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19/05/2022 | LUXEMBOURG | N°67/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 mai 2022, 67/22


N° 67 / 2022 du 19.05.2022 Numéro CAS-2021-00075 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) D1), 2) D2), 3) D3), les t

rois agissant tant en nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers légaux de feue leur m...

N° 67 / 2022 du 19.05.2022 Numéro CAS-2021-00075 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) D1), 2) D2), 3) D3), les trois agissant tant en nom personnel qu’en leur qualité d’héritiers légaux de feue leur mère S), suivant acte de reprise d’instance avec constitution d’avocat du 30 juillet 2021, demandeurs en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Yasmine POOS, avocat à la Cour, et:

LD), défenderesse en cassation, comparant par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

_____________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 103/21 - I - CIV, rendu le 21 avril 2021 sous le numéro CAL-2019-00500 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 juillet 2021 par S), veuve PD), D1), D2) et D3) à LD), déposé le 8 juillet 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu l’acte de reprise d’instance signifié le 30 juillet 2021 par D1), D2) et D3) suite au décès d’S), agissant en leur qualité d’héritiers réservataires de la défunte, à LD) ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 26 août 2021 par LD) à D1), à D2) et à D3), déposé le 31 août 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, saisi d’une demande en partage et en liquidation des biens dépendant de la succession de feu PD), avait rejeté la demande dirigée par LD), enfant d’un premier lit de PD), contre les héritiers de ce dernier, tendant à voir constater que PD) avait fait une donation déguisée, sinon indirecte à son épouse en secondes noces S) des sommes ayant servi à acquérir la nue-propriété et la moitié de l’usufruit d’un immeuble sis à Luxembourg et à voir annuler cette donation en application de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil. La Cour d’appel a, par réformation, dit qu’il y a eu donation indirecte au bénéfice d’S) de la nue-propriété de cet immeuble, annulé la donation, dit que la valeur de la nue-propriété de l’immeuble fait partie de l’actif successoral de feu PD), ordonné le rapport de cette libéralité et nommé un expert pour déterminer la valeur au jour du partage de la nue-

propriété de l’immeuble.

Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation concluent à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation, au motif que l’arrêt qui ordonne une mesure d’instruction ne peut être déféré à la Cour de cassation indépendamment du jugement sur le fond.

L’article 3, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose :

« Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal ».

En retenant qu’il y avait eu donation indirecte de PD) en faveur d’S), en annulant ladite donation et en nommant un expert aux fins de déterminer la valeur de la nue-propriété de l’immeuble au jour du partage, les juges d’appel ont tranché une partie du principal et ordonné une mesure d’instruction.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, par réformation du jugement de première instance, fait droit à la demande de la défenderesse en cassation tendant à dire qu’il y aurait eu donation indirecte par feu PD) à son épouse Mme S) des sommes ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

____, que cette donation serait nulle, que la nue-propriété de cet immeuble devrait être rapportée en valeur au jour du partage à la succession de feu PD) et que Mme S) aurait recelé la valeur de la nue-propriété de l’immeuble litigieux, aux motifs suivants :

quelle mesure les acquéreurs S) et PD) ont payé leur part personnelle du prix d’achat convenu. En se contentant de mentionner que le prix de vente a été réglé par "les parties acquéreuses", l’acte notarié de vente ne spécifie pas dans quelle mesure chaque partie a contribué au règlement du prix d’achat.

En l’occurrence, la charge de la preuve, comme en droit commun, incombe à la demanderesse. La preuve du mode de financement du bien acquis par S) peut être établie par tous moyens, y compris à l’aide de présomptions.

S) allègue qu’elle aurait touché des héritages en Italie dans les années 1970 et 1990. Elle verse un acte de vente du 20 novembre 1978 dont il résulte qu’elle a vendu un immeuble en Italie au prix de 40.000.000 de lires, mais il en appert encore qu’elle avait financé cet immeuble par un contrat de prêt foncier hypothécaire daté au 16 janvier 1969 dont le solde de 2.256.559 de lires a été purgé par le prix de vente. Il découle nécessairement de cet acte qu’en 1969 S) avait contracté un emprunt foncier hypothécaire dans le cadre de cette acquisition immobilière en Italie, de sorte qu’il faut en conclure qu’en 1969 elle ne disposait plus des sommes énumérées dans le contrat de mariage du 10 mars 1966, ni du capital de 1.2000.000 de lires, ni de la somme de 250.000 Flux qui comprenait la somme de 244.772 Flux touchée lors de sa démission le 16 février 1966.

Le 1 er mars 1979 S) acquiert un terrain à Cantù en Italie au prix de 7,7 millions de lires et il n’est pas contesté qu’elle y a fait construire un immeuble. Il est déclaré que ces fonds proviennent de la vente immobilière du 20 novembre 1978. Le 2 novembre 1978 S) a encore acheté un appartement à Arese, cet immeuble a été vendu le 14 juillet 1992 au prix de 97 millions de lires. Sur ce dernier immeuble avait été inscrite une hypothèque en faveur d’un institut bancaire, de sorte qu’il y a lieu de conclure que l’acquéreuse ne disposait pas en 1978 des fonds nécessaires pour acquérir ledit immeuble sans contracter un emprunt.

Il faut déduire de ces faits que le produit de la vente immobilière par S) en Italie en 1978 n’a pas financé le paiement de l’acompte d’un million de Flux en 1975 ni le remboursement du prêt et qu’S) reste en défaut d’établir qu’en 1975 elle était en possession d’un capital propre.

S) en sa qualité de signataire des actes notariés ne produit aucun document relatif au paiement d’un million de Flux, ni quant aux contrats de prêt conclus en Italie en 1969 et en 1978, ni quant au contrat de prêt conclu à Luxembourg en 1975, en disant qu’elle ne détient plus ces documents. Toutefois produit-elle en justice copie d’un jugement du 3 janvier 1975 relatif aux aliments dus par son époux, une attestation datant de 1960 de son ancien employeur quant à sa nomination au poste d’assistante ainsi que non moins de seize documents datant de 1966 relatifs à la fin de son emploi et à une demande d’allocations familiales en 1966.

Sans inverser la charge de la preuve, on doit constater qu’S) a toutes les facultés de justifier de l’emploi de fonds propres dans le cadre de l’achat du terrain sis à Luxembourg,

_____, soit en déclarant le remploi, comme elle l’a fait dans les actes notariés italiens, soit en prouvant leur origine par des documents bancaires.

En s’abstenant de verser de telles pièces, S) ne combat pas utilement le faisceau d’indices se dégageant des éléments énoncés ci-avant et établissant qu’elle ne disposait plus de fonds propres en 1975.

Les parties intimées font encore valoir qu’S) a aidé son époux dans l’exploitation du magasin, qu’elle seule parlait la langue italienne et commandait les marchandises auprès des fournisseurs italiens et qu’elle a consacré son temps à l’éducation des trois enfants communs et à l’entretien du ménage.

En principe en cas de fourniture par un époux de deniers en vue de l’acquisition d’un bien par le conjoint, il n’existe aucun motif de préférer l’intention libérale à d’autres causes possibles d’une telle fourniture, mais il faut que l’autre cause invoquée soit plausible. Pour envisager un caractère rémunératoire de la fourniture de deniers, les services rendus par le conjoint bénéficiaire doivent aller au-delà des obligations légales de contribution aux charges du mariage.

A défaut de la moindre preuve quant à l’activité d’S) dans le cadre de l’exploitation du commerce de PD), les activités de l’épouse ne font pas apparaître une contribution aux charges du mariage qui dépasserait les obligations légales, de sorte il n’y a pas d’éléments permettant de conclure à un caractère rémunératoire des fonds en vue de l’acquisition du terrain.

Les parties intimées se prévalent, en ordre subsidiaire, du caractère rémunératoire de la donation et elles se réfèrent au contrat de mariage conclu le 10 mars 1966 par PD) et S) disant qu’"en ce qui concerne la contribution des futurs époux aux charges du ménage, ceux-ci ne sont pas astreints à aucun compte ou justificatif ;

chacun sera réputé avoir fourni sa part jour par jour.".

En principe, en présence d’une clause telle que celle libellée dans le contrat de mariage des époux D)-S), il ne peut être demandé aucune justification, ni aucune restitution quelconque à ce sujet. La jurisprudence retient donc le caractère irréfragable de la clause (dans ce sens arrêt Cour d’appel no 30448 du 14 février 2007 et arrêt de Cassation no l5/08 du 20 mars 2008 ; Cour d’appel 30 avril 2008, no 32520 du rôle), au motif que l’article 214 du Code civil différant de l’article 815-

13 du même code en ce que les dépenses faites dans l’intérêt d’un bien indivis entre époux séparés de biens rangent parmi la contribution aux charges du mariage en proportion des facultés respectives et ne sont ainsi pas susceptibles de prise en compte au sens des règles du partage.

Si la clause du contrat de mariage a pour effet de neutraliser les dépenses quotidiennes et les acquisitions en indivision des époux séparés en biens (cf. arrêt de Cassation n° 15/08 du 20 mars 2008), elle n’édicte en revanche qu’une présomption simple pour les dépenses extraordinaires comme l’acquisition d’un bien immobilier au nom et pour le compte d’un des deux époux séparés de biens, notamment en l’espèce quant à l’acquisition par S) seule de toute la nue-propriété de l’immeuble en cause.

Le paiement par PD) de la part de son épouse dans l’immeuble acquis en nue-propriété par elle seule n’a pas constitué la rémunération d’une activité de son épouse excédant ce qu’elle devait au titre de sa contribution aux charges du mariage.

En l’occurrence, il n’y a partant pas d’éléments permettant de conclure à un caractère rémunératoire du transfert de fonds en vue de l’acquisition de la nue-

propriété du terrain litigieux.

Il résulte de ce constat que le financement de l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble en 1975 par PD), dissimulé par sa veuve, a enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui de son époux, sans contrepartie pour ce dernier et a caractérisé ainsi l’intention de PD) de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, la contribution aux charges du mariage ne devant pas servir à se constituer un patrimoine immobilier propre au détriment des enfants nés d’un autre lit.

En l’occurrence sur la base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l’existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S).

La donation des fonds ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, est à déclarer nulle. » ;

alors que devant les juges du fond, les demandeurs en cassation ont invoqué le moyen selon lequel feu PD) n’avait pas les fonds nécessaires pour acquérir l’immeuble litigieux ; qu’ils ont versé des pièces afin d’établir ce défaut de fonds nécessaires, défaut de fonds qu’ils ont invoqué parce que - feu PD) se trouvait en état de faillite au moment de l’acquisition de l’immeuble litigieux (conclusions n°1 des demandeurs en cassation, page 18 ;

conclusions n°2 des demandeurs en cassation, page 7 et 9 ; conclusions n°3 des demandeurs en cassation, page 3 et 6) ;

- l’état de faillite de feu PD) a eu comme conséquence que la pension alimentaire due par feu PD) à son épouse a été supprimée par jugement peu avant l’acquisition de l’immeuble litigieux (conclusions n°2 des demandeurs en cassation, page 7 ; conclusions n°3 des demandeurs en cassation, page 11) ;

- même ultérieurement à sa réhabilitation, feu PD) était criblé de dettes, ce qui résulte de la contrainte décernée le 11 décembre 1981 à la requête de l’administration des contributions pour un montant de 445.340 francs luxembourgeois (conclusions n°1 des demandeurs en cassation, page 18), première branche du moyen l’arrêt attaqué n’a pas répondu à ce moyen des demandeurs en cassation, mais s’est contenté de la motivation ci-dessus citée, qui a exclusivement trait aux ressources de Mme S), mais pas à celles de feu PD) ;

que le défaut de réponse à conclusions vaut défaut de motifs et dès lors violation de l’article 249, 1er alinéa du nouveau Code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code ;

Réponse de la Cour Il est fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu au moyen selon lequel feu PD) n’avait pas les fonds nécessaires pour acquérir l’immeuble litigieux.

Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré. Les juges du fond ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

En retenant qu’S) ne s’était plus adonnée à une occupation salariée, que PD) exploitait un magasin d’ameublement et « Sans inverser la charge de la preuve, on doit constater qu’S) a toutes les facultés de justifier de l'emploi de fonds propres dans le cadre de l’achat du terrain sis à Luxembourg,

_____, soit en déclarant le remploi, comme elle l’a fait dans les actes notariés italiens, soit en prouvant leur origine par des documents bancaires.

En s'abstenant de verser de telles pièces, S) ne combat pas utilement le faisceau d'indices se dégageant des éléments énoncés ci-avant et établissant qu’elle ne disposait plus de fonds propres en 1975.

En l'occurrence sur la base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l'existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S). », les juges d’appel ont, implicitement, mais nécessairement, rejeté les développements des demandeurs en cassation tendant à établir que PD) n’avait pas pu financer l’acquisition du terrain, faute de moyens pécuniaires suffisants.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

seconde branche, subsidiaire à la première, « l’arrêt attaqué comporte des motifs de fait incomplets qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi ;

qu’il était indispensable, afin que l’existence d’une donation soit réellement caractérisée, de prendre en considération également la situation financière de PD), puisqu’une donation opère, par définition, un transfert de valeurs du patrimoine du donateur à celui du donataire ;

que la Cour, en omettant d’exposer suffisamment les constatations de fait dans la motivation de son arrêt et en se bornant à analyser la situation financière de Mme S), à l’exclusion de celle de feu PD), a entaché son arrêt de motivation insuffisante valant manque de base légale au regard de l’article 894 du Code civil. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré du défaut de base légale au regard de l’article 894 du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de fait desquels ils ont déduit que les fonds ayant servi à l’acquisition du terrain provenaient de PD), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir, par réformation du jugement de première instance, fait droit à la demande de la défenderesse en cassation tendant à dire qu’il y aurait eu donation indirecte par feu PD) à son épouse Mme S) des sommes ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____ et que cette donation serait nulle, aux motifs suivants :

versement de fonds par un conjoint en vue de l’acquisition d’un immeuble par l’autre conjoint et l’acquisition de cet immeuble.

(…) En l’occurrence sur base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l’existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S).

La donation des fonds ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, est à déclarer nulle.

Du moment que la donation indirecte d’un terrain est établie, il en va de même de la construction érigée sur ce terrain, il y a indivisibilité entre les versements de fonds par un conjoint en vue de l’acquisition d’un immeuble par l’autre conjoint et l’acquisition de cet immeuble et de telles opérations constituent des donations déguisées tombant sous la nullité édictée par l’article 1099 du Code civil. Le demandeur en annulation n’a dès lors pas besoin de prouver le financement de la construction par le donateur du terrain ce en vertu de l’article 522 du Code civil (cf.

Cour d’appel 1er août 2003 Pas. 32 p. 585). » ;

première branche, « alors que l’appréciation de la Cour d’appel selon laquelle l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble par feu PD) au profit de Mme S) constitue une donation indirecte est en contradiction avec les motifs du même arrêt dont il résulte qu’elle constitue une donation déguisée ; que les deux qualifications sont incompatibles, une donation indirecte se caractérisant par le fait qu’elle ne fait pas apparaître si l’acte est réalisé à titre gratuit ou à titre onéreux, alors qu’une donation déguisée se caractérise par le fait que les parties déclarent ostensiblement qu’il s’agit d’un acte à titre onéreux, alors que leur intention réelle est d’en faire un acte à titre gratuit ;

que les motifs contradictoires s’annulent mutuellement ; que la contradiction de motifs vaut violation de l’article 249, 1er alinéa du nouveau Code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code .» Réponse de la Cour Vu l’article 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile.

La contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs.

En retenant « Il résulte de ce constat que le financement de l’acquisition de la nue-

propriété de l’immeuble en 1975 par PD), dissimulé par sa veuve, a enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui de son époux, sans contrepartie pour ce dernier et a caractérisé ainsi l’intention de PD) de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, la contribution aux charges du mariage ne devant pas servir à se constituer un patrimoine immobilier propre au détriment des enfants nés d’un autre lit.

En l'occurrence sur la base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l'existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S).

La donation des fonds ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, est à déclarer nulle.

Du moment que la donation indirecte d’un terrain est établie, il en va de même de la construction érigée sur ce terrain, il y a indivisibilité entre les versements de fonds par un conjoint en vue de l'acquisition d'un immeuble par l'autre conjoint et l'acquisition de cet immeuble et de telles opérations constituent des donations déguisées tombant sous la nullité édictée par l'article 1099 du Code civil. Le demandeur en annulation n’a dès lors pas besoin de prouver le financement de la construction par le donateur du terrain ce en vertu de l’article 552 du Code civil (cf. Cour d’appel 1er août 2003 Pas. 32 p. 585) », les juges d’appel se sont déterminés par des motifs contradictoires sur la question de savoir si la donation litigieuse constituait une donation indirecte ou une donation déguisée entre époux, seule sujette à annulation en application de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge des demandeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du second moyen la Cour de cassation :

casse et annule l’arrêt rendu le 21 avril 2021 sous le numéro 103/21-I-CIV ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation à payer aux demandeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de l’arrêt annulé ;

condamne la défenderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple KLEYR GRASSO, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation 1.

feue S), veuve PD) 2.

D1) 3.

D2) 4.

D3) contre LD) N° CAS-2021-00075 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête d’S), D1), D2) et D3), signifié en date du 7 juillet 2021 à LD) et déposé le 8 juillet 2021 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 21 avril 2021 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2019-00500 du rôle.

Il ne résulte pas du dossier soumis à Votre Cour que l’arrêt du 21 avril 2021 a été signifié.

S) est décédée le 16 juillet 2021. Ses enfants D1), D2) et D3) ont repris l’instance en leur qualité d’héritiers de feue leur mère. L’acte de reprise d’instance a été signifié le 30 juillet 2021 à LD) et déposé le 11 août 2021 au greffe de la Cour.

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est recevable.

Le mémoire en réponse de LD), signifié le 26 août 2021 à D1), D2) et D3) en leur domicile élu et déposé le 31 août 2021 au greffe de la Cour, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes :

Par exploit d’huissier du 27 juillet 2016, LD) a fait assigner ses demi-frères et sa demi-

sœur, D1), D2) et D3), ainsi que la mère de ceux-ci, S), devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, pour les voir entrer en partage et en liquidation de la succession de feu leur père commun, PD), décédé le 11 août 2015, sur base de l’article 815 du Code civil.

LD) est la fille née d’un premier mariage de feu PD), celui-ci ayant eu épousé en secondes noces S), avec laquelle il a eu trois autres enfants. Les époux D)-S) avaient adopté le régime matrimonial de la séparation de biens.

Ce litige porte, entre autres, sur un immeuble d’habitation, sis à Luxembourg,

____, acquis par les époux D)-S) en 19751 et ayant appartenu, suite au décès de PD), en pleine propriété à S). Faisant valoir que cette dernière aurait profité d’une donation déguisée de la part de son mari lors de l’achat du terrain en 1975, dès lors qu’elle n’aurait pas disposé des moyens financiers pour contribuer à cet achat, LD) en a demandé la nullité sur base de l’article 1099 du Code civil.

Constatant que l’acte notarié de vente de 1975 renseignait que le prix de vente était payé par les deux parties acquéreuses et retenant que la preuve de la donation indirecte incombe à la partie demanderesse, le tribunal, par un jugement du 15 mars 2019, a décidé que celle-ci n’a pas établi qu’S) devait être considérée comme n’ayant pas disposé de fonds propres à l’époque de l’acquisition de l’immeuble en cause en 1975. A défaut de preuve que PD) aurait payé seul le prix de l’acquisition de l’immeuble et ce dans une intention libérale à l’égard d’S), la demande de LD) tendant à la réunion à la masse de la succession des sommes ayant servi à l’acquisition par S) de l’immeuble sis rue Joseph Tockert a été déclarée non fondée. Par conséquent, à défaut d’établir l’existence d’une donation indirecte, le tribunal a décidé que la partie demanderesse n’a pas non plus rapporté la preuve d’un recel dans le chef d’S) en ce qui concerne l’immeuble prémentionné.

Par ailleurs, le tribunal a déclaré la demande en partage de la succession de feu PD) recevable et fondée, a ordonné l’inventaire, le partage et la liquidation des biens en dépendant, a retenu qu’S) avait bénéficié de deux donations de la part de son mari à hauteur de 1.412.419,68.- euros, de sorte que ce montant est à réunir fictivement à la masse successorale et a ordonné la licitation d’un immeuble impartageable en nature, faisant partie de la masse successorale.

LD) a interjeté appel contre ce jugement par exploit d’huissier du 10 mai 2019, réitérant notamment sa demande à voir dire qu’S) a bénéficié d’une donation déguisée, sinon indirecte lors de l’acquisition de l’immeuble sis rue

___, que cette donation est nulle en application de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil, que l’immeuble appartenait en 1 La nue-propriété du terrain avait été acquise par S) et les époux D)-S) en avaient acquis l’usufruit. Sur ce terrain à bâtir, une maison avait été construite, appartenant en nue-propriété à S) et en usufruit aux époux D)-S).

pleine propriété à feu PD) seul, de sorte qu’il fait partie intégrante de la masse successorale et qu’il y a lieu à application, concernant cet immeuble, des sanctions du recel successoral prévu par l’article 792 du Code civil contre les intimés.

S), D1), D2) et D3) ont relevé appel incident concernant certains points du jugement entrepris.

Par un premier arrêt interlocutoire du 17 mars 2021, la Cour d’appel, première chambre, a déclaré les appels principal et incident recevables en la pure forme, révoqué l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties d’instruire le volet concernant la forclusion de l’exception de libellé obscur soulevée par les intimés.

Par un arrêt du 21 avril 2021, la Cour d’appel a rejeté l’exception du libellé obscur et a déclaré l’acte d’appel recevable. Concernant l’immeuble litigieux sis à Luxembourg, rue Joseph Tockert, elle a, par réformation du jugement entrepris, décidé que sur base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, LD) a rapporté la preuve d’une donation indirecte en relation avec l’immeuble en cause, faite par PD) à son épouse S). De plus, elle a décidé qu’au vu de la dissimulation dont avait fait preuve cette dernière, il s’agit d’une donation déguisée et elle a partant déclaré nulle la donation des fonds ayant servi à en acquérir la nue-propriété. Pour évaluer la valeur de la nue-

propriété dudit immeuble au jour du partage, la Cour d’appel a ordonné une expertise.

Par ailleurs, les magistrats d’appel ont encore retenu qu’il y avait eu recel successoral de la part d’S), celle-ci ayant eu la volonté constante de porter atteinte à l’égalité du partage au détriment de l’enfant du premier lit, LD). Toutefois, selon les juges d’appel, ni l’élément matériel, ni l’élément intentionnel du recel n’ont pu être établis par l’appelante principale dans le chef d’D1), D2) et D3), de sorte qu’à leur égard cette demande a été rejetée.

Concernant la demande en reddition des comptes formulée par LD) quant aux loyers perçus sur trois immeubles dépendant de la succession, les magistrats d’appel ont constaté qu’aucune des parties en cause n’avait conclu sur les bases légales et les détails de cette reddition des comptes, de sorte qu’ils ont révoqué l’ordonnance de clôture afin de permettre aux parties d’instruire ce volet.

En attendant, les demandes accessoires des parties ont été réservées et, pour le surplus, les appels principal et incident ont été déclarés non fondés.

Le pourvoi, dirigé contre cet arrêt, comporte deux moyens de cassation qui concernent exclusivement le volet de l’arrêt en relation avec l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, et donc la décision de la Cour d’appel de retenir qu’il y avait eu donation indirecte de la nue-propriété de cet immeuble au bénéfice d’S), de dire qu’il s’agit d’une donation déguisée, d’annuler celle-ci, de dire que la valeur de la nue-propriété de cet immeuble fait partie de l’actif successoral de feu PD) et d’ordonner le rapport en valeur au jour du partage de la libéralité consentie.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Dans son mémoire en réponse, la partie défenderesse en cassation soutient que le pourvoi est irrecevable au regard de l’article 355 du Nouveau code de procédure civile, en ce que l’arrêt devrait être considéré comme décision qui ordonne une mesure d’instruction, de sorte qu’il ne pourrait pas être frappé de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond.

Selon l’article 355 du Nouveau code de procédure civile :

« La décision qui ordonne ou modifie une mesure d’instruction n’est pas susceptible d’opposition ; elle ne peut être frappée d’appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi.

Il en est de même de la décision qui refuse d’ordonner ou de modifier une mesure. » Or, il se dégage de la lecture de l’arrêt en cause que celui-ci ne se limite pas à ordonner une mesure d’instruction.

Sur le volet faisant l’objet du pourvoi, le dispositif de l’arrêt attaqué se lit comme suit :

« - quant à l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, parcelle n°924/3794, réformant, dit partiellement fondée la demande de LD), dit qu’il y a eu donation indirecte au bénéficie d’S) de la nue-propriété de cet immeuble, annule cette donation, dit que la valeur de la nue-propriété de cet immeuble fait partie de l’actif successoral de feu PD), ordonne le rapport en valeur au jour du partage de la libéralité consentie à S) correspondant à la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, ordonne une expertise et nomme comme expert M. X) avec la mission de déterminer la valeur au jour du partage de la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, dit que LD) est tenue de consigner pour le 31 mai 2021 au plus tard la somme de 1.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert à un établissement de crédit à convenir entre parties, dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour d’appel le 15 septembre 2021 au plus tard, charge le président de chambre, Odette Pauly, du contrôle de l’expertise ordonnée, dit que l’instruction de l’affaire sera poursuivie sous la surveillance du susdit magistrat de la mise en état, dit qu’en cas d’empêchement du magistrat désigné, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance de président de chambre, dit partiellement fondée la demande de LD) en recel successoral, dit qu’S) ne peut prétendre à aucune part en ce qui concerne la valeur de la nue-

propriété de cet immeuble, » L’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose :

« Les arrêts et les jugements rendus en dernier ressort en matière civile et commerciale ainsi que les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix, pourront être déférés à la Cour de cassation pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité.

Les arrêts et jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.

Il en est de même lorsque l’arrêt ou le jugement rendu en dernier ressort qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure met fin à l’instance.

(…) » Selon la jurisprudence de Votre Cour2, le principal, ou l’objet du litige au sens de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile, est déterminé par les prétentions respectives des parties, c’est-à-dire leurs demandes principales, reconventionnelles et incidentes, et non par les moyens soulevés de part et d’autre.

Il se dégage des énonciations du dispositif sus-mentionnées que l’arrêt attaqué n’a pas seulement analysé les moyens avancés par les parties de part et d’autre concernant l’immeuble litigieux. Il ne s’est pas non plus limité à ordonner une mesure d’instruction.

2 Voir, p.ex., Cass. 16 janvier 2020, n°10/2020, n°CAS-2018-00100 du registre En déclarant fondée, par réformation du jugement entrepris, la demande de l’actuelle défenderesse en cassation, tendant à voir dire que feu PD) avait gratifié son épouse, feue S), d’une donation au moment de l’acquisition de l’immeuble sis à Luxembourg,

___, ainsi qu’en annulant cette donation et en ordonnant le rapport de la valeur de cette libéralité au jour du partage, la Cour a bien tranché une partie du principal, en ce qu’elle a toisé l’une des demandes lui soumises, faisant partie de l’objet du litige. Ce n’est qu’après avoir décidé qu’il y avait eu donation indirecte en faveur de l’épouse, que la Cour d’appel a ordonné une expertise afin de faire déterminer la valeur de la nue-

propriété de l’immeuble au jour du partage.

L’arrêt doit donc être considéré comme décision mixte au sens de l’article 3 de la loi précitée, tranchant une partie du principal et ordonnant une mesure d’instruction, de sorte qu’il est susceptible d’un pourvoi immédiat.

Il en suit que le pourvoi ne saurait être considéré comme étant prématuré et il n’est pas irrecevable de ce chef.

Sur les moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation, articulé en deux branches :

-

première branche tirée de la violation de l’article 249, 1er alinéa, du Nouveau code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code : défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs Le premier moyen de cassation, pris en sa première branche, consiste à reprocher à la Cour d’appel d’avoir décidé que feu PD) avait gratifié son épouse d’une donation indirecte quant aux fonds ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

____, d’avoir annulé cette donation, d’avoir dit que la nue-propriété de cet immeuble devrait être rapportée en valeur au jour du partage à la succession et d’avoir retenu qu’S) avait recelé la valeur de la nue-propriété de l’immeuble en cause, sans répondre au moyen avancé par les actuels demandeurs en cassation selon lequel feu PD) ne disposait pas des fonds nécessaires pour acquérir l’immeuble litigieux.

Pour décider qu’il y avait eu donation indirecte, la Cour d’appel se serait uniquement penchée sur la situation financière d’S), sans tenir compte de celle, désastreuse, du de cujus.

Le défaut de réponse à conclusions est l’une des formes que peut revêtir le vice du défaut de motifs, concernant la forme de l’arrêt. Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré3.

La Cour de cassation considère que les juges du fond ne sont tenus de répondre qu’aux véritables moyens, c'est-à-dire à un développement qui contient un raisonnement juridique : l’allégation d’un fait, l’invocation d’une règle de droit et la déduction d’une conséquence juridique.

Le fait assorti d’une déduction juridique, laquelle est susceptible d’influer sur la solution du litige, est donc un moyen qui exige réponse.

Le véritable défaut de réponse à conclusions suppose que le juge ait, avant de statuer sur la prétention, passé sous silence l'un des moyens qui l'appuyaient.

Aux termes d’une jurisprudence constante, les juges du fond ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué dans le même sens4.

En l’espèce, pour combattre la prétention adverse selon laquelle feue S) s’était vue gratifier lors de l’acquisition en 1975 de l’immeuble, sis

_______, par son époux des fonds ayant servi à en acquérir la nue-propriété, les actuels demandeurs en cassation s’étaient appuyés, notamment, sur une double argumentation. D’une part, ils alléguaient que feue S) disposait, contrairement aux affirmations de la partie adverse, d’une fortune personnelle lui permettant d’acheter la nue-propriété du terrain et, d’autre part, que feu PD) était totalement dépourvu des moyens financiers nécessaires pour une telle acquisition, du fait qu’il avait fait faillite au cours des années 1960.

Tout d’abord, les développements en relation avec la situation financière du de cujus sont certes des arguments, avancés, parmi d’autres, par les actuels demandeurs en cassation pour soutenir leur thèse selon laquelle l’acquisition de l’immeuble litigieux ne saurait s’analyser en une donation, mais il ne s’agit pas d’un véritable moyen, tel que défini ci-dessus. Ce simple argument n’exigeait donc pas une réponse de la part des magistrats d’appel.

A cela s’ajoute qu’il est certes vrai que la Cour d’appel s’est surtout penchée sur l’examen détaillé de la situation personnelle de feue S) à l’époque de l’acquisition litigieuse ainsi que des revenus à sa disposition et de l’emploi de ceux-ci, pour en tirer la conclusion suivante :

« Sans inverser la charge de la preuve, on doit constater qu’S) a toutes les facultés de justifier de l’emploi de fonds propres dans le cadre de l’achat du terrain sis à Luxembourg,

_____, soit en déclarant le remploi, comme elle l’a fait dans les actes notariés italiens, soit en prouvant leur origine par des documents bancaires.

En s’abstenant de verser de telles pièces, S) ne combat pas utilement le faisceau 3 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Edition 2015/2016, n°77.31 4 Idem, page 421, n°77.204 d’indices se dégageant des éléments énoncés ci-avant et établissant qu’elle ne disposait plus de fonds propres en 1975. 5 (…) En l’occurrence sur la base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l’existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S).6 » Concernant la situation financière de feu PD), la Cour d’appel avait déduit qu’il disposait de revenus suffisants pour acquérir l’immeuble litigieux de ce que « PD) exploitait un magasin d’ameublement »7.

Par ce raisonnement, la Cour d’appel a donc implicitement, mais nécessairement rejeté, par une appréciation qui lui est souveraine, l’argumentation des actuels demandeurs en cassation tendant à établir que leur père décédé n’avait pas pu financer l’acquisition du terrain, faute de moyens pécuniaires suffisants.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

-

deuxième branche, subsidiaire à la première tirée du défaut de base légale au regard de l’article 894 du Code civil La deuxième branche du premier moyen de cassation reproche à l’arrêt attaqué de ne contenir que des constatations de fait incomplètes, en ce qu’il aurait omis d’analyser la situation financière de feu PD), de sorte que Votre Cour se trouverait dans l’impossibilité de contrôler les conditions d’application de l’article 894 du Code civil.

Or, il se dégage de la réponse que la soussignée propose de donner à la première branche du moyen que la Cour d’appel, sans procéder à une analyse détaillée de la situation financière du de cujus au moment de l’achat de l’immeuble, avait déduit des éléments de fait lui soumis, par le biais d’une appréciation souveraine, que feu PD) avait disposé des moyens nécessaires en vue de l’acquisition litigieuse, étant donné qu’il exploitait à l’époque un magasin d’ameublement.

L’article 894 du Code civil dispose :

« La donation entre vifs est acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donateur qui l’accepte. » 5 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa, et page 7, premier alinéa 6 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 3 7 Arrêt attaqué, page 5, alinéa 4 Pour établir une donation, il faut prouver la réunion de deux éléments, matériel et moral, à savoir d’une part un appauvrissement et un enrichissement corrélatif et, d’autre part, une intention libérale.

La Cour d’appel a bien procédé à l’analyse de ces deux éléments pour retenir qu’il y avait eu donation en relation avec l’immeuble litigieux, en retenant, quant à l’élément matériel « Il résulte de ce constat que le financement de l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble en 1975 par PD), dissimulé par sa veuve, a enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de son époux, sans contrepartie pour ce dernier »8, et, quant à l’animus donandi, que ce mode de financement « a caractérisé ainsi l’intention de PD) de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, la contribution aux charges du mariage ne devant pas servir à se constituer un patrimoine immobilier propre au détriment des enfants nés d’un autre lit »9.

L’appréciation de ces deux éléments, nécessaires à l’existence d’une donation, s’est donc faite sur base des faits et éléments de preuve soumis à la Cour d’appel et échappe au contrôle de Votre Cour.

Ainsi, sous le couvert du grief de défaut de base légale au regard de l’article 894 du Code civil mis en œuvre par sa deuxième branche, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des éléments factuels desquels les magistrats d’appel ont déduit l’existence des éléments matériel et moral de la donation.

Il en découle que le premier moyen, pris dans sa seconde branche, ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation, articulé en trois branches :

-

première branche tirée de la violation de l’article 249, 1er alinéa, du Nouveau code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code : contradiction de motifs valant défaut de motifs Le deuxième moyen de cassation, pris en sa première branche, tend à reprocher à la Cour d’appel d’avoir qualifié la libéralité en relation avec l’acquisition de l’immeuble sis à Luxembourg,

_______, tant de donation indirecte que de donation déguisée. De ce fait, l’arrêt attaqué serait entaché d’une contradiction de motifs, valant défaut de motivation.

Les magistrats d’appel ont effectivement fait référence aussi bien à une donation indirecte qu’à une donation déguisée.

8 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 2 9 idem En effet, ils ont d’abord confirmé les juges de première en instance en leur analyse des notions de donations indirecte et déguisée:

« A l’instar du jugement de première instance, il y a lieu de dire qu’une donation est qualifiée de donation indirecte, lorsque le donateur paye au vendeur le bien acheté au nom du donataire et que la qualification de donation déguisée n’est retenue que dans l’hypothèse d’un mensonge sur l’origine des fonds employés.

Dans le cadre d’une donation indirecte il y a indivisibilité entre le versement de fonds par un conjoint en vue de l’acquisition d’un immeuble par l’autre conjoint et l’acquisition d cet immeuble. »10 Après avoir analysé la situation financière de l’épouse au moment de l’acquisition litigieuse et d’avoir retenu qu’elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour faire un tel achat, contrairement au de cujus, ainsi qu’après avoir écarté le caractère rémunératoire de la gratification, ils se sont prononcés ainsi :

« Il résulte de ce constat que le financement de l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble en 1975 par PD), dissimulé par sa veuve, a enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui de son époux, sans contrepartie pour ce dernier et a caractérisé ainsi l’intention de PD) de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, la contribution aux charges du mariage ne devant pas servir à se constituer un patrimoine immobilier au détriment des enfants nés d’un autre lit.

En l’occurrence sur la base de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes reposant sur les ressources inexistantes d’S), qui n’exerçait aucune profession, ne disposait d’aucun revenu propre et sur le fait que seul PD) disposait de revenus propres, il y a lieu de dire que l’appelante a rapporté la preuve de l’existence de la donation indirecte litigieuse au profit d’S).

La donation des fonds ayant servi à acquérir la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_____, est à déclarer nulle.

Du moment que la donation indirecte d’un terrain est établie, il en va de même de la construction érigée sur ce terrain, il y a indivisibilité entre les versements de fonds par un conjoint en vue de l’acquisition d’un immeuble par l’autre conjoint et l’acquisition de cet immeuble et de telles opérations constituent des donations déguisées tombant sous la nullité édictée par l’article 1099 du Code civil. Le demandeur en annulation n’a dès lors pas besoin de prouver le financement de la construction par le donateur du terrain ce en vertu de l’article 552 du Code civil (cf. Cour d’appel 1er août 2003, Pas.32 p.585). »11 Selon les demandeurs en cassation, ces deux types de qualifications s’excluraient mutuellement et devraient clairement être distinguées l’une de l’autre. Ainsi, une 10 Arrêt attaqué, page 5, alinéas 5 et 6 11 Arrêt attaqué, page 8, alinéas 2 à 5. Passages soulignés par la soussignée.

donation indirecte ne pourrait jamais constituer une donation déguisée.

A titre principal, le moyen est à rejeter, dès lors que la contradiction de motifs, vice de forme de l’arrêt, ne peut exister que dans l’hypothèse d’une contradiction entre des motifs de fait12.

Tel n’est pas le cas ici, puisque le moyen fait valoir une contradiction entre deux qualifications juridiques, donc des motifs de droit.

La contradiction entre les motifs de droit ne suffit pas, à elle seule, à entraîner la cassation, car la Cour régulatrice peut faire abstraction des motifs de droit erronés et les déclarer surabondants, pour s’en tenir à ceux qui justifient le dispositif13.

Si Votre Cour devait estimer qu’en qualifiant la libéralité dont a bénéficié, selon ses constatations souveraines, feue S) de la part de feu PD) lors de l’acquisition de la nue-

propriété de l’immeuble litigieux, de donation indirecte et de donation déguisée, la Cour d’appel a fait état de deux motifs de droit contradictoires – quod non, tel que nous le verrons ci-dessous – Vous pourriez constater que la qualification de donation déguisée à elle seule permet de justifier la décision d’annuler ladite gratification, dès lors qu’en application de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil, les donations déguisées entre époux sont nulles.

A titre subsidiaire, les choses ne sont pas aussi simples que l’on voudrait le faire croire et la distinction entre donations indirectes et donations déguisées n’est pas aussi aisée que le soutiennent les demandeurs en cassation.

Les donations indirectes et les donations déguisées sont deux formes de libéralités qui échappent à la forme solennelle exigée par l’article 931 du Code civil.

En théorie, la différence entre la donation déguisée et la donation indirecte réside dans le recours à un procédé de simulation ou de déguisement, dans le premier cas, et dans le recours à un acte neutre, dans le second cas. Les deux sont des actes juridiques qui réalisent l’abandon d’un droit patrimonial principal en dehors d’un acte de donation, mais dont le premier nécessite, à l’inverse du second, la construction d’une fiction : c’est l’existence d’une simulation qui distingue les deux14.

Le problème de la qualification de ces deux donations qui ne respectent pas la forme solennelle n’est pas pour autant facile. Une grande incertitude règne en jurisprudence et en doctrine sur ce point. Notamment la jurisprudence a tendance à osciller dans des situations limites entre les deux qualifications. Par ailleurs, elle tend à conférer la qualification de donation déguisée à des donations indirectes frauduleuses, afin de pouvoir leur appliquer certaines sanctions comme la nullité des donations déguisées 12 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Edition 2015/2016, n°77.111 à 77.114, pages 412 et 413 13 Idem 14 JurisClasseur Code civil, fasc. 20: donations et testaments – donations entre vifs – forme – absence d’acte authentique, n°17 faites au profit de certains incapables ou des donations déguisées entre époux15.

Selon la doctrine française récente, il est possible de diviser les donations indirectes en deux catégories : celles qui sont réalisées par un acte neutre et celles qui résultent d’actes à titre onéreux.

Dans cette deuxième hypothèse, l’acte à titre onéreux, tout en étant sincère et non fictif, contient des dispositions qui favorisent l’une des parties et aboutissent à lui procurer un avantage à titre gratuit. A titre d’exemple, un achat indivis par deux personnes fournit la possibilité de réaliser une libéralité indirecte. Il en est de même si la participation financière des acquéreurs est inégale.16 L’acquisition indivise réalisée entre époux séparés de biens est ainsi faite par moitié pour chacun des deux acquéreurs, mais l’un a assumé un financement plus important que l’autre. Cette disparité peut caractériser une donation indirecte, tel que lors de l’achat d’un immeuble par les deux époux, mais financé par le seul mari17.

Ceci vaut d’autant plus pour le cas de figure de l’espèce, étant donné que l’acte notarié de vente indique que la nue-propriété de l’immeuble a été acquise par l’épouse seule et l’usufruit par les deux conjoints, mais ne renseigne pas dans quelle mesure les acquéreurs ont payé leur part personnelle du prix d’achat convenu18. Or, il se dégage de l’arrêt attaqué que selon l’appréciation souveraine des magistrats d’appel, ce fut le de cujus seul qui avait financé cette acquisition par ses revenus propres, gratifiant ainsi son épouse.

Une telle libéralité peut donc être qualifiée de donation indirecte, mais constituer en même temps une donation déguisée, puisque l’on peut faire valoir que la donation de la somme d’argent et l’acquisition qu’elle permet, constituent un ensemble indivisible constitutif d’une simulation19. Pour de telles opérations, il convient de ne pas s’attacher exclusivement à la forme juridique sous laquelle elle a été réalisée ; il faut chercher avant tout le but dans lequel elle a été faite. Lorsque l’opération paraît entachée de fraude, la jurisprudence retient la qualification de donation déguisée qui lui permet d’appliquer les sanctions prévues par la loi, dont celle de la nullité prévue par l’article 1099, alinéa 2, du Code civil20.

Partant, c’est sans se contredire, que la Cour d’appel a pu qualifier la donation en relation avec l’acquisition de l’immeuble litigieux de donation indirecte, puisque le flux entre le donateur, à savoir feu PD), et le donataire, son épouse S), n’était pas direct, en ce qu’il 15 Idem, n°18 et 19. A noter qu’en droit français, la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, a supprimé la nullité automatique des donations déguisées entre époux ou faites par personne interposée. Toutefois, selon la Cour de cassation françaises, les donations déguisées entre époux, consenties avant le 1er janvier 2055, restent nulles.

16 Idem, n°169 et 170 17 Idem, n°205 18 Arrêt attaqué, page 5, dernier alinéa 19 JurisClasseur Code civil, fasc. 20: donations et testaments – donations entre vifs – forme – absence d’acte authentique, n°92 20 Idem, n°93 a eu lieu via l’intervention d’un tiers21, en l’occurrence le vendeur de l’immeuble, mais qu’elle a aussi pu décider qu’il s’agit d’une donation déguisée, dès lors qu’elle a pris la forme d’un acte à titre onéreux qui ne fait nullement transparaître l’intention libérale, frauduleuse pour le surplus, dès lors qu’elle tendait à contourner la prohibition prévue par la loi.

Le moyen, pris en sa première branche, laisse donc d’être fondé.

-

deuxième branche, subsidiaire à la première tirée de la violation de l’article 249, 1er alinéa, du Nouveau code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 du même code : motivation par simple affirmation valant défaut de motifs La deuxième branche du moyen fait grief à la Cour d’appel d’avoir décidé que la donation en relation avec l’acquisition de l’immeuble sis à Luxembourg,

_______, constitue une donation déguisée par simple affirmation, constituant un cas particulier de défaut de motifs.

Par un arrêt du 18 mars 2010, n°15/10, Vous aviez cassé un arrêt de la Cour d’appel qui avait retenu une faute contractuelle commise par une banque en relation causale avec le préjudice subi par la partie adverse par une énonciation, non accompagnée de considérations ni de fait ni de droit, que Vous avez qualifié de simple affirmation qui ne saurait avoir la valeur d’un motif déterminant au soutien du dispositif de l’arrêt attaqué.

Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce.

En effet, la Cour d’appel s’est référée à la simulation, nécessaire au caractère déguisé de la donation, contenue dans l’acte de vente, et constatant ainsi le caractère frauduleux de l’opération, en retenant :

« Il résulte de ce constat que le financement de l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble en 1975 par PD), dissimulé par sa veuve, a enrichi le patrimoine de cette dernière au détriment de celui de son époux, sans contrepartie pour ce dernier et a caractérisé ainsi l’intention de PD) de s’appauvrir au profit de son épouse, dans le but de la gratifier, la contribution aux charges du mariage ne devant pas servir à se constituer un patrimoine immobilier au détriment des enfants nés d’un autre lit. »22 Elle en a conclu, en se référant à une jurisprudence publiée de la Cour d’appel :

« Du moment que la donation indirecte d’un terrain est établie, il en va de même de la construction érigée sur ce terrain, il y a indivisibilité entre les versements de fonds par un conjoint en vue de l’acquisition d’un immeuble par l’autre conjoint et l’acquisition 21 Idem, n°19 22 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 2 de cet immeuble et de telles opérations constituent des donations déguisées tombant sous la nullité édictée par l’article 1099 du Code civil. Le demandeur en annulation n’a dès lors pas besoin de prouver le financement de la construction par le donateur du terrain ce en vertu de l’article 552 du Code civil (cf. Cour d’appel 1er août 2003, Pas.32 p.585). » C’est donc par une motivation adéquate, tant en fait qu’en droit, que les magistrats d’appel ont décidé que la libéralité dont l’épouse avait bénéficié lors de l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble litigieux était à qualifier de donation déguisée, prohibée entre époux et donc nulle en vertu de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil.

La seconde branche du moyen est donc à rejeter.

-

troisième branche, subsidiaire aux deux premières tirée du défaut de base légale au regard de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil La troisième branche du moyen reprend le même reproche que la deuxième, tout en l’articulant sous la forme d’un défaut de base légale au regard de l’article 1099, alinéa 2, du Code civil.

Or, il se dégage de la réponse que la soussignée propose de donner à la seconde branche du moyen que la motivation en vertu de laquelle la Cour d’appel a décidé que la donation dont l’épouse s’est vue gratifier par le biais de l’achat de la nue-propriété de l’immeuble sis à Luxembourg,

_______, financé par les deniers propres du de cujus, était à qualifier de donation déguisée, est suffisante et permet parfaitement à Votre Cour d’exercer son contrôle quant aux conditions d’application de la disposition visée au moyen.

Par conséquent, la dernière branche du deuxième moyen de cassation n’est pas non plus fondée.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 24



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 19/05/2022
Date de l'import : 21/05/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : 67/22
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-05-19;67.22 ?

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