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05/05/2022 | LUXEMBOURG | N°62/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 05 mai 2022, 62/22


N° 62 / 2022 pénal du 05.05.2022 Not. 25758/20/CC Numéro CAS-2021-00081 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, cinq mai deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

M), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 juin 2021 sous le numéro 199/21 VI. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, sixième chambre, siégeant en ma

tière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Daniel NOEL, avoc...

N° 62 / 2022 pénal du 05.05.2022 Not. 25758/20/CC Numéro CAS-2021-00081 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, cinq mai deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

M), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 juin 2021 sous le numéro 199/21 VI. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, sixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, au nom d’M), suivant déclaration du 14 juillet 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 6 août 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné M) à une amende et à une interdiction de conduire assortie du sursis intégral du chef de délit de grande vitesse. La Cour d’appel a, par réformation partielle, retiré au prévenu le bénéfice du sursis.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que l’arrêt du 14 juin 2021 rendu par la sixième chambre correctionnelle de la Cour d’appel n’a pas répondu au moyen développé par le mandataire d’M) à écarter des débats l’avertissement taxé du 13 mars 2020, la sixième chambre de la Cour d’Appel a violé l’article 195 du Code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Si la sixième chambre de la Cour d’appel a bien répondu au moyen de nullité invoqué par la partie requérante en relation avec l’avertissement taxé du 13 mars 2020, en écartant ce moyen pour raison de forclusion, la sixième chambre de la Cour d’appel n’a absolument pas répondu au moyen de la partie requérante demandant à écarter tout simplement des débats l’avertissement taxé en question et de ne pas en tenir compte, sans pour autant l’annuler.

Alors que l’article 195 du Code de procédure pénale dispose que :

circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.(…). » Et que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme dispose que :

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » L’obligation de motivation imposée par l’article 195 du Code de procédure pénale impose non seulement aux juridictions de motiver toute décision, mais également de répondre, ne serait-ce que sommairement, aux moyens invoqués par les parties au procès.

La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme retient que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme contient également l’obligation pour les juridictions, de répondre aux moyens soumis par les parties au procès.

Un simple silence gardé par une juridiction face à un moyen soumis ne saurait en aucun être interprété comme un refus implicite, et donc comme une réponse suffisante à un moyen soumis.

2 L’obligation de motivation, et a fortiori de réponse tout court, est une garantie essentielle imposée aux juridictions.

Cette nécessité s’est tout naturellement imposée, car il est difficile dans le cas contraire de parler d’un procès équitable.

La Cour européenne, à travers de nombreuses décisions, a clairement indiqué que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions. (CEDH, 19 avr.

1994, Van de Hurk c/ Pays-Bas, Série A n°288 §61, Justices 1996 p. 235 obs. J.-F.

FLAUSS ; 27 sept. 2001, Hirvisaari c/ Finlande, n° 49684/99, non publié, Europe 2002 Com. N°73 obs. V. LECHEVALLIER. ; L. BORE, La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme, JCP 2002-I-104, p.

121 s. Cf. aussi CEDH, 28 avr. 2005, Albina c/ Roumanie, n°57808/00, §36.) En ne prenant pas position quant au moyen développé par le mandataire d’M) à écarter des débats l’avertissement taxé du 13 mars 2020, la sixième chambre de la Cour d’appel a partant jugé en violation de l’article 195 du code de procédure pénale et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme L’arrêt rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel en date du 14 juin 2021 encourt dès lors la cassation pour ne pas avoir respecté ni l’article 195 du Code de procédure pénale ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation des articles 195 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « A l’audience de la Cour, le mandataire d’M) conteste la régularité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020 et demande que celui-ci ne soit pas retenu comme élément entraînant la récidive et par conséquence comme élément nécessaire et constitutif d’un délit de grande vitesse. Il estime que cet avertissement équivaut à une décision de dernier ressort. Comme la loi instaurant la possibilité de dresser un avertissement taxé ne respecterait pas le principe de la séparation des pouvoirs, l’officier de police constatant et sanctionnant une infraction, l’avertissement taxé du 13 mars 2020 constituerait un acte illicite, sinon nul et devrait être écarté du litige.

Il estime encore que son client aurait dû, lors de son interpellation du 13 mars 2020, bénéficier de certaines informations quant à ces droits, options et notamment quant aux conséquences du paiement d’un avertissement taxé. L’absence de toute information à ce sujet aurait privé l’appelant de ses droits à un recours effectif et à un procès équitable. Le non-respect de ces droits serait suffisamment grave pour conduire à l’annulation de l’avertissement taxé du 13 mars 2020.

3 Il renonce encore expressément au moyen de nullité soulevé en première instance.

La représentante du Parquet général estime que l’appelant est forclos à soulever la nullité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020. Elle demande la confirmation du jugement entrepris, sauf à requérir que le prévenu soit déchu du bénéfice du sursis quant à l’exécution de la peine de l’interdiction de conduire prononcée au motif que la peine de prison de 3 ans, prononcée par le tribunal de ’s-

Gravenhage le 26 mars 2008, à l’encontre de l’appelant pour infraction à la loi sur l’opium, s’oppose à l’octroi d’une telle faveur.

La nullité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020 n’a pas été soulevée en première instance.

Or, aux termes de l’article 48-2, paragraphe (3), 2ième tiret, du Code de procédure pénale, si, comme en l’espèce, aucune instruction n’a été ouverte sur la base de l’enquête, le prévenu doit formuler la demande en nullité d’un acte de la procédure, sous peine de forclusion, avant toute demande, défense ou exception autre que les exceptions d’incompétence.

Toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale, sont soumises au délai de forclusion des articles 48-2 et 126, paragraphe 3, du Code de procédure pénale.

Le droit d’accès au juge tel que prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice.

L’interdiction de former devant les juridictions de fond un recours en nullité, sous peine de forclusion, après toute demande, défense, ou exception autre que les exceptions d'incompétence, a pour but, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, qu’une décision de justice soit rendue dans un délai raisonnable (cf. Cass.

n°24/2020 pénal du 13 février 2020).

Le prévenu qui a présenté ses moyens pour la première fois en instance d’appel est partant forclos à les soulever. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur le point considéré.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « En ce que ce que l’arrêt du 14 juin 2021 rendu par la sixième chambre correctionnelle de la Cour d’appel n’a pas répondu au moyen développé par le 4 mandataire d’M) de prononcer à titre de subsidiarité, par rapport à l’interdiction de conduire prononcé sans bénéfice d’un sursis à l’exécution, une exception en faveur d’M) de l’interdiction de conduire en ce qui concerne les déplacements dans l’intérêt de sa profession ainsi que pour les besoins d’ordre familial, la sixième chambre de la Cour d’Appel a violé l’article 195 du Code de procédure pénale et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Si la sixième chambre de la Cour d’appel a bien retiré le bénéfice du sursis à l’exécution de l’interdiction de conduire, la sixième chambre de la Cour d’appel n’a absolument pas répondu au moyen de la partie requérante demandant une exception en faveur d’M) de l’interdiction de conduire en ce qui concerne les déplacements dans l’intérêt de sa profession ainsi que pour les besoins d’ordre familial.

Alors que l’article 195 du Code de procédure pénale dispose que :

circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.(…). » Et que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme dispose que :

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » L’obligation de motivation imposée par l’article 195 du Code de procédure pénale impose non seulement aux juridictions de motiver toute décision, mais également de répondre, ne serait-ce que sommairement, aux moyens invoqués par les parties au procès.

La jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme retient que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme contient également l’obligation pour les juridictions, de répondre aux moyens soumis par les parties au procès.

Un simple silence gardé par une juridiction face à un moyen soumis ne saurait en aucun être interprété comme un refus implicite, et donc comme une réponse suffisante à un moyen soumis.

L’obligation de motivation, et a fortiori de réponse tout court, est une garantie essentielle imposée aux juridictions.

Cette nécessité s’est tout naturellement imposée, car il est difficile dans le cas contraire de parler d’un procès équitable.

La Cour européenne, à travers de nombreuses décisions, a clairement indiqué que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions. (CEDH, 19 avr.

5 1994, Van de Hurk c/ Pays-Bas, Série A n°288 §61, Justices 1996 p. 235 obs. J.-F.

FLAUSS ; 27 sept. 2001, Hirvisaari c/ Finlande, n° 49684/99, non publié, Europe 2002 Com. N°73 obs. V. LECHEVALLIER. ; L. BORE, La motivation des décisions de justice et la Convention européenne des droits de l’homme, JCP 2002-I-104, p.

121 s. Cf. aussi CEDH, 28 avr. 2005, Albina c/ Roumanie, n°57808/00, §36.) En ne prenant pas position quant au moyen développé par le mandataire d’M) tendant à demander une exception en faveur d’M) de l’interdiction de conduire en ce qui concerne les déplacements dans l’intérêt de sa profession ainsi que pour les besoins d’ordre familial, la sixième chambre de la Cour d’appel a partant jugé en violation de l’article 195 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme L’arrêt rendu par la Chambre correctionnelle de la Cour d’appel en date du 14 juin 2021 encourt dès lors la cassation pour ne pas avoir respecté ni l’article 195 du Code de procédure pénale ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme. ».

Réponse de la Cour Vu l’article 195 du Code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme.

En retirant au prévenu le bénéfice du sursis à l’exécution de l’interdiction de conduire et en maintenant les peines prononcées pour le surplus, sans statuer sur la demande du prévenu à voir excepter de l’interdiction de conduire les trajets effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession et ceux pour des motifs d’ordre familial, les juges d’appel ont violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

casse et annule l’arrêt rendu le 14 juin 2021 par la Cour d’appel, sixième chambre, siégeant en matière correctionnelle , sous le numéro 352/19 VI ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de l’arrêt annulé ;

laisse les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, cinq mai deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Nadine WALCH, conseiller à la Cour d’appel, qui, à l’exception du président Roger LINDEN, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation M) /Ministère Public (affaire n° CAS-2021-00081 du registre) Par déclaration faite le 14 juillet 2021 au greffe de la Cour supérieure de Justice, Maître Daniel NOEL, avocat à la Cour, demeurant à Esch-sur-Alzette, en remplacement de Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte d’M), un recours en cassation contre l’arrêt n° 199/21 VI, rendu le 14 juin 2021 par la Cour d’appel, sixième chambre, siégeant en instance d’appel en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 6 août 2021 du dépôt au greffe du la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation, signé par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte d’M).

Le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans le respect des conditions de recevabilité définies par les articles 4 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Quant aux faits :

Il résulte de l’arrêt attaqué qu’M) avait été condamné par une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour délit de grande vitesse1 à une interdiction de conduire 9 mois, assortie du sursis intégral, et à une amende de 1.000 euros. Sur appel du prévenu, la Cour d’appel confirma la juridiction de première instance pour avoir retenu M) dans les liens de l’infraction mise à sa charge. Quant à la peine, les juges d’appel ont maintenu les peines d’interdiction de conduire et d’amende quant à leur quantum. Par réformation, ils lui ont retiré le bénéfice du sursis à exécution.

Quant au 1er moyen de cassation :

Le 1er moyen de cassation est tiré de la violation des articles 195 du CPP et 6 de la CEDH en ce que les juges d’appel n’ont pas pris position quant à l’argument de l’appelant tendant à voir écarter des débats l’avertissement taxé du 13 mars 2020.

1 plus précisément il fut convaincu d’avoir le 10 juillet 2020 à 10.15 heures, sur la N2 entre Moutfort et Sandweiler, circulé à une vitesse de 151 km/h, alors que la vitesse était limitée à 90 km/h et ce alors que le prévenu s’était, en date du 13 mars 2020, acquitté d’un avertissement taxé encouru du chef d’une contravention grave en matière de dépassement de la limitation réglementaire de la vitesse commise par lui en date du 13 mars 2020 En tant que tiré de la violation de articles 159 du CPP et de l’article 6 de la CEDH, ensemble son libellé, le moyen vise le défaut de motif.

Le défaut de motif est constitutif d’un vice de forme. Une motivation, si incomplète, inopérante ou implicite soit-elle, satisfait à la loi. Selon la jurisprudence de Votre Cour, le jugement « est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif exprès ou implicite, si incomplet ou vicieux soit-il sur le point considéré »2.

Il suffit dès lors de constater qu’une décision est motivée sur le point concerné.

Pour rappel, devant la juridiction de première instance M) a soulevé avant toute défense au fond la nullité de son audition policière, ainsi que des actes d’instruction subséquent, moyen ayant été déclaré recevable mais non fondé. L’appelant a renoncé à ce moyen de nullité en instance d’appel et a demandé à voir écarter des débats l’avertissement taxé du 13 mars 2013 au regard de son caractère illégal, voire nul, pour conclure en conséquence à l’absence d’un élément constitutif du délit de grande vitesse.

Le passage pertinent de la motivation des juges d’appel y relativement est le suivant3:

« A l’audience de la Cour, le mandataire d’M) conteste la régularité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020 et demande que celui-ci ne soit pas retenu comme élément entraînant la récidive et par conséquence comme élément nécessaire et constitutif d’un délit de grande vitesse. Il estime que cet avertissement équivaut à une décision de dernier ressort. Comme la loi instaurant la possibilité de dresser un avertissement taxé ne respecterait pas le principe de la séparation des pouvoirs, l’officier de police constatant et sanctionnant une infraction, l’avertissement taxé du 13 mars 2020 constituerait un acte illicite, sinon nul et devrait être écarté du litige. Il estime encore que son client aurait dû, lors de son interpellation du 13 mars 2020, bénéficier de certaines informations quant à ces droits, options et notamment quant aux conséquences du paiement d’un avertissement taxé. L’absence de toute information à ce sujet aurait privé l’appelant de ses droits à un recours effectif et à un procès équitable. Le non-respect de ces droits serait suffisamment grave pour conduire à l’annulation de l’avertissement taxé du 13 mars 2020.

Il renonce encore expressément au moyen de nullité soulevé en première instance.

La représentante du Parquet général estime que l’appelant est forclos à soulever la nullité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020. Elle demande la confirmation du jugement entrepris, sauf à requérir que le prévenu soit déchu du bénéfice du sursis quant à l’exécution de la peine de l’interdiction de conduire prononcée au motif que la peine de prison de 3 ans, prononcée par le tribunal de ’s-Gravenhage le 26 mars 2008, à l’encontre de l’appelant pour infraction à la loi sur l’opium, s’oppose à l’octroi d’une telle faveur.

La nullité de l’avertissement taxé du 13 mars 2020 n’a pas été soulevée en première instance.

2 voir à titre d’illustration CCass., 17 mai 2018, n° 41/2018, numéro 3957 du registre 3 cf. p. 5-6 de l’arrêt dont pourvoiOr, aux termes de l’article 48-2, paragraphe (3), 2ième tiret, du Code de procédure pénale, si, comme en l’espèce, aucune instruction n’a été ouverte sur la base de l’enquête, le prévenu doit formuler la demande en nullité d’un acte de la procédure, sous peine de forclusion, avant toute demande, défense ou exception autre que les exceptions d’incompétence.

Toutes les nullités de la procédure préliminaire et de la procédure d’instruction, quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation nationale ou internationale, sont soumises au délai de forclusion des articles 48-2 et 126, paragraphe 3, du Code de procédure pénale.

Le droit d’accès au juge tel que prévu par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice.

L’interdiction de former devant les juridictions de fond un recours en nullité, sous peine de forclusion, après toute demande, défense, ou exception autre que les exceptions d'incompétence, a pour but, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, qu’une décision de justice soit rendue dans un délai raisonnable (cf.

Cass. n°24/2020 pénal du 13 février 2020).

Le prévenu qui a présenté ses moyens pour la première fois en instance d’appel est partant forclos à les soulever. » Au regard de la motivation ci-avant reproduite, l’arrêt attaqué comporte une motivation sur le point considéré, les juges d’appel l’ayant écarté, motifs pris que l’appelant est forclos à le faire valoir.

La forclusion au sens de l’article 48-2 du CPP ayant été retenue, il n’incombait plus aux magistrats d’appel d’examiner autrement les arguments avancés en relation avec l’avertissement taxé. Le reproche du demandeur en cassation du « simple silence gardé » par les juges d’appel face au moyen leur soumis, n’est dès lors pas justifié.

L’arrêt dont pourvoi ne viole donc pas les dispositions légales visées au moyen.

Quant au 2ème moyen de cassation :

Le 2ème moyen de cassation est tiré de la violation des articles 195 du CPP et 6 de la CEDH en ce que les juges d’appel n’ont pas pris position quant à la demande subsidiaire de l’appelant tendant à voir aménager l’interdiction de conduire de l’exception des trajets professionnels au sens de l’article13.1ter de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques.

Quant au volet de l’arrêt portant sur l’aménagement de la peine, les magistrats d’appel se sont déterminés comme suit4 :

4 cf. p. 6-7 de l’arrêt « (…) La juridiction de première instance a correctement apprécié les circonstances de la cause et c’est à juste titre, sur base des éléments du dossier répressif, qu’elle a retenu M), qui n’a pas contesté la matérialité des faits lui reprochés, dans les liens de l’infraction de délit de grande vitesse mise à sa charge.

Les peines d’amende et d’interdiction de conduire prononcées sont légales et adaptées à la gravité de l’infraction commise et aux antécédents spécifiques du prévenu, partant à maintenir quant à leur quantum.

M) ayant été condamné par jugement du tribunal de ’s-Gravenhage (Pays-Bas) en date du 26 mars 2008 pour infraction à l’article 2 A de la loi sur l’opium à une peine de prison de 3 ans, condamnation qui, conformément à l’article 7-5 du Code de procédure pénale, est à assimiler quant à ses effets à une condamnation prononcée par une juridiction luxembourgeoise, il ne peut bénéficier, en application de l’article 628, alinéa 4, du même code du sursis à l’exécution de l’interdiction de conduire prononcée.

Il y a partant lieu de lui retirer ce bénéfice.

Le jugement entrepris est partant à réformer en ce sens et à confirmer pour le surplus. » Le moyen posant la prémisse d’une obligation de motivation dans le chef des magistrats d’appel, le demandeur en cassation leur reproche de ne pas y avoir satisfait faute de s’être prononcés sur la demande formulée en ordre subsidiaire.

Il est vrai que les juges d’appel ne mentionnent pas l’aménagement des trajets professionnels demandé en ordre subsidiaire par la partie appelante.

Or, en l’occurrence, aucune obligation de motivation au sens des dispositions légales invoquées au moyen n’incombait aux magistrats d’appel, alors que le choix de la peine relève du pouvoir discrétionnaire du juge du fond. A ce titre, le juge du fond est dispensé du devoir de motivation.

En effet, le législateur luxembourgeois n’a pas prévu l’obligation de motivation la peine. C’est n’est que par l’introduction au Code pénal de l’article 195-1 par la loi du 20 juillet 20185 qu’une motivation est exigée lorsqu’une peine d’emprisonnement ou de réclusion sans sursis est prononcée. L’article 195-1 du Code pénal dispose que :

« En matière correctionnelle et criminelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d’emprisonnement ou de réclusion sans sursis qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette mesure. Toutefois, il n’y a pas lieu à motivation spéciale lorsque la personne est en état de récidive légale. ».

Dans la mesure où l’obligation de motivation de la peine est cantonnée au seul cas de figure d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ou de réclusion sans sursis, il tombe sous 5 plus précisément l’article Ier, 2), de la loi du 20 juillet 2018 ayant notamment pour objet de modifier le Code de procédure pénale en introduisant un titre IX concernant l’exécution des peines5le sens que le prononcé de toute autre peine, y compris son aménagement, est exempt de l’obligation de motivation.

« Le choix, à l’intérieur des limites légales, de la peine à infliger au délinquant est pour les juges du fond, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dont ils ne doivent aucun compte6 ».

Il s’ensuit que la nature et l’envergure de la peine prononcée en l’espèce ne peuvent être remis en cause pour défaut de motivation. Les magistrats d’appel n’étaient dès lors pas tenus de fournir un motif quelconque à l’appui de leur décision quant à la peine d’interdiction de conduire prononcée à l’égard du prévenu, y compris son aménagement.

En se déterminant tel qu’ils l’ont fait et en ne se prononçant pas sur la demande subsidiaire tendant à voir assortir l’interdiction de conduire de l’exception des trajets professionnels prévue à l’article 13.1ter de la loi modifiée du 14 février 1955, les magistrats d’appel n’encourent pas le reproche formulé par le demandeur en cassation.

En considération de ce qui précède, le moyen n’est pas fondé.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Monique SCHMITZ avocat général 6 cf. BORE La cassation en matière pénale, éd. 2018/19, n° 81.42 ; cf.

également CCass. n° 8/2021 du 27 janvier 2011, n° 2817 du registre ;



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 05/05/2022
Date de l'import : 06/05/2022

Numérotation
Numéro d'arrêt : 62/22
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-05-05;62.22 ?

Source

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