N° 19 / 2023 du 02.03.2023 Numéro CAS-2022-00064 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux mars deux mille vingt-trois.
Composition:
MAGISTRAT1.), conseiller à la Cour de cassation, président, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour de cassation, GREFFIER1.), greffier en chef adjoint de la Cour.
Entre la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-
ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (….), demanderesse en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et 1. PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), 2. PERSONNE2.), demeurant à L-ADRESSE2.), défendeurs en cassation, comparant par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu le jugement attaqué, numéro 2022TALCH03/00037, rendu le 8 mars 2022 sous le numéro TAL-2021-09698 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière d’appel de bail à loyer ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 16 juin 2022 par la société anonyme SOCIETE1.) à PERSONNE1.) et à PERSONNE2.), déposé le 1er juillet 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 12 août 2022 par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à la société anonyme SOCIETE1.), déposé le 16 août 2022 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général MAGISTRAT6.) ;
Sur les faits Selon le jugement attaqué, le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, avait condamné la société SOCIETE1.) à payer aux défendeurs en cassation un certain montant au titre de la répétition des frais et honoraires d’avocat qu’ils avaient exposés pour assurer leur défense dans le cadre d’instances successives ayant opposé les parties. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé cette décision, sauf à augmenter le montant alloué au titre de la répétition des frais et honoraires d’avocat.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation sinon de la fausse application sinon de la fausse interprétation de l’article 1382 du Code civil, qui dispose que .
En ce qu’aux termes du jugement attaqué, la partie SOCIETE1.) S.A a notamment été condamnée à indemniser les parties PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef des frais d’avocat exposé par ces derniers pour se défendre dans le cadre de l’instance d’appel ayant conduit au jugement n°2021TALCH03/00123 rendu en date du 13 juillet 2021.
Alors que pourtant par jugement n°2021TALCH03/00123 rendu en date du 13 juillet 2021, la société SOCIETE1.) S.A. avait déjà été condamnée au paiement envers les parties défenderesses en cassation à payer le montant de 1.000.-EUR. au titre d’indemnité pour procédure abusive et vexatoire de sorte que, contrairement aux termes dudit article 1382 du Code civil, les victimes du dommage ont obtenu deux indemnisations distinctes pour le même préjudice. ».
Réponse de la Cour Le jugement du 13 juillet 2021 ayant motivé l’octroi de dommages-intérêts par la considération que « PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été lésés dans leurs droits, vu qu’ils ont, pour obtenir paiement de leur créance, dû, sans raison valable, attendre l’issue d’une instance supplémentaire. Le tribunal fixe le dommage causé à PERSONNE1.) et PERSONNE2.) par la faute de la société SOCIETE1.) S.A. ex æquo et bono à 1.000.- euros », il en résulte que le montant en question ne couvrait pas la répétition des frais et honoraires d’avocat.
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d’application sinon d’une fausse interprétation de la loi in specie de l'article 1149 du Code civil et du principe y consacré de la réparation intégrale du préjudice causé, En ce qu’aux termes du jugement attaqué, la partie SOCIETE1.) S.A a été condamnée à indemniser les parties PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef des frais d’avocat exposé par ces derniers pour se défendre dans le cadre de l’instance d’appel ayant conduit au jugement n°2021TALCH03/00123 rendu en date du 13 juillet 2021, Alors que pourtant par jugement n°2021TALCH03/00123 rendu en date du 13 juillet 2021, la société SOCIETE1.) S.A. avait déjà été condamnée au paiement envers les parties défenderesses en cassation à payer le montant de 1.000.-EUR. au titre d’indemnité pour procédure abusive et vexatoire de sorte que, contrairement aux termes du principe de la réparation intégrale du préjudice causé consacré par l’article 1149 du Code civil, les victimes du dommage ont obtenu deux indemnisations distinctes pour le même préjudice. ».
Réponse de la Cour La demande en répétition des frais et honoraires d’avocat ayant été accueillie sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil, le grief est étranger à la disposition invoquée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation sinon de la fausse application sinon de la fausse interprétation de l’article 1382 du Code civil, qui dispose que .
En ce qu’aux termes du jugement attaqué, la partie SOCIETE1.) S.A a été condamnée à indemniser les parties PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef des frais d’avocat exposé par ces derniers pour se défendre dans le cadre des instances ayant donné lieu aux décisions suivantes :
- JPL n° 1091/19 rendu en date du 27 mars 2019, - TAL n° 2020TALCH14/00014 du 21 janvier 2020, - JPL n° 1519/20 rendu en date du 17 juin 2020, - JPL n°2640/20 rendu en date du 21 octobre 2020, - Cass. n° 66/2021 rendu en date du 22 avril 2021, - TAL n° 2021TALCH03/00123 du 17 juillet 2021, - JPL n°2562/21 rendu en date du 6 octobre 2021, - TAL n°2022TALCH03/00037 du 8 mars 2022.
Alors que pourtant il aurait appartenu aux parties défenderesses en cassation de formuler leur demande tendant à se voir allouer des dommages et intérêts consistant dans le remboursement des frais et honoraires d’avocats par eux engagés sur base de l’article 1382 du Code civil devant chacune des juridictions saisies alors que leur préjudice est né de ces différentes instances de sorte que, contrairement aux termes de l’article 1382 du Code civil, les juges d’appel ont indemnisé un préjudice sans lien causal avec la faute par eux constatée. ».
Réponse de la Cour La circonstance que les frais et honoraires d’avocat dont la répétition était demandée sont nés à l’occasion d’instances successives ayant trait au même litige est étrangère à la preuve du lien causal entre la faute de la demanderesse en cassation et le dommage subi par les défendeurs en cassation.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation à payer aux défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître AVOCAT2.), sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller MAGISTRAT1.) en présence du procureur général d’Etat adjoint MAGISTRAT7.) et du greffier GREFFIER1.).
Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre la société anonyme SOCIETE1.) et 1. PERSONNE1.) 2. PERSONNE2.) (n° CAS-2022-00064 du registre) Par mémoire signifié le 16 juin 2022 à PERSONNE1.) et PERSONNE2.) et déposé le 1er juillet 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société anonyme SOCIETE1.), a formé un pourvoi en cassation contre un jugement rendu contradictoirement le 8 mars 2022 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel, dans la cause inscrite sous le numéro TAL-2021-09698 du rôle.
Le jugement entrepris a été rendu en dernier ressort.
Le pourvoi introduit est recevable au regard des conditions de délai1 et de forme prévues par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois.
Un mémoire en réponse a été signifié le 12 août 2022 par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, agissant pour le compte de PERSONNE1.) et PERSONNE2.), et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 16 août 2022. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.
Sur les faits et rétroactes :
Par un jugement du 6 octobre 2021, le tribunal de paix de Luxembourg avait condamné la société SOCIETE1.), sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil, à payer à PERSONNE1.) et PERSONNE2.) un certain montant à titre de frais et honoraires d’avocat déboursés par PERSONNE1.) et PERSONNE2.) en rapport avec le 1 D’après les indications du mémoire en réponse (page 2), le jugement entrepris n’a pas été signifié, de sorte que le délai pour introduire le pourvoi n’a pas commencé à courir.
recouvrement judiciaire de créances nées du contrat de bail qu’ils avaient conclu avec la société SOCIETE1.).
Saisi de l’appel interjeté contre ce jugement, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par un jugement du 8 mars 2022, avait confirmé le jugement de première instance, sauf à augmenter le montant de l’indemnisation allouée aux consorts PERSONNE1.) et PERSONNE2.).
Le pourvoi est dirigé contre le jugement du 8 mars 2022.
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis :
Les deux premiers moyens de cassation sont tirés de la violation respectivement de l’article 1382 du Code civil au sujet de la responsabilité délictuelle et de l’article 1149 du même code au sujet du principe de la réparation intégrale du préjudice subi.
Aux termes de ces moyens, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir condamnée à indemniser les parties PERSONNE1.) et PERSONNE2.) du chef des frais d’avocat exposés par ces derniers pour se défendre dans le cadre de l’instance d’appel ayant conduit au jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg n°2021TALCH03/00123 du 13 juillet 2021, alors que les parties PERSONNE1.) et PERSONNE2.) auraient déjà été indemnisés de ce chef par ce même jugement du 13 juillet 2021 au titre d’une indemnité pour procédure abusive et vexatoire, de sorte qu’ils auraient obtenu deux indemnisations distinctes du même préjudice.
Aux termes du dispositif du jugement du 13 juillet 20212, la société SOCIETE1.) a été condamnée à payer à PERSONNE1.) et PERSONNE2.), d’une part, le montant de 1.000 euros à titre d’indemnité pour procédure abusive et vexatoire et, d’autre part, le montant de 750 euros au titre d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel. En rapport avec la condamnation pour procédure abusive et vexatoire, les juges avaient considéré ce qui suit :
« Le tribunal constate qu’en l’espèce la société SOCIETE1.) S.A. a fait appel contre le jugement du 17 juin 2020, ayant dit la demande de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.) d’ores et déjà fondée pour le montant de 2.085,36 euros.
Il ressort de ce jugement qu’à l’audience des plaidoiries devant le tribunal de première instance, la société SOCIETE1.) S.A. n’avait pas soulevé de contestation concrète par rapport à ce montant. Elle s’était simplement rapportée à prudence de justice, ce qui avait amené le tribunal de paix à déclarer la demande fondée.
En instance d’appel, la société SOCIETE1.) S.A. ne critique toujours pas le montant en question. Elle critique, d’une part, le point de départ retenu par le 2 Pièce n° 8 de Me AVOCAT1.) et pièce n° 3 de Me AVOCAT2.).
juge de première instance pour faire courir les intérêts et, d’autre part, la prétendue compensation opérée par le juge de paix étant donné que la créance ne serait pas liquide, certaine et exigible suite au pourvoi en cassation qu’elle aurait interjeté.
Le tribunal déduit de ces éléments que l’appel interjeté par la société SOCIETE1.) l’a été dans le seul but de retarder le paiement du montant de 2.085,36 euros à PERSONNE1.) et PERSONNE2.).
Il ne saurait, dans ces circonstances, être question de l’exercice régulier par la société SOCIETE1.) S.A. d’une voie de recours. La conclusion s’impose que l’appel n’a, comme l’affirment PERSONNE1.) et de PERSONNE2.), été fait qu’à des fins dilatoires.
PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ont été lésés dans leurs droits, vu qu’ils ont, pour obtenir paiement de leur créance, dû, sans raison valable, attendre l’issue d’une instance supplémentaire. Le tribunal fixe le dommage causé à PERSONNE1.) et PERSONNE2.) par la faute de la société SOCIETE1.) S.A. ex æquo et bono à 1.000.- euros et condamne la société SOCIETE1.) S.A. à payer ce montant à PERSONNE1.) et PERSONNE2.). »3 Dans le jugement entrepris par le pourvoi, les juges d’appel ont considéré ce qui suit :
« La société SOCIETE1.) S.A. soutient en dernier lieu qu’il y aurait lieu de déduire du montant alloué à PERSONNE1.) et PERSONNE2.), le montant au paiement duquel elle aurait été condamnée à titre d’indemnité de procédure par la cour de cassation et par la cour d’appel4 ».
L’article 240 du nouveau code de procédure civile prévoit que « lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine ».
Dans la mesure où « les sommes non comprises dans les dépens » comprennent, du moins pour partie, les frais et honoraires d’avocat, il convient de tenir compte des indemnités de procédure d’ores et déjà payées par la société SOCIETE1.) S.A. pour éviter de couvrir deux fois la même dépense.
Il ressort des pièces versées que la société SOCIETE1.) S.A. a été condamnée par la cour de cassation dans son arrêt du 22 avril 2021 à payer une indemnité de procédure de 2.500.- euros à PERSONNE1.) et PERSONNE2.). Elle a également 3 Jugement n° 2021TALCH03/00123 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 13 juillet 2021, page 8.
4 Au lieu et place de « la cour d’appel » il y a manifestement lieu de lire « le tribunal d’arrondissement de Luxembourg », alors que ce n’est pas la Cour d’appel, mais le tribunal d’arrondissement qui statue sur les appels interjetés contre les jugements du tribunal de paix rendus en matière de bail à loyer. Par ailleurs, le jugement en cause du 13 juillet 2021 a été rendu par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
été condamnée au paiement d’une indemnité de procédure de 750.- euros par le tribunal d’arrondissement dans son jugement du 13 juillet 2021.
Les montants alloués ayant pour but de couvrir essentiellement les frais d’avocat de PERSONNE1.) et PERSONNE2.), il convient de déduire le montant de 3.000.-
euros du montant alloué à ces derniers. Le montant de 250.- euros couvre les sommes non comprises dans les dépens autres que les frais et honoraires d’avocat. »5 Il en suit que dans le jugement entrepris par le pourvoi, les juges d’appel ont déduit du montant de l’indemnisation due au titre des honoraires et frais d’avocat, une partie du montant de l’indemnité de procédure accordée par le jugement précité du 13 juillet 2021, mais non le montant de l’indemnité pour procédure abusive et vexatoire allouée par ce même jugement.
Il est rappelé que c’est au demandeur en cassation qu’incombe la charge de la preuve de justifier de la recevabilité du moyen qu’il présente, et par conséquent, d’établir son défaut de nouveauté s’il ne résulte pas des énonciations de la décision attaquée ou du dépôt de conclusions devant les juges d’appel6.
En l’espèce, il ne résulte ni jugement entrepris, ni des pièces auxquelles le soussigné peut avoir égard, que la demanderesse en cassation ait soulevé devant les juges du fond le moyen de dire que l’indemnité pour procédure abusive est vexatoire était à déduire du montant du préjudice subi par les défendeurs en cassation.
Au contraire, il résulte des motifs reproduits ci-dessus que la demanderesse en cassation s’est limitée devant les juges d’appel à demander déduction des montants au paiement desquels elle a été condamnée au seul titre de l’indemnité de procédure visée à l’article 240 du Nouveau code de procédure civile, à l’exclusion de l’indemnité pour procédure abusive et vexatoire fondée sur l’articles 6-1 du Code civil7, respectivement sur les articles 1382 et 1383 du même Code, à laquelle elle a été condamnée par le jugement du 13 juillet 2021.
Il en suit, à titre principal, que le moyen, qui est mélangé de droit et de fait, est à déclarer irrecevable pour être nouveau.
A titre subsidiaire, le moyen, en ce qu’il fait grief aux juges d’appel d’avoir condamné la demanderesse en cassation à indemniser le même préjudice qu’elle a été d’ores et déjà été condamnée à indemniser en vertu d’un jugement précédent, vise en réalité le grief tiré de la violation de l’article 1351 du Code civil au sujet de l’autorité de la chose jugée qui n’est pas visé au moyen. L’article 1382 du Code civil au sujet de la responsabilité civile délictuelle et l’article 1149 du même code au sujet du principe de la réparation intégrale du préjudice sont étrangers à ce grief.
5 Jugement entrepris, page 12.
6 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5ème édition, n° 82.101.
7 Jugement n° 2021TALCH03/00123 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 13 juillet 2021, page 7.
Il en suit qu’à ce titre, le moyen est encore irrecevable.
A titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.
En effet, les deux indemnités n’ont pas pour objet de réparer le même préjudice.
L’indemnité pour procédure abusive et vexatoire est, aux termes du jugement précité du 13 juillet 2021, due pour réparer la faute commise par la demanderesse en cassation par l’introduction d’un appel « dans le seul but de but de retarder le paiement d’une créance revenant aux défendeurs en cassation », alors qu’ « SOCIETE1.) S.A. n’avait pas soulevé de contestation concrète par rapport à ce montant », ni en première instance, ni en instance d’appel. Elle a pour objet de réparer le préjudice subi par « PERSONNE1.) et PERSONNE2.) [qui] ont été lésés dans leurs droits, vu qu’ils ont, pour obtenir paiement de leur créance, dû, sans raison valable, attendre l’issue d’une instance supplémentaire. » L’indemnité pour procédure abusive et vexatoire ne s’identifie partant pas à l’indemnisation due pour réparer le préjudice qu’ont subi les défendeurs en cassation du fait des honoraires et frais de leur avocat qu’ils ont dû régler.
Il en suit qu’en ne déduisant pas le montant de l’indemnité à laquelle la demanderesse en cassation a été condamnée pour procédure abusive et vexatoire du montant de l’indemnisation redue par elle au titre du préjudice subi par les défendeurs en cassation du fait des honoraires et frais d’avocat qu’ils ont dû régler, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions légales reproduites au moyen.
Sur le troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1382 du Code civil au sujet de la responsabilité civile délictuelle.
Aux termes de ce moyen, la défenderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir « indemnisé un préjudice sans lien causal avec la faute par eux constatée ».
Sous le couvert d’une violation de l’article 1382 du Code civil, ce moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation par les juges d’appel de l’existence d’une relation causale entre la faute retenue et le dommage subi. Or, suivant Votre jurisprudence, qui se distingue en cela de la jurisprudence de la Cour de cassation française8, cette appréciation relève de pouvoir souverain des juges du fond et échappe au contrôle de la Cour de cassation9.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
A titre subsidiaire, ce moyen n’est pas fondé.
8 J. et L. BORÉ, précité, n° 67.156.
9 Cass. 27 juin 2013, n° 3213 du registre (réponse au deuxième moyen de cassation) ; Cass. 14 novembre 2013, n° 3243 du registre (réponse au premier moyen de cassation).
Après avoir rappelé le principe, tel que posé par Votre Cour dans un arrêt du 9 février 201210, suivant lequel les honoraires d’avocat constituent un préjudice réparable sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil, les juges d’appel ont considéré que la société SOCIETE1.) avait commis une faute, d’une part, « en encaissant l’intégralité du montant de la garantie locative obligeant PERSONNE1.) et PERSONNE2.) à introduire une action en justice à son encontre pour obtenir remboursement de cette garantie »11 et, d’autre part, « en résistant de manière abusive à la demande de PERSONNE1.) et de PERSONNE2.) tendant à se voir restituer cette garantie locative »12. Ils ont ensuite considéré que « tant les frais et honoraires d’avocat engagés pour introduire l’action en justice initiale que ceux exposés suite à la résistance abusive portée par la société SOCIETE1.) S.A. à l’action introduite PERSONNE1.) et PERSONNE2.) ainsi que ceux exposés par PERSONNE1.) et de PERSONNE2.) pour se défendre contre les nombreux recours introduits par la société SOCIETE1.) S.A. sont en relation causale avec la faute commise par la société SOCIETE1.) S.A. »13. Les juges d’appel ont ensuite chiffré ce dommage au vu des pièces versées.
Il en suit que les juges d’appel ont indemnisé un préjudice qui se trouvait en relation causale directe avec la faute délictuelle qu’ils ont retenue à l’encontre de la demanderesse en cassation et qu’en statuant comme ils l’ont fait, ils n’ont pas violé l’article 1382 du Code civil.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais il n’est pas fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, MAGISTRAT6.) 10 Cass. 9 février 2012, n° 2881 du registre (réponse au deuxième moyen de cassation, pris en sa troisième branche).
11 Jugement entrepris, page 9, alinéa 2.
12 Idem, alinéa 2.
13 Idem, alinéa 4.