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30/06/2022 | LUXEMBOURG | N°103/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 30 juin 2022, 103/22


N° 103 / 2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00115 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, président, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme T),

demanderesse en cassation, comparant par Maître Céline TRITSCHLER, avocat à la Cour, en l’...

N° 103 / 2022 du 30.06.2022 Numéro CAS-2021-00115 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trente juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, président, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme T), demanderesse en cassation, comparant par Maître Céline TRITSCHLER, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

la société de droit libyen BANQUE X), défenderesse en cassation, comparant par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 124/21 - VII, rendu le 14 juillet 2021, sous le numéro CAL-2020-00528 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière de référé provision ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 21 septembre 2021 par la société anonyme T) à la société de droit libyen BANQUE X) (ci-après « la société BANQUE X) »), déposé le 22 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 novembre 2021 par la société BANQUE X) à la société T), déposé le 19 novembre 2021 au greffe de la Cour ;

Vu le nouveau mémoire signifié le 31 mai 2022 par la société T) à la société BANQUE X) en ce qu’il répond aux conditions de l’article 17 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et l’écartant pour le surplus.

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme juge des référés, avait dit irrecevable la demande de la société BANQUE X) en paiement d’une provision introduite contre la société T).

La Cour d’appel a, par réformation, dit la demande recevable et condamné la société T) au paiement d’un certain montant.

Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que le mémoire en cassation ne lui a pas été remis et qu’elle n’en a pris connaissance que par l’intermédiaire de son mandataire qui en a reçu une copie de la part du mandataire de la demanderesse en cassation.

Aux termes de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la demanderesse en cassation doit, sous peine d’irrecevabilité, dans les délais prescrits à l’article 7 de la même loi, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse.

L’huissier de justice a envoyé le mémoire en cassation par voie postale au Ministère des affaires étrangères et à la défenderesse en cassation.

La demanderesse en cassation n’établit pas le caractère régulier de la procédure suivie alors qu’elle ne verse ni la preuve de la remise de l’acte à la défenderesse en cassation par la voie diplomatique ni un accusé de réception de l’envoi recommandé rempli par les services de la poste.

Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Nicolas THIELTGEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Serge THILL en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre la société anonyme T) S.A.

et la société de droit libyen BANQUE X) (n° CAS-2021-00115 du registre) Par mémoire déposé le 22 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Céline TRITSCHLER, avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société anonyme T), a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 14 juillet 2021 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière de référé provision, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2020-

00528 du rôle.

Le 19 novembre 2021 Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société de droit libyen BANQUE X) (ci-après « BANQUE X) ») a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire en réponse signifié le 17 novembre 2021 à la demanderesse en cassation. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Quant à la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Aux termes de son mémoire en réponse, la défenderesse en cassation BANQUE X) soulève l’irrecevabilité du pourvoi en cassation au motif que la demanderesse en cassation ne lui aurait pas valablement signifié le mémoire visé à l’article 10 alinéa 1er de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Elle affirme n’avoir réceptionné copie du mémoire qu’en date du 11 octobre 2021 par l’intermédiaire de son mandataire ad litem, soit postérieurement au dépôt du mémoire en cassation au greffe de la Cour supérieure de justice.

L’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, dispose que pour introduire son pourvoi, la partie demanderesse en cassation devra, sous peine d’irrecevabilité, dans le délai légal, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse.

Les dispositions concernant la recevabilité du pourvoi en cassation sont d’ordre public et s’apprécient au jour de l’introduction du recours qui est consommé par le dépôt au greffe de la Cour des documents requis1.

Il en suit que les formalités relatives à la signification du mémoire en cassation doivent être accomplies au jour du dépôt du mémoire en cassation au greffe de la Cour supérieure de justice, faute de quoi le pourvoi est irrecevable à l’égard de la partie défenderesse en cassation concernée.

Dans la mesure où la défenderesse en cassation est domiciliée en Lybie et que la Lybie n’est pas partie à la Convention du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, les formalités de signification sont celles prévues à l’article 156 du Nouveau code de procédure civile.

En l’espèce, il résulte de l’acte de signification du mémoire en cassation que l’huissier instrumentaire a accompli les formalités prévues par l’article 156 du Nouveau code de procédure civile le 21 septembre 2021 en adressant, par lettre recommandée avec accusé de réception, une copie du mémoire en cassation, avec traduction en langue arabe, au domicile de la société BANQUE X) situé en Lybie et en adressant une autre copie du mémoire en cassation, avec traduction en langue arabe, au Ministère des affaires étrangères aux fins de signification ou notification de l’acte à son destinataire par la voie diplomatique.

Il en suit que, conformément à la présomption légale du paragraphe 2 de l’article 156 du Nouveau code de procédure civile, la signification est réputée faite le 21 septembre 2021, jour de la remise de la copie de l’acte à la poste, respectivement à l’autorité compétente pour l’expédier.

La signification du mémoire en cassation avait partant valablement été faite à la défenderesse en cassation antérieurement à son dépôt le 22 septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice.

1 Cass. 21 janvier 2016, numéro 3592 du registre.

Il est encore noté que la défenderesse en cassation reconnaît avoir reçu copie du mémoire en cassation et qu’elle a même déposé le mémoire en réponse prévu à l’article 15 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, de sorte qu’en application du paragraphe 3 de l’article 156 du Nouveau code de procédure civile, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer.

Le pourvoi a encore été introduit dans les conditions de délai et de forme prévues par la loi2.

Il est donc recevable.

Sur les faits et rétroactes :

Selon l’arrêt attaqué, par une ordonnance du 24 février 2020, le magistrat siégeant en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a dit irrecevable la demande en référé provision de BANQUE X) tendant à la condamnation de T) à lui payer une certaine somme au titre du remboursement d’un emprunt obligataire et des intérêts contractuels.

Pour statuer ainsi, le juge de première instance a considéré que la demande de BANQUE X) se heurtait à des contestations sérieuses au titre de sa qualité à agir, au motif qu’elle disposait, en sa qualité d’obligataire au moment de l’introduction de la demande en justice, en application de l’article 470-16 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales (ci-après « LSC »), d’un représentant censé exercer ses droits à l’encontre de T).

Par l’arrêt entrepris par le pourvoi, la Cour d’appel, par réformation de l’ordonnance entreprise, a dit la demande de BANQUE X) recevable et fondée et a condamné T) à lui payer le montant réclamé.

La Cour d’appel a ainsi considéré, au contraire du juge de première instance, que BANQUE X) préservait le droit d’agir individuellement en cas de défaut de remboursement du principal ou de paiement des intérêts aux échéances prévues par l’emprunt obligataire. Elle a encore dit que la créance invoquée par BANQUE X) n’était pas sérieusement contestable, de sorte que la demande en allocation d’une provision était fondée.

2 L’arrêt entrepris a été signifié à la demanderesse en cassation le 23 juillet 2021. Le délai pour introduire le pourvoi a partant expiré le 23 septembre 2021 à minuit, de sorte que le pourvoi introduit le 22 septembre 2021 est recevable au regard des délais prévus dans la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est « tiré de la violation de l’article 935 (2) du Nouveau code de procédure civile, en ce que c’est à tort que les juges d’appel ont, pour déclarer l’appel recevable et condamné l’intimée, par réformation de l’ordonnance attaquée, à payer à l’appelante une provision de USD 38.115.000, retenu que « la simple affirmation de l’avocat vaut présomption de l’existence de son pouvoir de représentation d’une partie, tant qu’il y va de son mandat général de représentant procédural de cette partie. Cette présomption ne peut être renversée que par le biais de la procédure en désaveu. La doctrine dominante considère par ailleurs que le défendeur n’est pas fondé à contester l’existence du mandat qui lie le demandeur à son avocat, alors qu’aux termes de l’article 935 (2) du Nouveau code de procédure civile, les parties à l’instance d’appel en matière de référé peuvent se faire assister ou représenter par un avocat, que l’absence de mandat valable de l’avocat entraîne l’absence de représentation valable de la personne qui est supposée agir en justice, et la nullité de l’acte d’appel introduit par l’avocat dépourvu de mandat valable, que si l’avocat est cru sur parole lorsqu’il affirme représenter une personne en justice, ceci ne constitue pas une présomption irréfragable, mais une présomption simple, qui peut être renversée par la partie adverse, que l’intimée pouvait donc rapporter la preuve de l’absence de mandat valable de l’avocat supposé représenter l’appelante, entraînant l’obligation pour les juges d’appel d’examiner les arguments et pièces que l’intimée avait soumis à ce titre. » Aux termes du moyen, la demanderesse en cassation soutient que les juges d’appel ont violé la disposition légale visée au moyen en considérant que la présomption en vertu de laquelle l’avocat est cru sur parole lorsqu’il affirme représenter une personne en justice était irréfragable et en ne l’ayant pas admis à rapporter la preuve de l’absence de mandat de l’avocat ayant déclaré représenter l’appelante BANQUE X).

Dans les développements consacrés à la discussion du moyen, la demanderesse en cassation remet en question la régularité du pouvoir d’agir de l’organe représentant la société BANQUE X) et par-là, la régularité du mandat ad litem donné par cet organe à l’avocat.

Les juges d’appel ont répondu comme suit à ces moyens :

« - Quant à la nullité de l’acte d’appel pour défaut de mandat valable dans le chef de Maître Thieltgen et du défaut de qualité de la personne qui aurait pris la décision d’agir en justice.

L’intimé conteste que la personne physique ayant donné mandat à Maître Thieltgen de représenter la société BANQUE X) en justice, ait eu qualité à agir au nom de cette entité juridique et en déduit la nullité de l’acte d’appel.

La doctrine distingue le mandat donné à une personne pour agir en justice et le mandat donné par une personne pour assurer sa représentation en justice.

Le premier est un mandat ad agendum, c’est-à-dire pour agir, le second est donné pour le procès, c’est un mandat ad litem.

L’exception de procédure tirée du défaut de pouvoir du représentant de la personne morale est instituée dans l’intérêt du représenté et dès lors qu’il n’y a pas de doute sur la volonté de la personne morale d’agir en justice, la partie adverse ne doit pas pouvoir tirer profit de l’irrégularité soulevée.

En l’espèce, il résulte clairement de la procédure entreprise devant les tribunaux français par la BANQUE X) en réalisation du nantissement ayant garanti les engagements de l’intimée, que la BANQUE X) entend recouvrer sa créance résultant des obligations émises par la société T) qu’elle détient, de sorte que sa volonté d’agir contre l’intimée ne saurait être mise en doute. Ce moyen est partant à rejeter.

Par ailleurs, il est admis que la simple affirmation de l’avocat vaut présomption de l’existence de son pouvoir de représentation d’une partie, tant qu’il y va de son mandat général de représentant procédural de cette partie.

Cette présomption ne peut être renversée que par le biais de la procédure en désaveu.

La doctrine dominante considère par ailleurs que le défendeur n’est pas fondé à contester l’existence du mandat qui lie le demandeur à son avocat (H.Ader, S.

Bartoluzzi, A. Damien, D.Piau et T. Wickers Règles de la profession d’avocat D.Action 2018-2019 no 622.86).

Ces moyens sont dès lors à rejeter, et il y a lieu de déclarer l’appel, par ailleurs introduit en la forme et les délais légaux, recevable. » Il résulte de cette motivation que les juges d’appel ont considéré que le moyen soulevé quant au défaut de qualité de l’organe ayant conféré le mandat à l’avocat d’agir en justice pour compte de la personne morale était à rejeter sur le fondement de deux motifs distincts, à savoir, d’une part, que l’exception de procédure tirée du défaut de pouvoir du représentant de la personne morale pour agir en justice et, donc, pour conférer mandat à cette fin à un avocat, était institué dans l’intérêt du représenté et ne pouvait pas être invoqué par la partie adverse dès lors que la volonté de la personne morale d’agir en justice était établie et, d’autre part, que la simple affirmation de l’avocat commis par la personne morale pour agir en justice valait présomption de l’existence du mandat de l’avocat pour représenter la personne morale en justice.

L’arrêt entrepris est partant fondé, sur le point considéré, sur deux motifs distincts, dont chacun pris individuellement constitue un motif suffisant au soutien de cette décision et aucun n’en constitue un motif nécessaire.

En effet, un motif peut ne pas être indispensable au soutien du dispositif, parce que l’arrêt comporte d’autres motifs qui suffisent à le justifier. Ce motif dit « surabondant » est détachable des autres motifs, n’est pas indispensable au soutien de la décision attaquée et reste sans influence sur la légalité de celle-ci3.

Si ces autres motifs ne sont pas critiqués par le pourvoi, la seule constatation de l’existence de ces motifs non critiqués par le pourvoi peut alors suffire à faire apparaître l’étroitesse excessive du moyen de cassation et la légalité de la décision attaquée4. Le moyen sera dès lors rejeté pour viser un motif surabondant5.

3 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 83.41.

4 J. et L. BORÉ, précité, n° 83.42.

5 Voir p. ex. Cass. 20 janvier 2011, n° 2799 du registre ; Cass. 17 janvier 2013, n° 3090 du registre ; Cass. 10 juillet 2018, numéro 3986 du registre.

En l’espèce, le motif fondé sur la considération que l’exception tirée du défaut de pouvoir du représentant de la personne morale pour conférer mandat à un avocat pour agir en justice est institué dans l’intérêt du seul représenté et ne peut pas être invoqué par la partie adverse constitue un motif suffisant au soutien de la décision attaquée et le motif fondé sur la présomption de régularité du mandat de l’avocat qui représente une partie en justice, seul attaqué par le moyen de cassation, est de ce fait surabondant.

Il en suit que le moyen soulevé, en ce qu’il vise un motif surabondant, est inopérant.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré « de la violation des articles 470-16, alinéa premier et 470-21 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, en ce que c’est à tort que les juges d’appel ont, pour condamner l’intimée, par réformation de l’ordonnance attaquée, à payer à l’appelante une provision de USD 38.115.000, retenu que la partie appelante, en tant qu’obligataire, avait qualité à agir seule en justice contre la société émettrice des titres, pour réclamer le remboursement des obligations, alors même qu’un représentant de la masse avait été désigné par les obligataires et était en fonctions au moment de l’introduction de l’instance au motif que l’ancien article 98 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales (devenu l’article 470-21) préserverait le droit de l’obligataire d’agir seul en paiement ou en résolution de l’emprunt obligataire alors que l’article 470-16, alinéa premier de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales dispose que « Lorsqu’un ou plusieurs représentants de la masse des obligataires ont été désignés conformément à l’article 470-4, les obligataires ne peuvent plus exercer individuellement leurs droits», établissant ainsi un transfert intégral des droits individuels des obligataires entre les mains du représentant de la masse des obligataires, et un monopole d’action en justice en faveur de ce dernier et que l’article 470-21 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, qui dispose que « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans le contrat de prêt réalisé sous la forme d’émission d’obligations, pour le cas où une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai, selon les circonstances », n’est que la réplique de l’article 1184 du Code civil, qu’il touche au fond du droit, qu’il ne consacre en rien un maintien du droit d’agir en justice à titre individuel par les obligataires, partant qu’il ne constitue pas une disposition dérogatoire de l’article 470-16 alinéa premier de la loi modifiée du 10 août 1915 relative au monopole d’action en justice du représentant de la masse. » L’article 470-16 LSC dispose en son alinéa premier :

« Lorsqu’un ou plusieurs représentants de la masse des obligataires ont été désignés conformément à l’article 470-4, les obligataires ne peuvent plus exercer individuellement leurs droits. » L’article 470-21 LSC dispose :

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans le contrat de prêt réalisé sous la forme d’émission d’obligations, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai, selon les circonstances. » Aux termes de ce moyen, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la loi en considérant que quand bien même un représentant de la masse des obligataires eût été désigné, l’article 470-16 LSC ne s’opposait pas au droit de l’obligataire d’agir seul, soit en paiement des sommes qui lui sont dues, soit en résolution pour inexécution de l’emprunt obligataire sur le fondement de l’article 470-21 LSC.

La demanderesse en cassation considère que l’article 470-16 LSC consacre un monopole d’action en faveur du représentant de la masse des obligataires. Elle soutient qu’il n’a pas lieu de restreindre ce monopole à la seule défense des intérêts communs des obligataires, mais d’y inclure toute action à la base de laquelle se trouve l’emprunt obligataire.

A l’appui de son raisonnement, la défenderesse en cassation cite un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg qui a retenu que « La loi ne faisant aucune distinction quant aux intérêts communs de tous les obligataires et aux intérêts propres de chaque obligataire, pris individuellement, il y a lieu d’en conclure que toute action individuelle intentée après la nomination d’un représentant de la masse des obligataires est irrecevable, quelque fût l’intérêt poursuivi.6 » Cette interprétation serait conforme à l’analyse littérale des textes et à la volonté du législateur telle qu’elle résulterait des travaux parlementaires. La défenderesse en cassation précise que rien dans le texte n’indiquerait que l’article 470-21 LSC serait une dérogation à l’article 470-16 LSC. Elle se prévaut encore de l’adage qui veut que le juge ne doit pas distinguer où la loi ne distingue pas.

Ce moyen n’est pas fondé.

Si l’article 470-16 LSC prévoit que les obligataires ne peuvent plus exercer individuellement leurs droits lorsqu’un représentant de la masse des obligataires a été désigné, il va de soi que cette interdiction ne saurait valoir que dans les limites des pouvoirs attribués au représentant de la masse des obligataires par la loi. En d’autres termes, l’exercice individuel des droits par les obligataires est préservé dans les domaines qui ne sont pas dévolus au représentant de la masse par la loi.

Les pouvoirs du représentant de la masse des obligataires sont fixés à l’article 470-5 LSC. Le représentant de la masse des obligataires exécute les décisions prises par l’assemblée générale des obligataires (article 470-5 (1) 1° LSC). Il a le pouvoir d’accomplir au nom de la masse toute acte conservatoire (article 470-5 (1) 3° LSC) ainsi que les actes de gestion énumérés dans la loi dans la limite des intérêts communs des obligataires (article 470-5 (1) 2°, 4° et 5° LSC). Pour l’exercice des pouvoirs qui lui sont dévolus, il a le droit d’agir en justice au nom de la masse des obligataires (article 470-5 (1) 6° LSC)7. Dans les documents parlementaires relatifs à la loi du 9 avril 1987 concernant la représentation des obligataires qui a introduit les dispositions 6 Tr. arr. Luxembourg, 20 décembre 2005, n° 246/2005 8e ch., n°s 87.329, 90.418 et 93.008 du rôle.

7 A. Steichen, Précis de droit des sociétés, n° 519, p. 401-402.

sous revue dans la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, il est encore précisé que le représentant de la masse pourra être chargé de l’accomplissement de certaines tâches d’ordre technique, non expressément énumérées, pour autant qu’il s’agisse de fonctions qui ne portent pas atteinte aux droits fondamentaux des obligataires8.

Il résulte de cette énumération limitative des pouvoirs du représentant de la masse des obligataires que le droit de poursuivre l’exécution forcée ou la résolution de l’emprunt lui échappe.

Si l’assemblée générale des obligataires peut, aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article 470-5 LSC, étendre les pouvoirs du représentant de la masse des obligataires, il va de soi également ici qu’elle ne peut le faire que dans les limites de ses propres pouvoirs. Or, l’examen de l’énumération de ces pouvoirs fixés à l’article 470-13 LSC permet de constater qu’à l’instar du représentant de la masse des obligataires, l’assemblée générale des obligataires ne bénéficie pas du droit de se substituer aux obligataires pour exercer à leur place le droit de poursuite en cas de défaut de paiement des intérêts ou du remboursement du principal.

Ainsi, comme l’écrit l’éminent auteur belge Jean VAN RYN, l’assemblée générale, en l’absence de dispositions légales l’y autorisant, ne peut valablement décider d’intenter l’action en résolution pour le compte de la masse des obligataires. Elle est exercée par chaque porteur pour son compte personnel. Le caractère collectif de l’emprunt et l’unité de l’opération sont ici écartés, chaque porteur demeurant libre d’adopter l’attitude la plus conforme à ses intérêts9.

Il résulte partant de la teneur de la loi que les obligataires ne sont privés, ni au profit de l’assemblée générale, ni au profit du représentant de la masse des obligataires dont les pouvoirs sont à chaque fois limitativement énumérés par la loi, de leur droit de poursuite individuel consacré à l’article 470-21 LSC en cas de défaut de paiement des montants qui leur sont dus en vertu de l’emprunt obligataire auquel ils ont souscrit.

L’action en paiement ou celle en résolution ouvertes par l’article 470-21 LSC à chaque obligataire individuel sont ainsi préservées.

La solution de l’arrêt attaqué est sur le point considéré d’ailleurs conforme, non seulement à la doctrine luxembourgeoise10, mais encore à la jurisprudence de la Cour d’appel11.

8 Doc. parl. n° 2942, page 7, alinéa 1er.

9 VAN RYN, Principes de droit commercial, Tome 1, n° 575.

10 A. Steichen, précité, n° 516, p. 399.

11 Cour d’appel, 16 mars 2016, n° 65/16/ IV-COM, n° 40421 du rôle.

Il en suit qu’en considérant que BANQUE X) avait, en tant qu’obligataire, qualité pour agir seule en justice contre la société émettrice des titres pour réclamer le remboursement du principal et le paiement des intérêts conventionnels, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions légales reproduites au moyen.

Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est « tiré de la violation de l’article 933 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, ensemble l’article 1692 du Code civil et l’adage Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet en ce que l’arrêt a, pour retenir le principe d’une créance non sérieusement contestable dans le chef de l’appelante et, par réformation de l’ordonnance de référé attaquée, pour condamner l’intimée au paiement d’une provision de USD 38.115.000, refusé d’examiner le caractère sérieux de l’exception de nullité de l’emprunt obligataire, pour vice du consentement et contrariété aux ordres publics luxembourgeois et libyens, soulevée par l’intimée aux motifs que l’exception de nullité de l’emprunt obligataire ne pourrait être soulevée par le débiteur - émetteur des obligations - que contre le souscripteur de l’emprunt et créancier cédant, et non pas contre le cessionnaire des titres émis, dont le droit de créance, constaté dans des titres négociables, ne pourrait pas être affecté. » alors que en cas de cession de créance, la créance est transmise au cessionnaire telle qu’elle existe dans les rapports entre le cédant et le débiteur cédé, entraînant que la situation du débiteur cédé ne peut en aucun cas être aggravée ou modifiée par suite de la cession de créance que le débiteur cédé est par conséquent en droit, dans ses rapports avec le cessionnaire, d’opposer à ce dernier tous les moyens et exceptions dont il pouvait se prévaloir à l’égard du cédant, y compris l’exception de nullité du contrat que par conséquent l’intimée, en sa qualité de débiteur cédé, était recevable à soulever l’exception de nullité de l’emprunt obligataire vis-à-vis de la demande en paiement formulée par le créancier cessionnaire de la créance résultant de l’emprunt obligataire et c’est à tort que la Cour d’appel lui a dénié le droit de soulever ce moyen et ne l’a pas examiné. » L’article 933 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose comme suit en son second alinéa :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il [le président ou le juge qui le remplace] peut accorder une provision au créancier. » L’article 1692 du Code civil dispose :

« La vente ou cession d’une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. » A titre principal, ce moyen ne saurait être accueilli alors qu’il ne tend qu’à remettre en question, sous le couvert du grief de la violation des dispositions légales visées au moyen, l’appréciation du caractère sérieux de la contestation soulevée qui, suivant la jurisprudence de Votre Cour12 relève du pouvoir souverain du juge des référés et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

A titre subsidiaire, il est relevé que les juges d’appel ont considéré, en vertu d’une appréciation souveraine des faits et éléments de preuve que BANQUE X) « justifie d’un titre négociable constatant un droit de créance sur la société T) »13. Or, la négociabilité d’un titre se traduit non seulement par une dispense du formalisme de l’article 1690 du Code civil relatif à la notification de la cession au débiteur cédé, mais aussi par une protection accrue du cessionnaire de la créance, qui ne peut se voir opposer, du moins s’il est de bonne foi, les exceptions que le débiteur pouvait opposer au cédant. Cette inopposabilité des exceptions représente une différence majeure par rapport à la cession. La doctrine classique voit dans les titres négociables des actes abstraits, détachés de leur cause et efficaces par la seule vertu des signatures qui y sont apposées14.

Il en suit que les dispositions légales visées au moyen relatives à la cession de créance sont inapplicables au cas de l’espèce et le grief tiré de la violation de ces dispositions 12 Cass. 10 juillet 2014, n° 3359 du registre ; Cass. 3 novembre 2016, n° 3695 du registre.

13 Arrêt entrepris, page 8, dernier alinéa.

14 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 9e édition 2005, n°s 1297 et s.

est partant étranger à l’arrêt attaqué, de sorte que le moyen est irrecevable, sinon n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est « tiré du défaut de base légale au regard de l’article 933 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile en ce que l’arrêt a, pour retenir le principe d’une créance non sérieusement contestable dans le chef de l’appelante et condamner l’intimée, par réformation de l’ordonnance attaquée, au paiement d’une provision de USD 38.115.000, retenu que les contestations tirées de l’exception de nullité de l’emprunt obligataire, pour vice du consentement et contrariété aux ordres publics luxembourgeois et libyens, soulevées par l’intimée, « ne résistent au demeurant pas à l’analyse » alors que la Cour d’appel aurait dû, pour donner à sa décision une base légale, rechercher et caractériser, de manière précise et circonstanciée, en quoi les contestations de l’intimée quant à la validité de l’emprunt obligataire au regard des violations de l’ordre public luxembourgeois et de vice du consentement alléguées, ne présentaient pas, selon elle, de caractère sérieux la Cour aurait encore dû, pour donner à sa décision une base légale, rechercher et caractériser, de manière précise et circonstanciée, en analysant notamment l’avis juridique de droit libyen versé en cause par l’intimée, en quoi les contestations de l’intimée quant à la validité de l’emprunt obligataire au regard de la violation d’ordre public libyen alléguée ne présentaient pas, selon elle, de caractère sérieux qu’en ne procédant pas, pour rejeter les contestations soulevées par l’intimée, aux constatations de fait nécessaires au regard des arguments soulevés et des pièces versées en cause par l’intimée, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 933 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile A titre principal, à l’instar du moyen précédent, ce moyen ne saurait être accueilli puisqu’il ne tend qu’à remettre en question, sous le couvert du grief de la violation de la disposition légale visée au moyen, l’appréciation du caractère sérieux de la contestation soulevée qui relève du pouvoir souverain du juge des référés et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

A titre subsidiaire, la motivation de l’arrêt entrepris sur le point considéré est la suivante :

« [L]es contestations actuelles [de T)] quant à la validité de l’emprunt tirées d’un vice du consentement, voire d’une violation de l’ordre public luxembourgeois, ou libyen, qui ne résistent au demeurant pas à l’analyse, ne pourraient en tout état de cause être dirigées que contre le souscripteur de l’emprunt, à savoir la société Y) et non contre l’appelante cessionnaire des titres émis, laquelle justifie d’un titre négociable constatant un droit de créance sur la société T). » Par ces motifs, les juges d’appel ont considéré que les contestations de l’actuelle demanderesse en cassation tirées du vice du consentement ou d’une violation de l’ordre public luxembourgeois ou libyen se sauraient être tenues pour des contestations sérieuses puisque, d’une part, elles ne pourraient pas être dirigées contre BANQUE X) au motif que celle-ci pouvait se prévaloir d’un titre négociable, et, d’autre part, ces contestations ne résisteraient pas à l’analyse.

L’arrêt entrepris est partant fondé, sur le point considéré, sur deux motifs distincts, dont chacun pris individuellement constitue un motif suffisant au soutien de cette décision et aucun n’en constitue un motif nécessaire.

Dans la mesure où le moyen précédent est à rejeter conformément à la réponse donnée ci-avant, le motif tiré de ce que la créance de BANQUE X) résulte d’un titre négociable constitue un motif suffisant au soutien de la décision que les contestations quant à la validité de l’emprunt tirées d’un vice de consentement, voire d’une violation de l’ordre public luxembourgeois ou libyen ne sauraient être opposées à BANQUE X) et ne constituent partant pas des contestations sérieuses au sens de l’article 933, alinéa 2 du Nouveau code de procédure civile.

Le moyen qui vise la motivation additionnelle suivant laquelle les contestations « ne résistent au demeurant pas à l’analyse » vise donc un motif surabondant et est, à ce titre, inopérant.

Sur le cinquième moyen de cassation :

Le cinquième moyen de cassation est « tiré de la violation de l’article 933 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, ensemble l’article 1234 du Code civil en ce que l’arrêt a, pour retenir le principe d’une créance non sérieusement contestable dans le chef de l’appelante et condamner l’intimée, par réformation de l’ordonnance de référé attaquée, au paiement d’une provision de USD 38.115.000, qualifié de non sérieuse la contestation de l’intimée, tendant à dire qu’au vu de l’attribution judiciaire à l’appelante des actions nanties en sa faveur, un paiement avait eu lieu entre les mains de l’appelante, dont le montant restait à déterminer dans l’attente du rapport de l’expertise désigné pour procéder à l’évaluation des actions judiciairement attribuées, rendant ainsi impossible pour le juge des référés de déterminer l’existence d’un reliquat de provision à allouer à l’appelante aux motifs que « l’appelante est en droit de se procurer un titre documentant le bienfondé de sa créance. L’imputation de la valeur de réalisation du nantissement accordé par l’intimée sur la créance de la BANQUE X), qui n’est actuellement pas déterminée, ne peut se faire qu’au niveau de l’exécution du titre actuellement sollicité par l’appelante et non au stade de la détermination de sa créance. La partie intimée pourra, même après l’obtention d’un titre par l’appelante, justifier que la créance invoquée par l’appelante, est éteinte par la réalisation du nantissement accordé, dont la valeur est en cours de détermination » alors que aux termes de l’article 2347 du Code civil français « Le créancier peut aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement. Lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la somme égale à la différence est versée au débiteur ou, s’il existe d’autres créanciers gagistes, est consignée » qu’aux termes de l’article 2348 alinéa 2 du Code civil français « La valeur du bien est déterminée au jour du transfert par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, à défaut de cotation officielle du bien sur un marché organisé au sens du code monétaire et financier. Toute clause contraire est réputée non écrite. » qu’en raison de l’attribution judiciaire des actions nanties décrétée en sa faveur par ordonnance du 17 janvier 2020, en application des articles 2347 et 2348 du Code civil français, et du transfert de propriété datant du même jour, l’appelante a bénéficié en date du 17 janvier 2020 d’un paiement au sens de l’article 1234 du Code civil ayant possiblement éteint, sinon, à tout le moins, substantiellement réduit l’obligation de paiement de l’intimée que selon l’article 933 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, c’est au jour où il statue que le juge des référés doit se placer pour apprécier si l’existence, d’une part, et le montant, d’autre part, de la créance pour laquelle le paiement est demandé, sont déterminables qu’en présence d’un paiement intervenu en cours d’instance en faveur du demandeur en provision, le juge des référés est tenu de le prendre en compte dans sa détermination de l’existence et du montant de la créance pour laquelle le paiement d’une provision est sollicité que dès lors que ce paiement n’est pas déterminé ni déterminable dans son quantum, le jour où il statue, le juge des référés doit retenir qu’il existe une contestation sérieuse sur la certitude de la créance, et dire la demande en paiement d’une provision irrecevable. » L’article 1234 du Code civil visé au moyen dispose :

« Les obligations s’éteignent :

- par le paiement ;

- par la novation ;

- par la remise volontaire ;

- par la compensation ;

- par la confusion ;

- par la perte de la chose ;

- par la nullité ou la rescision ;

- par l'effet de la condition résolutoire, qui a été expliquée au chapitre précédent ;

- et par la prescription, qui fera l'objet d'un titre particulier. » Aux termes de son moyen, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions légales reproduites en moyen en ayant considéré que le fait que le nantissement accordé par elle à BANQUE X), qui était en cours de réalisation, n’était pas à considérer comme à paiement à imputer sur la créance de BANQUE X) et ne constituait pas une contestation sérieuse de cette créance.

L’arrêt entrepris est motivé comme suit sur le point considéré :

« L’intimée fait valoir en dernier ressort, qu’il ne serait pas établi qu’au jour où la Cour statue, il demeurerait un solde exigible au titre de la créance alléguée au vu de la procédure de réalisation des nantissements, accordés par la société T) en garantie de la créance découlant des obligations litigieuses, introduite devant les juridictions françaises.

Même à supposer qu’un éventuel solde soit redu à la BANQUE X) après l’attribution des actions, l’intimée estime que ce solde éventuel demeurerait indéterminable à ce jour, de sorte que la créance invoquée par l’appelante ne serait pas certaine et se heurterait à des contestations sérieuses.

Cette argumentation ne résiste cependant pas à une analyse sommaire. Le montant de la créance de l’appelante résulte du titre de créance émis par la société T), par elle acquis de la société Y), lequel spécifie tant le principal de la dette que les intérêts redus.

L’appelante est en droit de se procurer un titre documentant le bienfondé de sa créance.

L’imputation de la valeur de réalisation du nantissement accordé par l’intimée sur la créance de la BANQUE X), qui n’est actuellement pas déterminée, ne peut se faire qu’au niveau de l’exécution du titre actuellement sollicité par l’appelante et non au stade de la détermination de sa créance.

La partie intimée pourra, même après l’obtention d’un titre par l’appelante, justifier que la créance invoquée par l’appelante, est éteinte par la réalisation du nantissement accordé, dont la valeur est en cours de détermination.

Il suit de l’ensemble de ces développements, que les contestations développées par l’intimée, intervenant après une proposition de règlement transactionnel refusée par l’appelante, ne constituent pas des contestations sérieuses de nature à faire échec à la demande en provision. » Ce moyen ne saurait être accueilli puisqu’il ne tend qu’à remettre en discussion, sous le couvert du grief de la violation des dispositions légales visées au moyen, d’une part, l’appréciation par les juges du fond des faits, en ce qu’ils ont considéré que la réalisation du nantissement accordé par la demanderesse en cassation n’était, au jour du jugement, pas à considérer comme un paiement puisque sa valeur n’avait pas encore été déterminée et d’autre part, l’appréciation par ces mêmes juges du caractère sérieux de la contestation soulevée, en ce qu’ils ont considéré que le fait que le nantissement accordé par la demanderesse en cassation était en cours de réalisation ne constituait pas une contestation sérieuse de la créance de BANQUE X), ces appréciations relevant du pouvoir souverain des juges du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 21


Synthèse
Numéro d'arrêt : 103/22
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-06-30;103.22 ?

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