N° 84 / 2022 du 09.06.2022 Numéro CAS-2021-00054 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, neuf juin deux mille vingt-deux.
Composition:
Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Marc SCHILTZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
1) N), veuve M), 2) R), demandeurs en cassation, comparant par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
B), défenderesse en cassation, comparant par Maître Dominique FARYS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 23/21 - VIII - Travail, rendu le 4 mars 2021 sous le numéro CAL-2019-01170 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 21 mai 2021 par N), veuve M), et R) (ci-après « les consorts M) ») à B), déposé le 25 mai 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 16 juillet 2021 par B) aux consorts M), déposé le 19 juillet 2021 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal du travail de Luxembourg avait dit fondées les demandes de B) dirigées contre les consorts M), pris en leur qualité d’héritiers de feu M), notaire, en paiement d’une indemnité pour congé non pris et de celle due sur base de l’article L.125-1, paragraphe 1, du Code du travail en cas de survenance du décès de l’employeur. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l'article L. 125-1 du Code du travail en ce qu'il dispose que :
travail est résilié avec effet immédiat en cas de cessation des affaires par suite de décès, d'incapacité physique ou de déclaration en état de faillite de l’employeur. (…) » en ce que les juges d'appel ont uniquement constaté le décès de Maître M) pour prononcer, de facto, la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail de Madame B), alors que l'article visé au moyen prévoit explicitement que le contrat de travail n'est résilié qu'en cas de cessation des affaires par l'employeur, si cette cessation est causée par le décès de l'employeur. ».
Réponse de la Cour Il est fait grief aux juges d’appel d’avoir, pour conclure à la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail, uniquement constaté le décès de l’employeur, sans se prononcer sur la question de savoir si la cessation des affaires par l’employeur avait été causée par le décès de celui-ci.
Le grief s’analyse en un défaut de base légale en rapport avec la disposition visée au moyen, qui se définit comme l’insuffisance des constatations de fait pour statuer sur le droit.
Il est étranger au cas d’ouverture invoqué.
Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles L. 127-1 et L. 127-2 du Code du travail relatifs au transfert d'entreprise en ce qu'ils disposes :
d'établissement ou de partie d'entreprise ou d'établissement résultant notamment d'une cession conventionnelle, d'une fusion, d'une succession, d'une scission, d'une transformation de fonds ou d'une mise en société.
Il est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu'elles poursuivent ou non un but lucratif.
(2) Le présent chapitre s'applique chaque fois que l'entreprise, l'établissement ou la partie d'entreprise ou d'établissement à transférer se situe sur le territoire national du Grand-Duché de Luxembourg.
Il s'applique à tous les salariés tels que définis à l'article L.127-2, y inclus ceux qui sont engagés à temps partiel ou par contrat à durée déterminée.
(3) Le présent chapitre s'applique au transfert de navires de mer qui s'inscrit dans le cadre du transfert d'une entreprise, d'un établissement ou d'une partie d'une entreprise pour autant que le cessionnaire se situe sur le territoire du Grand-duché de Luxembourg ou que l’entreprise, l'établissement ou la partie de l’entreprise ou de l’établissement à transférer continue de relever de ce territoire. Le présent chapitre ne s'applique pas lorsque l'objet du transfert consiste exclusivement en un ou plusieurs navires de mer.
Art. L. 127-2.
Aux fins du présent chapitre, on entend par :
: celui d'une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnels et matériels, permettant la poursuite d'une activité économique essentielle ou accessoire. Une réorganisation administrative interne d'autorités administratives publiques ou le transfert interne de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens du présent chapitre ; (…) » en ce que les juges d'appel ont retenu qu'il n'y avait pas de transfert d'entreprise au sens des dispositions du chapitre VII du Code du travail au motif que les notaires n'exerceraient pas une activité économique, alors que les notaires exercent manifestement une activité économique de sorte qu'ils ne peuvent être exclus du champ d'application du transfert d'entreprise tel qu'il est défini à l'article visé au moyen. ».
Réponse de la Cour Vu les articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail, dont la teneur est reprise au moyen.
Ces dispositions transposent, en droit luxembourgeois, la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, abrogeant la directive 77/187/CEE du 14 février 1977, ci-après « la Directive ».
La notion d’« activité économique » s’analyse, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en une activité « consistant à offrir des biens et des services sur le marché » par opposition aux « activités relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique », qui sont exclues de cette définition.
Aux termes des critères développés par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de liberté d’établissement, les activités notariales ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique, mais s’exercent sous la forme d’une activité économique indépendante (cf. arrêt C-268/99, C-51-08, Commission européenne contre Grand-Duché de Luxembourg, points 83 à 117, et C-392/15, points 99 à 101). Etant donné que cette appréciation est transposable à l’application de la Directive et de sa loi nationale de transposition, cette activité relève du champ d’application des dispositions relatives au transfert d’entreprise.
En retenant erronément que les notaires n’exercent pas une activité économique et que partant ils ne constituent pas une entité économique susceptible de tomber sous le champ d’application des articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail, les juges d’appel ont violé les dispositions visées au moyen.
Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge des demandeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen de cassation, la Cour de cassation :
casse et annule l’arrêt attaqué, numéro 23/21 - VIII - Travail, rendu le 4 mars 2021 sous le numéro CAL-2019-01170 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la défenderesse en cassation à payer aux demandeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Pierre REUTER, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation N) et R) / B) (affaire n° CAS-2021-00054 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par N) et R) par mémoire en cassation daté au 9 mai 2021, signifié à B) le 21 mai 2021, déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 25 mai 2021, est dirigé contre l’arrêt n° 23/21-VIII-Travail rendu contradictoirement le 4 mars 2021 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite sous le n° CAL-2019-01170 du rôle.
L’arrêt dont pourvoi a fait l’objet d’une signification en date du 26 mars 2021.
Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi du 18 février 1885.
La partie défenderesse en cassation a signifié un mémoire en réponse le 16 juillet 2021, déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 19 juillet 2021.
Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.
Quant aux faits et rétroactes :
B) fut employée en qualité de clerc par Maître M), notaire de résidence à
____. Ce dernier décéda le 19 mars 2018. Maître Jaques X) fut nommé notaire à
____ par arrêté-
grand-ducal du 24 mai 2018.
Soutenant que le contrat de travail la liant à son employeur fut résilié de plein droit par le décès de ce dernier, elle saisit1 le tribunal de travail de Luxembourg d’une demande 1 à titre de chronologie, le 20 mars 2018 Brigitte KONZ, Juge de Paix Directrice à Luxembourg, a fait procéder à la mise sous scellés des minutes et répertoires au sein de l’étude de feu Maître M) et le répertoire de l’étude de feu Maître M) a provisoirement été clôturé au numéro 19.092, - le 27 mars 2018 B) quitta l’étude notariale, - le 7 mai 2018 B) a fait parvenir à N) et R), héritiers de feu M), sa déclaration de créance correspondant aux montants actuellement réclamés, - par courrier du 24 mai 2018, leur mandataire, après avoir admis que le contrat de travail de la salariée avait été résilié avec effet immédiat en raison du décès de feu Maître M), a fait valoir que ledit contrat renaîtrait de plein droit en cas de reprise de l’activité par les héritiers ou un tiers, en l’occurrence par le notaire nommé pour reprendre l’étude notariale, - par arrêté grand-ducal du 24 mai 2018, Maître X), notaire à
____, a été nommé notaire à
____, dirigée contre N) et R), en leur qualité d’héritiers de feu Maître M), afin de les voir condamner à lui payer les indemnités prévues à l’article L.125-1(1) du Code du travail, soit le maintien de ses salaires se rapportant au mois de la survenance de l’événement et au mois subséquent, de même qu’à l’attribution d’une indemnité égale à cinquante pour cent des mensualités se rapportant au délai de préavis auquel le salarié aurait pu prétendre conformément aux dispositions de l’article L. 124-32 3.
Aux termes du jugement rendu le 18 octobre 2019, le tribunal de travail a déclaré fondées les demandes de B)4 et a condamné N) et R) à lui payer le montant de 41.954,38 euros avec les intérêts légaux à partir de la mise en demeure jusqu’à solde.5 Sur appel interjeté par les consorts M)-N), la Cour d’appel a, par arrêt n° 23/21, confirmé le premier juge.
Il ressort de l’arrêt dont pourvoi que les parties appelantes ont invoqué deux moyens d’appel :
1) en ordre principal, ils ont fait valoir que le décès de feu M) n’a pas engendré la cessation des affaires, motifs pris que l’activité de l’étude notariale fut continuée sans interruption jusqu’à la reprise de l’étude par le notaire X), ce du fait que tous les employés, à l’exception de B), ont continué à travailler et que les actes notariés furent dressés sous la supervision d’autres notaires ; déduisant de cette constellation factuelle que le décès du notaire n’a pas impacté la poursuite des affaires, ce serait à tort que le premier juge aurait déclaré résilié d’office le contrat de travail du fait du décès du notaire M) ; cette argumentation a trait à l’article L.125-1 (1) alinéa 1er du Code du travail.
2) en ordre subsidiaire, ils ont fait valoir que même à supposer que le contrat de travail fut résilié d’office par la survenance du décès de l’employeur, il y a eu en l’occurrence transfert d’entreprise au sens du chapitre VII du Code de travail, ce du fait de la reprise de l’étude notariale par Maître X), le critère décisif résidant dans le fait que l’entité en question a gardé son identité, étant donné que tous les moyens humains et matériels auraient été transférés endéans le délai de trois mois ; ce serait à tort que le tribunal - par courrier du 27 juillet 2018, le mandataire de la salariée a maintenu sa demande basée sur l’article L.125-1 du Code du travail et précisé que la salariée n’aurait à aucun moment été approchée par Maître X) ;
2 soit en l’espèce 8.366,50 euros au titre du mois subséquent au décès de l’employeur, de 25.099,50 euros au titre de l’indemnité correspondant à 50 % du délai de préavis et de 8.488,38 euros au titre de l’indemnité pour congé non pris, le tout avec les intérêts légaux à compter du 7 mai 2018, date de la mise en demeure, sinon à partir de la demande en justice jusqu’à solde ;
3 les consorts M), soutenant que la salariée, qui quitta l’étude le 27 mars 2018, n’aurait pas respecté le délai de préavis prévu par l’article L.124-6 du Code du travail, ont formulé une demande reconventionnelle tendant à l’allocation d’une indemnité compensatoire de préavis correspondant à trois mois de salaire ;
4 à concurrence de 33.466 euros la demande de la salariée basée sur l’article L.125-1(1) du Code du travail et à concurrence de 8.488,38 euros sa demande en paiement d’une indemnité compensatoire pour congé non pris ;
5 le premier juge a encore débouté les consorts M) de leur demande reconventionnelle en allocation d’une indemnité compensatoire de préavis correspondant à trois mois de salaire en ce que la salariée n’aurait pas respecté le délai de préavis prévu par l’article L.124-6 du Code du travail ;
aurait considéré qu’une étude de notaire ne peut pas faire l’objet d’un transfert d’entreprise, motif pris que les notaires n’exerceraient pas d’activité économique ; cet argumentaire a trait aux articles L.172-1 et L.172-2 du Code du travail.
Quant au premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l’article L. 125-1 du Code du travail en ce que les juges d’appel ont uniquement constaté le décès de Maître M) pour prononcer la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail de B), alors que l’article visé au moyen prévoit explicitement que le contrat de travail n’est résilié qu’en cas de cessation des affaires par l’employeur, si cette cessation est causée par le décès de l’employeur.
Aux termes de la discussion du moyen, les demandeurs en cassation font valoir qu’au vœux de la disposition légale visée au moyen, non pas le décès de l’employeur, mais la cessation des affaires provoquées par le décès entraînerait la résiliation du contrat de travail. Ainsi serait exigé la réunion d’une double condition, à savoir le décès de l’employeur et la cessation des affaires engendrée par le décès de l’employeur, étant entendu que le décès de l’employeur n’entraînerait pas nécessairement et toujours la cessation des affaires.
Les magistrats d’appel n’auraient pas dû se limiter à retenir la résiliation d’office de la relation de travail du seul fait du décès de l’employeur, mais il leur aurait incombé de s’adonner à la vérification si suite au décès il y a eu effectivement cessation des affaires oui ou non.
Comme en l’occurrence il n’y aurait pas eu cessation des affaires suite au décès du notaire M) (ce en ce que l’ensemble du personnel aurait continué à travailler sur les dossiers, à préparer les actes et assurer la continuité des affaires et que l’apposition des scellés ne serait pas de nature à perturber l’activité de l’étude), cet examen supplémentaire les aurait amenés au constat que l’activité au sein de l’étude de Maître M) fut effectivement continuée nonobstant le décès de ce dernier, tout comme à la conclusion juridique que la résiliation de plein droit invoquée par la requérante et retenue par le 1er juge ne se justifiait pas.
L’extrait pertinent de la motivation des magistrats d’appel est le suivant6 :
« La Cour renvoie aux articles 16, 60 et suivants de la loi du 9 décembre 1976 relative à l’organisation du notariat, en partie repris dans le jugement entrepris et constate que la loi est muette concernant le sort des contrats de travail conclus par le notaire décédé.
6 cf. p. 4 de l’arrêt ;
Selon l’article L.125-1 (1) précité le contrat de travail est résilié avec effet immédiat en cas de cessation des affaires par suite de décès, d’incapacité physique ou de déclaration en état de faillite de l’employeur, les contrats résiliés renaissant de plein droit en cas de transfert d’entreprise au sens du chapitre VII du Code du travail dans les trois mois à partir de la cessation des affaires. Sauf continuation des affaires par le curateur ou le successeur de l’employeur, le salarié a droit au maintien des salaires se rapportant au mois de la survenance de l’évènement et au mois subséquent ainsi qu’à l’attribution d’une indemnité égale à cinquante pour cent des mensualités se rapportant au délai de préavis auquel le salarié aurait pu prétendre conformément aux dispositions de l’article L.124-3.
La salariée ayant été engagée par Maître M) en nom personnel (et non par l’étude notariale qui n’a pas de personnalité juridique), c’est à bon droit et pour des motifs que la Cour fait siens que les juges de première instance ont retenu que le contrat de travail a été résilié avec effet immédiat au jour du décès de l’employeur.
Même à supposer que pendant la période de transition entre le décès de l’employeur et la nomination de Maître X), d’autres clercs aient continué à travailler et à préparer des actes, qui auraient ensuite été reçus par d’autres notaires, force est de constater qu’en raison du décès de Maître M) et de l’apposition des scellés, les activités de ce dernier ont cessé et le lien de subordination entre lui et la salariée a disparu.7» De prime abord, le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt.
Contrairement à l’affirmation des demandeurs en cassation, les magistrats d’appel ont examiné s’il y a eu poursuite de l’activité pendant la période de transition entre le décès de l’employeur, Maître M), et la nomination du nouveau notaire, Maître X). Par la motivation ci-avant mise en exergue, ils se sont déterminés dans le sens que nonobstant continuation factuelle du traitement des dossiers jusqu’à l’installation du notaire X), le lien de subordination issu de la relation de travail ayant existé entre B) et son employeur M) a disparu le jour du décès de l’employeur, et que l’activité notariale, se caractérisant principalement par le personne du notaire, a nécessairement pris fin avec l’extinction de sa fonction par son décès. Implicitement mais nécessairement ils ont dit que l’activité poursuivie en attendant l’installation du notaire X) n’est pas de nature à réanimer ni la relation de travail de la requérante, ni l’activité notariale pratiquée sous l’égide du notaire M).
Il s’ensuit que le moyen manque en fait.
Pour le surplus, le moyen émane d’une fausse compréhension de la disposition visée au moyen.
7 mis en exergue par la soussignée ;
Elle n’exige pas la réunion d’une double condition au sens voulu par les demandeurs en cassation. Le seul critère déterminant à la base de la résiliation immédiate est celui de la cessation de l’activité de l’employeur, qui, au vœu de la disposition légale visée au moyen, peut être engendrée soit par le décès de l’employeur, cas de figure de l’espèce, soit par l’incapacité physique de l’employeur, soit par sa déclaration en état de faillite.
Tel a été le souhait du législateur depuis qu’il a légiféré en la matière, la résiliation immédiate du contrat de travail ayant toujours été liée à la seule cessation des affaires du patron8. L’idée à la base est que du fait de l’impossibilité par l’employeur de pourvoir à la direction de son affaire, il n’exerce plus d’autorité sur ses employés, si bien que le lien de subordination, élément essentiel et distinctif de tout contrat de travail, a nécessairement disparu.
En ce déterminant par la motivation ci-avant reproduite, les magistrats d’appel ont fait une exacte application de la disposition légale visée au moyen et leur motivation n’encourt pas le grief allégué.
Finalement, sous le couvert des griefs tirés de la violation de l’article L.125 du Code de travail, les demandeurs en cassation ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des circonstances factuelles à la base de la cessation d’activité de l’étude notariale M), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation. Sous cette considération le moyen ne saurait être accueilli.
Quant au deuxième moyen de cassation :
Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles L. 127-1 et L. 127-2 du Code du travail relatifs au transfert d’entreprise, en ce que les juges d’appel ont retenu qu’il n’y avait pas de transfert d’entreprise au sens des dispositions du chapitre VII du Code du travail au motif que les notaires n’exerceraient pas une activité économique, alors que les notaires exercent manifestement une activité économique de sorte qu’ils ne peuvent être exclus du champ d’application du transfert d’entreprise tel qu’il est défini à l’article visé au moyen.
Les demandeurs en cassation font valoir aux termes de la discussion du moyen que l’analyse des juges du fond se heurte d’une part au fait que l’activité notariale, en ce que le notaire fait également des prestations ne relevant pas de la mission lui conférée par la 8 cf. article 17 de la loi du 31 octobre 1919 portant règlement légal du louage de service des employés privés ;
article 17 de la loi 7 juin 1937 ayant pour objet la réforme de la loi du 31 octobre 1919 ; article 18 du texte coordonné du 20 avril 1962 comprenant les loi portant règlement du louage de service des employés privés ; article 30 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ;
loi sur le notariat, émet des mémoires d’honoraires, conclut des contrats de travail et des contrats de prestations faites en relation avec le fonctionnement de son office, relève bel et bien du domaine de l’activité économique, et, d’autre part à la jurisprudence européenne selon laquelle la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique et ce indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de fonctionnement.
Pour le surplus, ils soulignent que la jurisprudence européenne a posé deux limites à la notion d’activité économique en excluant de la notion d’entreprise exerçant une activité économique 1) les organismes de sécurité sociale qui mettent en œuvre le principe de solidarité nationale et 2) les activités qui sont typiquement des prérogatives de puissance publique. En dehors de ces deux hypothèses toute activité serait constitutive d’une activité économique au sens de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001, donc y compris l’activité notariale, en ce qu’elle ne participerait pas de l’autorité publique au regard de la jurisprudence européenne.
Les dispositions légales visées au moyen sont libellées comme suit :
L’article L. 127-1. (1) : « Le présent chapitre s’applique à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement résultant notamment d’une cession conventionnelle, d’une fusion, d’une succession, d’une scission, d’une transformation de fonds ou d’une mise en société. Il est applicable aux entreprises publiques et privées exerçant une activité économique, qu’elles poursuivent ou non un but lucratif.
(2) Le présent chapitre s’applique chaque fois que l’entreprise, l’établissement ou la partie d’entreprise ou d’établissement à transférer se situe sur le territoire national du Grand-Duché de Luxembourg. Il s’applique à tous les salariés tels que définis à l’article L. 127-2, y inclus ceux qui sont engagés à temps partiel ou par contrat à durée déterminée. (…) (abrogé par la loi du 20 juillet 2017) (Loi du 20 juillet 2017) « (3) Le présent chapitre s’applique au transfert de navires de mer qui s’inscrit dans le cadre du transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’une entreprise pour autant que le cessionnaire se situe sur le territoire du Grand-duché de Luxembourg ou que l’entreprise, l’établissement ou la partie de l’entreprise ou de l’établissement à transférer continue de relever de ce territoire.
Le présent chapitre ne s’applique pas lorsque l’objet du transfert consiste exclusivement en un ou plusieurs navires de mer.» (Loi du 23 juillet 2015). » L’article L. 127-2. : « Aux fins du présent chapitre, on entend par:
«transfert»: celui d’une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnels et matériels, permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire.
Une réorganisation administrative interne d’autorités administratives publiques ou le transfert interne de fonctions administratives entre autorités administratives publiques ne constitue pas un transfert au sens du présent chapitre ; 9 «cédant»: toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert, perd la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement;
«cessionnaire»: toute personne physique ou morale qui, du fait d’un transfert, acquiert la qualité d’employeur à l’égard de l’entreprise, de l’établissement ou de la partie d’entreprise ou d’établissement;
«entreprise de contrôle»: toute entreprise qui exerce le contrôle conformément à l’article L. 431-4;
«représentant des salariés»: tout salarié élu/désigné délégué du personnel conformément aux dispositions du livre IV, titre Ier relatif aux délégations;
«salarié»: toute personne physique, à l’exception de celle disposant d’un statut de fonctionnaire ou employé public, occupée par un employeur en vue d’effectuer des prestations rémunérées, accomplies sous un lien de subordination. » Le passage pertinent de l’arrêt dont pourvoi, répondant au deuxième moyen d’appel ayant trait aux articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail, est le suivant10 :
(…) C’est encore à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte, que les premiers juges ont retenu qu’il n’y avait pas eu transfert d’entreprise au sens des dispositions du chapitre VII du Code du travail, les notaires n’exerçant pas une activité économique.
Selon l’article L.127-2 du Code du travail, on entend par « transfert » celui d’une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnels et matériels, permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire. Les critères déterminants sont ceux du transfert d’une entité économique qui a conservé son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
Il en est de même de la directive 77/187/CEE du 14 février 1977, remplacée par la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, qui vise à assurer la continuité des relations de travail existant dans le cadre d’une entité économique et ce indépendamment d’un changement de propriétaire.
9 mis en exergue par la soussignée ;
10 cf. p. 4-5 de l’arrêt dont pourvoi ;
Une étude notariale constituée par un seul notaire exerçant en nom propre n’est pas une entité économique au sens des dispositions qui précèdent et n’a donc pas à être expressément exclue par elles.
Les notaires sont des officiers publics, nommés par le Grand-Duc, investis du monopole de certains actes et dont la profession est règlementée par la loi du 9 décembre 1976 précitée.
Les minutes sont la propriété de l’office public et ne sont pas dans le commerce. De même, la charge notariale n’entre pas dans le patrimoine privé de son titulaire (cf. Documents parlementaires n° 1888, exposé des motifs, p.1324).
Si le notaire nommé en mai 2018 a, conformément aux dispositions des articles 64 et suivants de la loi du 9 décembre 1976 précitée, reçu transmission des minutes de l’étude et de divers autres éléments mobiliers (répertoires, fichiers, registres, dossiers etc…) nécessaires à l’exercice de la charge notariale, il exerce son activité, qui n’est pas économique, sous sa propre identité 11. (…) » Le moyen sous examen relève d’une lecture incomplète de la motivation des juges d’appel, non limité à la seule affirmation que les notaires n’exercent pas d’activité économique.
Certes, les juges d’appel ont retenu qu’une étude notariale constituée par un seul notaire ne tombe pas sous le champ d’application de l’article L.127-1 du Code du travail, motifs pris qu’elle ne poursuit pas d’activité économique au sens du chapitre VII du Code du travail. Ils ont déduit l’absence d’entité économique, voire l’absence d’activité économique dans le chef d’une étude notariale du fait que « Les notaires sont des officiers publics, nommés par le Grand-Duc, investis du monopole de certains actes et dont la profession est règlementée par la loi du 9 décembre 1976 précitée. (…) Les minutes sont la propriété de l’office public et ne sont pas dans le commerce. De même, la charge notariale n’entre pas dans le patrimoine privé de son titulaire (cf. Documents parlementaires n° 1888, exposé des motifs, p.1324) ». Ainsi, ils excluent le notariat du champ d’application de l’article L.127-1 du Code du travail pour des motifs liés au caractère d’officier public tiré de sa fonction, la spécificité de son statut, de sa procédure de nomination, etc.
Mais, pour le surplus, ils ont souligné que « Si le notaire nommé en mai 2018 a, conformément aux dispositions des articles 64 et suivants de la loi du 9 décembre 1976 précitée, reçu transmission des minutes de l’étude et de divers autres éléments mobiliers (répertoires, fichiers, registres, dossiers etc…) nécessaires à l’exercice de la charge notariale, il exerce son activité, qui n’est pas économique, sous sa propre identité. » 11 passages mis en exergue par la soussignée ;
Ainsi ils mettent en exergue qu’en tout état de cause il ne saurait y avoir en l’occurrence poursuite de l’activité notariale faute de maintien d’identité par le décès de l’employeur.
En se déterminant de la sorte, les magistrats d’appel disent implicitement mais nécessairement que même à supposer que l’activité notariale devait constituer une entité économique, voire être qualifiée d’activité économique, un transfert d’entreprise au sens des articles L-127-1 et L.127-2 du Code du travail ne se conçoit pas en l’espèce faute de maintien d’identité dans le chef du cessionnaire. L’idée à la base est qu’une étude notariale se détermine principalement par la personne du notaire instrumentaire, en ce que tous actes, devoirs et prestations sont faits sous son égide et en son nom, les éléments matériels et humains entourant l’activité étant nécessairement secondaires. Faute de conservation de l’activité notariale sous l’égide du notaire M) par la suite de son décès, il n’a pu y avoir continuation et transfert de son activité, la nature de la fonction faisant que le notaire X) exerce l’activité de notaire à
____ sous son identité et non sous celle du notaire M), décédé.
Ce précisant, les juges d’appel ont érigé l’exigence du maintien d’identité comme argument pilier de leur motivation. A défaut, ils se seraient contentés de dire que l’activité du notaire ne tombe pas sous le champ d’application des articles L.127-1 et L.127-2 du Code du travail.
Comme ils ont dit que le maintien d’identité au sens de l’article L.127-1 du Code du travail fait défaut, ils n’ont pas examiné autrement l’autre critère exigé par ladite disposition, à savoir la poursuite d l’activité économique.
Sous les considérations qui précèdent, le moyen sous examen, cantonné au seul reproche que les juges d’appel ont exclu l’activité notariale du champ d’application de l’article L.127-1 du Code du travail et n’englobant pas le volet de la motivation des juges d’appel en relation avec l’absence de maintien d’identité, est inopérant en ce qu’il est sans incidence par rapport au motif décisionnel servant d’appui à la solution donnée au litige.
Si votre Cour ne devait pas procéder à une telle lecture de la motivation de l’arrêt dont pourvoi, et était amenée à dire que les juges d’appel ont examiné la notion de transfert d’entreprise à la lumière de l’exigence du maintien de l’identité à titre purement superfétatoire, force serait de constater que les juges d’appel, pour dire que l’activité notariale ne tombe pas sous le champ d’application des articles L-127 du Code du travail, se sont limités à examiner la notion d’activité économique par rapport à des critères d’appréciation puisés exclusivement de la loi luxembourgeoise du 9 décembre 1976 portant sur l’organisation du notariat.
Or, le chapitre VII du Code de travail, soit les articles L-127-1 à L.127-6, est la transposition en droit interne12 de la directive européenne 2001/23/ CE du 12 mars 2011 concernant le rapprochement concernant le rapprochement des législations des Etats 12 par la loi du 19 décembre 2003 ;
membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, abrogeant la directive 77/187/CEE du 14 février 1977.
Conformément à l’article L.127-2 du Code du travail le transfert d’une entreprise est « celui d’une entité économique qui maintient son identité et qui constitue un ensemble organisé de moyens, notamment personnels et matériels, permettant la poursuite d’une activité économique essentielle ou accessoire ».
En droit national il n’existe pas de définition de la notion de transfert. L’alinéa ci-dessus prend en compte le texte de la directive et la définition retenue dans la jurisprudence de la Cour de Justice (arrêt Spijkers (affaire C-24/85) et l’arrêt Cooperativa (affaires jointes C 173 et 247/96)).
La notion d’activité économique fait l’objet d’une jurisprudence constante de la Cour de justice, qui considère comme telle l’activité « consistant à offrir des biens et des services sur la marché » (CJCE, 16 juin 1987, Commission c/Italie, aff. 118/85, Rec.
2599, pt 7) ou « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné » (CJCE, 18 juin 1998, Commission c/ Italie, aff. C-35/96, Rec. I. 3851, pt 37 – CJUE, 6, sept. 2011, Scattolon, aff. C-108/10, Rec. I. 7491, pt 43, à propos de l’application de la Direct. 77/187/CE du 14 févr. 1977 – CJUE, 23 févr. 2016, Commission c/ Hongrie, aff. C-179/14, pt 149)13. Sont par principe exclues de la qualification d’activité économique les activités relevant de l’exercice des prérogatives de puissance publique (CJUE, 6, sept. 2011, Scattolon, aff. C-108/10).
La notion d’entité économique se comprend dans le sens d’une entité économique autonome se définissant elle-même comme un « ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre »14.
« La notion d’entreprise implique l’exercice d’une activité économique, soit une activité de production ou de vente de biens ou de services marchands, peu important qu’elle soit de nature civile ou commerciale. »15 Dans la mesure où en l’espèce les juges du fond ont fait abstraction totale des critères d’appréciation dégagés pas la jurisprudence de la CJE et n’ont pas dit à la lumière de ces critères en quoi l’activité notariale ne relève pas des prérogatives de la puissance publique, ils ont fait une mauvaise application des dispositions visées au moyen. Sous cette considération, l’arrêt devrait encourir cassation.
13 Répertoire de droit européen, Dalloz, verbo Notion d’activité économique ;
14 cf. Jurisclasseur Travail Traité, Fasc.19-50 : Transfert d’entreprise, n° 9 à 15 ;
15 cf. Jurisclasseur Travail Traité, Fasc.19-50 : Transfert d’entreprise, n° 11 et 14 ;
Quant au troisième moyen de cassation :
Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l’article L. 125-1 du Code du travail en ce que les juges d’appel ont déclaré fondée la demande de B) tendant à obtenir les indemnités prévues par l’article visé au moyen, alors que l’octroi des indemnités accordées au salarié est conditionné par l’absence de continuation des affaires par le curateur ou le successeur de l’employeur.
Le moyen est irrecevable en la pure forme en ce qu’il ne répond pas aux critères de précisions requis à l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, qui soumet la recevabilité d’un moyen de cassation aux critères suivants :
- qu’il ne mette en œuvre, au moins dans ses différents éléments, qu’un seul cas d’ouverture de cassation à la fois, et cela en précisant à chaque fois le cas d’ouverture invoqué, - qu’il indique la partie critiquée de la décision, - et en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.
Si l’article 10 précité de la loi du 18 février 1885 prévoit certes que l’énoncé du moyen de cassation peut être complété par des développements en droit figurant au développement dudit moyen, cette disposition salvatrice ne saurait jouer en l’espèce.
En effet, force est de constater que les demandeurs en cassation ne formulent pas de reproche et, a fortiori, ne disent pas en quoi l’arrêt encourt de reproche, aucune explication quant à un vice qui entacherait l’arrêt au regard de la disposition légale visée au moyen n’étant fournie. Compte tenu de la formulation vague du moyen, les développements subséquents avancés par les demandeurs en cassation à titre de discussion ne sont pas de nature à remédier aux carences affectant le libellé du moyen sous examen.
Pour le surplus le moyen est nouveau. Aux termes de la discussion les demandeurs en cassation font valoir que la notion de continuation d’affaire inscrite à l’alinéa 2 de l’article L.125-1 du Code du travail est à dissocier de la notion de transfert d’entreprise figurant à l’alinéa précédent, et que, faute par le législateur d’avoir expressément soumis l’allocation des indemnités y prévues à un transfert d’entreprise au sens du Chapitre VII, l’allocation desdites indemnités ne serait pas liée à l’exigence d’un transfert d’entreprise mais à une simple continuation des affaires par le successeur de l’employeur, notion plus large et plus souple que la notion de transfert d’entreprise. Comme en l’occurrence le notaire X), nommé notaire de résidence à
____ suite au décès du notaire M), aurait repris à son compte l’intégralité des contrats de travail des salariés ayant exercé au sein de l’étude notariale au jour de sa nomination, les juges d’appel auraient dû conclure à la continuation des affaires par le successeur de l’employeur et, en conséquence, rejeter les demandes indemnitaires.
Toutefois, les demandeurs en cassation n’ont pas querellé devant les juges du fond l’alinéa 2 de l’article L.125-1 du Code de travail dans le sens ci-avant allégué. N’ayant pas soumis aux magistrats d’appel l’argument tiré de la dissociation des notions de transfert d’entreprise et de continuation des affaires et n’ayant pas invoqué que l’allocation des indemnités est conditionnée par la seule absence de continuation des affaires, à apprécier in concreto, et non par l’absence de transfert d’entreprise, devant être apprécié par rapport à la directive 2001/23/CE, ils introduisent dans le débat devant Votre Cour des considérations factuelles et juridiques non soutenues devant le juge du fond.
En ce que le moyen est nouveau et, en ce qu’il comporte un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable.
Finalement, dans la mesure où sous le couvert de de la violation de la disposition légale visée par le moyen, les demandeurs en cassation ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des circonstances factuelles à la base de la cessation d’activité de l’étude notariale M), appréciation relevant de leur pouvoir souverain et échappant au contrôle de la Cour de cassation, le moyen ne saurait être accueilli.
Conclusion :
déclarer recevable le pourvoi, mais le rejeter pour le surplus.
Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Monique SCHMITZ 17