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17/03/2022 | LUXEMBOURG | N°42/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 17 mars 2022, 42/22


N° 42 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00047 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

W), demandeur en cassation, comparant par MaÃ

®tre Clément MARTINEZ, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la CAISSE POUR...

N° 42 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00047 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

W), demandeur en cassation, comparant par Maître Clément MARTINEZ, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS, établie et ayant son siège à L-2449 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J93, défenderesse en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 25 février 2021 sous le numéro 2021/0064 (No. du reg.: ADIV 2020/0162) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 23 avril 2021 par W) à la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (ci-après « la CAE »), déposé le 27 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 9 juin 2021 par la CAE à W), déposé le 18 juin 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le comité directeur de la CAE avait, par décision du 9 mai 2017, confirmé une ordonnance présidentielle du 7 février 2017 portant retrait des prestations familiales pour ses quatre enfants versées à W) pour ses quatre enfants de février 2007 à mai 2014 et requis la restitution du montant trop payé. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait, par réformation, dit que l’assuré avait droit au maintien des prestations familiales pour ses quatre enfants pour la période du 1er février 2007 au 31 janvier 2013 inclus, ainsi que pour l’un des enfants du 1er février 2013 au 31 mai 2014. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, dit que W) n’avait pas droit aux prestations familiales pour deux de ses enfants pour la période du 1er février 2007 au 31 janvier 2013 inclus et pour le troisième pour la période du 1er septembre 2009 au 31 janvier 2013 inclus et confirmé le jugement pour le surplus.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l'article 58 du Nouveau Code de Procédure Civile disposant que : Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

En ce que les juges d'appel ont retenu qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que la CAE ait eu l'intention de faire usage de son pouvoir souverain d'appréciation qui lui est réservé par le point 4 de l'article 269 du Code de la sécurité sociale pour accorder les prestations familiales à W) pour les enfants Imane, Amine et Aya (pièce n°5 - page 8).

En statuant ainsi, le Conseil Supérieur a violé sinon dénaturé les dispositions de l'article 58 du NCPC en faisant une fausse interprétation et une fausse application de la loi alors qu'il incombait à la défenderesse de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention à savoir qu'elle n'ait jamais su que les enfants étaient partis au Maroc respectivement que le sieur W) ait omis de signaler ces mêmes faits (pièce n°4 - page 6) et ce, afin d'établir que la CAE n'ait pas pu faire usage de son pouvoir souverain d'appréciation en accordant les prestations familiales. ».

Réponse de la Cour Dès lors qu’il incombait au demandeur en cassation d’établir que la défenderesse en cassation avait fait usage de son pouvoir souverain d'appréciation lui réservé par l’article 269, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale et dérogé, à titre exceptionnel et individuel, à l’une des conditions donnant droit au versement des allocations familiales, les juges d’appel ont correctement retenu que faute par celui-

ci d’en avoir rapporté la preuve, sa demande n’était pas fondée.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l'article 269 alinéa 4 du Code de sécurité sociale disposant que : La Caisse des prestations familiales des enfants peut déroger, à titre exceptionnel et individuel, à l'une des conditions ci-avant », En ce que les juges d'appel ont retenu que la décision d'accorder les prestations familiales relève de l'hypothèse prévue au point 3 a) de l'article 269 du Code de la Sécurité Sociale disposant que : La condition ne vient pas à défaillir par une interruption de moins de trois mois. En cas d'interruption successives, la durée totale des périodes d'absence ne doit pas dépasser trois mois par an. » et non de l'article 269 alinéa 4 du même Code (pièce n°5 - page 8), En statuant ainsi et ce, alors que les magistrats ont pourtant constaté que les enfants avaient fréquenté l'école au Maroc et que leur absence du Luxembourg avait dépassé trois mois par année en cause (pièce n°5 - page 8), le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a dénaturé les dispositions de l'article 269 alinéa 4 en faisant une fausse interprétation et une fausse application de la loi. ».

Réponse de la Cour Il ressort de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont retenu que le demandeur en cassation n’avait pas droit aux allocations familiales faute par ce dernier de remplir une des conditions de l’article 269, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale.

Le demandeur en cassation ne précise pas en quoi, ce faisant, les juges d’appel auraient violé l’article 269, alinéa 4, du même code.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré d'une insuffisance de motifs, valant absence de motifs partant d'une violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249, alinéa premier du Nouveau Code de procédure civile :

En ce que les magistrats du Conseil supérieur de la sécurité sociale ont déclaré non fondé l'appel incident au motif que le demandeur n'avancerait aucun moyen pertinent de nature à établir qu'il a droit au paiement des prestations familiales En statuant ainsi, sans expliquer en quoi les moyens avancés par le demandeur auraient été dénués de pertinence, le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a dénaturé les dispositions de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249, alinéa premier du Nouveau Code de procédure civile. ».

Réponse de la Cour En tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau Code de procédure civile, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « A l’audience des plaidoiries, l’intimé [i.e. l’actuel demandeur en cassation] a demandé à voir bénéficier des allocations familiales pour les quatre enfants jusqu’au 31 mai 2014.

[L’appel incident] n’est (…) pas fondé, l’intimé n’avançant aucun moyen pertinent de nature à établir qu’il a droit au paiement des prestations familiales pour les enfants Amine, Imane et Aya jusqu’au 31 mai 2014, que ce soit sous l’empire de l’article 269 du code de la sécurité sociale ou sous celui de la convention bilatérale signée entre le Maroc et le Luxembourg. », les juges d’appel ont motivé leur décision.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Albert Rodesch, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Isabelle JUNG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation W) contre CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (n° CAS-2021-00047 du registre) Par mémoire signifié le 23 avril 2021 et déposé le 27 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Clément MARTINEZ, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de W), a introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 25 février 2021 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale sous le numéro 2021/0064.

L’arrêt entrepris a été notifié au demandeur en cassation le 2 mars 2021, de sorte que le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus dans la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Un mémoire en réponse a été signifié au demandeur en cassation par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du défendeur en cassation – l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (ci-

après la « CAE ») –, le 9 juin 2021 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 18 juin 2021. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les faits et rétroactes :

Par un jugement du 25 septembre 2020, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait dit partiellement fondé le recours exercé par W) contre une décision de la CAE qui avait retiré à W) avec effet rétroactif les prestations familiales payées pour ses quatre enfants pour la période entre février 2007 et mai 2014. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale, tout en rejetant la demande en annulation de la décision entreprise, a fait droit à la demande de W) en maintien des prestations familiales pour ses quatre enfants pour la période allant du 1er février 2007 au 31 janvier 2013 inclus et pour un enfant encore pour la période additionnelle du 1er février 2013 au 31 mai 2014 et a confirmé la décision de la CAE pour le surplus.

Par l’arrêt du 25 février 2021 entrepris par le pourvoi, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a dit, par réformation du jugement de première instance, que W) n’avait pas droit aux allocations familiales pour deux de ses enfants pour la période du 1er février 2007 au 1er février 2013 et pour un autre enfant pour la période se situant entre le 1er septembre 2009 et le 1er février 2013.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est libellé comme suit :

« tiré de la violation de l’article 58 du Nouveau code de procédure civile, disposant que : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

En ce que les juges d’appel ont retenu qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier que la CAE ait eu l’intention de faire usage de son pouvoir souverain d’appréciation qui lui est réservé par le point 4 de l’article 269 du Code de la sécurité sociale pour accorder les prestations familiales à W) pour les enfants Imane, Amine et Aya (pièce n° 5 page 8).

En statuant ainsi, le Conseil supérieur a violé sinon dénaturé les dispositions de l’article 58 du NCPC en faisant une fausse interprétation et une fausse application de la loi alors qu’il incombait à la défenderesse de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention à savoir qu’elle n’ait jamais su que les enfants étaient partis au Maroc respectivement que le sieur W) ait omis de signaler ces mêmes faits (pièce n° 4 page 6) et ce, afin d’établir que la CAE n’ait pas pu faire usage de son pouvoir souverain d’appréciation en accordant les prestations familiales. » L’article 269 (4) du Code de la sécurité sociale prévoit que la CAE « peut déroger, à titre exceptionnel et individuel à l’une des conditions » imposées pour l’octroi des allocations familiales.

Aux termes du moyen, le demandeur en cassation semble considérer que les juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, ont violé l’article 58 du Nouveau code de procédure civile concernant la charge de la preuve alors que selon lui, il aurait appartenu à la CAE d’établir que sa décision initiale d’allouer les prestations familiales litigieuses n’avait pas été fondée sur le pouvoir réservé à la CAE, en application du point 4 de l’article 269 du Code de la sécurité sociale, d’octroyer des prestations familiales par dérogation aux conditions prévues par la loi. Le demandeur en cassation semble ainsi vouloir dire que la CAE aurait dû établir qu’elle n’avait pas su que la condition de résidence dans le chef des enfants n’était pas remplie et que de ce fait, elle n’avait pas pu dispenser de l’application de cette condition en faisant usage de la faculté lui réservée au point 4 de l’article 269 du Code de la sécurité sociale.

A titre principal, ce moyen ne saurait être accueilli puisqu’il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des faits et éléments de preuve en ce qu’ils ont considéré, au vu des éléments de preuve versés au dossier, qu’il n’était pas établi que la CAE, en octroyant à l’époque les prestations familiales litigieuses à l’actuel demandeur en cassation, ait entendu déroger, en vertu du pouvoir lui conféré par le point 4 de l’article 269 du Code de la sécurité sociale, aux conditions régissant l’octroi de ces prestations familiales, et en particulier dispenser de l’application de la condition de résidence, cette appréciation échappant au contrôle de Votre Cour.

A titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé. En considérant qu’il ne résultait d’aucun élément du dossier que la CAE avait eu l’intention d’octroyer des prestations familiales par dérogation aux conditions légales applicables et que la question de l’octroi des allocations familiales était donc à trancher par application de ces conditions, les juges d’appel n’ont pas opéré un renversement de la charge de la preuve.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation se présente comme suit :

« tiré de la violation de l’article 269 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale disposant que : « La Caisse des prestations familiales des enfants peut déroger, à titre exceptionnel et individuel, à l’une des conditions ci-avant », En ce que les juges d’appel ont retenu que la décision d’accorder les prestations familiales relève de l’hypothèse prévue au point 3 a) de l’article 269 du Code de la Sécurité Sociale disposant que : « La condition [suivant laquelle l’enfant doit résider effectivement et d’une façon continue au Luxembourg] ne vient pas à défaillir par une interruption de moins de trois mois. En cas d’interruptions successives, la durée totale des périodes d’absence ne doit pas dépasser trois mois par an. » et non de l’article 269 alinéa 4 du même Code (pièce n° 5 – page 8).

En statuant ainsi et ce, alors que les magistrats ont pourtant constaté que les enfants avaient fréquenté l’école au Maroc et que leur absence avait dépassé trois mois par année en cause (…), le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a dénaturé les dispositions de l’article 269 alinéa 4 en faisant une fausse interprétation et une fausse application de la loi. » Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.

Or, comme relevé à juste titre par la défenderesse en cassation dans son mémoire en réponse1, ce moyen est inintelligible. Il ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé l’article 269, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale en constatant que la condition de résidence sous le point 3 a) de l’article 269 du Code de la Sécurité Sociale n’était pas remplie.

Il est rappelé que les développements en droit qui, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 10 précité peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité2.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, pour autant que le moyen soit à comprendre en ce sens qu’il est fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition légale visée au moyen pour ne pas l’avoir appliquée au litige mais d’avoir appliqué à sa place le point 3 a) de l’article 269 du Code de la Sécurité Sociale, le moyen ne saurait être accueilli, puisqu’il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par les juges d’appel des faits et éléments de preuve en ce qu’ils ont considéré, au vu des éléments de preuve versés au dossier, qu’il n’était pas établi que la CAE ait voulu à l’époque allouer les prestations familiales au demandeur en cassation en dispensant, par application de 1 Mémoire en réponse, page 5.

2 P.ex. : Cass 21.01.2021, n° 07/2021, n° CAS-2019-00117 du registre, réponse au premier et deuxième moyens de cassation.

l’article 269, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale, du respect de la condition de résidence, cette appréciation échappant au contrôle de Votre Cour.

A titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

En effet, en considérant, en vertu d’une appréciation souveraine des faits et éléments de preuve qu’il n’était pas établi que la CAE ait voulu octroyer les allocations familiales au demandeur en cassation en dispensant, par application de la disposition légale visée au moyen, du respect de la condition de résidence, en retenant par voie de conséquence que la condition de résidence devait être respectée en application des dispositions de l’article 269 du Code de la sécurité sociale autres que celles résultant de son point 4, en considérant ensuite en vertu d’une nouvelle appréciation souveraine des faits et éléments de preuve qu’il était établi que les enfants du demandeur en cassation ne remplissaient pas la condition de résidence pour la période considérée (puisque, comme repris au moyen, leur absence du Grand-Duché avait dépassé trois mois par année en cause), et en déduisant de ces constats que l’octroi des allocations familiales n’était pas justifié, les juges d’appel n’ont pas violé l’article 269, point 4 du Code de la sécurité sociale.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est « tiré d’une insuffisance de motifs, valant absence de motifs, partant d’une violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa premier du Nouveau code de procédure civile :

En ce que les magistrats du Conseil supérieur de la sécurité sociale ont déclaré non fondé l’appel incident au motif que le demandeur n’avancerait aucun moyen pertinent de nature à établir qu’il a droit au paiement des prestations familiales.

En statuant ainsi, sans expliquer en quoi les moyens avancés par le demandeur auraient été dénués de pertinence, le Conseil supérieur de la Sécurité Sociale a dénaturé les dispositions de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa premier du Nouveau code de procédure civile. » Ce moyen vise l’appel incident relevé par l’actuel demandeur en cassation contre le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale en ce que ce dernier avait confirmé la décision de la CAE portant retrait rétroactif des prestations familiales se rapportant à trois des enfants de l’actuel demandeur en cassation pour la période du 1er février 2013 au 31 mai 2014. Le demandeur en cassation fait grief aux juges du Conseil supérieur de la sécurité sociale de ne pas avoir motivé à suffisance leur décision de confirmer le jugement de première instance sur ce point et d’avoir ainsi violé l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa premier du Nouveau code de procédure civile.

Le grief tiré de la violation des dispositions légales reproduites au moyen vise le défaut de motivation qui est constitutif d’un vice de forme. Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite, fût-elle incomplète ou viciée, sur le point considéré. Le défaut de motifs suppose donc l’absence de toute motivation sur le point considéré.3 L’arrêt entrepris est motivé comme suit sur le point considéré :

« A l’audience des plaidoiries, l’intimé [i.e. l’actuel demandeur en cassation] a demandé à voir bénéficier des allocations familiales pour les quatre enfants jusqu’au 31 mai 2014.

[L’appel incident] n’est (…) pas fondé, l’intimé n’avançant aucun moyen pertinent de nature à établir qu’il a droit au paiement des prestations familiales pour les enfants Amine, Imane et Aya jusqu’au 31 mai 2014, que ce soit sous l’empire de l’article 269 du code de la sécurité sociale ou sous celui de la convention bilatérale signée entre le Maroc et le Luxembourg. » En se déterminant par ces motifs, les juges d’appel ont formellement et explicitement motivé leur décision par rapport au bien-fondé de l’appel incident, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation n’est pas fondé.

Dans les développements consacrés à la discussion du moyen, le demandeur en cassation fait plus particulièrement reproche au Conseil supérieur de la sécurité sociale de ne pas avoir répondu à son moyen de dire qu’il possédait la nationalité luxembourgeoise au cours des années en cause 2013 et 2014.

Le grief tiré du défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs et est soumis au même régime.

En l’espèce, en considérant que l’actuel demandeur en cassation n’avançait aucun moyen pertinent de nature à établir qu’il avait droit au paiement des prestations familiales jusqu’au 31 mai 2014 pour trois de ses enfants, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a implicitement mais nécessairement considéré que le critère de la 3 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 77.31.

nationalité, d’ailleurs non visé à l’article 269 du Code de la sécurité sociale, n’était pas un critère d’attribution des allocations familiales.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé non plus au titre du défaut de réponse à conclusions.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/22
Date de la décision : 17/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-03-17;42.22 ?

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