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16/03/2023 | LUXEMBOURG | N°29/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 mars 2023, 29/23


N° 29 / 2023 du 16.03.2023 Numéro CAS-2022-00059 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à PL-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à l

a Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDE...

N° 29 / 2023 du 16.03.2023 Numéro CAS-2022-00059 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize mars deux mille vingt-trois.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à PL-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, établissement public, établie à L-2976 Luxembourg, 125, route d’Esch, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J16, défenderesse en cassation, comparant par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 28 mars 2022 sous le numéro 2022/0127 (No. du reg.: URC 2021/0319) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 20 juin 2022 par PERSONNE1.) à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT (ci-après «l’AAA»), déposé le 21 juin 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 août 2022 par l’AAA à PERSONNE1.), déposé le 22 août 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général MAGISTRAT6.).

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le conseil d’administration de l’AAA avait confirmé trois décisions présidentielles ayant rejeté 1) une demande en octroi d’indemnités pour préjudices extrapatrimoniaux, 2) une demande en réouverture du dossier d’accident et 3) une demande en obtention d’une rente complète, introduites par PERSONNE1.) suite à un accident de travail par elle subi. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale, saisi d’un recours contre les trois décisions, avait, par jugement avant-dire droit, institué une mesure d’expertise médicale, puis, après avoir constaté que la demanderesse en cassation ne s’était, sans excuses valables, à deux reprises, pas présentée aux convocations de l’expert, dit qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer le dossier devant l’expert et rejeté comme non fondés les recours. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application de l’article 6, alinéa 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile, en ce que dans son arrêt du 28 mars 2022, le Conseil supérieur des assurances sociales a considéré qu’un supposé défaut de présentation devant l’expert serait à sanctionner d’une privation de l’expertise ordonnée par jugement du 11 juin 2022 et a considéré que la requérante échoue à rapporter la preuve de la causalité des lésions actuelles avec l’accident subi le 20 octobre 2016, au motif qu’ l’absence de réaction de la part de l’appelante après leur réception, c’est à bon droit que le Conseil arbitral a décidé qu’il n’y a pas lieu de renvoyer le dossier devant l’expert », et aux motifs que :

dont elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été la victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier », alors qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a méconnu les articles susvisés et a entaché sa décision, première branche, d’incertitude quant au fondement juridique de la décision, deuxième branche, d’absence de constatation d’une condition d’application de la loi, troisième branche, de défaut de motif, quatrième branche, de défaut de prise en considération de pièces produites au débat. ».

Réponse de la Cour Sur les deux premières branches du moyen réunies Le moyen, en ce qu’il fait grief aux juges d’appel d’avoir laissé une incertitude quant au fondement juridique de leur décision ainsi que de ne pas avoir constaté et vérifié si les conditions d’une décision de rejet de la demande de renvoi du dossier devant l’expert étaient remplies, vise l’insuffisance des motifs et partant le cas d’ouverture du défaut de base légale et non le défaut de motivation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ces deux branches, est irrecevable.

Sur les deux dernières branches du moyen réunies En tant que tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En relevant « Il convient de constater que le rapport PERSONNE2.) comporte des contradictions dès lors qu’en page 10, ce médecin a précisé que les examens IRM effectués quatre jours après l’accident ainsi qu’un an plus tard mettaient uniquement en évidence des lésions dégénératives arthrosiques pluriétagées C4-C7 et des protrusions discales postérieures, donc anciennes et certainement antérieures à l’accident, sans démonstration d’une hernie discale post-traumatique ou d’un rétrécissement canalaire important, ni d’une aggravation entre les deux IRM ». Par contre à la page 11 de son rapport, ce médecin écrit , » pour conclure « (…) il convient de rappeler que l’appelante a la charge de la preuve que les lésions dont elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le Conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier. Il est encore renvoyé aux développements repris ci-dessus concernant le rapport PERSONNE2.). », les juges d’appel ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ces deux branches, n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application de l’article 1315 du Code civil, en ce que dans son arrêt du 28 mars 2022, le Conseil supérieur des assurances sociales a renversé la charge de la preuve en défaveur de la requérante, aux motifs que :

elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été la victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier », alors que les nombreux certificats de médecins polonais versés en cause et le rapport du Docteur PERSONNE2.) atteste qu’au .

qu’en statuant ainsi, le Conseil supérieur des assurances sociales a renversé la charge de la preuve en défaveur de la requérante, que partant la Cour d’appel a procédé à une violation de la loi par fausse interprétation de la loi.

qu’elle a méconnu l’article susvisé et a entaché sa décision. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui leur avaient été soumis et notamment du lien causal entre les lésions dont se plaignait la demanderesse en cassation et l’accident du travail par elle subi, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître AVOCAT2.), sur ses affirmations de droit.

Monsieur le Président MAGISTRAT1.), qui a participé au délibéré, étant dans l’impossibilité de signer, la minute du présent arrêt est signée, conformément à l’article 82 de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, par le conseiller le plus ancien en rang ayant concouru à l’arrêt.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller MAGISTRAT2.) en présence du premier avocat général MAGISTRAT7.) et du greffier GREFFIER1.).

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) contre ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT (CAS-2022-00059 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour d’appel le 21 juin 2022, PERSONNE1.), a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt no 2022/0127 du rôle, contradictoirement rendu entre parties le 28 mars 2022, par le Conseil supérieur de la sécurité sociale.

Le recours en cassation contre une décision du Conseil supérieur de la sécurité sociale, statuant en instance d’appel sur une décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale, saisi d’un recours contre une décision de l’Association d’Assurance Accident (ci-après l’AAA) est introduit, instruit et jugé dans les formes prescrites pour la procédure en cassation en matière civile et commerciale. Le délai est dès lors celui prévu par l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation en matière civile et commerciale, c’est-à-dire deux mois, augmenté, conformément à l’article 167 du Nouveau Code de procédure civile, du délai de distance de quinze jours pour une partie demanderesse demeurant en Pologne, soit dans un pays membre de l’Union européenne.

Ce délai court en matière de sécurité sociale à partir du jour de la notification de la décision faite par lettre recommandée à la poste. Selon le certificat de notification versé au dossier, l’arrêt dont pourvoi a été notifié le 7 avril 2022 à la personne de la demanderesse.

Le demandeur en cassation a déposé ledit mémoire, signé par un avocat à la Cour, signifié le 20 juin 2022, au siège de l’établissement public en cause, donc antérieurement au dépôt du pourvoi, en date du 21 juin 2022 au greffe de la Cour d’appel, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le mémoire en réponse de l’Association d’Assurance Accident (ci-après l’AAA), signifié le 19 août 2022 et déposé le 22 août 2022 au greffe de la Cour peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de ladite loi.

Faits et rétroactes En date du 20 octobre 2016, PERSONNE1.) a subi un accident du travail lui occasionnant des lésions corporelles.

Par décision du conseil d’administration du 27 septembre 2018, confirmant la décision présidentielle préalable, l’AAA a rejeté sa demande en obtention d’indemnités pour préjudices extrapatrimoniaux en se basant sur l’avis du Contrôle médical de la sécurité sociale (ci-après « CMSS ») retenant que la requérante ne présente pas de taux d’incapacité permanente partielle en relation avec l’accident du 20 octobre 2016.

Par décision du conseil d’administration du 27 septembre 2018, confirmant la décision présidentielle préalable, l’AAA a encore rejeté la demande en réouverture du dossier au motif que suivant l’avis du CMSS les lésions en relation causale directe avec l’accident ne justifient plus de prestations à sa charge.

Par décision du conseil d’administration du 31 janvier 2019, confirmant la décision présidentielle préalable, l’AAA a finalement rejeté la demande en obtention d’une rente complète au motif que suivant l’avis du CMSS les lésions en relation causale directe avec l’accident n’entraînent pas d’incapacité permanente partielle.

Par requêtes entrées les 14 novembre 2018 et 8 mars 2019 au siège du Conseil arbitral de la sécurité sociale, PERSONNE1.) a introduit des recours contre les décisions de l’AAA.

Par jugement du 11 juin 2021, le Conseil arbitral a institué une mesure d’expertise en chargeant le docteur PERSONNE3.), médecin-conseil du Conseil arbitral de la sécurité sociale, de la mission de se prononcer sur l’étendue des lésions subies en relation avec l’accident du travail du 20 octobre 2016, la nécessité de soins, l’existence et l’étendue éventuelles d’une IPP.

Par jugement du 30 novembre 2021, le Conseil arbitral a dit les recours de PERSONNE1.) non fondés. Pour statuer en ce sens, le Conseil arbitral a constaté que la requérante ne s’est pas présentée aux convocations de l’expert PERSONNE3.) sans fournir d’explications valables et sans prendre la peine de contacter l’expert pour s’excuser ou expliquer la situation. En ordonnant une expertise, le Conseil arbitral aurait accordé une faveur à l’assurée sur laquelle pèse la charge de la preuve. Ni les moyens avancés, ni les explications fournies n’auraient emporté la conviction du Conseil arbitral, de sorte que la demande de renvoi devant l’expert a été rejetée.

Par requête déposée en date du 21 décembre 2021 au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale, PERSONNE1.) a régulièrement interjeté appel contre ce jugement.

Dans un arrêt du 28 mars 2022, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré l’appel non fondé et confirmé la décision de première instance.

Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation, sinon de la fausse application de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile en ce que « dans son arrêt du 28 mars 2022, le Conseil supérieur des assurances sociales a considéré qu’un supposé défaut de présentation devant l’expert serait à sanctionner d’une privation de l’expertise ordonnée par jugement du 11 juin 2022 et a considéré que la requérante échoue à rapporter la preuve de la causalité des lésions actuelles avec l’accident subi le 20 octobre 2016 ».

.

Le moyen est scindé en quatre branches :

Quant à la première branche du moyen Il est reproché à la juridiction d’appel d’avoir entaché sa décision d’incertitude quant au fondement juridique de la décision. Le grief invoqué est présenté sous le cas d’ouverture du défaut de base légale. La demanderesse en cassation expose ainsi :

« que lorsque « l’imprécision ou la confusion de la décision attaquée est telle que l’on ne peut même pas déterminer sur quel fondement elle a statué, la cassation est encourue pour manque de base légale » (La technique de cassation, ed. Dalloz 2013, p. 163 et s.), que la Cour de cassation censure car elle manque d’éléments d’information pour exercer son contrôle ».

La demanderesse en cassation semble vouloir se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation française1, qui annule les arrêts pour incertitude sur la base légale de la condamnation, lorsque leurs motifs ne permettent pas de déterminer sur la base de quel régime juridique le juge du fond a statué.

Pour autant que la branche du moyen est tirée du grief du défaut de base légale, qui constitue un vice de fond, ce grief n’est cependant pas concerné par les textes de loi énoncés.

La première branche du moyen est dès lors irrecevable.

A noter que dans la suite de la discussion la partie de la demanderesse en cassation se réfère à une absence de motivation du fondement juridique de la décision entreprise. Le reproche formulé ne revêt cependant aucune des formes sous lesquelles peut se présenter le cas d’ouverture du défaut de motifs. Sous cet aspect, cette branche du moyen est à déclarer non fondée.

1 Civ.1re, 6 octobre 2001, n°99-16.255, Bull. civ I, n°259; Civ. 3e, 10 juillet 2007, n°06-14.519, NP; Com. 11 mai 2010, n°09-11753, NP.

Quant à la deuxième branche du moyen La demanderesse en cassation y fait état d’une absence de constations d’une condition d’application de la loi, « assimilée par la Cour de cassation à un défaut de motifs », pour conclure à une violation des articles visés au moyen.

Comme le fait remarquer à juste titre la partie défenderesse en cassation le moyen procède d’une confusion entre deux cas d’ouverture différents à savoir le défaut de base légale et le défaut de motifs. Une absence de constation d’une condition d’application de la loi relève du cas d’ouverture du défaut de base légale, qui se définit par une insuffisance de motifs, qui n’ont pas la précision nécessaire pour permettre d’apprécier l’application correcte de la loi.

Comme précisé sous la première branche du moyen, les textes de loi visés au moyen sont étrangers au défaut de base légale, de sorte que la deuxième branche du moyen est irrecevable.

Quant aux troisième et quatrième branches du moyen La partie demanderesse en cassation reproche à la juridiction d’appel d’avoir omis de prendre en considération ses pièces 5 à 11, voire d’avoir omis de motiver le rejet des pièces en question, omissions qui seraient constitutives d’un défaut de motifs.

Les articles visés au moyen sanctionnent l’absence de motifs, qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, si incomplète ou vicieuse soit-elle, sur le point considéré.2. La pertinence, le caractère suffisant et le bien-fondé de cette motivation sont des questions étrangères à ce cas d’ouverture, de nature purement formelle.

Même s’il est constant que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis3, ils ne sont tenus de répondre qu’aux véritables moyens, non aux simples arguments ou allégations. Votre Cour rappelle d’ailleurs régulièrement dans le cadre du défaut de motifs, que les juges d’appel ne sont pas tenus d’examiner dans tous les détails l’argumentation développée et les pièces versées4.

Concernant les certificats médicaux et le rapport médical communiqués par la partie PERSONNE1.), les juges d’appel ont retenu ce qui suit :

« Pour contredire ces avis, l’appelante a versé des certificats médicaux émanant de ses médecins traitants, ainsi qu’un rapport médical du docteur PERSONNE2.), neurologue, non daté. C’est le rapport du docteur PERSONNE2.) qui a motivé le Conseil arbitral à instituer une mesure d’expertise.

Il convient de constater que le rapport PERSONNE2.) comporte des contradictions dès lors qu’en page 10, ce médecin a précisé que les examens IRM effectués quatre jours après 2 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz 5ème édition, no 77.31 3 Idem n° 77.200 et ss 4 Cour de cassation 17 novembre 2016, n°88/16, n° 3705 du registre l’accident ainsi qu’un an plus tard « mettaient uniquement en évidence des lésions dégénératives arthrosiques pluriétagées C4-C7 et des protrusions discales postérieures, donc anciennes et certainement antérieures à l’accident, sans démonstration d’une hernie discale post-traumatique ou d’un rétrécissement canalaire important, ni d’une aggravation entre les deux IRMs ». Par contre à la page 11 de son rapport, ce médecin a écrit : « Au vu de l’absence complète d’antécédent médicochirurgical chez cette patiente jeune, la relation de cause à effet entre l’accident subi le 20 octobre 2016 et les problèmes médicaux qui s’en sont suivis est évidente ».

Malgré ces contradictions, le Conseil arbitral a institué une expertise médicale confiée au docteur PERSONNE3.). ».

Pour conclure sur ce point :

« Pour le surplus, il convient de rappeler que l’appelante a la charge de la preuve que les lésions dont elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le Conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier. Il est encore renvoyé aux développements repris ci-dessus concernant le rapport du docteur PERSONNE2.). ».

L’arrêt dont pourvoi étant motivé sur les points critiqués, les troisième et quatrième branches du premier moyen, ne sont pas fondées.

Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application de l’article 1315 du Code civil, « en ce que dans son arrêt du 28 mars 2022, le Conseil supérieur des assurances sociales a renversé la charge de la preuve en défaveur de la requérante, aux motifs que : « l’appelante a la charge de la preuve que les lésions dont elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été la victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier », alors que les nombreux certificats de médecins polonais versés en cause et le rapport du Docteur PERSONNE2.) atteste qu’au « vu de l'absence complète d’antécédent médicochirurgical chez cette patiente jeune, la relation de cause à effet entre l’accident subi le 20 octobre 2016 et les problèmes médicaux qui s'en sont suivis est évidente. ».

qu’en statuant ainsi, le Conseil supérieur des assurances sociales a renversé la charge de la preuve en défaveur de la requérante, que partant la Cour d’appel a procédé à une violation de la loi par fausse interprétation de la loi. ».

L'article 1315 du Code civil pose le principe posé par selon lequel “Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation”. Appliquée à la matière des accidents du travail et au cas d’espèce, la règle veut que l’assurée prouve le lien causal entre l’accident du travail subi le 20 octobre 2016 et l’étendue et la nature des lésions corporelles prétendument subies.

Dans le cadre de la discussion du moyen la demanderesse en cassation estime avoir rapporté par les pièces versées au dossier, dont le rapport PERSONNE2.), la preuve de ce lien causal. En rejetant les pièces médicales produites, la juridiction d’appel poserait des exigences excessives au niveau des éléments de preuve à rapporter et procèderait de ce fait à un renversement de la charge de la preuve.

Comme précisé dans le cadre de l’analyse de la quatrième branche du premier moyen, la juridiction d’appel a analysé les pièces médicales versées au dossier comme suit :

« Pour contredire ces avis, l’appelante a versé des certificats médicaux émanant de ses médecins traitants, ainsi qu’un rapport médical du docteur PERSONNE2.), neurologue, non daté. C’est le rapport du docteur PERSONNE2.) qui a motivé le Conseil arbitral à instituer une mesure d’expertise.

Il convient de constater que le rapport PERSONNE2.) comporte des contradictions dès lors qu’en page 10, ce médecin a précisé que les examens IRM effectués quatre jours après l’accident ainsi qu’un an plus tard « mettaient uniquement en évidence des lésions dégénératives arthrosiques pluriétagées C4-C7 et des protrusions discales postérieures, donc anciennes et certainement antérieures à l’accident, sans démonstration d’une hernie discale post-traumatique ou d’un rétrécissement canalaire important, ni d’une aggravation entre les deux IRMs ». Par contre à la page 11 de son rapport, ce médecin a écrit : « Au vu de l’absence complète d’antécédent médicochirurgical chez cette patiente jeune, la relation de cause à effet entre l’accident subi le 20 octobre 2016 et les problèmes médicaux qui s’en sont suivis est évidente ».

Malgré ces contradictions, le Conseil arbitral a institué une expertise médicale confiée au docteur PERSONNE3.). ».

Pour conclure sur ce point :

« Pour le surplus, il convient de rappeler que l’appelante a la charge de la preuve que les lésions dont elle se plaint sont en relation causale avec l’accident dont elle a été victime le 20 octobre 2016. Tel que constaté à bon droit par le Conseil arbitral, cette preuve ne résulte pas des pièces du dossier. Il est encore renvoyé aux développements repris ci-dessus concernant le rapport du docteur PERSONNE2.). ».

Les juges d’appel n’ont dès lors pas partagé la lecture de l’appelante des certificats et rapports médicaux versés au dossier, notamment au vu des contradictions constatées dans le rapport PERSONNE2.) et ont considéré que la preuve du lien causal litigieux n’était pas rapportée.

Le juge est libre d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis.

Conformément à Votre jurisprudence, l’appréciation des moyens de preuve, telle la valeur probante des rapports médicaux, relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond5.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, d’un élément de preuve, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le deuxième moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, MAGISTRAT6.) 5 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 30 juin 2022, numéro 97/2022, numéro CAS-2021-00110 du registre; Cour de cassation, 15 mars 2018, n° 21/18, numéro 3926, page 4 ; au sujet de la valeur probante des rapports médicaux : idem, 24 mars 2016, n° 36/16, numéro 3622 du registre, page 5 (réponse au second moyen).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 29/23
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-03-16;29.23 ?

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