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28/04/2022 | LUXEMBOURG | N°59/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 28 avril 2022, 59/22


N° 59 / 2022 pénal du 28.04.2022 Not. 9180/20/CD Numéro CAS-2021-00087 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-huit avril deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

1. C), 2. F), demandeurs en cassation, comparant par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 6 juillet 2021 sous le numéro 600/21 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembo

urg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Co...

N° 59 / 2022 pénal du 28.04.2022 Not. 9180/20/CD Numéro CAS-2021-00087 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-huit avril deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

1. C), 2. F), demandeurs en cassation, comparant par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 6 juillet 2021 sous le numéro 600/21 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, au nom de C) et d’F), suivant déclaration du 5 août 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le lundi 6 septembre 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant sur la demande de C) et d’F) en restitution d’avoirs placés sur des comptes bancaires qui avaient fait l’objet d’une saisie dans le cadre d’une instruction, a rejeté la demande. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé cette ordonnance.

Sur la recevabilité du pourvoi L’article 416 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements de dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ;(…).

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».

L’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel, qui a refusé d’annuler une ordonnance de saisie des avoirs sur les comptes bancaires des demandeurs en cassation est un arrêt d’instruction qui n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et contre lequel le recours en cassation n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif.

Les demandeurs en cassation concluent néanmoins à la recevabilité du pourvoi au motif qu’une décision d’irrecevabilité en application des dispositions de l’article 416 du Code de procédure pénale les priverait de leurs droits de la défense, notamment de leur droit d’accès au dossier, garantis par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que d’un recours effectif, garanti par l’article 13 de la même convention, contre les violations des droits et libertés consacrés par cette convention.

Le droit d’accès au juge n’est pas absolu ; les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice. L’interdiction prévue à l’article 416 du Code de procédure civile a précisément pour but de prévenir les recours dilatoires.

L’article 13 de la Convention garantit à toute personne, dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés, un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

L’article 416 du Code de procédure pénale, en ce qu’il diffère l’exercice du recours en cassation contre l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel jusqu’après la décision définitive en dernier ressort, n’enfreint pas les articles 6 et 13 de la convention précitée.

Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable en application des dispositions de l’article 416 du Code de procédure pénale. Les demandeurs en cassation concluent encore à la recevabilité de leur recours en tant que pourvoi en cassation-nullité pour cause d’excès de pouvoir, violation grave des droits de la défense et violation d’un principe fondamental de procédure consistant dans la privation de leurs droits à un procès équitable et à exercer un recours effectif afin de faire cesser toute violation de leurs droits garantis par la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité.

Les reproches adressés par les demandeurs en cassation aux juges d’appel, tels que formulés dans leurs moyens de cassation, ne rentrent pas dans cette définition de l’excès de pouvoir.

Il s’ensuit que le pourvoi en cassation-nullité est également irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne les demandeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 1,50 euro.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-huit avril deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint Jeannot NIES et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation 1) C) 2) F) c/ en présence du Ministère Public (Affaire n° CAS 2021-00087 du registre) Par déclaration au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 5 août 2021, Maître Mathieu RICHARD, avocat à la Cour, a formé un recours en cassation au nom et pour le compte de C) et F) contre un arrêt rendu par la chambre du conseil de la Cour d’appel en date du 6 juillet 2021 sous le numéro n° 600/21 Ch.c.C. dans l’affaire portant la notice n° 9180/20/CD.

La déclaration du pourvoi a été suivie de la signification d’un mémoire en cassation datée du 6 septembre 2021 et du dépôt dudit mémoire au greffe d’un mémoire en cassation signé par Maître Mathieu RICHARD.

Le pourvoi respecte donc les délais et la forme prévus par les articles 41 et 43 de la loi du 18 février 1885.

Quant aux faits Le pourvoi a pour objet un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel du 5 juillet 2021 statuant sur appel de C) et d’F) contre une ordonnance de rejet d’une demande en restitution, basée sur l’article 68 du Code de procédure pénale, des avoirs inscrits sur trois comptes bancaires ouverts auprès de la Banque Internationale à Luxembourg et saisis dans le cadre d’une instruction judiciaire.

Sur la recevabilité du pourvoi au regard de l’article 416 du Code de procédure pénale Aux termes de l'article 416 du Code de procédure pénale, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif. Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile.

L’interdiction de se pourvoir en cassation immédiatement et avant la décision définitive contre les décisions préparatoires ou d’instruction a précisément pour but de prévenir des recours dilatoires1.

Cette disposition légale s'applique à toutes les décisions qui n'épuisent pas la juridiction du juge pénal soit sur l'action publique, soit sur l'action civile. Pour être considérée comme décision définitive au sens de l'article 416, il ne suffit dès lors pas, que la décision du juge épuise sa juridiction sur une question litigieuse précise.

1 Cour de cassation, arrêt no 32/2016 pénal du 14 juillet 2016 (numéro 3688 du registre) ; arrêt no 24/2015 du 20 avril 201 (numéro 3459 du registre) Sont considérés comme arrêts préparatoires ou d’instruction toutes les décisions qui mettent le litige en état de recevoir une solution, mais sans terminer l’instance. Une décision termine l’instance soit lorsqu’elle se prononce au fond - acquittement ou condamnation – soit lorsqu’elle admet une exception d’incompétence ou une autre fin de non-recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause.

En l’occurrence la partie demanderesse en cassation a introduit un pourvoi contre l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel qui a déclaré non fondée une demande en restitution d’objets saisis, formulée par les prétendus légitimes propriétaires des avoirs en question et basée sur l’article 68 du Code de procédure pénale.

Or il ressort de la lecture même de l’article 68 du Code de procédure pénale qu’une demande en restitution d’objets placés sous la main de la justice peut être formulée et réitérée à tout stade de la procédure.

L’arrêt attaqué n’a dès lors statué ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et n’a d’ailleurs pas statué sur une question de compétence de sorte que sous cet angle, le pourvoi est irrecevable.

Sur la recevabilité du pourvoi en cassation-nullité Le demandeur en cassation expose introduire un pourvoi en cassation-nullité pour excès de pouvoir auquel l’article 416 du Code de procédure pénale ne s’appliquerait pas.

Il fait valoir dans les trois moyens de cassation que les juges d’appel aurait commis - une violation des articles 68 du Code de procédure pénale ensemble l’article 31 paragraphe 2, 1° et 4° du Code pénal, - une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et plus particulièrement les paragraphes 1 et 3b) ainsi qu’ - une violation de l’article 13 de la même Convention.

Même si la loi modifiée du 18 février 1985 sur les pourvois et la procédure en cassation n’ouvre pas expressément la voie du pourvoi en cassation-nullité pour excès de pouvoir aux parties, Votre Cour a eu l’occasion de se prononcer sur leur recevabilité à de nombreuses reprises2.

Votre Cour juge régulièrement que l'excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d'une règle d'ordre public par laquelle la loi a circonscrit 2 Cour de cassation numéros 55/2012 pénal (numéro 3098 du registre) du 6 décembre 2012, 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015, 29/2015 pénal (numéro 3503 du registre) du 11 juin 2015, 9/2016 pénal (numéro 3588 du registre) du 18 février 2016, 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016, ainsi que 11/2018 pénal (numéro 4030 du registre) du 1er mars 2018 son autorité de sorte que les reproches de violation de la loi3 et surtout des règles de procédure4, respectivement de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales5, qui sont à la base des trois moyens de cassation, ne rentrent pas dans la définition de l'excès de pouvoir.

En effet, aucun de ces moyens ne vise « la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité », ce qui exclut par conséquent le cas de figure de l’excès de pouvoir à la base du pourvoi en cassation-nullité.

Le pourvoi est dès lors irrecevable en ses trois moyens en tant que pourvoi en cassation-

nullité.

Conclusion Le pourvoi est à déclarer irrecevable.

Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 3 Cour de cassation arrêt no 55/2012 pénal (numéro 3098 du registre) du 6 décembre 2012, Cour de cassation, arrêt no 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015 4 Cour de cassation arrêt no 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016 5 Cour de cassation, arrêts nos 34/2013 pénal (numéro 3210 du registre) du 6 juin 2013, 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015, 29/2015 pénal (numéro 3503 du registre) du 11 juin 2015, 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016


Synthèse
Numéro d'arrêt : 59/22
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-04-28;59.22 ?

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