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02/12/2022 | LUXEMBOURG | N°144/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 02 décembre 2022, 144/22


N° 144 / 2022 du 01.12.2022 Numéro CAS-2022-00003 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille vingt-deux.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, MAGISTRAT6.), avocat général, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre:

PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, c

omparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e...

N° 144 / 2022 du 01.12.2022 Numéro CAS-2022-00003 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille vingt-deux.

Composition:

MAGISTRAT1.), président de la Cour, MAGISTRAT2.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT3.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT4.), conseiller à la Cour de cassation, MAGISTRAT5.), conseiller à la Cour d’appel, MAGISTRAT6.), avocat général, GREFFIER1.), greffier à la Cour.

Entre:

PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE2.), représentée par le conseil d’administration, défenderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple SOCIETE2.), inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour.

Vu le jugement attaqué, numéro 2021TALCH014/00125, rendu le 3 novembre 2021 sous le numéro TAL-2021-03469 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 17 janvier 2022 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) » (ci-après « la société SOCIETE1.) »), déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 10 mars 2022 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), déposé le 14 mars 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général MAGISTRAT7.).

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le juge de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer, avait dit non fondées les demandes de la bailleresse, la société SOCIETE1.), contre le locataire, PERSONNE1.), en résiliation du contrat de bail et en paiement d’arriérés de loyers. Le tribunal d’arrondissement a, par réformation partielle, condamné le locataire au paiement d’un certain montant au titre d’arriérés de loyers.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit recevable l'appel principal de SOCIETE1.) S.A., Aux motifs que, tels que ceux-ci résultent du jugement d'appel :

lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même : que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il y a lieu de relever que les jugements des 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 constituent des jugements avant dire droit, dans la mesure où ils ne contiennent aucune disposition sur le fond dans leurs dispositifs. Ils ont seulement ordonné des mesures d'instruction.

Lesdits jugements ne peuvent être frappés d'appel qu'ensemble avec un jugement rendu ultérieurement au cours de la même instance et qui remplit les conditions pour être appelable (cf T. HOSCHE1T, Le droit judiciaire privé au Grand-Duché de Luxembourg, 2e édition, n° 1397).

Il est constant en cause que la société SOCIETE1.) a seulement interjeté appel contre le jugement rendu en date du 4 mars 2021 par le tribunal de paix de Luxembourg sans interjeter appel en même temps contre les jugements précédant celui-ci.

Les jugements avant dire droit n'ont pas autorité de chose jugée (cf JCL Procédure civile, fasc. 900-30 : Autorité de la chose jugée - Autorité de la chose jugée au civil sur le civil, n° 72), de sorte que le moyen de PERSONNE1.) laisse d'être fondé.

Par ailleurs, le tribunal tient encore à relever que l'autorité de chose jugée n'affecte que ce qui est tranché au dispositif de la décision de justice à l'exclusion des motifs (cf Cass. Fr. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033 ; Bull. civ. Ass. Plén., n°3).

Les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas l'autorité de la chose jugée (cf Cass. 1 1 juin 2020, n° CAS-2019-00095).

Au vu des développements qui précèdent et contrairement à la position de PERSONNE1.), les motifs développés par le juge de première instance dans ses jugements des 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 n'ont pas acquis l'autorité de chose jugée, de sorte qu'ils peuvent à nouveau être analysés par le tribunal actuellement saisi ».

1) Alors que Première et unique branche Tirée de la violation de la loi, in specie de l'article 1351 du Code civil, selon le Tribunal d'arrondissement, les motifs développés par le juge de première instance dans ses jugements du 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 n'auraient pas acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte qu'ils auraient à nouveau pu être analysés par la juridiction d'appel, que selon le Tribunal d'arrondissement, un jugement avant dire droit n'aurait pas autorité de chose jugée, que toujours selon le Tribunal d'arrondissement, l'autorité de la chose jugée n'affecterait que ce qui est tranché au dispositif de la décision en justice, à l'exclusion des motifs, que toujours selon le Tribunal d'arrondissement, citant une décision de la Cour de Cassation du 11 juin 2020 (n° CAS-2019-00095 du registre), les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'auraient pas l'autorité de la chose jugée, que sur ce dernier point, le Tribunal d'arrondissement n'a pourtant cité que les Conclusions du Parquet Général, l'arrêt cité n'ayant pas pris une telle position, alors qu'il n'a pas statué sur le moyen en question, Que le Tribunal a constaté que la société SOCIETE1.) S.A. a uniquement interjeté appel contre le jugement au fond du 4 mars 2021, qu’il a pu être jugé que si seul le dispositif est considéré pour savoir si le droit d'appel existe, les motifs sont cependant pris en considération pour apprécier si ces jugements avant dire droit ne produisent pas à l'égard de certains points l'autorité de la chose jugée. Dès lors, si l'appelant veut rediscuter ces points en instance d'appel, il doit relever appel du jugement qui contient ces motifs. Si l'appel est dirigé seulement contre le jugement définitif le contenu du jugement antérieur ne peut pas être discuté », que la Cour d'appel a ainsi jugé que c'est précisément au regard de l'effet dévolutif de l'appel, qu'un jugement avant dire droit et le jugement sur le fond qui s'ensuit restent parfaitement distincts et un appel qui contient l'indication du seul jugement rendu sur le fond ne défère à la Cour d'appel que cette dernière décision », que la Cour d'appel, après avoir constaté que l'appel n'avait pas été interjeté contre le jugement interlocutoire ensemble avec le jugement au fond, a déclaré irrecevable l'appel interjeté contre la motivation et les dispositions du jugement interlocutoire, qu'en considérant tout simplement qu'un jugement avant dire droit, ainsi que ses motifs, n'auraient pas autorité de la chose jugée, et en déclarant ainsi recevable l'appel principal dirigé uniquement contre le jugement au fond, sans examiner si les jugements avant dire droit ne produisent pas à l'égard de certains points l'autorité de la chose jugée en considération de leurs motifs, le Tribunal a violé les articles 1351 du Code civil, d'où il suit que le jugement encourt la cassation. » et le deuxième, « Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit fondée la demande de la société 1.SOCIETE1.) SA, et partant condamné PERSONNE1.) au paiement de la somme de 250.977,28- EUR, avec les intérêts légaux sur le montant de 195.861.-

euros à partir du 24 décembre 2019, date de la demande en justice, sur le montant 11.400.- euros à partir du 12 mars 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 15.200.- euros à partir du 16 juillet 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 11.400.- euros à partir du 16 juillet 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 3.800.- euros à partir du 5 novembre 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 11.400.- euros à partir du 18 février 2021, date de la demande en justice, et sur le montant de 1.916,28 euros à partir du 9 avril 2021, date de la demande en justice, chaque fois jusqu'à solde et d'avoir dit que le tribunal de paix siégeant en matière de bail à loyer est incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle de PERSONNE1.).

Aux motifs que, tels que ceux-ci résultent du jugement d'appel :

lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même : que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il y a lieu de relever que les jugements des 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 constituent des jugements avant dire droit, dans la mesure où ils ne contiennent aucune disposition sur le fond dans leurs dispositifs. Ils ont seulement ordonné des mesures d'instruction.

Lesdits jugements ne peuvent être frappés d'appel qu'ensemble avec un jugement rendu ultérieurement au cours de la même instance et qui remplit les conditions pour être appelable (cf T HOSCHEIT, Le droit judiciaire privé au Grand-

Duché de Luxembourg, 2e édition, n° 1397).

Il est constant en cause que la société. SOCIETE1.) a seulement interjeté appel contre le jugement rendu en date du 4 mars 2021 par le tribunal de paix de Luxembourg, sans interjeter appel en même temps contre les jugements précédant celui-ci.

Les jugements avant dire droit n'ont pas autorité de chose jugée (cf JCL Procédure civile, fasc. 900-30 : Autorité de la chose jugée - Autorité de la chose jugée au civil sur le civil, n° 72), de sorte que le moyen de PERSONNE1.) laisse d'être fondé.

Par ailleurs, le tribunal tient encore à relever que l'autorité de chose jugée n'affecte que ce qui est tranché au dispositif de la décision de justice à l'exclusion des motifs (cf Cass. Fr. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033, Bull. civ. Ass. Plén., n° 3).

Les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif n’ont pas l'autorité de la chose jugée (cf Cass. 1 1 juin 2020, n° CAS-2019-00095).

Au vu des développements qui précèdent et contrairement à la position de PERSONNE1.), les motifs développés par le juge de première instance dans ses jugements des 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 n'ont pas acquis l'autorité de chose jugée, de sorte qu'ils peuvent à nouveau être analysés par le tribunal actuellement saisi ».

1) Alors que Première et unique branche Tirée de la violation de la loi, in specie de l'article 1351 du Code civil, selon le Tribunal d'arrondissement, les motifs développés par le juge de première instance dans ses jugements du 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020 n'auraient pas acquis l'autorité de la chose jugée, de sorte qu'ils auraient à nouveau pu être analysés par la juridiction d'appel, que selon le Tribunal d'arrondissement, un jugement avant dire droit n'aurait pas autorité de chose jugée, que toujours selon le Tribunal d'arrondissement, l'autorité de la chose jugée n'affecterait que ce qui est tranché au dispositif de la décision en justice, à l'exclusion des motifs, que toujours selon le Tribunal d'arrondissement, citant une décision de la Cour de Cassation du 11 juin 2020 (n° CAS-2019-00095 du registre), les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'auraient pas l'autorité de la chose jugée, que le Tribunal d'arrondissement n'a pourtant cité que les Conclusions du Parquet Général, l'arrêt cité n'ayant pas pris une telle position, alors qu'il n'a pas statué sur le moyen en question, Qu'il est incontesté que l'appel avait uniquement été interjeté contre le jugement au fond du 4 mars 2021, qu'il a pu être jugé que si seul le dispositif est considéré pour savoir si le droit d'appel existe, les motifs sont cependant pris en considération pour apprécier si ces jugements avant dire droit ne produisent pas à l'égard de certains points l'autorité de la chose jugée. Dès lors, si l'appelant veut rediscuter ces points en instance d'appel, il doit relever appel du jugement qui contient ces motifs. Si l'appel est dirigé seulement contre le jugement définitif le contenu du jugement antérieur ne peut pas être discuté », que la Cour d'appel a ainsi jugé que c'est précisément au regard de l'effet dévolutif de l'appel, qu’un jugement avant dire droit et le jugement sur le fond qui s 'ensuit restent parfaitement distincts et un appel qui contient l'indication du seul jugement rendu sur le fond ne défère à la Cour d'appel que cette dernière décision », que même si l'appel contre la motivation et les dispositions d'un jugement avant dire droit devait être recevable si l'appel est uniquement dirigé contre le jugement au fond (quod non), les points du jugement avant dire droit ayant acquis l'autorité de la force jugée ne sauraient dans tous les cas pas être rediscutés, qu'en considérant tout simplement qu'un jugement avant dire droit, ainsi que ses motifs, n'auraient pas autorité de chose jugée, et en considérant tout simplement que les motifs d'un tel jugement pourraient être rediscutés en instance d'appel, sans examiner si les jugements avant dire droit ne produisent pas à l'égard de certains points l'autorité de la chose jugée en considération de leurs motifs, le Tribunal a violé l'article 1351 du Code civil, d'où il suit que le jugement encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Par la motivation reprise aux moyens, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition y visée.

Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit fondée la demande de la société 1.SOCIETE1.) SA, et partant condamné PERSONNE1.) au paiement de la somme de 250.977,28- EUR, avec les intérêts légaux sur le montant de 195.861.- euros à partir du 24 décembre 2019, date de la demande en justice, sur le montant 11.400.- euros à partir du 12 mars 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 15.200.-

euros à partir du 16 juillet 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 11.400.- euros à partir du 16 juillet 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 3.800.- euros à partir du 5 novembre 2020, date de la demande en justice, sur le montant de 11.400.- euros à partir du 18 février 2021, date de la demande en justice, et sur le montant de 1.916,28 euros à partir du 9 avril 2021, date de la demande en justice, chaque fois jusqu'à solde et d'avoir dit que le tribunal de paix siégeant en matière de bail à loyer est incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle de PERSONNE1.), Aux motifs que, tels que ceux-ci résultent du jugement d'appel, paiements effectués, ainsi que les mois auxquels correspondent lesdits paiements.

Ils prévoient également les montants prétendument payés.

Le document relatif à l'année 2005 n'indique aucune date, alors que sur les autres documents il est libellé "reçu en date du 14 juillet 2006", "reçu en date du 15 mars 2007" et "reçu en date du 7 mai 08".

Lesdits documents sont tous paraphés par PERSONNE2.), mais n'indiquent pas en quelle qualité ce dernier a reçu les montants y indiqués.

Il y a lieu de relever que les documents susvisés ne contiennent aucune mention relative à la personne ayant effectué les paiements ni même la cause de ceux-

ci. En particulier, il n'est pas indiqué que PERSONNE1.) a payé les montants y figurant à titre de loyer respectivement de remboursement du prêt hypothécaire conclu pour financer l'acquisition de la maison.

Au vu des développements qui précèdent, PERSONNE1.) n'a pas rapporté la preuve de la cause des documents susvisés, de sorte qu'il n'est pas établi que PERSONNE1.) s'est acquitté des arriérés de loyers lui réclamés par la société SOCIETE1.) Contrairement à sa position soutenue lors des plaidoiries en instance d'appel, il appartenait à PERSONNE1.) de prouver positivement en quoi consistaient les paiements effectués selon des documents manuscrits litigieux.

1) Alors que Première et unique branche Tirée de la violation de la loi, in specie de l'article 1315 du Code civil Selon le Tribunal d'arrondissement, il aurait appartenu à PERSONNE1.) de prouver positivement en quoi consistaient les paiements effectués selon les documents manuscrits litigieux, Que le Tribunal d'arrondissement s'est limité à constater qu'il n'était pas indiqué sur les documents que PERSONNE1.) a payé les montants y figurant à titre de loyers, Que le Tribunal a pourtant constaté que les documents étaient tous paraphés par M. PERSONNE2.), et qu'ils documentaient des paiements reçus par M.

PERSONNE2.), Qu'il était incontesté que PERSONNE1.) était en possession des documents manuscrits, Qu'il était encore incontesté que la seule relation contractuelle montée au dossier, et qui existait au moment des paiements effectués, était le contrat de bail entre PERSONNE1.), en tant que locataire, et la société SOCIETE1.) , représentée par PERSONNE2.) en sa qualité d'administrateur-

délégué, en tant que bailleur, Que l'article 1315 du Code civil pose que [c]elui qui réclame l'exécution d'une obligation, doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation », Que si une personne prouve la réalité d'un paiement effectué à un créancier, et si elle établit l'existence d'une relation contractuelle, au moment du paiement, entre lui et le créancier ou une personne physique ou morale représentée par lui ou le créancier, sans que le créancier ne soit en mesure d'établir l'existence d'une autre relation contractuelle au moment du paiement, elle prouve à suffisance qu'elle a effectué ce paiement au titre de cette relation contractuelle prouvée, Qu'en effet, si une autre relation contractuelle avait existé, le créancier serait en mesure de le justifier, et il lui appartiendrait d'en rapporter la preuve, Qu'il est de jurisprudence constante que la preuve négative est impossible à rapporter, Que l'on ne saurait donc exiger d'une personne qu'elle rapporte la preuve qu'aucune autre relation contractuelle n'existait entre parties au moment d'un paiement effectué, Qu'en considérant qu'une personne n'aurait pas prouvé positivement en quoi consistait un paiement effectué à un créancier, lorsque cette personne établit l'existence d'une relation contractuelle, au moment du paiement, entre lui et le créancier ou une personne physique ou morale représentée par lui ou le créancier, sans que le créancier n'ait établi l'existence d'une autre relation contractuelle au moment du paiement, le Tribunal d'arrondissement a violé l'article 1315 du Code civil.

D’où il suit que le jugement encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Vu l’article 1315 du Code civil.

En imposant au demandeur en cassation qui soutenait que les paiements par lui effectués l’avaient été au titre des loyers, objet du litige, « de prouver positivement en quoi consistaient les paiements effectués selon les documents manuscrits litigieux », au lieu d’obliger le créancier, qui prétendait que les paiements avaient été faits au titre d’une créance dont il aurait été titulaire à l’égard du débiteur, différente de celle en cause que le débiteur prétendait avoir réglée par son paiement, d’en rapporter la preuve, les juges d’appel ont inversé la charge de la preuve en violation de l’article visé au moyen.

Il s’ensuit que le jugement encourt la cassation.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

casse et annule le jugement attaqué, numéro 2021TALCH014/00125, rendu le 3 novembre 2021 sous le numéro TAL-2021-03469 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière de bail à loyer ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

condamne la défenderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de AVOCAT1.), sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président MAGISTRAT1.) en présence de l’avocat général MAGISTRAT6.) et du greffier GREFFIER1.).

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre PERSONNE1.) et la société anonyme SOCIETE1.) (n° CAS-2022-00003 du registre) Par mémoire signifié le 17 janvier 2022 à la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après, la société « SOCIETE1.) ») et déposé le même jour au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, agissant pour le compte de PERSONNE1.) (ci-après « PERSONNE1.) »), a formé un pourvoi en cassation contre un jugement rendu contradictoirement le 3 novembre 2021 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel, dans la cause inscrite sous le numéro TAL-2021-03469 du rôle.

Le jugement entrepris a été rendu en dernier ressort.

Le pourvoi introduit est recevable au regard des conditions de délai1 et de forme prévues par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois.

Un mémoire en réponse a été signifié le 10 mars 2022 par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société SOCIETE1.), et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 14 mars 2022. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

1 Le jugement entrepris a été signifié au demandeur en cassation le 16 novembre 2021. Le 16 janvier 2022 ayant été un dimanche, le délai de deux mois pour introduire le pourvoi a été prolongé au premier jour ouvrable suivant, le lundi 17 janvier 2022, à minuit, conformément aux articles 1256 et suivants du Nouveau code de procédure civile, de sorte que le pourvoi introduit le 17 janvier 2022 est recevable quant aux délais.

Sur les faits et rétroactes :

Par un jugement du 4 mars 2021, le tribunal de paix de Luxembourg avait dit non fondées les demandes de la société SOCIETE1.) tendant à la résiliation du contrat de bail conclu avec PERSONNE1.) et à la condamnation de ce dernier au paiement d’une certaine somme au titre d’arriérés de loyer. Il avait encore dit non fondée la demande de PERSONNE1.) en remboursement d’un trop-payé de loyers.

Pour statuer ainsi, le tribunal de paix de Luxembourg avait considéré que PERSONNE1.) avait établi avoir payé au bailleur des sommes dépassant les arriérés de loyer réclamés et que les sommes payées en trop étaient à qualifier d’avances dont il ne pouvait pas réclamer la restitution tant que le contrat de bail restait en cours d’exécution.

Saisi de l’appel interjeté contre ce jugement, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par un jugement du 3 novembre 2021, avait, par réformation, dit fondée partiellement la demande de la société SOCIETE1.) et condamné PERSONNE1.) à lui payer un certain montant au titre des arriérés de loyer. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait justifié sa décision par le motif que PERSONNE1.) n’avait pas rapporté la preuve que les paiements qu’il avait effectués l’avaient été en exécution du contrat de bail.

Le pourvoi est dirigé contre le jugement du 3 novembre 2021.

Sur le troisième moyen de cassation qui est préalable :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil au sujet de la preuve des obligations et de celle du paiement.

L’article 1315 du Code civil dispose que :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. » Aux termes de son moyen, le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu qu’il lui aurait appartenu « de prouver positivement en quoi consistaient les paiements effectués selon les documents manuscrits litigieux ».

Il considère que « si une personne prouve la réalité d’un paiement effectué à un créancier, et si elle établit l’existence d’une relation contractuelle, au moment du paiement, entre lui et le créancier ou une personne physique ou morale représentée par lui ou le créancier, sans que le créancier ne soit en mesure d’établir l’existence d’une autre relation contractuelle au moment du paiement, elle prouve à suffisance qu’elle a effectué ce paiement au titre de cette relation contractuelle prouvée » et que par ailleurs, « l’on ne saurait exiger d’une personne qu’elle rapporte la preuve qu’aucune autre relation contractuelle n’existait entre parties au moment d’un paiement effectué ».

Dans le jugement entrepris par le pourvoi, les juges ont considéré que « PERSONNE1.) n’a pas rapporté la preuve de la cause des documents susvisés, de sorte qu’il n’est pas établi que PERSONNE1.) s’est acquitté des arriérés de loyer lui réclamés par la société SOCIETE1.). » et qu’ « il appartenait à PERSONNE1.) de prouver positivement en quoi consistaient les paiements effectués selon les documents manuscrits litigieux ».

Les juges d’appel ont partant considéré que le débiteur devait établir, outre le paiement, la cause – ou en d’autres termes, la contrepartie – de ce paiement.

Il est rappelé que si l’appréciation de la preuve relève du pouvoir souverain des juges du fond, il en va autrement du respect des règles sur l’administration de la preuve et en particulier sur la charge de la preuve sur lequel la Cour de cassation exerce son contrôle2.

Aux termes de l’article 1315 du Code civil, la preuve de l’existence d’une créance est à charge du créancier, alors que la preuve du paiement doit être rapportée par le débiteur.

Il en résulte que si le créancier prétend que le paiement a été fait au titre d’une créance dont il serait titulaire à l’égard du débiteur, différente de celle qui est en cause, à savoir celle dont il poursuit le recouvrement et que le débiteur prétend avoir réglée par son paiement, il lui appartient en premier lieu de rapporter la preuve de l’existence de cette autre créance.

Ensuite, une fois l’existence d’une pluralité de créances établie, l’imputation du paiement du débiteur se fait, sauf accord contraire entre les parties, d’après les règles énoncées aux articles 1253 et suivants du Code civil. Ainsi, le débiteur a le droit de déclarer lorsqu’il paie, quelle dette il entend acquitter (article 1253 du Code civil). Si le débiteur n’a pas indiqué quelle dette il a entendu payer, l’imputation peut être faite par le créancier dans la quittance, à condition toutefois que cette imputation soit acceptée 2 BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 64.131 ; Cass. 18 juin 2015, n° 52 / 15, numéro 3493 du registre.

par le débiteur (article 1255 du Code civil). Si la quittance ne porte aucune imputation – ainsi que c’est le cas de la présente espèce – le paiement doit être imputé sur la dette échue que le débiteur a le plus intérêt à acquitter (article 1256, alinéa 1 du Code civil), c’est-à-dire celle qui est pour lui la plus lourde, la plus onéreuse compte tenu notamment du poids des accessoires3 ou des garanties dont la dette est assortie. Si les dettes sont d’égale nature, l’imputation se fait sur la plus ancienne. Toutes choses égales, elle se fait proportionnellement (article 1256, alinéa 2 du Code civil).4 Ainsi, même à supposer que le créancier établisse l’existence de plusieurs créances à l’encontre de son débiteur, il ne lui appartient pas de décider de l’imputation du paiement, du moins pas sans l’accord du débiteur. Lorsque le débiteur n’a pas déclaré quelle dette il entendait acquitter au moment du paiement, le créancier qui fait valoir que le paiement est à imputer spécialement sur l’une de ses créances à l’égard du débiteur, doit établir non seulement l’existence de cette créance, mais encore l’acceptation par le débiteur de l’imputation du paiement sur cette créance, à défaut de quoi, le juge imputera le paiement sur la créance échue que le débiteur avait le plus d’intérêt à payer.

Contrairement à ce qu’ont retenu les juges d’appel, il ne revient ainsi pas au débiteur, pour se libérer, d’établir la cause du paiement qu’il a effectué, étant entendu que tout paiement suppose une dette (article 1235 du Code civil) et que c’est seulement si le solvens fait valoir que son paiement n’était pas dû, qu’il lui appartient d’établir le caractère indu de son paiement, donc l’absence de cause, pour en obtenir répétition, conformément aux règles établies pour la répétition de l’indu (articles 1376 et suivants du Code civil).

Il en résulte que les juges d’appel, en considérant qu’il revenait au débiteur de prouver « positivement en quoi consistaient les paiements effectués » et donc d’établir que les paiements qu’il avait effectués étaient à imputer spécialement sur la créance de loyer dont son bailleur poursuivait le recouvrement, ont opéré un renversement de la charge de la preuve au détriment du demandeur en cassation et violé l’article 1315 du Code civil.

Il en suit que le moyen est fondé.

3 Essentiellement les intérêts débiteurs, étant entendu que le paiement s’impute d’abord sur les intérêts et seulement ensuite sur le capital (article 1254 du Code civil).

4 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, les obligations, Précis Dalloz, 9ème édition 2005, n°s 1357 et s.

Sur les deux premiers moyens de cassation :

Les deux premiers moyens de cassation sont tirés de la violation de l’article 1351 du Code civil au sujet de l’autorité de la chose jugée.

Aux termes de ces moyens, le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel de ne pas avoir retenu que les jugements du juge de première instance des 21 juillet, 15 octobre et 12 novembre 2020, non frappés d’appel, étaient revêtus de l’autorité de chose jugée et s’imposaient aux juges d’appel.

Il résulte du jugement d’appel entrepris par le pourvoi que dans ces jugements, le juge de première instance avait considéré notamment qu’ « à défaut pour la société SOCIETE1.), dirigée par PERSONNE2.), de démontrer une autre relation contractuelle que celle existant entre parties par le biais du contrat de bail du 30 octobre 2002, […] le paiement des sommes d’argent renseignées sur les quittances est à imputer sur la seule dette établie, à savoir celle de loyer. » Les juges d’appel ont pris le contrepied de cette solution en considérant qu’il appartenait au débiteur PERSONNE1.) d’établir que l’imputation de ses paiements était à faire sur la dette de loyer.

Au vu de la cassation encourue en vertu du troisième moyen de cassation, qui vise précisément la question de la charge de la preuve en rapport avec l’imputation des paiements effectués, il est superfétatoire de répondre aux deux premiers moyens de cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable et fondé en son troisième moyen.

Le jugement entrepris encourt la cassation.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, MAGISTRAT7.) 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 144/22
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/12/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-12-02;144.22 ?

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