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30/06/2022 | LUXEMBOURG | N°97/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 30 juin 2022, 97/22


N° 97 / 2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00110 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) B), et son époux 2) S), demandeurs en cassati

on, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domici...

N° 97 / 2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00110 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) B), et son époux 2) S), demandeurs en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

la COMMUNE DE X), défenderesse en cassation, comparant par Maître Robert LOOS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 51/21 - II - CIV, rendu le 3 mars 2021 sous le numéro CAL-2018-01052 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 13 septembre 2021 par B) et S) (ci-

après « les époux S)-B) ») à la COMMUNE DE X) (ci-après « la COMMUNE »), déposé le 16 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 octobre 2021 par la COMMUNE aux époux S)-B), déposé le 27 octobre 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré partiellement fondée la demande des époux S)-B) tendant à les voir indemniser des préjudices subis en raison des fautes commises par la COMMUNE à l’occasion de l’octroi de l’autorisation de construire de leur maison d’habitation. La Cour d’appel a confirmé ce jugement, sauf à augmenter le montant des frais d’expertise à charge de la COMMUNE.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 1315 et 1353 du Code civil, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 3 mars 2021 a retenu que les époux S)-B) n’auraient pas établi l’état inhabitable de la maison de

_______ à l’époque de l’arrêt des travaux en 2008, les ayant obligés de déménager à

_______.

La Cour d’appel reproche plus précisément aux époux S)-B) de ne verser ni photos, ni constat d’huissier ou état des lieux au jour de l’arrêt des travaux. La Cour souligne encore que les demandeurs en cassation auraient habité la maison avec leurs enfants en bas âge entre 2005 et 2008 pendant la réalisation par eux-mêmes des travaux de gros-œuvre, et retient encore une attitude intransigeante des demandeurs en cassation pour rejeter la demande en obtention de dommages et intérêts pour dégradation de l’immeuble et de son contenu.

Alors que d’après l’article 1315 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver, et que d’après l’article 1353 du Code civil les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions légales visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la pertinence des éléments de preuve produits par les demandeurs en cassation au soutien de leur demande en indemnisation des préjudices allégués, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation, pris en ses deux premières branches Enoncé du moyen « 1re branche : violation de l’article 89 de la Constitution pour contradiction de motifs constituant une absence de motifs, et 2e branche : violation de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, pour absence de motifs et de réponse à conclusions, Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.

Les demandeurs en cassation ne précisent pas en quoi les juges d’appel se seraient contredits et à quelles conclusions ils auraient manqué de répondre.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux premières branches, est irrecevable.

Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 3e branche : violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme au vœu duquel la motivation suffisante des décisions judiciaires fait partie des critères d’un procès équitable ;

en ce que la Cour d’appel rejette les demandes des demandeurs en cassation avec l’argument qu’ils ne verseraient ni photos, ni constat d’huissier ou état des lieux, alors que selon l’article 89 de la Constitution motivé » et que selon l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, la rédaction du jugement contiendra ses motifs et que la Cour d’appel disposait de tous les éléments pour venir à la conclusion que l’immeuble était inhabitable (expertise judiciaire et photos) et qu’elle aurait toujours pu demander la communication de pièces supplémentaires aux parties. ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée aux deux premières branches du moyen, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 4 du Code civil, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 3 mars 2021 a décidé que les éléments de preuve des demandeurs en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une enquête pour entendre plus en détail des témoins, sans ordonner une visite des lieux, sans ordonner une comparution personnelle des parties et surtout sans inviter les parties demanderesses en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage leur demande, Alors que d’après l’article 4 du Code civil, le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. ».

Réponse de la Cour Le grief adressé aux juges d’appel qui n’avaient pas à suppléer à la carence des demandeurs en cassation dans leur obligation d’établir le bien-fondé de leur demande en indemnisation est étranger à la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation des articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, En ce que la Cour d’appel dans son arrêt du 3 mars 2021 a décidé que les éléments de preuve des demandeurs en cassation seraient insuffisants, sans ordonner une comparution personnelle des parties, sans ordonner une enquête pour entendre des témoins, sans ressaisir l’expert judiciaire, sans ordonner une visite des lieux et surtout sans inviter les pa0rties demanderesses en cassation à produire des pièces supplémentaires et d’instruire d’avantage leur demande, Alors que selon les articles 203, 205, 207 et 2011 du Nouveau Code de procédure civile le magistrat de la mise en état joue un rôle actif et peut entendre les avocats et leur faire toutes communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions. Il peut encore inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu. Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige.

Il peut encore, même d’office, entendre les parties.

Finalement, il exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. ».

Réponse de la Cour Les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, qui sont applicables à la procédure de la mise en état en instance d’appel, sont étrangers à l’arrêt attaqué.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Robert LOOS, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation 1. B), épouse S) 2. S) contre Administration Communale de X) N° CAS-2021-00110 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de B), épouse S) et de S) (ci-

après les époux S)-B)), signifié en date du 13 septembre 2021 à l’administration communale de X), et déposé le 16 septembre 2021 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 3 mars 2021 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2018-01052 du rôle.

Il ne résulte pas du dossier soumis à Votre Cour que l’arrêt du 3 mars 2021 a été signifié.

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est recevable.

Le mémoire en réponse de l’administration communale de X), signifié le 19 octobre 2021 aux époux S)-B) en leur domicile élu, et déposé le 27 octobre 2021 au greffe de la Cour, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes :

Saisi d’une demande des époux S)-B) tendant à voir indemniser leur préjudice subi en raison de fautes commises par la Commune de X) lors de la délivrance en 2005 d’une autorisation de construire en vue de la rénovation d’une maison leur appartenant sise à

_______, respectivement dans le cadre de l’arrêt de ces travaux en 2008, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par jugement du 25 février 2015, a ordonné une expertise afin de déterminer la conformité des travaux de rénovation entrepris par rapport à l’autorisation de construire ainsi que par rapport au règlement des bâtisses.

Statuant en continuation après le dépôt du rapport d’expertise, le tribunal a décidé, par jugement du 21 mars 2018, qu’en délivrant une autorisation de construire sur base des plans leur soumis par les époux S)-B) ainsi qu’en exigeant par la suite la mise en conformité de la construction au règlement des bâtisses, la Commune avait commis une faute constitutive d’un fonctionnement défectueux engageant sa responsabilité, dans la mesure où elle n’avait pas vérifié au préalable si ces plans étaient conformes audit règlement des bâtisses. Par conséquent, il a condamné la Commune à payer aux demandeurs la somme de 5.000 euros à titre de réparation de leur dommage moral, la somme de 11.459,40.- euros à titre de frais d’expertise et 5.000.-

euros du chef de frais d’avocat.

Sur appel principal des époux S)-B) et appel incident de la part de l’administration communale de X), la Cour d’appel, par arrêt du 3 mars 2021, a confirmé le jugement entrepris, sauf à ramener le montant des frais d’expertise à payer par la Commune à 7.502,31.- euros.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Sur les moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation:

« tiré de la violation des articles 1315 et 1353 du Code civil » Le premier moyen de cassation est irrecevable et cela pour différentes raisons.

Premièrement, il met en œuvre à la fois le grief tiré de la violation de l’article 1315 du Code civil, ayant trait à la charge de la preuve, et celui tiré de la violation de l’article 1353 du Code civil, concernant la valeur probante des présomptions non établies par la loi ainsi que les conditions dans lesquelles le juge peut y avoir recours, partant deux cas d’ouverture distincts.

Or, aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Il en suit que le moyen, en ce qu’il met en œuvre deux cas d’ouverture différents, est irrecevable.

En second lieu, le premier moyen de cassation omet de préciser en quoi les dispositions qu’il vise auraient été violées par les magistrats d’appel.

Les développements réservés à la discussion du moyen ne sont point de nature éclairante à cet égard, dès lors qu’ils concernent un prétendu défaut de base légale, constituant cependant un cas d’ouverture différent de celui de la violation de la loi.

Il manque donc de précision, de sorte qu’il est encore irrecevable de ce chef.

Finalement, le moyen ne tend qu’à remettre en cause, sous le couvert de la violation des dispositions légales visées, l’appréciation par les magistrats d’appel des faits et des éléments de preuve de la cause, et plus particulièrement de la défaillance dans le chef des actuels demandeurs en cassation d’établir l’état inhabitable de leur maison à l’époque de l’arrêt des travaux en 2008, de la circonstance qu’ils ont habité avec leurs enfants en bas âge dans ladite maison entre 2005 et 2008 ou encore de leur absence de réaction suite à la proposition modificative leur soumise par la Commune en 2010, desquels ils ont déduit que le lien de causalité entre la faute commise par la Commune et leurs préjudices allégués résultant d’une perte de loyers, respectivement de la dégradation de l’immeuble, n’est pas établi.

Or, l’appréciation de l’existence d’une relation causale entre des faits qualifiés de fautifs et le dommage allégué incombe aux juges du fond1, de sorte que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation:

« 1ère branche : tirée de la violation de l’article 89 de la Constitution pour contradiction de motifs constituant une absence de motifs 2ème branche : tirée de la violation de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, pour absence de motifs et de réponse à conclusions 3ème branche : tirée de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme au vœu duquel la motivation suffisante des décisions judiciaires fait partie des critères d’un procès équitable » Le deuxième moyen de cassation a trait à l’absence de motifs, vice de forme de l’arrêt.

1 Voir, p.ex. Cass. 2 juillet 2015, n°3500 du registre Les trois branches du moyen déclinent ce grief sous la forme d’une contradiction de motifs ainsi que d’un défaut de réponse à conclusions.

En substance, le moyen consiste à reprocher à la Cour d’appel d’avoir rejeté à tort la demande en indemnisation des actuels demandeurs en cassation, dès lors que ceux-ci n’auraient pas établi que leur maison était inhabitable et, qu’à cet égard, ils n’auraient versé ni photos, ni constat d’huissier, ni d’état des lieux.

Le moyen omet toutefois de préciser en quoi consiste la prétendue contradiction dans le raisonnement de la Cour. Les motifs qualifiés de contradictoires ne se trouvent indiqués ni dans le moyen lui-même, ni dans la partie réservée à ses développements.

De même, il n’est pas précisé à quelles conclusions ou moyens des actuels demandeurs en cassation les magistrats d’appel auraient omis de répondre.

Le moyen se limite à affirmer, de manière lapidaire, que « la Cour disposait de tous les éléments pour venir à la conclusion que l’immeuble était inhabitable (expertise judiciaire et photos) et qu’elle aurait toujours pu demander la communication de pièces supplémentaires aux parties. » Or, ce reproche ne s’analyse pas en un défaut de motifs, vice de forme de l’arrêt, mais il rejoint plutôt le grief mis en œuvre par le premier moyen de cassation, ayant trait à la preuve. Sous cet aspect, il tend de nouveau à remettre en cause l’appréciation par les magistrats d’appel des éléments factuels de la cause, de même que des moyens de preuve, échappant au contrôle de Votre Cour.

Il en résulte que le deuxième moyen de cassation est irrecevable, sinon ne saurait être accueilli.

Quant au troisième moyen de cassation:

« tiré de la violation de l’article 4 du Code civil » Le troisième moyen de cassation consiste à reprocher à la Cour d’appel d’avoir commis un déni de justice, dans la mesure où elle aurait rejeté la demande des actuels demandeurs en cassation, faute d’avoir prouvé l’état inhabitable de leur maison, sans avoir ordonné des mesures d’instruction supplémentaires.

En substance, les demandeurs en cassation font valoir que si les magistrats d’appel avaient un doute quant au caractère suffisant des pièces versées au débat, il leur aurait appartenu de demander aux parties d’en verser d’autres, sinon d’ordonner, même d’office, des mesures d’instruction supplémentaires, telles qu’une enquête par témoins, un complément d’expertise ou une visite de lieux.

Selon les termes de l’arrêt attaqué, la Cour d’appel n’était pas saisie d’une offre de preuve de la part des actuels demandeurs en cassation.

Les passages pertinents de l’arrêt se lisent ainsi, quant au préjudice allégué résultant d’une perte de loyers :

« Force est de relever que les époux S)-B) n’établissent pas l’état inhabitable de la maison de

_______ à l’époque de l’arrêt des travaux en 2008, les ayant obligés de déménager pour se réinstaller à

_______. Les appelants ne versent en effet ni photos, ni constat d’huissier ou état des lieux au jour de l’arrêt des travaux et il découle de leurs propres explications qu’ils ont habité la maison avec leurs enfants en bas âge entre 2005 et 2008 pendant la réalisation par eux-mêmes des travaux de gros-œuvre.

Ce chef de demande n’est, partant, pas fondé. »2 et, quant au préjudice allégué résultant de la dégradation de l’immeuble et de son contenu :

« Il est constant en cause que la COMMUNE n’a pas pris de décision d’arrêt des travaux ni écrite, ni verbale. Tout en rendant les appelants attentifs au défaut de conformité de la construction projetée par rapport au règlement des bâtisses et aux plans autorisés et en les invitant à revoir le projet afin de le rendre conforme, la COMMUNE a proposé une solution alternative aux époux S)-B) par lettre du 5 novembre 2010.

Les appelants n’ont pas donné suite à cette proposition et n’ont pas davantage sollicité de nouvelle autorisation sur base d’un projet remanié.

Il apparaît dès lors que c’est l’attitude intransigeante des appelants, ayant refusé de considérer la proposition modificative de la COMMUNE, voire de soumettre une nouvelle demande de permis de construire sur base de plans rectifiés, qui a été à l’origine de la non-reprise des travaux et de l’abandon du chantier depuis 2008, de sorte que la relation causale entre le dommage invoqué par les appelants résultant de l’arrêt des travaux et la faute de la COMMUNE laisse d’être établie. »3 L’article 4 du Code civil, sanctionnant le déni de justice, prohibe le refus « de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi ».

D’après son libellé considéré seul, il ne vise que le refus d’interpréter la loi. Il a cependant été étendu d’une façon générale au refus, même pour d’autres 2 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa, et page 7, alinéa premier 3 Idem, page, 7, alinéas 4 à 6 motifs que l’obscurité du droit applicable, de juger les prétentions des parties4.

Ainsi, commet un déni de justice, le juge qui refuse d’adopter une décision qui relève pourtant de son office.

En l’espèce, la Cour d’appel n’a pas refusé de statuer, ni de se prononcer sur la demande dont elle était saisie, à savoir une demande en indemnisation de différents chefs de préjudice causés par la faute de la Commune, mais elle a simplement rejeté les prétentions des actuels demandeurs en cassation au motif que ceux-ci n’avaient pas rapporté la preuve du lien causal entre la faute retenue et le dommage allégué.

N’étant pas saisis d’une offre de preuve, il n’appartenait pas aux magistrats d’appel de suppléer à la carence des parties et d’ordonner d’office des mesures d’investigation supplémentaires. Tel qu’il relevait de leur devoir, ils ont analysé les pièces versées en cause, mais en ont déduit que celles-ci n’établissaient pas l’état inhabitable de la maison au moment de l’arrêt des travaux, voire qu’il en résultait que c’est à cause de l’absence de réaction face aux propositions de la Commune pour sortir de l’impasse que les travaux de rénovation n’avaient pas été repris.

Le grief du déni de justice n’est donc pas établi et le troisième moyen de cassation est à rejeter.

Quant au quatrième moyen de cassation:

« tiré de la violation des articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile » Le quatrième moyen de cassation reprend le même reproche que celui articulé par le troisième et revient à reprocher à la Cour d’appel d’avoir décidé que les éléments de preuve fournis par les demandeurs en cassation étaient insuffisants, sans toutefois ordonner d’autres mesures d’instructions.

Les dispositions légales visées au moyen attribueraient un rôle proactif au magistrat de la mise en état, notamment quant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. Selon les demandeurs en cassation, il aurait appartenu à ce magistrat d’inviter les parties de produire des éléments de preuve ainsi que des explications supplémentaires concernant les questions litigieuses, à savoir l’état inhabitable de la maison au moment de l’arrêt des travaux ainsi que l’attitude des actuels demandeurs en cassation suite à la proposition modificative de la Commune.

Tout d’abord, il faut constater que le grief mis en œuvre par le moyen, de 4 JCL Civil, Art.4, par Lycette CORBION (1,2008), n°8 même que les dispositions légales qu’il vise, sont étrangères à l’arrêt attaqué.

Les articles 203, 205, 207 et 211 du Nouveau Code de procédure civile, applicables en appel au vœu de l’article 599 du même code, sont tous relatifs à l’instruction devant le juge de la mise en état, partant à une phase antérieure à la décision attaquée. En décidant que la demande en allocation de dommages-intérêts du chef de la perte de loyers ainsi que de la dégradation de l’immeuble n’était pas fondée, faute de preuve du lien causal entre la faute et le dommage, les magistrats d’appel n’ont appliqué aucune des règles sus-

énoncées.

Il en découle que le moyen est irrecevable.

Il est encore irrecevable dans la mesure où il met en œuvre quatre cas d’ouverture différents, sans pour autant être divisé en autant de branches.

En effet, les dispositions légales visées concernent certes toutes la procédure de mise en état, mais elles instituent des règles différentes et indépendantes les unes des autres. Ainsi, l’article 203 du Nouveau Code de procédure civile a trait à la désignation du magistrat de la mise en état, l’article 205 attribue à ce dernier le pouvoir d’inviter les parties à conclure sur des moyens, voire de fournir des explications en fait ou en droit, l’article 207 concerne l’audition des parties et l’article 211 porte sur les pouvoirs du juge de la mise en état quant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Il en suit que le moyen, en ce qu’il met en œuvre quatre cas d’ouverture différents, est irrecevable.

A titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Aucune des dispositions visées au moyen ne permet au juge de suppléer à la carence des parties en matière de preuve. Aux termes de l’article 1315 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

A cela s’ajoute qu’aux termes de l’article 351, alinéa 2, du Nouveau Code de procédure civile, « en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve. » Même si en vertu de l’article 211 du Nouveau Code de procédure civile, le magistrat de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces, cette disposition légale ne permet pas à la juridiction, saisie du fond de l’affaire, d’ordonner d’office des mesures d’instruction, en dehors de toute offre de preuve formulée par les parties au litige, sous peine de vider les articles 1315 du Code civil et 351 du Nouveau Code de procédure civile de leur substance.

Le magistrat chargé de la mise en état, même si la loi lui attribue un certain rôle actif, n’est pas pourtant assimilé quant à ses pouvoirs à un juge d’instruction, habilité à instruire les faits lui soumis à charge et à décharge, en ordonnant les devoirs qui lui semblent utiles à la manifestation de la vérité. En matière civile, le juge de la mise en état est essentiellement tributaire des initiatives et demandes des parties qui restent, après tout, maîtres de leur litige.

Par conséquent, le moyen doit être rejeté comme n’étant pas fondé, sinon il ne saurait être accueilli, dès lors qu’à nouveau, sous le couvert du grief de la contravention à la loi, il ne tend qu’à remettre en question l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve leur soumis.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 97/22
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-06-30;97.22 ?

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