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21/04/2022 | LUXEMBOURG | N°55/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 21 avril 2022, 55/22


Assistance judiciaire accordée à AW) par décision du 15 avril 2022 du délégué de la bâtonnière à l’assistance judiciaire.

Assistance judiciaire accordée à X) par décision du 6 novembre 2017 du délégué du bâtonnier à l’assistance judiciaire.

N° 55 / 2022 pénal du 21.04.2022 Not. 2004/20/XD-DH Numéro CAS-2021-00071 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un avril deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

AW), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant p

ar Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence ...

Assistance judiciaire accordée à AW) par décision du 15 avril 2022 du délégué de la bâtonnière à l’assistance judiciaire.

Assistance judiciaire accordée à X) par décision du 6 novembre 2017 du délégué du bâtonnier à l’assistance judiciaire.

N° 55 / 2022 pénal du 21.04.2022 Not. 2004/20/XD-DH Numéro CAS-2021-00071 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-et-un avril deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

AW), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de :

X), demandeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :

Vu le jugement attaqué, rendu le 12 mars 2021 sous le numéro 128/2021 par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en instance d’appel en matière de police ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, au nom d’AW), suivant déclaration du 9 avril 2021 au greffe du tribunal d’arrondissement de Diekirch ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 mai 2021 par AW) à X), déposé le 10 mai 2021 au greffe du tribunal d’arrondissement de Diekirch ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 4 juin 2021 par X) à AW), déposé le 7 juin 2021 au greffe du tribunal d’arrondissement de Diekirch ;

Sur les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le tribunal de police de Diekirch avait, par un premier jugement, condamné AW) à une amende de police pour avoir volontairement porté des coups et fait des blessures ayant causé une maladie ou une incapacité de travail personnel à X) et ordonné une expertise, puis, par un second jugement, fixé le montant indemnitaire revenant à la Caisse nationale de santé et condamné le demandeur en cassation, solidairement avec un co-prévenu, à dédommager la partie civile X) pour un certain montant. Le tribunal d’arrondissement de Diekirch, saisi d’un appel au civil, a, par réformation partielle, réduit le montant indemnitaire accordé à la victime et confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l'article 195 du Code de procédure pénale sinon de la loi du 19 novembre 1929, qui dispose que :

articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.

Dans le dispositif de tout jugement de condamnation seront énoncés les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles. » Il en ressort qu'une décision de justice comporte nécessairement deux parties intimement liées et interdépendantes, en l'occurrence la motivation, suivie du dispositif.

L'une ne va pas sans l'autre, dans un souci de clarté et de transparence intellectuelle.

2 D'ailleurs, c'est aux termes de l'article 195 du Code de procédure pénale, applicable à toute décision de justice rendue en matière pénale, que le jugement doit exposer fidèlement les prétentions respectives des parties et leurs moyens.

Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date.

C'est de cette manière que le jugement doit être motivé.

Or, le jugement objet du pourvoi ne précise aucun texte à portée juridique.

Il énonce ensuite la décision sous forme de dispositif qui constitue la consécration intelectuelle et matérielle de la motivation de la décision prise.

Les motifs constituent l'exposé des raisons de fait et de droit données par le juge à l'appui de sa solution.

Il y a lieu de rappeler qu'en obligeant le magistrat à motiver son jugement ou son arrêt, et à fournir un dispositif complet et précis, la loi entend entend protéger les parties contre l'éventuel arbitraire du juge.

Finalement, la solution de l'affaire est exprimée dans le dispositif, auquel seul est attachée l'autorité de la chose jugée.

C'est en prenant connaissance du dispositif que le destinataire du jugement prend la décision d'avoir recours, ou pas, à une voie de procédure susbéquente.

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir confirmé une condamnation d'ordre pécuniaire, tirée de l'application des règles en matière de responsabilité civile, sans indiquer, de façon explicite, la base juridique.

À la lecture du dispositif du jugement attaqué, Monsieur AW) n'est pas en mesure de comprendre sur quel fondement juridique il a été condamné.

Il apparait sans ambages que le jugement attaqué s'est dispensé de cette prescription légale, de sorte qu'il a violé les textes en vigueur.

C'est indiscutablement une violation de la loi qui cause préjudice dans l'interprétation et l'application des règles de droit.

Sur la violation de ce seul moyen, l'arrêt attaqué encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour L’obligation pour le juge pénal de citer les articles de la loi dont il est fait application concerne la condamnation prononcée en vertu de la loi pénale et non celle relative à la réparation civile.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 195 du Code de procédure pénale n’est pas fondé.

La loi du 19 novembre 1929 sur l’instruction contradictoire ayant été abrogée par la loi du 7 juillet 1989, le moyen est, pour le surplus, irrecevable.

Sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le deuxième, « pris en la violation de l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'Homme qui dispose que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

Alors que l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme reconnaît à tout prévenu de pouvoir disposer d'un procès équitable, ce qui constitue une garantie essentielle des droits de la défense, ce procès équitable s'accompagne de l'égalité des armes, principe suivant lequel toutes les parties doivent être entendues en leurs observations tout au long des débats.

Il ressort dès lors que selon sa jurisprudence constante reflétant un principe lié à la bonne administration de la justice, les décisions judiciaires doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent.

La motivation a pour finalité de démontrer aux parties qu'elles ont été entendues et, ainsi, de contribuer à une meilleure acceptation par elles de la décision.

En outre, elle oblige le juge à fonder son raisonnement sur des arguments objectifs et préserve les droits de la défense au stade de l'audience de jugement, mais aussi dans la perspective d'activer ou non une voie de réformation subséquente.

Même si un tribunal n'est pas tenu d'apporter une réponse détaillée à chaque moyen soulevé, il doit ressortir clairement de la décision que les questions essentielles soulevées en l'espèce ont été abordées.

4 En somme, le demandeur au pourvoi est convaincu que toutes décisions de justice doivent être revêtues d'une forme et d'un fond irréprochables qui ne souffrent d'aucunes ambiguïtés.

C'est la raison pour laquelle les juridictions nationales doivent indiquer avec une clarté suffisante les motifs et le dispositif sur lesquels elles se fondent de manière à permettre au justiciable d'exercer utilement tout voie de réformation dont il dispose.

Ce principe, aussi rigide soit-il, ne souffre d'aucune dérogation possible, eu égard de l'importance qu'il revêt pour garantir le droit au procès équitable ainsi que l'égalité des armes pour chacune des parties conviées au débat judiciaire.

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir refusé de faire droit à la demande de MM. AW) d'une expertise complémentaire en vue de préciser si l'affection dont souffre la partie civile n'est pas d'origine bactérienne, virale, ou autre alors que le rapport médical Y) évoque cette possibilité au cours de son parcours de soins.

Assurément, Monsieur AW), et son père se sont vus privés d'un éclaircissement majeur dans l'instruction de l'affaire, dès lors d'une garantie d'un procès équitable qui a fini par confirmer une lourde condamnation pécuniaire.

Sur ce seul moyen, l'arrêt encourt aussi la cassation. ».

et le troisième, « pris en la violation de l'article 1382 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer et de l'article 1383 du Code Civil qui précise que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, Alors que ces deux dispositions impliquent qu'il ne peut y avoir de mise en jeu de la responsabilité de quiconque sans l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité, Qu'il ne suffit pas, en effet, d'établir l'existence d'un fait générateur et d'un dommage pour que la victime soit fondée à se prévaloir d'un droit à indemnisation, Pour que naisse l'obligation de réparation, encore faut-il que soit établie l'existence d'une stricte relation de cause à effet, Qu'ainsi, le lien de causalité est bien plus qu'une simple condition de la responsabilité civile.

Que le rapport de causalité constitue, avec le préjudice, un invariant, en ce sens que la caractérisation de ce rapport est requise quel que soit le régime de responsabilité envisagé, 5 Qu'en droit luxembourgeois, cette règle est également d'application stricte, mais au travers de trois théories que sont la l'équivalence des conditions, la proximité de la cause, sinon la causalité adéquate, Que la théorie de l'équivalence des conditions implique que tout élément qui a concouru à la réalisation du dommage et sans lequel le dommage ne se serait pas produit en est nécessairement la cause, Que la proximité de la cause est une autre théorie qui ne retient comme cause que celle dont le dommage est la conséquence immédiate, celle qui entretient avec lui un rapport de proximité temporelle, Qu'enfin la causalité adéquate rattache le dommage à celui de ses antécédents qui, normalement était de nature à le produire, à la différence d'autres antécédents du dommage, n'ayant entraîné celui-ci qu'en raison de circonstances exceptionnelles, Qu'en l'espèce, le demandeur au pourvoi est d'avis que des développements du rapports Y) ont certainement mis à mal l'existence d'un lien de causalité dans l'indemnisation de la partie civile, Qu'en effet, ce même rapport a précisé :

cérébral. Il n'y a pas eu de perte de connaissance mais une brève amnésie associée à un déficit sensitivomoteur du membre supérieur gauche. L'imagerie a montré une fracture para-sagittale pariéto-frontale droite avec un hématome extradural sous-

jacent de 1,5cm d'épaisseur, sans compression significative des structures cérébrales. Existence par ailleurs de contusions cérébrales fronto-basales et de petites hémorragies ainsi que des signes de pansinusite à prédominance ethmoïdale », L'imagerie a montré une sinusite surtout ethmoïdale mais il n'y a pas eu de lésion notamment des bulbes olfactifs » Que comme l'a souligné le demandeur au pourvoi la prédominance ethmoïdale laisse présager une origine bactérienne, voire nosocomiale qui pourrait expliquer les troubles olfactifs, Que le demandeur au pourvoi avait donc sollicité une expertise complémentaire aux fins de répondre à cette interrogation qui aurait permis d'affirmer le lien de causalité requis, Que néanmoins, le jugement attaqué a rejeté la demande d'expertise, Qu'en procédant de la sorte, le jugement a tout simplement violé la loi alors que le prédit rapport Y) a bien établi que le partie civile souffrait d'antécédents 6 médicaux, et a bien évoqué une origine autre que l'agression, qui pourrait expliquer les troubles olfactifs en cause, Qu'à cela s'ajoute le fait non négligeable que la partie civile s'est contenté d'un simple rapport oral quant à l'évolution de l'anosmie, Il ressort dès lors que qu'en se contentant de reprendre seulement les éléments favorables à la partie civile, et en écartant les éléments participant d'une remise en cause du lien de causalité, le jugement attaqué a violé la loi et a forgé une situation inique dans le chef du demandeur au pourvoi alors qu'on lui demande d'indemniser les conséquences d'une pathologie qui a peut-être été causé par des facteurs étrangers à l'agression.

Sur ce seul moyen, l'arrêt encourt aussi la cassation. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert des griefs tirés de la violation des dispositions visées aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par le juge du fond, de la nécessité d’ordonner une expertise complémentaire et du lien de causalité entre l’infraction retenue à charge du prévenu et le dommage subi par la victime, appréciation qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure La condition d'iniquité n'étant pas remplie dans le chef du défendeur en cassation, sa demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande du défendeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 5,50 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-et-un avril deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Monsieur AW) c/ Ministère Public en présence de la partie civile Monsieur X) (affaire n° CAS 2021-00071 du registre) Par mémoire signifié le 7 mai 2021 à X) et déposé le 10 mai 2021 au greffe de du tribunal d’arrondissement de Diekirch, AW) a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt numéro 128/2021 du 12 mars 2021 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière d’appel du tribunal de police et en composition de juge unique, sous le numéro 128/2021.

La déclaration du pourvoi précédant la signification et le dépôt dudit pourvoi a été faite à la date du 9 avril 2021 par Maître Nour Elyakine HELLAL, mandataire de AW) auprès du greffe du tribunal d’arrondissement de Diekirch.

Le pourvoi en cassation a partant été interjeté dans la forme et les délais prévus à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Faits et rétroactes En date du 23 octobre 2018, GW) et AW) ont été condamnés par jugement numéro 205/2018, rendu contradictoirement par le tribunal de police de Diekirch, à une amende de 250 euros chacun pour coups et blessures volontaires ayant causé une maladie ou une incapacité de travail personnel à X). Dans ce même jugement la partie civile de X) a été déclarée recevable, fondée en principe et, avant tout progrès en cause, un expert-médical et un expert-calculateur ont été nommés afin de dresser des rapports sur le dommage matériel, corporel et moral subi par X) suite l’infraction retenue à l’encontre des deux prévenus.

La condamnation au pénal n’a pas fait l’objet d’un appel de la part des prévenus GW) et AW).

Suite aux deux expertises, le juge du tribunal de police, statuant dans un jugement numéro 61/2020 en continuation du jugement du 23 octobre 2018, a condamné en date du 25 février 2020 GW) et AW) solidairement à payer à X) le montant de 22.408,44 € avec les intérêts au taux légal sur le montant de 12.000.- € à partir du 1er janvier 2018, jour de la consolidation, et sur le montant de 10.408,44 € à partir du 23 juin 2017, chaque fois jusqu’à solde, a fixé les montants indemnitaires revenant à la Caisse Nationale de Santé à la somme de 20.476,18 € et a condamné solidairement GW) et AW) aux frais de la demande civile, y compris les frais d’expertise.

Par déclarations au greffe de la justice de paix de Diekirch du 5 mars 2020, les prévenus et défendeurs au civil GW) et AW) ont déclaré interjeter appel au civil contre ce dernier jugement numéro 61/2020 du 25 février 2020.

Par jugement numéro 128/2021 rendu le 12 mars 2021, le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière d’appel du tribunal de police et en composition de juge unique, a dit partiellement fondés les appels de GW) et AW), a réformé les sommes indemnitaires revenant à X), a condamné solidairement GW) et AW) à payer à X) le montant de 22.339,69 euros avec les intérêts de retard au taux légal sur le montant de 12.000 euros à partir du 1er janvier 2018, jour de la consolidation, et sur le montant de 10.339,69 euros à partir du 23 juin 2017, chaque fois jusqu’à solde, a déclaré la demande de X) en obtention d’une indemnité de procédure fondée à concurrence de la somme de 500 euros, a condamné solidairement GW) et AW) à payer à X) ladite indemnité de procédure, a confirmé le jugement de première instance pour le surplus et a finalement condamné solidairement GW) et AW) aux frais des deux instances.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre ce jugement d’appel du 12 mars 2021.

Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré « de la violation de l’article 195 du Code de procédure pénale sinon de la loi du 19 novembre 1929, qui dispose que « Tout jugement définitif de condamnation sera motivé.

Il déterminera les circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.

Dans le dispositif de tout jugement de condamnation seront énoncés les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles. » […] IL EST FAIT GRIEF AU

JUGEMENT

ATTAQUE d’avoir confirmé une condamnation d’ordre pécuniaire, tirée de l’application des règles en matière de responsabilité civile, sans indiquer, de façon explicite, la base juridique.

A la lecture du dispositif attaqué, Monsieur AW) n’est pas en mesure de comprendre sur quel fondement juridique il a été condamné.

Il apparaît sans ambages que le jugement attaqué s’est dispensé de cette prescription légale, de sorte qu’il a violé les textes en vigueur.

C’est indiscutablement une violation de la loi qui cause préjudice dans l’interprétation et l’application des règles de droit.

Sur la violation de ce seul moyen, l’arrêt encourt la cassation. ».

A titre principal, la soussignée soulève l’irrecevabilité du premier moyen de cassation.

En effet, l’article 195 du Code de procédure pénale concerne la motivation des jugements correctionnels. Or, en l’espèce, la décision attaquée est un jugement d’appel du tribunal depolice de Diekirch rendu par le tribunal d’arrondissement de Diekirch. Les articles de procédure pénale applicables dans ce cas sont les mêmes que ceux qui doivent être respectés pour les jugements rendus en matière de police. Dans le cas de la motivation du jugement par le juge de police, le texte de loi applicable est l’article 163 et non l’article 195 du Code de procédure pénale.

Par conséquent, le texte dont la violation est alléguée est étranger au grief.

Subsidiairement, le demandeur en cassation cite la loi du 19 novembre 1929 qui aurait été prétendument violée par le juge d’appel. A supposer qu’il s’agisse de la loi du 19 novembre 1929 sur l’instruction contradictoire, force est de constater qu’elle a été abrogée par la loi du 7 juillet 1989 modifiant le régime de la contrainte par corps ainsi que certains articles du code d’instruction criminelle1. Or, il ne peut pas y avoir violation d’un texte légal qui n’existe plus.

Le moyen est là encore irrecevable.

Plus subsidiairement, quant à la prétendue violation de l’article 195 sinon de l’article 163 du Code de procédure pénale, il y a lieu de rappeler qu’il concerne l’exigence de motivation du jugement pénal. Le demandeur en cassation fait une interprétation erronée de cet article alors que l’obligation pour le juge pénal de citer les articles de loi appliqués concerne uniquement la condamnation en vertu de la loi pénale et non les condamnations relatives à la réparation civile2.

A toutes fins utiles, il y a lieu de rappeler que l’obligation de citer les textes légaux dans un jugement de condamnation n’est de toute manière pas prescrite à peine de nullité3.

Par conséquent, le premier moyen ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est tiré de la « violation de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-

fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, 1 Cette loi est celle ayant inséré les articles 163 et 195 dans l’ancien Code d’instruction criminelle. La loi du 19 novembre 1929 a été abrogée mais les articles qui ont été ainsi insérés ont été maintenus.

2 Les Codes annotés ; Code d’instruction criminelle annoté et expliqué d’après la jurisprudence et la doctrine ;

Dalloz 1898; article 195 du Code d’instruction criminelle, notes 21 et 25 ; p. 416.

3 Cass. 21.11.2002, N°25/2002 pénal, numéro 1920 du registre.lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » Alors que l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme reconnaît à tout prévenu le pouvoir de disposer d’un procès équitable, ce qui constitue une garantie essentielle des droits de la défense, ce procès équitable s’accompagne de l’égalité des armes, principe suivant lequel toutes les parties doivent être entendues en leurs observations tout au long des débats. […] IL EST FAIT GRIEF AU

JUGEMENT

ATTAQUE d’avoir refusé de faire droit à la demande de MM. AW) d’une expertise complémentaire en vue de préciser si l’affection dont souffre la partie civile n’est pas d’origine bactérienne, virale ou autre alors que le rapport médical Y) évoque cette possibilité au cours de son parcours de soins.

Assurément, Monsieur AW), et son fils se sont vus privés d’un éclaircissement majeur dans l’instruction de l’affaire, dès lors d’une garantie d’un procès équitable qui a fini par confirmer une lourde condamnation pécuniaire.

Sur ce seul moyen, l’arrêt encourt la cassation. ».

Le demandeur en cassation prétend qu’une expertise complémentaire à celle du Dr. Y) a été refusée par la juge d’appel alors même qu’il ressortirait de l’expertise qu’il existerait une possibilité que l’anosmie persistante dont souffrait la victime trouve son origine dans une affection différente des blessures subies suite à l’agression pour laquelle AW) a été condamné. De ce fait, le droit à une procès équitable aurait été violé.

Il y a lieu de relever que cette lecture du jugement faite par le demandeur en cassation ne correspond pas à ce qui a été retenu par le juge d’appel. En effet, concernant la demande de AW) relatif à une expertise complémentaire, le juge d’appel écrit ce qui suit :

« Il résulte du dossier soumis à l’appréciation du tribunal que la victime a subi le 23 juin 2017 une agression avec traumatisme crânien sans perte de connaissance, une plaie du cuir chevelu, un épisode de perte de sensibilité et de motricité des membres supérieurs.

Au niveau des séquelles proprement dites, les experts ont relevé que les examens médicaux ont permis de constater que la victime avait subi une « fracture fronto-pariétale para-

sagittale droite paramédiane sans embarrure, hématome extradural sous-jacent à la fracture de 1,5 cm d’épaisseur maximale avec effet de masse modéré sur les structures sous-

jacentes, petite contusion fronto-basale bilatérale et contusion du cuir chevelu. A noter par ailleurs, un kyste sous-arachnoïdien temporal gauche préexistant. Au scan cervical : pas de lésion traumatique, légère protrusion disco-ostéophytique C3/4. » (cf. page 2 du rapport d’expertise du 28 mars 2019).

Le tribunal constate en outre qu’il résulte du rapport d’expertise du docteur Y) du 28 mars 2019, que l’ensemble des pathologies dont a souffert X) et qui ont été prises en compte pour le calcul indemnitaire de cette victime sont des pathologies qui ont trouvé leur origine dans 12 les faits du 23 juin 2017. Le docteur Y) relève en particulier qu’il résulte du rapport du docteur K) (ORL) du 7 août 2017, que la victime souffre d’une anosmie depuis le traumatisme (cf. page 4 du rapport).

Le deuxième grief invoqué par les appelants au civil n’est ainsi pas fondé, et une expertise complémentaire n’est pas à ordonner. » Force est de constater que le Dr. Y) a, sur base du rapport du médecin spécialiste en Oto-

Rhino-Laryngologie, le Dr. K), conclut que X) souffrait d’une anosmie depuis les faits pour lesquels AW) et son père ont été condamnés pénalement. Le jugement précise même la page du rapport d’expertise du Dr. Y) en relation avec la question de l’anosmie. Aucun passage du jugement d’appel attaqué n’indique qu’il y a eu le moindre doute sur l’origine de l’anosmie de la victime X).

Sous le couvert du grief de la violation de 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme visé au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des circonstances factuelles de l’espèce tout comme de la valeur probante du rapport d’expertise, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au troisième moyen de cassation Le troisième moyen de cassation est tiré « de la violation de l’article 1382 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer et de l’article 1383 du Code civil qui précise que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement pas son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

ALORS QUE ces deux dispositions impliquent qu’il ne peut y avoir de mise en jeu de la responsabilité de quiconque sans l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité, […] IL EST FAIT GRIEF AU

JUGEMENT

ATTAQUE de ne pas avoir complètement vidé l’instruction de l’affaire au regard de la notion essentielle qu’est le lien de causalité.

IL RESSORT DES LORS QUE qu’en se contentant de reprendre seulement les éléments favorables à la partie civile, et en écartant les éléments participant d’une remise en cause du lien de causalité le jugement attaqué a violé la loi et forgé une situation inique dans le chef du demandeur au pourvoi alors qu’on lui demande d’indemniser les conséquences d’une pathologie qui a pu être causé par des facteurs étrangers à l’agression.

Sur ce seul moyen, l’arrêt encourt la cassation. ».

Le demandeur en cassation reproche au juge d’appel de ne pas avoir fait droit à sa demande d’une expertise complémentaire afin de déterminer si l’anosmie de la victime X) avait pour origine bactérienne, voire nosocomiale, voire une pathologie antérieure existant avant l’agression pour laquelle GW) et son père ont été condamnés pénalement. Le juge d’appelaurait ainsi écarté un élément important permettant de faire toute la lumière sur le lien de causalité entre la faute du demandeur en cassation et les dommages subis par la victime.

Or, il appert à la lecture du jugement d’appel que le juge a pris clairement position quant au lien de causalité entre la faute pénale d’AW) et les dommages causés à X) :

« Il résulte du dossier soumis à l’appréciation du tribunal que la victime a subi le 23 juin 2017 une agression avec traumatisme crânien sans perte de connaissance, une plaie du cuir chevelu, un épisode de perte de sensibilité et de motricité des membres supérieurs.

Au niveau des séquelles proprement dites, les experts ont relevé que les examens médicaux ont permis de constater que la victime avait subi une « fracture fronto-pariétale para-

sagittale droite paramédiane sans embarrure, hématome extradural sous-jacent à la fracture de 1,5 cm d’épaisseur maximale avec effet de masse modéré sur les structures sous-

jacentes, petite contusion fronto-basale bilatérale et contusion du cuir chevelu. A noter par ailleurs, un kyste sous-arachnoïdien temporal gauche préexistant. Au scan cervical : pas de lésion traumatique, légère protrusion disco-ostéophytique C3/4. » (cf. page 2 du rapport d’expertise du 28 mars 2019).

Le tribunal constate en outre qu’il résulte du rapport d’expertise du docteur Y) du 28 mars 2019, que l’ensemble des pathologies dont a souffert X) et qui ont été prises en compte pour le calcul indemnitaire de cette victime sont des pathologies qui ont trouvé leur origine dans les faits du 23 juin 2017. Le docteur Y) relève en particulier qu’il résulte du rapport du docteur K) (ORL) du 7 août 2017, que la victime souffre d’une anosmie depuis le traumatisme (cf. page 4 du rapport).

Le deuxième grief invoqué par les appelants au civil n’est ainsi pas fondé, et une expertise complémentaire n’est pas à ordonner. » Force est de constater que le Dr. Y) a, sur base du rapport du médecin spécialiste en Oto-

Rhino-Laryngologie, le Dr. K), conclut que X) souffrait d’une anosmie depuis les faits, à savoir des coups et blessures volontaires, pour lesquels AW) et son père ont été condamnés pénalement. Le jugement précise même la page du rapport d’expertise du Dr. Y) en relation avec la question de l’origine de l’anosmie. Ainsi, au vu des éléments factuels et de l’expertise du Dr. Y), le juge d’appel a jugé le lien de causalité suffisant entre l’infraction retenue à l’encontre du demandeur en cassation et les dommages subis par la victime.

Comme pour le deuxième moyen de cassation, sous le couvert du grief de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil visés au moyen, le troisième moyen de cassation ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par le juge du fond du lien de causalité entre l’infraction retenue et le dommage subi par la victime et partie demanderesse au civil, appréciation qui nécessite d’analyser les éléments factuels du dossier, examen qui relève de son pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

14 Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 55/22
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;Cour de cassation;arret;2022-04-21;55.22 ?

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