La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | LUXEMBOURG | N°105/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 juillet 2022, 105/22


N° 105 / 2022 pénal du 07.07.2022 Not. 23838/11/CD Numéro CAS-2021-00113 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept juillet deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

N), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 juillet 2021 sous le numéro 250/21 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégea

nt en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Radu DUTA...

N° 105 / 2022 pénal du 07.07.2022 Not. 23838/11/CD Numéro CAS-2021-00113 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept juillet deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

N), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 juillet 2021 sous le numéro 250/21 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Radu DUTA, avocat à la Cour, au nom de N), suivant déclaration du 10 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 8 octobre 2021 au greffe de la Cour ;

Vu la rupture du délibéré du 7 juin 2022 ;

Vu les conclusions de Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, au nom de N), déposées le 15 juin 2022 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ.

L’article 40 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi modifiée du 18 février 1885 ») dispose que la procédure en matière criminelle, correctionnelle et de police est réglée par le Code de procédure pénale, pour autant que ces dispositions ne sont pas modifiées par les articles 41 à 52 de la prédite loi.

Aux termes de l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885, le délai pour se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu en dernier ressort en matière correctionnelle est d’un mois.

A défaut de dispositions particulières de la loi modifiée du 18 février 1885, le délai du pourvoi en cassation en matière pénale court, en application de l’article 203, alinéa 3, du Code de procédure pénale, pour les décisions contradictoires, à partir du jour du prononcé.

Il résulte de l’arrêt attaqué que le prévenu, assisté de son avocat, était présent à l’audience, lors de laquelle le prononcé avait été fixé au 14 juillet 2021, date à laquelle la Cour d’appel a rendu son arrêt.

L’arrêt ayant été rendu contradictoirement, le délai a partant commencé à courir le 14 juillet 2021, à minuit, et a expiré le 14 août 2021, à minuit.

Il s’ensuit que le pourvoi introduit le 10 septembre 2021 est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à neuf euros ;

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept juillet deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation N) /Ministère Public (affaire n° CAS-2021-00113 du registre) Par déclaration faite le 10 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de Justice, Maître Radu DUTA, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de N) un recours en cassation contre l’arrêt n° 250/21 X, rendu le 14 juillet 2021 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en instance d’appel en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 8 octobre 2021 du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Gérard A. TURPEL avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de N).

Le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans le respect des conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Quant aux faits :

Le contexte factuel de la cause et la matérialité des faits retenue par les juges du fond se résument comme suit :

- N) est gérant et associé unique de la société B) SARL, société qui exploite une installation de bio-méthanisation à

_____ ;

- il a introduit auprès du Ministère de l’Agriculture des demandes de subventions étatiques en relation avec la prédite installation ;

- il est propriétaire d’une ferme sise à

____ en France, dénommée

___, qu’il exploite sous forme de société civile agricole et quant à laquelle il a entrepris des travaux de rénovation ;

- des livraisons et prestations faites au profit de sa ferme sise en France furent facturées à B) SARL ; les factures contenant des mentions ayant trait auxdites livraisons et prestations ont été falsifiées, notamment par suppression des mentions y relatives ;

- B) SARL a payé des factures en relation avec la rénovation de la ferme sise à

___, ce sans contrepartie pour B) SARL ;

- des factures ne concernant pas le chantier sis à

_____ figuraient parmi les pièces transmises par N) au Ministère de l’Agriculture en vue de se voir accorder les subventions sus-

mentionnées.

Par arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel a confirmé les 1ers juges pour avoir retenu N), aux termes du jugement correctionnel n° 2540/2019 rendu le 24 octobre 2019, dans les liens des infractions - de faux et usage de faux en relation avec une dizaine de factures faussées et transmises au Ministère de l’Agriculture, - d’abus de biens sociaux à concurrence de 172.250,22 euros pour avoir payé par le débit de B) SARL des factures établies pour des prestations ayant trait à son exploitation agricole en France, et - d’escroquerie à subvention pour avoir déclaré des dépenses sans relation avec le projet d’installation de bio-méthanisation en vue d’obtenir une subvention étatique et en ayant reçu et conservé le montant d’au moins 159.216,01 euros auquel il n’avait pas droit, et pour l’avoir condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois, assortie du sursis intégral, et une amende de 90.000 euros du chef.

Par réformation, la Cour d’appel a dit que les subsides frauduleusement touchés l’ont été sur le montant de 165.017,49 euros, tout comme ils ont dit que les infractions de faux et d’usage de faux et d’escroquerie sont en concours idéal entre elles et que ce groupe d’infraction est en concours réel avec l’infraction d’abus de biens sociaux.

Quant au 1er moyen de cassation :

Le 1er moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après CEDH), en ce que « la Cour d’appel a rejeté l’exception de libellé obscur et d’irrecevabilité des poursuites aux motifs que :

« La Cour d’appel rappelle que pour autant que les griefs soulevés par la défense ont été toisés par la Chambre du Conseil de la Cour d’appel, ces décisions ont autorité de chose jugée et les demandes ou griefs en question ne sauraient être réitérés devant la juridiction de fond. Il y a partant autorité de chose jugée quant à ces points, à savoir quant au délai accumulé pendant l’instruction et quant au libellé des infractions retenues sub III) », alors que « dans son pouvoir d’appréciation étendu au fond, la Cour d’appel avait seule – par opposition à la Chambre du Conseil – le devoir de déterminer si l’inculpation tardive du requérant a porté préjudice à son droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme précitée. ».

Pour rappel, par arrêt n° 1058/18 Ch.c.C. rendu le 23 octobre 2018, la chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance de renvoi n° 471 rendue le 21 mars 2018 par la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement en ce qu’elle a, entre autres, retenu qu’il y a dépassement du délai raisonnable, que la durée de la procédure n’a pas gravement et irrémédiablement compromis l’administration de la preuve et n’a pas porté atteinte aux droits de la défense pour sanctionner le dépassement du délai raisonnable par une irrecevabilité des poursuites, et qu’il appartient à la juridiction de jugement de déterminer le cas échéant la réparation la plus adéquate du dommage subi en raison du dépassement du délai raisonnable.

La partie appelante ayant réitéré le moyen d’irrecevabilité des poursuites devant la juridiction de jugement, les magistrats d’appel, par le raisonnement reproduit au moyen, ne l’ont pas examiné.

Même si en matière pénale les exigences de précision sont appréciées de façon plus souple qu’en matière civile, toujours est-il que le moyen sous examen est à déclarer irrecevable pour défaut de précision.

En effet, le demandeur en cassation reste en défaut de dire en quoi le raisonnement des magistrats d’appel en relation avec l’autorité de chose jugée qu’ils attachent à l’arrêt de la chambre conseil de la Cour d’appel, est constitutif d’une violation de l’article 6 de la CEDH.

Tous les développements faits par le demandeur en cassation en relation avec l’inculpation tardive, la longueur de l’enquête judiciaire, le dépérissement des preuves, etc., sont étrangers au sujet de l’autorité de chose jugée qu’un arrêt rendu par la chambre du conseil est susceptible de revêtir. Ils ne fournissent aucun élément de nature ni à infirmer le raisonnement des magistrats d’appel les ayant amenés à ne pas examiner le moyen d’irrecevabilité des poursuites soulevé par la partie appelante, ni à démontrer en quoi, par le raisonnement employé, ils ont enfreint à l’article 6 de la CEDH.

Pour le surplus, dans la mesure où en termes de conclusion du développement du moyen, le demandeur en cassation fait valoir qu’il a eu dépassement du délai raisonnable visé à l’article 5 alinéa 3 de la CEDH, hypothèse totalement étrangère à l’espèce en ce qu’elle porte sur le délai raisonnable de la détention préventive, il vise une base légale différente que celle visée en termes de libellé du moyen, ce qui ne fait qu’amplifier le caractère imprécis et confus du moyen.

Finalement et pour être complet, en ce que le demandeur en cassation reproche encore aux magistrats d’appel d’avoir, par le raisonnement adapté, éludé son moyen tiré de l’irrecevabilité de poursuites, il vise en réalité le reproche du défaut de motivation, vice de forme. Ce dernier constituant un cas d’ouverture différent et distinct de celui visé par le moyen, il ne saurait être invoqué par ce biais.

Quant au 2ème moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 4 du protocole n° 7 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, à savoir le principe « non bis in idem », en ce que la Cour d’appel a jugé le demandeur coupable à la fois d’escroquerie et d’usage de faux, alors que « l’infraction d’escroquerie serait constituée, en l’espèce, par l’usage de faux et que l’escroquerie et l’usage de faux étant des infractions en concours, elles relèveraient d’une même intention coupable ».

L’extrait pertinent de l’arrêt y relativement est le suivant :

« Le prévenu conteste avoir soumis au Ministère de l’Agriculture des factures falsifiées et erronées et avoir reçu des subventions auxquelles il n’aurait pas eu droit. Il demande de revoir le dossier dans son ensemble afin de déterminer quels subsides il aurait effectivement demandés.

Son mandataire conclut qu’il ne pourra y avoir condamnation pour les mêmes faits autant pour la prévention de faux et usage de faux et soulève à ce sujet le principe du non bis in idem1. (…) Il convient de rappeler que le moyen du « non bis in idem » invoqué par la défense se réfère à l’article 4, du protocole no 7 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, approuvé 1 cf. p. 28 de l’arrêt ; par la loi du 27 février 1999, selon lequel « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquittée ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet état. ».

L’hypothèse visée est celle pour laquelle une personne a déjà été condamnée par un jugement définitif pour les mêmes faits, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Par ailleurs, un fait peut revêtir plusieurs qualifications qui se trouvent par la suite en concours idéal au terme de l’article 65 du Code pénal.

Le moyen soulevé n’est dès lors pas fondé.2 (…). ».

Le moyen relève d’une mauvaise compréhension du principe de droit général, consacré à l’article 4 du protocole n° 7 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et prévoyant « nul ne peut être poursuivi ou jugé ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a été déjà acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ».

L’application de la règle exige l’existence d’un jugement définitif de condamnation ou d’acquittement3.

N) n’ayant pas fait l’objet d’un jugement définitif ni de condamnation, ni d’acquittement portant sur l’infraction d’usage de faux et d’escroquerie en relation avec les faits de la présente cause, les juges d’appel n’ont pas violé le principe « non bis in idem ».

L’article 4 du protocole n°7 prohibe de juger deux fois une même infraction, alors que dans le concours idéal d’infractions, un même fait pénal s’analyse en deux infractions distinctes.

En réalité le demandeur en cassation fait l’amalgame avec les règles de concours et s’y méprend.

En introduisant les factures falsifiées auprès du Ministère de l’Agriculture, le prévenu a posé l’acte matériel de l’infraction d’usage de faux au sens de l’article 197 du Code pénal et également posé la manœuvre frauduleuse requise en application des articles 496-1 et 496-2 du Code pénal. Même si en l’occurrence il a été retenu dans les liens des deux infractions, il n’a pas subi deux condamnations en raison de l’application par les magistrats d’appel des règles de concours idéal prévues à l’article 65 du Code pénal et aux termes desquels la peine la plus forte sera prononcée lorsque le même fait constitue plusieurs infractions.

2 cf. p. 30 de l’arrêt ;

3 RPDB compl. to. VII, Convention européenne des droits de l’homme, p.

334 ;

Ainsi, même dans l’hypothèse avancée par le demandeur en cassation, à savoir celle d’un seul fait s’analysant en deux infractions se trouvant en concours idéal, il n’y a pas violation de l’article 4 du protocole.4 Quant au 3ème moyen de cassation :

Le 3ème moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de l’article 89 de la Constitution pour absence de motifs, sinon insuffisance de motifs valant absence de motifs, « en ce que la Cour d’appel a déclaré le requérant coupable de l’infraction d’escroquerie à subvention par simple renvoi à la décision des premiers Juges et sans approfondir d’avantage à la lumière des développements circonstanciés et des pièces de l’inculpé, remettant en doute tant l’élément matériel de l’infraction que l’élément moral de l’infraction reproché, alors que le requérant a, d’une part, démontré dans ses conclusions que des erreurs des prestataires quant à l’identité du contractant et, d’autre part, mis en exergue des contradictions dans les témoignages retenus exclusivement à sa charge dans les procès-verbaux d’enquête, qu’il a ainsi proposé une expertise afin de déterminer si les travaux et matériaux facturés à B) SARL par les sociétés X1, X2, X3 et X4 ont été utilisés ou ont pu être utilisés lors de la construction des ouvrages en question, que la Cour d’appel aurait dû se livrer à un examen légal des moyens et arguments en les analysant par rapport aux éléments de faits et de droit circonstanciés soumis par le requérant en Cassation qui lui aurait permis de prononcer un acquittement. ».

Le moyen concerne l’infraction d’escroquerie à subvention.

Le passage pertinent de la motivation des juges d’appel en relation avec l’infraction d’escroquerie à subvention est le suivant5 :

« (…) Les montants en cause ressortent de l’analyse financière détaillée effectuée par les enquêteurs du SPJ et reprise dans leur rapport numéro SPJ/AB/2014/20127.31-ERDA du 10 décembre 2014 (cf. cote B6,), sauf pour ce qui concerne les factures de la société S) GMBH pour lesquelles le prévenu, à défaut d’inculpation, n’a pas été renvoyé.

Le prévenu n’a pas fourni d’éléments permettant de contredire ces éléments, de sorte que les juges de première instance ont, à bon droit retenu que N) a en connaissance de cause, fait figurer parmi les pièces transmises au Ministère de l’Agriculture en vue du paiement de l’acompte sur subsides les fausses factures retenues au titre de l’infraction de faux et usage de faux, ainsi que celles faisant l’objet de l’abus de biens sociaux, qui ne concernaient pas l’installation de biogaz, mais le chantier privé de

___ et que ces agissements constituent des manœuvres frauduleuses ayant engendré le payement par l’Etat d’un montant de 4.398.169,31 euros comprenant des subsides auxquels il n’avait pas droit. Les infractions aux articles 496-1 et 489-2 du Code pénal ont partant été retenues à 4 D. Spielmann, Droit pénal général luxembourgeois, édition 2002, p. 55 ;

CEDH arrêt Oliveira c. Suisse 30 juillet 1998 ;

5 cf. p. 30 de l’arrêt ;juste titre, la Cour renvoyant aux développements en fait et en droit à ceux des juges de première instance6 qu’elle faits siens.7 Le montant des subsides perçus frauduleusement est cependant à redresser.

En effet, la somme frauduleusement soumise à l’administration aux fins de versement de subsides relative à des factures de la société X3 s’élève à un montant HTVA de 89.256,08 euros tel qu’il ressort de la lettre du 12 février 2015 des mandataires de cette société.

Le montant relatif à des factures émises par la société X4 s’élève 18.661,28 euros tel que cela a été correctement repris de ces factures.

Le montant payé frauduleusement au profit de la société X1 déduction faite des factures du 25 mai 2011 et 27 juin 2011 s’élève à 43.499,86 euros TTC (ce qui correspond à la somme des factures équivalentes du tableau relatif aux abus de biens sociaux, redressement fait de celle y figurant HTVA (la facture 60170)), partant au montant HTVA de 37.825,97 euros En ce qui concerne les factures de la société X2 frauduleusement soumises à l’administration, la Cour retient qu’ont fait l’objet de manipulations ou de rectifications de la part du prévenu les factures n° 2009/12620, 2009/12988, 2009/12901, 2010/88, 2010/497, 2010/1450 et 2010/1451 pour un total de 22.165,28 euros TTC correspondant à un total de 19.274,16 euros HTVA. Ces factures ont été réglées par la société B) s.à r.l. suivant les extraits de compte banque Y) n° 34 et 5 du 3 mars 2010, ont trait à des livraisons relatives au chantier de

_____ et ont été soumises à l’administration pour payement de l’acompte suivant le listing du 16 août 2010. Dès lors, le montant sur lequel un subside a été frauduleusement sollicité de ce chef, s’élève à 19.274,16 euros HTVA.

Il s’ensuit que le montant global des sollicitations frauduleuses du prévenu s’élève à 165.017,49 euros HTVA. La part subventionnée par l’Etat s’élevant à 60% tel que cela ressort de l’enquête (rapport no SPJ/CRR/2012/20127.2-JURA du 2 mars 2012), de sorte que les subsides frauduleusement touchés s’élèvent à 99.010,49 euros.

Le libellé retenu par les premiers juges est donc à redresser en ce sens que N) est convaincu par les éléments du dossier répressif, ensemble les débats menés à l’audience et notamment les déclarations des témoins :

« en infraction à l'article 496-2, alinéa 1er du Code pénal, d'avoir, suite à la fausse déclaration, telle que visée par l'article 496-1 du Code pénal, reçu une subvention à laquelle il n'a droit que partiellement, en l’espèce, d'avoir, suite à la déclaration fausse et incomplète, reprise sub III.1, reçu en date du 1er septembre 2011, une subvention correspondant à une somme totale de 4.398.169,31 € de la part de la personne morale de droit public, le Fonds d'orientation économique et sociale pour l'agriculture, sinon de la part de l’Etat 6 reproduits aux pages 14 à 15 de l’arrêt ;

7 mis en exergue par la soussignée ; luxembourgeois, incluant des subventions touchées sur un montant global d’au moins 165.017,49 € auxquelles l’inculpé n’avait pas droit, et qui est détaillé de la façon suivante :

Tableau n° 2 : calcul des factures indûment soumises pour subventions demandées Montant En relation avec le (htva) en € fournisseur 37.825,97 X1 18.661,28 X4 19.274,16 X2 89.256,08 X3 Total 165.017,49 ».

De prime abord, pour autant que le moyen est tiré d’une insuffisance de motifs, constitutive d’un défaut de base légale, qui est un moyen de fond, le grief ne saurait être invoqué sous le visa de l’article 89 de la Constitution8.

Pour le surplus, dans la mesure où le moyen vise l’absence de motifs, la lecture combinée du libellé et de la discussion subséquente du moyen permet de déduire que le demandeur en cassation fonde son reproche d’une part sur le mécanisme de la motivation par renvoi. D’autre part, il semble se référer à un défaut de réponse à conclusions alors qu’il reproche aux juges d’appel de ne pas avoir examiné les incohérences et contradictions démontrées par lui et existant tant au niveau des pièces que des témoignages au dossier.

Le reproche en relation avec la motivation par renvoi est dénué de fondement en ce que de manière générale « il est permis aux juges d’appel de répondre aux conclusions en adoptant les motifs des premiers juges (…). (…) la référence aux motifs du jugement impliquant en effet que la Cour a vérifié et reconnu exactes les énonciations et constations de celui-ci. »9.

Pour le surplus, quant au défaut de réponse à conclusion, le libellé du grief pêche par son imprécision et sa formulation autrement vague. Aucune précision n’est fournie quant aux « développements circonstanciés et pièces de l’inculpé », « erreurs des prestataires quant à l’identité du contractant », « contradictions dans les témoignages retenus exclusivement à sa charge dans les procès-verbaux d’enquête », « moyens et arguments » que l’appelant aurait invoqué en relation avec les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie à subvention et quant auxquels les magistrats d’appel n’auraient pas pris position. Sous cette considération, le moyen est irrecevable.

Ce n’est que dans un souci de complétude qu’il échet de rappeler que « L’obligation de motivation est entendue avec souplesse qui autorise la concision ; et elle admet à côté du motif exprès, la motivation indirecte ou implicite »10. Selon la jurisprudence constante de Votre Cour, le défaut de motifs est un vice de forme et une « décision est régulière en la forme dès qu’elle 8 cf. dans ce sens : Cassation, n° 39 / 2006 pénal, du 19.10.2006, numéro 2336 du registre ; Cassation, n° 20 / 2008 pénal, du 17.4.2008, numéro 2471 du registre, Cassation n° 39 / 11, du 16.6.2011, numéro 2870 du registre ;

9 J. et L. BORE, La cassation en matière pénale, Dalloz, édition 2015/2016, n° 82.54 ;

10 J. et L. BORE, La cassation en matière pénale, Dalloz, édition 2015/2016, n° 82.55 ; comporte une motivation, expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré »11. Il suffit dès lors de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné.

Quant aux développements du demandeur en cassation en relation avec l’expertise, qu’il a demandé de voir ordonner quant aux infractions de faux et usage de faux afin de « déterminer si les postes énumérés dans (les) factures12correspondent à des travaux effectués à

_____ (site biogaz B))», ainsi que quant aux infractions d’abus de biens sociaux afin de « déterminer si les travaux et matériaux facturés à B) SARL par les sociétés X1, X2, X3 et X4 correspondent aux ouvrages pouvant être constatés sur place. »13, les juges d’appel ont retenu, sous l’examen de l’infraction de faux et usage de faux « Il ne résulte encore d’aucun élément du dossier que certains éléments n’auraient eu aucune utilité au chantier de

_____ et il n’y a pas lieu au stade actuel de la procédure, et au vu des témoignages précités, de recourir à une expertise. »14, et sous l’examen de l’infraction d’abus de biens sociaux, « Au vu des éléments du dossier et des investigations minutieuses des enquêteurs, il n’y a, par ailleurs, pas lieu de procéder à une expertise aux fins d’établir la destination des biens livrées ou des travaux fournis, une telle mesure n’étant pas utile et étant aux dires de la défense, dans le cadre de son argumentation concernant les droits de la défense, vouée à l’échec. ».

Par les motivations employées, les magistrats d’appel ont dès lors satisfait à l’exigence de motivation sur le point considéré.

Finalement, en réalité, sous le couvert du grief mis en œuvre par le moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation des éléments factuels desquels les juges du fond ont déduit la culpabilité de l’actuel demandeur en cassation. Or, celle-ci relève de leur pouvoir souverain, de sorte que sous cet aspect le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Monique SCHMITZ avocat général 11 cf. dans ce sens Cass. du 29 mars 2018, n° 19/2018 pénal, numéro 3955 du registre ; Cass. du 17 janvier 2019, n° 07/2019 pénal, numéro 4070 du registre ;

12 soit les factures n° 61170 du 3 février 2010 (X1), n° 2009/12620 du 19 novembre 2009(X2), n° 2009/12988 du 27 novembre 2009 (X2), n° 2009/12901 du 26 novembre 2009 X2), n° 2010/88 du 15 janvier 2010(X2) énumérées à la page 22 de l’arrêt ;

13 cf. p. 22 de l’arrêt dont pourvoi ;

14 cf. p. 24 de l’arrêt dont pourvoi ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 105/22
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-07-07;105.22 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award