement lésé, une fois de plus, les intérêts légitimes de son assuré, mais également privé celui-ci d’un accès à la justice pourtant garanti par l’article 6 alinéa 1er de la Conv.EDH contre une décision parfaitement illégale pour être contraire à l’autorité de chose jugée de la décision du Conseil arbitral.

Qu’il appartenait à la Cour d’Appel de prendre position quant à cette faute reprochée à la CNAP, alors que cette faute était distincte de celle consistant dans l’illégalité de la décision initiale de refus de la pension d’invalidité et qu’elle engageait pareillement la responsabilité de la CNAP pour avoir lésé Monsieur PERSONNE1.) d’une partie des arriérés de pension d’invalidité auxquels il aurait pu prétendre en faisant rétroagir sa désaffiliation au 28 mars 2014, quitte à en perdre le bénéfice pendant l’année 2016, pendant laquelle ses revenus avaient dépassé le tiers du salaire social minimum. » Aux termes du moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions de dire que la CNAP avait commis une faute distincte ayant consisté à refuser de reconsidérer sa décision du 30 juin 2017 qui avait accordé la pension d’invalidité à partir du 1er janvier 2017.

Le grief tiré de la violation des dispositions légales reproduites au moyen vise le défaut de motivation, dont le défaut de réponse à conclusions constitue une expression, et qui est constitutif d’un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-

26elle incomplète ou viciée, sur le point considéré. Le défaut de motifs suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré.21 Il résulte de l’arrêt entrepris que l’objet du litige a consisté en ce que le demandeur en cassation a fait valoir, en se fondant sur la thèse de l’unité des notions d’illégalité et de faute, que la décision de la CNAP du 20 novembre 2014 de considérer que le demandeur en cassation ne remplissait pas les conditions pour pouvoir bénéficier d’une pension d’invalidité constituerait la CNAP et l’ETAT en faute et engagerait leur responsabilité au sens de l’article 1er, alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, du seul fait que la décision litigieuse avait été réformée par le Conseil arbitral de la sécurité sociale.

Il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni des conclusions d’appel ou autre pièces auxquelles le soussigné peut avoir égard, que le demandeur en cassation ait fondé son action en indemnisation, outre la faute alléguée commise par la CNAP en rapport avec la décision réformée du 20 novembre 2014 ayant rejeté la demande en allocation de la pension d’invalidité, faute sur laquelle les juges d’appel se sont prononcés dans l’arrêt entrepris, encore sur une faute distincte commise par la CNAP en rapport avec une décision du 30 juin 2017, intervenue postérieurement au jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 21 avril 2017 et qui, suivant les énonciations de l’arrêt entrepris22, a eu pour objet de fixer le point de départ de l’allocation de la pension d’invalidité allouée au demandeur en cassation. En effet, il résulte des conclusions d’appel de l’actuel demandeur en cassation du 10 avril 202123 que son appel incident portait sur l’étendue du préjudice subi du fait de la décision réformée de la CNAP du 20 novembre 2014, le demandeur en cassation considérant que du fait de cette décision, il aurait subi un préjudice matériel résultant d’un retard pris dans sa désaffiliation auprès des organismes de sécurité sociale comme travailleur indépendant. Puisque sa demande en allocation d’une pension d’invalidité a été rejetée par cette décision, il aurait été contraint de continuer à exercer sa profession un certain temps, ce qui aurait retardé sa désaffiliation et, par voie de conséquence, l’allocation de la pension d’invalidité qui ne lui a été octroyée qu’à partir du 1er janvier 2017. Il en a conclu qu’il avait droit, outre le montant alloué par les juges de première instance pour le préjudice corporel et moral, également à une indemnisation pour la perte de revenus subie par lui pendant la période du 28 mars 2014, date de sa demande d’invalidité, jusqu’à la date du 1er janvier 2017, date du début de l’octroi de la pension.

21 J. et L. BORÉ, précité, n° 77.31.

22 Arrêt entrepris, page 2, avant-dernier alinéa.

23 Pièce n° 31 de Maître AVOCAT1.).

27Il en suit, à titre principal, que le grief tiré d’une faute commise par la CNAP du fait d’une décision du 30 juin 2017 distincte de la décision réformée du 20 novembre 2014 est étranger à l’arrêt entrepris, de sorte que le moyen tiré d’un défaut de motivation par rapport à ce grief est irrecevable, sinon n’est pas fondé.

A titre subsidiaire, en considérant que la décision du 20 novembre 2014 n’était pas fautive, la Cour d’appel n’avait pas à répondre au moyen relatif au préjudice subi du fait de cette décision en rapport avec la désaffiliation tardive de l’actuel demandeur en cassation, ce d’autant plus que la décision de la CNPA du 30 juin 2017, qui avait fixé au 1er janvier 2017 le point de départ du droit de PERSONNE1.) à une pension d’invalidité, n’avait pas été frappée de recours et avait donc été acceptée par ce dernier.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, MAGISTRAT6.) 28


Synthèse
Numéro d'arrêt : 34/23
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-03-23;34.23 ?

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