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07/07/2022 | LUXEMBOURG | N°107/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 juillet 2022, 107/22


N° 107 / 2022 du 07.07.2022 Numéro CAS-2021-00118 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept juillet deux mille vingt-deux.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la s

ociété anonyme ASSURANCES X), demanderesse en cassation, comparant par Maître Nikolaus BANNA...

N° 107 / 2022 du 07.07.2022 Numéro CAS-2021-00118 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept juillet deux mille vingt-deux.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme ASSURANCES X), demanderesse en cassation, comparant par Maître Nikolaus BANNASCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

T), défendeur en cassation, comparant par Maître Mathieu FETTIG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 136/21-II-CIV, rendu le 30 juin 2021 sous le numéro CAL-2020-00625 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 septembre 2021 par la société anonyme ASSURANCES X) à T), déposé le 30 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 27 octobre 2021 par T) à la société ASSURANCES X), déposé le 4 novembre 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait dit la demande de T) dirigée contre la société ASSURANCES X) en indemnisation du dommage accru à son véhicule fondée pour un certain montant. La Cour d’appel a partiellement réformé ce jugement et condamné l’assureur à payer à T) un montant supérieur.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d’application, sinon d’une fausse interprétation de la loi in specie de l’article 1134 du Code civil, qui dispose que Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. », En ce que la juridiction d’appel a dénaturé l’esprit des dispositions contractuelles applicables par l’adjonction au contrat d’assurance de conditions d’exclusion qu’il ne comporte pas à savoir l’effectivité d’une condamnation pour délit de fuite, sinon la preuve de la volonté pour le conducteur de se soustraire à un test ou à une prise de sang, Alors que l’article 1134 du Code civil consacre la théorie de l’acte clair et la prohibition de l’interprétation et de la modification d’une convention dont les dispositions sont claires de sorte à ne pas dénaturer la convention qui tient lieu de loi entre les parties. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation, par les juges du fond, de la clause contractuelle liant les parties et de son application aux faits de l’espèce, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d’application, sinon d’une fausse interprétation de l’article 1156 du Code civil, qui dispose que , En ce que la Cour d’appel a entendu interpréter une clause absolument claire et précise qui ne comporte pas d’interprétation et substitue » et a ainsi substitué , Alors que l’article 1156 du Code civil ne donne lieu à application qu’en l’absence d’acte claire et la prohibition de l’interprétation et impose le respect par le juge de la commune intention des parties. ».

Réponse de la Cour L’article 1156 du Code civil n’a pas un caractère impératif. Ses dispositions constituent des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Mathieu FETTIG, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation ASSURANCES X) S.A.

contre T) (n° CAS-2021-00118 du registre) Par mémoire signifié le 27 septembre 2021 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 30 septembre 2021, Maître Nikolaus BANNASCH, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la société anonyme ASSURANCES X) S.A., a introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt n° 136/21 -II-CIV rendu contradictoirement en date du 30 juin 2021 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile (n° CAL-2020-00625 du rôle).

L’arrêt a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 4 août 2021.1 Le pourvoi introduit est recevable au regard du délai de deux mois prévu à l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Le mémoire en réponse, signifié le 27 octobre 2021 à la demanderesse en cassation en son domicile élu et déposé au greffe de la Cour le 4 novembre 2021, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Sur les faits et rétroactes :

Le 22 décembre 2016, vers 04.29 heures, un accident de la circulation s’est produit à Esch-sur-Alzette ayant impliqué le véhicule appartenant à T), assuré en dégâts matériels 1 Pièce 5 de la farde de pièces de la demanderesse en cassation auprès de la société anonyme ASSURANCES X) SA (ci-après la société ASSURANCES X)).

Saisi, d’une part, de l’assignation de T) dirigée contre la société ASSURANCES X) tendant au paiement du montant de 33.216 euros, augmenté en cours de première instance à 41.335 euros, au titre d’indemnisation de son préjudice matériel subi suite à cet accident, outre les intérêts et une indemnité de procédure, ainsi qu’au montant de 2.500 euros au titre de frais d’avocat, et, d’autre part, de la demande reconventionnelle de la société ASSURANCES X) en paiement du montant de 3.000 euros du chef de frais d’avocat, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par jugement du 28 mai 2020, a dit la demande de T) fondée à hauteur du montant de 11.381 euros que la société ASSURANCES X) a été condamnée à payer à T), outre les intérêts et une indemnité de procédure de 1.500 euros, la demande reconventionnelle formulée par la société ASSURANCES X) ayant été déclarée non fondée.2 Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir constaté que les conditions générales, faisant partie intégrante du contrat d’assurances conclu entre parties le 25 mars 2016, sont opposables à T), a retenu que la société ASSURANCES X) n’a pas rapporté la preuve que les conditions d’exclusion de garantie y stipulées sont réunies.

De ce jugement, appel a été régulièrement relevé par la société ASSURANCES X) suivant exploit d’huissier du 27 juillet 2020.3 Par arrêt contradictoire du 30 juin 2021, la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, a dit l’appel principal et l’appel incident recevables, les a dit partiellement fondés, réformant, a dit la demande de T) fondée à concurrence du montant de 33.216 euros, a condamné la société anonyme ASSURANCES X) S.A. à payer à T) le montant de 33.216 euros, avec les intérêts légaux à partir du 22 décembre 2016 jusqu’à solde…4 Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d’application, sinon d’une fausse interprétation de la loi in specie de l’article 1134 du Code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

2 Pièce 2 de la farde de pièces de la demanderesse en cassation 3 Pièce 3 de la farde de pièces de la demanderesse en cassation 4 Pièce 4 de la farde de pièces de la demanderesse en cassation Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. », En ce que la juridiction d’appel a dénaturé l’esprit des dispositions contractuelles applicables par l’adjonction au contrat d’assurance de conditions d’exclusion qu’il ne comporte pas à savoir l’effectivité d’une condamnation pour délit de fuite, sinon la preuve de la volonté pour le conducteur de se soustraire à un test ou à une prise de sang, Alors que l’article 1134 du Code civil consacre la théorie de l’acte clair et la prohibition de l’interprétation et de la modification d’une convention dont les dispositions sont claires de sorte à ne pas dénaturer la convention qui tient lieu de loi entre les parties, » La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir dénaturé la clause d’exclusion prévue à l’article 1.5.2.1. point g des conditions générales d’assurance, partant les dispositions contractuelles liant les parties.

Il faut rappeler à cet égard que vous décidez de façon constante que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour interpréter les conventions5.

Contrairement à la jurisprudence française6, vous étendez ce pouvoir souverain d’ailleurs même, en matière de droit du travail, à l’interprétation des conventions collectives7. Vous reconnaissez ce même pouvoir souverain en matière d’interprétation des usages8.

Or, le pouvoir souverain des juges du fond d’interpréter les conventions et les usages, implique celui de déterminer l’existence de celles-ci9, ainsi que l’existence et le contenu des obligations qui en forment l’objet10.

La lecture du moyen permet de constater que par le biais de son recours, la demanderesse en cassation ne tend en réalité qu’à soumettre à votre Cour l’interprétation faite par les juges d’appel du contenu des conditions générales d’assurance.

5 Voir, à titre d’exemple : Cass. 18 avril 2002, n° 25/02 (réponse au deuxième moyen) ; 8 mai 2003, n° 29/03 ; 14 juillet 2005, n° 52/05 ; 9 novembre 2006, n° 52/06 ; 17 mars 2016, n° 31/16, N° 3623 du registre ;

6 Boré, La cassation en matière civile, cinquième édition, avril 2015, n° 62.162, la Cour de cassation française se livrant à un contrôle complet des conventions collectives de travail, malgré leur caractère dualiste, mi-

contractuelle, mi- réglementaire.

7 Cass. 4 janvier 2007, n° 1/07 (réponse au second moyen) ; 4 janvier 2007, n° 2/07 (réponse au second moyen).

8 Cass. 26 mai 2005, n° 36/05 (réponse à la troisième branche du premier moyen).

9 S’agissant des contrats : Boré, mentionné ci-avant, n° 67.61 : pouvoir souverain des juges du fond pour constater l’accord des contractants. S’agissant des usages : idem, n° 62.81 : pouvoir souverain des juges du fond de constater les usages.

10 Idem, n° 62.111 Sous le couvert de la violation de la disposition invoquée, le moyen a trait en réalité à l’interprétation des conditions générales d’assurance c’est-à-dire à la détermination de l’existence et du contenu de la clause d’exclusion prévue à l’article 1.5.2.1. point g des conditions générales d’assurance, laquelle relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond échappant donc au contrôle de la Cour de cassation.

Le premier moyen de cassation ne saurait partant être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d’application, sinon d’une fausse interprétation de l’article 1156 du Code civil, qui dispose que « on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes », En ce que la Cour d’appel a entendu interpréter « une clause absolument claire et précise qui ne comporte pas d’interprétation et substitue » et a ainsi substitué « une convention nouvelle à celle qui avait été conclue par les parties », Alors que l’article 1156 du Code civil ne donne lieu à application qu’en l’absence d’acte claire et la prohibition de l’interprétation et impose le respect par le juge de la commune intention des parties. » Selon la jurisprudence constante de votre Cour :

« L’article 1156 du Code civil n’a pas un caractère impératif. Ses dispositions constituent des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation. »11 Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais non fondé.

11 Voir, à titre d’exemple : Cass 4 juin 2020, n° 76/2020, n° CAS-2019-00091 du registre ; Cass. 11 juin 2020, n° 84/2020 (réponse au huitième moyen p. 44 et 45), n° CAS-2019-00066 du registre ; Cass. 3 décembre 2020, n° 162/2020, n° CAS-2019-00169 du registre Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 107/22
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-07-07;107.22 ?

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