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10/03/2022 | LUXEMBOURG | N°39/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 mars 2022, 39/22


N° 39 / 2022 pénal du 10.03.2022 Not. 14815/16/CD Numéro CAS-2021-00017 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

R), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 février 2021 sous le numéro 4/21 par la chambre criminelle de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu

le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, au n...

N° 39 / 2022 pénal du 10.03.2022 Not. 14815/16/CD Numéro CAS-2021-00017 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

R), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 février 2021 sous le numéro 4/21 par la chambre criminelle de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, au nom de R), suivant déclaration du 8 mars 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 8 avril 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG.

Sur les faits :

Selon l’arrêt attaqué, la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait condamné R) du chef de viol sur la personne d’un mineur âgé de moins de seize ans, d’excitation à la débauche, à la corruption ou à la prostitution d’un mineur et de recours à un mineur à des fins de prostitution, de diffusion de messages à caractère violent, pornographique ou gravement attentatoire à la dignité humaine, susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur, de détention de matériel pédopornographique et de propositions sexuelles à un mineur âgé de moins de seize ans à une peine de réclusion de huit ans, assortie du sursis probatoire intégral avec l’obligation de suivre un traitement psychologique ou psychiatrique, à la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics et à une interdiction, pendant dix ans, des droits énumérés à l’article 11 du Code pénal. Au civil, elle avait condamné R) à payer aux parties civiles différents montants.

La chambre criminelle de la Cour d’appel a confirmé ce jugement quant aux peines prononcées et a ajouté une interdiction à vie de l’exercice d’une activité professionnelle bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de la présomption d’innocence, droit garanti par l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, et encore garanti par l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, par l’article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par l’article 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et principe à valeur de principe général du droit II.A. Base légale Attendu que le présent moyen est basé sur la violation de la présomption d’innocence, droit garanti par l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, et encore garanti par l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, par l’article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par l’article 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et principe à valeur de principe général du droit.

II.A.1. Quant à la valeur de la présomption d’innocence en droit national Attendu qu’il ressort du dossier parlementaire No 7320, relatif au projet de loi déposé le 20 juin 2018, portant transposition de la directive 2016/343 du Parlement et du Conseil du 09/03/2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, et plus spécialement de l’exposé des motifs, au paragraphe relatif aux considérations générales :

2 Considérations générales La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont consacrés par plusieurs textes de droit international, dont la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui sont directement applicables en droit national.

Page 6 du projet de loi :

Etant donné que le droit à la présomption d’innocence et celui d’assister à son procès constituent des principes généraux qui ont été consacrés par plusieurs textes internationaux, il n’est guère surprenant que la législation nationale est d’ores et déjà en grande partie conforme aux exigences de la directive.

Ainsi, même en l’absence de texte général propre garantissant le droit à la présomption d’innocence, le respect de ce principe, prévu à l’article 3 de la directive, est garanti à travers l’application directe en droit interne des textes internationaux précités, qui permettent au justiciable d’invoquer le droit à la présomption d’innocence dans le cadre d’une procédure pénale. La jurisprudence nationale fait d’ailleurs souvent référence au droit à la présomption d’innocence en tant que principe général du droit. » Qu’il ressort de ces considérations que la présomption d’innocence est pleinement reconnue en droit national, et que son application effective ne doit faire, du moins en principe, l’objet d’aucune remise en cause par les juridictions du fond chargée de veiller à sa mise en œuvre.

II.A.2. Quant à l’applicabilité directe en droit national de l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence Attendu que la Cour de justice de l'Union européenne admet l’effet direct des directives depuis ses arrêts Franz Grad c/ Finanzamt et Van Duyn.

Qu’elle a ainsi admis que les justiciables peuvent s'en prévaloir en l'absence de transposition ou après une directive mal transposée, sous les conditions suivantes :

 Que la directive soit claire, c'est-à-dire qu'elle pose une obligation de faire ou de ne pas faire  Qu’elle soit précise, c’est-à-dire qu'elle ne nécessite pas de règlement d'application  Qu’elle soit inconditionnelle, c'est-à-dire que le délai de transposition soit arrivé à son terme 3 Attendu que la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 dispose en son article 3 :

soient présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. » Qu’il ne fait l’objet d’aucune discussion, et qu’il résulte pour autant que de besoin des travaux parlementaires visés ci-dessus, que l’article 3 de la directive n’a pas été transposé en droit interne, et qu’il n’existe pas en droit luxembourgeois de texte général propre garantissant le droit à la présomption d’innocence.

Que la seule référence du Code de procédure pénale, en son article 8(3), à l’obligation pesant sur le procureur général d’Etat de respecter la présomption d’innocence dans le cas de communications d’informations au public ne saurait suffire à valoir transposition effective de la Directive sur ce point :

informations sur le déroulement d’une procédure, en respectant la présomption d’innocence, les droits de la défense, le droit à la protection de la vie privée et de la dignité des personnes ainsi que les nécessités de l’instruction ».

Que cet article 8(3) du Code de procédure pénale résulte en tout état de cause d’une loi du 6 octobre 2009, et ne saurait dès lors pas être considéré comme valant transposition de l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 qui lui est ultérieure.

Attendu qu’il résulte des procès-verbaux de la Commission juridique ayant échangé sur le projet de loi de transposition 7320 que la nécessité d’adopter la loi de transposition avec célérité compte tenu de la date de transposition fixée dans la Directive, les débats n’ont matériellement pas pu être menés de manière approfondie sur la question de la présomption d’innocence, tout en envisageant la possibilité de mener ce débat approfondi sur le respect de la présomption d’innocence par la suite :

projet de loi sous rubrique par la Chambre des Députés. Selon l’orateur, une telle adoption n’empêche aucunement, par la suite, un débat approfondi sur le respect de la présomption d’innocence et sur le respect du principe du délai raisonnable.

L’orateur énonce que le délai de transposition de la directive 2016/343 est échu, de sorte qu’il convient de se mettre rapidement en conformité avec les 4 exigences de ladite directive. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que le texte du projet de loi sous rubrique a été avisé favorablement par le Conseil d’Etat.

Madame la Présidente-Rapportrice appuie cette proposition.

Un membre du groupe politique DP s’interroge sur l’opportunité de reprendre, dans le rapport de la commission parlementaire, les débats menés au sujet de la transposition de la directive 2016/343 dans le rapport sur le projet de loi sous rubrique.

Un membre du groupe politique CSV prend acte de ces déclarations émises par Monsieur le Ministre de la Justice et estime qu’on ne saurait invoquer valablement dans ce cas l’échéance du délai de transposition de la directive 2016/343, alors que le projet de loi sous rubrique portant transposition de ladite directive n’a été déposé que tardivement par le Gouvernement. Aux yeux de l’orateur, une multitude d’arguments plaide en faveur de mener l’instruction parlementaire dans le calme et en toute sérénité.

Madame la Présidente-Rapportrice préconise une adoption rapide du projet de loi sous rubrique et renvoie à l’avis du Conseil d’Etat qui n’a pas soulevé de critiques majeures dans le cadre de son avis y relatif.

Un membre du groupe politique CSV donne à considérer que les matières juridiques dans lesquelles le législateur est amené à intervenir deviennent de plus en plus complexes. A titre d’exemples non limitatifs, l’orateur renvoie à la réglementation applicable à la protection des données ou encore à celle applicable à la lutte contre le blanchiment d’argent. Il y a lieu de signaler que les risques d’interférences et de contrariétés entre des textes de lois en vigueur ne sont pas négligeables. L’orateur est d’avis qu’il y a lieu de mener un travail de réflexion approfondi en matière de respect du principe de la présomption d’innocence, avant de légiférer en la matière.

Commission juridique - Procès-verbal de la réunion du 18 juillet 2018 :

Page 2/18 : Echanges de vues relatifs au projet de loi 7320 :

Un membre du groupe politique CSV renvoie aux observations du Conseil d’Etat, soulevées dans le cadre de son avis du 10 juillet 2018, qui s’interroge sur la nécessité de légiférer en la matière et estime qu’il « […] est satisfait au requis de la directive si la sauvegarde des droits en cause est assurée, avec une certitude suffisante, dans l’ordre juridique national, sans que les droits doivent être expressément repris, dans les mêmes termes, dans la loi nationale ».

Par ailleurs, l’orateur s’interroge si l’esprit de la directive a été correctement transposé par la loi en projet et donne à considérer que le terme d’ doit être interprété au sens large, et ne se limite pas uniquement aux autorités judiciaires.

La représentante du Ministre de la Justice explique que la directive 2016/343 est nécessaire pour apporter une certaine harmonisation au niveau des Etats 5 membres des législations nationales régissant le respect de la présomption d’innocence.

A noter que le droit la législation nationale est d’ores et déjà en grande partie conforme aux exigences de la directive. Ainsi, même en l’absence de texte général propre garantissant le droit à la présomption d’innocence, le respect de ce principe, prévu à l’article 3 de la directive, est garanti par le biais de l’application directe en droit interne de la Convention européenne des droits de l’homme. » Attendu qu’il résulte de ces développements que les conditions requises pour admettre l’effet direct de la Directive, telle que définies pas la Cour de justice de l’Union depuis ses arrêts Franz Grad c/ Finanzamt et Van Duyn, sont toutes réunies :

Qu’il n’est pas discutable que l’article 3 de la Directive de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, n’a pas été transposé en droit interne.

Que cet article de la Directive est clair.

Qu’il est précis en ce qu’il ne nécessite pas de règlement d'application.

Qu’il inconditionnel dès lors que le délai de transposition est arrivé à son terme.

Attendu dès lors que le demandeur en cassation est fondé à invoquer comme il l’a fait en première instance et en instance d’appel, la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 comme base légale à l’appui de son grief de non respect de sa présomption d’innocence.

II.B. Dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel Attendu que les dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel figurent :

D’une part dans les motifs de la décision entreprise, à la page 96 :

présomption d'innocence se trouve en l'espèce méconnu dans la mesure où l'article 375, alinéa 2, du Code pénal édicte une présomption irréfragable d'absence de consentement, ou encore si ces dispositions ne sont pas raisonnablement proportionnées au but légitime poursuivi.

La présomption d'innocence est consacrée formellement dans notre droit par l'article 6.2 de la Convention ainsi que par la directive (UE) 2016/343 invoquée par la défense.

La présomption d'innocence constitue, d'une part, une règle déterminant la manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d'autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la 6 charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. » Et dans les motifs de la décision entreprise, à la page 97 :

ni violation du principe de la présomption d'innocence, ni violation du principe de proportionnalité quant à la présomption irréfragable édictée par l'article 375, alinéa 2, du Code pénal luxembourgeois, ni - par voie de conséquence - nécessité d'une décision de la Cour de justice européenne pour que la Cour d'appel puisse rendre son arrêt dans l'affaire en litige.

Il s'ensuit que toutes références à l'avis juridique du professeur X) sur la compatibilité de l'article 375, alinéas 1er et 2, du Code pénal avec l'article 3 de la directive UE 2016/343 et l'article 6.2 de la Convention ou encore l'avis juridique de l'avocat Loïc PAREIN sur l'article 187 du Code pénal suisse ne sont pas pertinentes. » D’autre part dans le dispositif de la décision entreprise, à la page 110 :

II.c. Exposé du moyen et griefs Attendu que le demandeur en cassation reproche à la juridiction du fond d’avoir violé, à son détriment, la présomption d’innocence dont il devait pourtant bénéficier, au vœu de l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence.

Que le demandeur en cassation reproche en effet à la Cour d’appel d’avoir, par l’application qu’elle a fait de l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal établissant une présomption irréfragable, violé la présomption d’innocence dont il devait bénéficier.

Que la présomption d’innocence est une notion complexe qui comporte plusieurs aspects, ainsi que le mentionne la Cour d’appel à la page 96 :

la manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d'autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. » première branche du moyen Violation de la présomption d’innocence en tant que règle déterminant la manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal 7 Attendu que les griefs du demandeur en cassation relatifs à la violation de la présomption d’innocence par les juridictions du fond n’ont pas portés sur le traitement qui a été réservé à l’accusé dans le cadre du procès pénal.

Que cette branche du moyen n’a dès lors pas autrement lieu d’être développée.

seconde branche du moyen Violation de la présomption d’innocence en tant que règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable Attendu que le demandeur en cassation fait grief à la cour d’appel d’avoir eu recours à une présomption irréfragable pour établir l’un des éléments constitutifs du crime de viol à son encontre, violant ce faisant la présomption d’innocence qui aurait dû lui profiter dans son second aspect de règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Attendu que le demandeur en cassation reproche à la présomption irréfragable posée par l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal et telle qu’appliquée par les juges du fond, son caractère excessif et partant disproportionné par rapport à l’objectif légitime du législateur de protéger les mineurs.

Attendu que c’est à tort que la Cour d’appel a estimé que l’atteinte à la présomption d’innocence était proportionnée à l’objectif recherché du législateur de garantir protection des mineurs.

Attendu à titre de comparaison que, dans un avis de droit de Maître Loïc PAREIN (Pièce de Me LANOUE No 1), avocat et chargé d’enseignement à l’Université de Genève, et membre du Centre interfacultaire en droit de l’enfant, celui-ci expose la vaste palette d’outils juridiques prévus par le législateur helvète pour moduler la réponse pénale dans le cas d’un acte sexuel consommé avec un mineur de seize ans.

Attendu que ces mécanismes légaux de pondération et de modulation sont cependant absents de notre droit luxembourgeois.

Attendu en outre que le Professeur Dr. X) (Pièce de Me LANOUE No 2), Professeur en Droit pénal, Doyen de la Faculté de Droit, d’Economie et de Finance (2012 - 2017), Université de Luxembourg, analyse dans son avis juridique du 15 décembre 2020, les différents aspects de la présomption posée par l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal.

Que ces développements du Professeur X) portent successivement sur :

1. Le caractère réfragable de la présomption (page 4, 5 et 6 de son avis), puis sur :

8 2. La limitation de cette présomption à un degré raisonnable (pages 6 à 9 de son avis), et enfin :

3. La proportionnalité de la présomption à l’objectif poursuivi (pages 9 et 10).

Qu’au terme de cette analyse minutieuse à laquelle se rallie le demandeur en cassation, le Professeur X) en arrive à la conclusion suivante :

contient une présomption légale qui est - irréfragable - non limité à un degré raisonnable et - est disproportionnée.

Par conséquent, il est impératif que la Cour d'appel demande à la CJEU par renvoi préjudiciel si et dans quelle mesure la disposition pénale de l'article Art. 375 CPL est compatible avec le droit de l'UE, en particulier avec l'article 3 de la directive 2016/343 de l'UE. » Attendu que les arguments retenus par la Cour d’appel pour admettre la proportionnalité de l’atteinte à la présomption d’innocence, et écarter les arguments du présent demandeur en cassation, y compris l’avis juridique du Professeur X), procèdent d’une analyse erronée et doivent être sanctionnés par Votre Cour.

Que l’argument retenu par la Cour d’appel selon lequel seul un des éléments constitutifs, l’absence de consentement de la victime, serait établi par présomption irréfragable, tandis que l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction seraient laissés à l’appréciation souveraine du juge du fond, de sorte que l’atteinte à la présomption d’innocence resterait suffisamment proportionnée à l’objectif du législateur.

Que cet argument procède cependant d’une mauvaise analyse du problème en cause, dans la mesure où l’élément constitutif en question : l’absence de consentement de la victime, n’est pas un des éléments constitutifs parmi d’autres, mais est bien l’élément clef, l’élément central sur lequel toute l’infraction est construite.

Que l’acte accompli ne devient légalement punissable d’une peine criminelle que et uniquement que, parce que l’une des parties n’y a pas consenti.

Que vouloir limiter le débat en question à l’existence ou non de l’élément matériel est artificiellement réducteur alors que ce point ne pose aucun problème et la question de définir ce qu’est un acte de pénétration sexuelle est plus que suffisamment harmonisé dans toutes les législations nationales.

9 Attendu en revanche que la seule question encore ouverte de l’élément moral de l’infraction, à savoir l’intention criminelle, résulte elle encore d’une autre présomption de facto irréfragable.

Attendu en effet que la jurisprudence constante et encore confirmée dans la présente espèce, tant en première instance qu’en instance d’appel, retient que l’intention criminelle découle de la seule connaissance de l’âge du mineur :

tant en ce qui concerne les éléments constitutifs de l'infraction d'attentat à la pudeur (article 372 du Code pénal) qu'en ce qui concerne ceux de l'infraction de viol (article 375 alinéa 2 du Code pénal).

Plus précisément, c'est à bon droit que les juges de première instance ont retenu qu'il y avait absence de consentement dans le chef de C.G., celui-ci ayant été âgé au moment des faits de moins de seize ans, de sorte qu'il y a de manière irréfragable absence de consentement. Les juges de première instance ont encore à juste titre considéré que l'intention coupable dans le chef de R) est établie. Cette intention ne fait, en effet, pas de doute car elle découle à suffisance de la conscience d'accomplir un acte de nature sexuelle, à savoir une fellation, sur la personne de C.G. âgé de quinze ans au moment des faits. » Qu’il est encore rendu plus impossible pour l’accusé de se défendre, dans la mesure où la jurisprudence admet comme la Cour l’a fait en l’espèce, que la preuve de la connaissance de l’âge du mineur est établie, même en présence de contestations formelles de l’accusé, sur base des seules déclarations du mineur.

du mineur C.G. au moment des faits, sont à rejeter. A cet égard, il y a lieu de se référer aux déclarations effectuées par C.G., qui déclare le 27 septembre 2016 devant les enquêteurs […] […] Contrairement à ce que le mandataire du prévenu soutient, les déclarations de C.G. auprès de la police, qui sont reproduites ci-dessus et que le tribunal a correctement résumées dans son jugement, sont très claires et précises et donc crédibles. » Que la référence de la Cour d’appel aux échanges de messages consignés au procès-verbal no SPJ/JEUN/52555-15 feuilles no 14 et 15 (Pièce de Me LANOUE No 3) est pour le surplus totalement inopérante en ce qui concerne l’établissement de la preuve de la connaissance par l’accusé de l’âge, alors qu’à aucun moment l’âge du mineur n’est abordé ou même seulement évoqué lors de ces échanges.

corroborées par l'échange de messages qui a précédé le rendez-vous du 9 juin 2012 entre le prévenu et C.G. circonscrit dans le procès-verbal no SPJ/JEUN/52555-15 feuilles no 14 et 15. » 10 Que la seule conclusion qui pouvait être tirée de ces échanges visés au procès-verbal no SPJ/JEUN/52555-15 feuilles no 14 et 15, est une preuve quant à la date à laquelle les échanges par message ont eu lieu, et le cas échéant un indice quant à l’âge du mineur au moment de la rencontre.

Mais qu’en aucun cas il ne saurait en être tiré une preuve de la connaissance de l’âge du mineur par l’accusé.

Que c’est d’ailleurs là le seul sens des conclusions des enquêteurs quant à ces échanges, qui analyse sur base de ces échanges qu’il y a eu un acte sexuel à la date établie d’après les échanges relevés, et qu’à cette date le mineur avait quinze ans.

alten G), Sex hatte. » Attendu que les enquêteurs ne disent pas, car ils ne peuvent pas le dire sur base de ces échanges, que l’accusé savait que le mineur avait quinze ans. Ils disent uniquement que le mineur avait quinze ans au moment des faits.

Que les échanges visés par la Cour participent donc certes à l’établissement de l’élément matériel de l’infraction, mais qu’ils ne participent en aucun cas à l’établissement de l’élément moral, contrairement à ce qu’à retenu à tort la Cour d’appel tout comme les premiers juges avant elle.

Que c’est dès lors bien sur base des seules déclarations du mineur que la Cour, tout comme l’avaient fait les juges de première instance, se base pour établir la connaissance de l’âge du mineur dans le chef de l’accusé.

Mais attendu que, par voie de présomption, la cour déduit d’une manière qui ne saurait aucunement être efficacement combattue par l’accusé, partant d’une manière de facto irréfragable, que l’intention criminelle élément moral de l’infraction, découle directement et nécessairement de cette connaissance de l’âge du mineur, et qu’elle partant établie en l’espèce.

Attendu ainsi que, contrairement au raisonnement de la Cour d’appel, ni le texte de l’article 375 paragraphe 2 en ce qu’il établi une présomption irréfragable, ni la mise en œuvre de ce texte telle qu’elle ressort de la jurisprudence constante, ne permettent de rétablir de manière effective l’équilibre et la proportionnalité quant au respect de la présomption d’innocence.

Qu’en pratique, les juges se basent même sur deux présomptions irréfragables et non pas une seule, pour établir deux des trois éléments constitutifs du crime reproché qui devient quasiment de ce fait une infraction purement matérielle.

Attendu qu’il résulte à suffisance de ces développements que l’arrêt entrepris encourt la cassation pour avoir violé la présomption d’innocence en tant que règle 11 relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Mais attendu cependant, comme l’indique spécifiquement le Professeur X), que la question de la compatibilité de la directive 2016/343(UE) avec l’article 375 paragraphe 2 est une question qui relève du mécanisme de la question préjudicielle, et qu’une telle question préjudicielle devrait être posée en l’espèce.

concilier l'obligation du législateur de protéger les mineurs avec les exigences de la présomption d'innocence. C'est précisément en raison de ces paramètres de la situation juridique européenne que la Chambre criminelle aurait été tenue et la Cour d'appel est maintenant tenue de soumettre à la CJUE la question de savoir si le libellé de l'article 375 (1) et (2) est compatible avec le droit européen, en particulier avec le principe de la présomption d'innocence tel que formulé dans la directive européenne 2016/343. » Que le demandeur en cassation entend soumettre à Votre Cour la question préjudicielle ci-après énoncée.

II.D. Demande de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales Attendu que le demandeur en cassation entend soumettre à Votre Cour une demande de renvoi préjudiciel tel qu’exposé ci-dessous.

II.D.1. Recevabilité de la question préjudicielle Attendu que, saisie dans une précédente affaire d’une demande tendant à voir poser deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union, sur base de l’article 267 traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), Votre Cour a jugé dans son arrêt N° 05/2019 pénal du 10 janvier 2019, Not. 34618/14/CD et 11043/15/CD, Numéro 4061 du registre (page 13 de l’arrêt tel que publié) (Pièce de Me LANOUE No 4), que :

sur les pourvois et la procédure en cassation le mémoire en cassation doit préciser les dispositions attaquées de l’arrêt et contenir les moyens de cassation ;

Attendu que les questions préjudicielles soulevées ne sont pas posées dans le cadre d’un moyen de cassation ;

Qu’il en suit que la demande tendant à voir saisir la Cour de justice de l’Union européenne des deux questions préjudicielles est irrecevable ; » Attendu que, dans le respect de cette jurisprudence, le demandeur en cassation soumet à Votre Cour une demande tendant à voir posée la question préjudicielle suivante dans le cadre du moyen de cassation ci-dessus développé, tenant à la violation de la présomption d’innocence.

II.D.2. Compétence de la Cour de justice de l’Union Attendu que l’arrêt entrepris rappelle la position du Ministère Public quant à la compétence de la Cour de justice de l’Union pour connaître d’une question préjudicielle posée par une juridiction nationale.

Le réquisitoire du Ministère Public :

Européenne, sinon à la Cour de Justice de l'Union Européenne, en relation avec l'article 375 alinéa 2 du Code pénal, celles-ci ne se concevraient pas. A l'appui de ses affirmations, il cite l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.

Selon lui, les questions préjudicielles proposées par le mandataire du prévenu ne porteraient pas sur l'interprétation de normes de droit européen, mais viseraient à faire contrôler la conformité d'une disposition de droit luxembourgeois interne, à savoir l'article 375 alinéa 2 du Code pénal, par rapport à une directive européenne.

Les juridictions européennes seraient donc incompétentes pour connaître de ces questions conformément aux dispositions de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après "TFUE"). Il donne encore à considérer qu'il faut que la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne paraisse nécessaire pour que la juridiction nationale puisse rendre son jugement.

Ce serait donc à juste titre que les juges de première instance ont décidé de ne pas faire droit à la demande de renvoi préjudiciel. » Attendu que l’arrêt entrepris rappelle ensuite la position de la défense quant à la compétence de la Cour de justice de l’Union pour connaître d’une question préjudicielle posée par une juridiction nationale.

demande de renvoi préjudiciel et conteste que les juridictions européennes ne soient pas compétentes pour connaître de ses questions. Il renvoie à cet égard à ses conclusions de première instance, notamment à la page 4 où le mécanisme de la question préjudicielle serait expliqué. A l'appui de sa demande de renvoi préjudiciel, 13 il verse deux avis juridiques, l'un écrit par le professeur X) et l'autre par l'avocat Loïc PAREIN. » Attendu enfin que l’arrêt entrepris énonce la position de la Cour d’appel quant à la compétence de la Cour de justice de l’Union pour connaître d’une question préjudicielle posée par une juridiction nationale.

prévenu ont été reproduites par le tribunal dans son jugement et il y a lieu de s'y référer.

D'emblée, il importe de relever que les traités instituant l'Union européenne, ainsi que le droit européen qui en découle créent un ordre juridique applicable aux ressortissants des Etats membres et s'imposent aux législateurs nationaux, y compris en droit pénal. Lorsqu'une infraction consiste dans la violation d'une Directive européenne, le texte européen doit être interprété. Le juge national doit alors surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation.

Plus précisément, la procédure instituée à l'article 267 du TFUE est un instrument de coopération entre la Cour de justice de l'Union européenne et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d'interprétation du droit de l'Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu'elles sont appelées à trancher.

En l'occurrence, la demande de renvoi préjudiciel, devant le Tribunal de l'Union européenne, sinon devant la Cour de justice de l'Union européenne, ne répond pas à ces exigences. En effet, l'auteur de la demande de renvoi préjudiciel n'indique pas la nécessité d'une interprétation du droit de l'Union qui soit utile pour le juge national. » Mais attendu que tant le raisonnement du Ministère Public que le raisonnement de la Cour d’appel sont erronés et procèdent d’une mauvaise compréhension du mécanisme de la question préjudicielle tel que prévu par l’article 267 du TFUE.

Attendu ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion depuis son arrêt C) du 15 octobre 2015, de préciser en détail la nature de son rôle dans le cadre du mécanisme de la question préjudicielle :

Affaire C-216/14 C) :

Page 2 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union :

Paragraphe 1 :

14 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphes 1 et 8, de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (JO L 280, p. 1), ainsi que des articles 2, 3, paragraphe 1, sous c), et 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO L 142, p. 1).

Paragraphe 2 :

Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre M. C) pour des infractions routières commises par l’intéressé.

Page 7 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union :

Sur les questions préjudicielles Sur la première question Paragraphe 25 :

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er à 3 de la directive 2010/64 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une procédure pénale, n’autorise pas la personne faisant l’objet d’une ordonnance pénale à former une opposition par écrit contre cette ordonnance dans une langue autre que celle de la procédure, alors même que cette personne ne maîtrise pas cette dernière langue.

Page 10 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union :

Sur la seconde question Paragraphe 52 :

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, 3, paragraphe 1, sous c), et 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 2012/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une procédure pénale, impose à la personne poursuivie ne résidant pas dans cet État membre de désigner un mandataire aux fins de la signification d’une ordonnance pénale la concernant, un délai pour former une opposition contre cette ordonnance courant à compter de la signification de celle-ci audit mandataire.

Pages 12 et 13 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union :

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1) Les articles 1er à 3 de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, relative au droit à l’interprétation et à la traduction 15 dans le cadre des procédures pénales, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une procédure pénale, n’autorise pas la personne faisant l’objet d’une ordonnance pénale à former une opposition par écrit contre cette ordonnance dans une langue autre que celle de la procédure, alors même que cette personne ne maîtrise pas cette dernière langue, à condition que les autorités compétentes ne considèrent pas, conformément à l’article 3, paragraphe 3, de cette directive, que, au vu de la procédure concernée et des circonstances de l’espèce, une telle opposition constitue un document essentiel.

2) Les articles 2, 3, paragraphe 1, sous c), et 6, paragraphes 1 et 3, de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, dans le cadre d’une procédure pénale, impose à la personne poursuivie ne résidant pas dans cet État membre de désigner un mandataire aux fins de la signification d’une ordonnance pénale la concernant, à condition que cette personne bénéficie effectivement de l’intégralité du délai imparti pour former une opposition contre ladite ordonnance. » Mais attendu qu’il résulte des dispositions très claires de l’arrêt C) de la Cour de justice de l’Union, que le Parquet Général fait erreur lorsqu’il développe devant la Cour d’appel le raisonnement selon lequel :

Pages 87 et 88 de l’arrêt de la Cour d’appel :

ne porteraient pas sur l'interprétation de normes de droit européen, mais viseraient à faire contrôler la conformité d'une disposition de droit luxembourgeois interne, à savoir l'article 375 alinéa 2 du Code pénal, par rapport à une directive européenne.

Les juridictions européennes seraient donc incompétentes pour connaître de ces questions conformément aux dispositions de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (ci-après "TFUE"). » Le Parquet Général considère que le mécanisme de la question préjudicielle ne consisterait qu’à indépendamment de tout lien avec le droit national.

Ce raisonnement procède d’une mauvaise compréhension du mécanisme de la question préjudicielle prévu à l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, qui vise précisément à contrôler la conformité du droit national aux Directives européennes.

Et l’interprétation de la Directive à laquelle se livre la Cour de justice de l’Union est une interprétation visant à déterminer si la Directive s’oppose ou non à une législation nationale d’un État membre.

16 Voir en ce sens une fois encore les paragraphes 25 et 52 ainsi que les pages 12 et 13 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union susvisé :

Attendu qu’il résulte des mêmes dispositions très claires de l’arrêt C) de la Cour de justice de l’Union, que la Cour d‘appel fait également erreur lorsqu’elle retient le raisonnement selon lequel :

coopération entre la Cour de justice de l'Union européenne et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d'interprétation du droit de l'Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu'elles sont appelées à trancher.

En l'occurrence, la demande de renvoi préjudiciel, devant le Tribunal de l'Union européenne, sinon devant la Cour de justice de l'Union européenne, ne répond pas à ces exigences. En effet, l'auteur de la demande de renvoi préjudiciel n'indique pas la nécessité d'une interprétation du droit de l'Union qui soit utile pour le juge national. » Que ce raisonnement procède là aussi d’une mauvaise compréhension du mécanisme de la question préjudicielle prévu à l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, qui vise précisément à contrôler la conformité du droit national aux Directives européennes.

Attendu également que le Professeur X) confirme et développe dans son avis juridique du 15 décembre 2020, que les conditions restrictives posées par le tribunal en première instance ne sont pas prévues par l’article 267 du TFUE, et encore qu’aucune des restrictions envisageable à la soumission d’une telle question préjudicielle n’est remplie en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu à renvoi préjudiciel :

légale spécifique n'est pas du tout requise. Il suffit plutôt d'un lien de causalité avec la solution de l'affaire, qui n'est pas seulement de nature fictive ou théorique, qui est déjà donné en termes abstraits et généraux dans les questions de la punissabilité d'un accusé et de la peine qui en découle, mais qui est également présent dans la présente affaire de manière concrète et individuelle, puisque le tribunal des faits condamne l'accusé pour un acte en vertu de l'article 375, paragraphes 1 et 2, et que cette condamnation détermine de manière décisive la peine pour l'accusé.

Le tribunal de première instance n'ayant pas exercé son pouvoir d'appréciation pour saisir la CJUE de la question de la compatibilité de l'article 375 alinéa 1 et 2 avec le droit de l'Union européenne, la Cour d'appel est tenue d'exercer son pouvoir d'appréciation et de saisir la CJUE en vertu de l'article 267 TFUE. Par conséquent, la Cour d'appel ne peut refuser un tel renvoi que dans des conditions particulièrement strictes, notamment si la solution de l'affaire serait complètement détachée du cadre juridique européen ou si l'influence du droit européen sur la 17 solution de l'affaire serait incontestable et évidente. Toutefois, aucune de ces conditions ne s'applique ici. » Attendu par conséquent qu’il y a lieu de constater que la Cour de justice de l’Union, respectivement le Tribunal de l’Union sont parfaitement compétents pour connaître de la question préjudicielle posée.

II.D.3. La question préjudicielle posée II.D.3.a. Base légale de la demande de question préjudicielle Attendu que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) autorise le juge national à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle aux fins de l’interroger sur l’existence d’une opposition entre une Directive européenne et une disposition législative nationale.

Attendu que lorsqu’une question préjudicielle est soumise à une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptible d’un recours juridictionnel en droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

Attendu, que la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, dispose :

Article 3 Présomption d'innocence Les États membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été légalement établie.

Article 14 Transposition 1. Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, règlementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er avril 2018. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les Etats membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les Etats membres.

2. Les Etats membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

18 Article 15 Entrée en vigueur La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Attendu que la directive a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, numéro L 65, 59è année, du 11 mars 2016.

Qu’elle est entrée en vigueur le 31 mars 2016.

Attendu que le délai pour transposer la directive expirait le 1er avril 2018.

Attendu qu’à défaut d’avoir été correctement transposée, la directive est depuis le 02 avril 2018, directement invocable devant les juridictions nationales en vertu du principe de l’effet direct.

Que la Cour de justice de l'Union européenne admet l’effet direct des directives depuis ses arrêts Franz Grad c/ Finanzamt et Van Duyn.

Qu’elle a ainsi admis que les justiciables peuvent s'en prévaloir en l'absence de transposition ou après une directive mal transposée, sous les conditions suivantes :

 Que la directive soit claire, c'est-à-dire qu'elle pose une obligation de faire ou de ne pas faire  Qu’elle soit précise, c’est-à-dire qu'elle ne nécessite pas de règlement d'application  Qu’elle soit inconditionnelle, c'est-à-dire que le délai de transposition soit arrivé à son terme Attendu que toutes ces conditions sont réunies en l’espèce et que le prévenu peut valablement se prévaloir de l’effet direct de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales.

Attendu que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose :

Article 256 (ex-article 225 TCE) 3. Le Tribunal est compétent pour connaître des questions préjudicielles, soumises en vertu de l'article 267, dans des matières spécifiques déterminées par le statut.

19 Lorsque le Tribunal estime que l'affaire appelle une décision de principe susceptible d'affecter l'unité ou la cohérence du droit de l'Union, il peut renvoyer l'affaire devant la Cour de justice afin qu'elle statue.

Les décisions rendues par le Tribunal sur des questions préjudicielles peuvent exceptionnellement faire l'objet d'un réexamen par la Cour de justice, dans les conditions et limites prévues par le statut, en cas de risque sérieux d'atteinte à l'unité ou à la cohérence du droit de l'Union.

Article 267 (ex-article 234 TCE) La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais.

Attendu que la Cour de cassation doit, au vœu de l’article 267 b) du TFUE, saisir le Tribunal sinon la Cour de justice de l’Union de la question préjudicielle lui soumise.

II.D.3.b. La demande de question préjudicielle Attendu que le demandeur en cassation soumet à Votre Cour la question préjudicielle suivante :

Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le 20 recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » Que le demandeur en cassation demande encore à Votre Cour de surseoir à statuer en attendant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. ».

et deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, droit garanti par l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, et découlant encore de l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme III.A. Base légale Attendu que le présent moyen est basé sur la violation du principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, droit garanti par l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, et découlant encore de l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

III.A.1. Quant à la valeur du principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve en droit national Attendu qu’il ressort du dossier parlementaire No 7320, relatif au projet de loi déposé le 20 juin 2018, portant transposition de la directive 2016/343 du Parlement et du Conseil du 09/03/2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, et plus spécialement de l’exposé des motifs, au paragraphe relatif aux considérations générales :

est prévu à l’article 6 de la directive, ne résulte pas explicitement d’un texte de droit interne mais découle cependant directement du droit à la présomption d’innocence dans la mesure où le ministère public doit rapporter la pleine preuve des faits reprochés pour renverser la présomption d’innocence et écarter le bénéfice du doute. » Qu’il ressort de ces considérations que principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve est reconnu en droit national, et que son application effective ne doit faire, du moins en principe, l’objet d’aucune remise en cause par les juridictions du fond chargée de veiller à sa mise en œuvre.

III.A.2. Quant à l’applicabilité directe en droit national de l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence Attendu que le demandeur en cassation reprend ici les mêmes raisonnement et arguments - Mutatis Mutandis - que précédemment exposé supra sub. II.A.2 .

Que, tel qu’indiqué précédemment, la Cour de justice de l'Union européenne admet l’effet direct des directives en l'absence de transposition ou après une directive mal transposée, sous les conditions suivantes :

 Que la directive soit claire  Qu’elle soit précise  Qu’elle soit inconditionnelle Attendu que la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 dispose en son article 6 :

preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies. Cette disposition s'entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu'à décharge, et sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

2. Les États membres veillent à ce que tout doute quant à la question de la culpabilité profite au suspect ou à la personne poursuivie, y compris lorsque la juridiction apprécie si la personne concernée doit être acquittée. » Que les conditions requises pour admettre l’effet direct de la Directive, telle que définies pas la Cour de justice de l’Union depuis ses arrêts Franz Grad c/ Finanzamt et Van Duyn, sont toutes réunies :

Qu’il n’est par ailleurs pas discutable que l’article 6 de la Directive de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, n’a pas été transposé en droit interne.

Attendu dès lors que le demandeur en cassation est fondé à invoquer comme il l’a fait en première instance et en instance d’appel, la Directive (UE) 2016/343 du 22 9 mars 2016 comme base légale à l’appui de son grief de non respect de l’obligation pour l’accusation de supporter la charge de la preuve.

III.B. Dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel Attendu que les dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel figurent :

D’une part dans les motifs de la décision entreprise, à la page 96 :

présomption d'innocence se trouve en l'espèce méconnu dans la mesure où l'article 375, alinéa 2, du Code pénal édicte une présomption irréfragable d'absence de consentement, ou encore si ces dispositions ne sont pas raisonnablement proportionnées au but légitime poursuivi.

La présomption d'innocence est consacrée formellement dans notre droit par l'article 6.2 de la Convention ainsi que par la directive (UE) 2016/343 invoquée par la défense.

La présomption d'innocence constitue, d'une part, une règle déterminant la manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d'autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. » Et dans les motifs de la décision entreprise, à la page 97 :

ni violation du principe de la présomption d'innocence, ni violation du principe de proportionnalité quant à la présomption irréfragable édictée par l'article 375, alinéa 2, du Code pénal luxembourgeois, ni - par voie de conséquence - nécessité d'une décision de la Cour de justice européenne pour que la Cour d'appel puisse rendre son arrêt dans l'affaire en litige. » D’autre part dans le dispositif de la décision entreprise, à la page 110 :

III.C. Exposé du moyen et griefs Attendu que le demandeur en cassation reproche à la juridiction du fond d’avoir violé le principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, dont il devait pourtant bénéficier, au vœu de l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence.

Que le demandeur en cassation reproche en effet à la Cour d’appel d’avoir, par l’application qu’elle a fait de l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal 23 établissant une présomption irréfragable, violé le principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, et dont il devait bénéficier.

Que ce principe découle directement de la présomption d’innocence qui comporte plusieurs aspects, ainsi que le mentionne la Cour d’appel à la page 96 :

la manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d'autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. » Attendu que les moyens qui suivent reprennent - Mutatis Mutandis - les moyens et arguments déjà développés supra sub. II.C.1.b Attendu que le demandeur en cassation fait grief à la cour d’appel d’avoir eu recours à une présomption irréfragable pour établir l’un des éléments constitutifs du crime de viol à son encontre, violant ce faisant le principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, qui aurait du lui profiter.

Attendu que le demandeur en cassation reproche à la présomption irréfragable posée par l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal et telle qu’appliquée par les juges du fond, son caractère excessif et partant disproportionné par rapport à l’objectif légitime du législateur de protéger les mineurs.

Attendu que c’est à tort que la Cour d’appel a estimé que l’atteinte à la présomption d’innocence était proportionnée à l’objectif du législateur de protection des mineurs.

Que le demandeur en cassation reprend ici, Mutatis Mutandis, sans qu’il soit besoin de les reproduire, ses moyens et arguments déjà développés supra sub II.C.2. Que le demandeur en cassation renvoi également ici aux développements et conclusions figurant dans les avis de juridiques respectifs de Maître Loïc PAREIN et du Professeur X).

Attendu qu’il résulte à suffisance de tous ces éléments que l’arrêt entrepris encourt la cassation pour avoir violé le principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve.

Mais attendu cependant, comme l’indique spécifiquement le Professeur X), que la question de la compatibilité de la directive 2016/343(UE) avec l’article 375 paragraphe 2 est une question qui relève du mécanisme de la question préjudicielle, et qu’une telle question préjudicielle devrait être posée en l’espèce.

24 concilier l'obligation du législateur de protéger les mineurs avec les exigences de la présomption d'innocence. C'est précisément en raison de ces paramètres de la situation juridique européenne que la Chambre criminelle aurait été tenue et la Cour d'appel est maintenant tenue de soumettre à la CJUE la question de savoir si le libellé de l'article 375 (1) et (2) est compatible avec le droit européen, en particulier avec le principe de la présomption d'innocence tel que formulé dans la directive européenne 2016/343. » Que le principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve constituant un aspect particulier de la présomption d’innocence dont il découle comme le rappelle la Cour d’appel, il est nécessaire et pertinent de soumettre à Votre Cour une question préjudicielle qui s’y rapporte spécifiquement.

manière dont l'accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d'autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l'exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable. » Que le demandeur en cassation entend soumettre à Votre Cour la question préjudicielle ci-après énoncée.

III.D. Demande de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales Attendu que le demandeur en cassation entend soumettre à Votre Cour une demande de renvoi préjudiciel tel qu’exposé ci-dessous.

III.D.1. Recevabilité de la question préjudicielle Attendu que le demandeur en cassation renvoi intégralement sur ce point à ses développements supra sub II.D.1 Attendu que le demandeur en cassation soumet à Votre Cour une demande tendant à voir posée la question préjudicielle suivante dans le cadre du moyen de cassation ci-dessus développé, tenant à la violation du principe suivant lequel l’accusation supporte la charge de la preuve.

25 III.D.2. Compétence de la Cour de justice de l’Union Attendu que le demandeur en cassation renvoi également intégralement sur ce point à ses développements supra sub II.D.2 Qu’il y a lieu de constater que la Cour de justice de l’Union, respectivement le Tribunal de l’Union sont pleinement compétents pour connaître de la question préjudicielle posée.

III.D.3. Quant à la question préjudicielle posée III.D.3.a. Base légale des demandes de questions préjudicielles.

Attendu, que la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, dispose :

Article 6 Charge de la preuve 1. Les États membres veillent à ce que l'accusation supporte la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies. Cette disposition s'entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu'à décharge, et sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

Attendu que pour le surplus, le demandeur en cassation renvoi également intégralement sur ce point à ses développements supra sub II.D.3.a. Attendu que la Cour de cassation doit, au vœu de l’article 267 b) du TFUE, saisir le Tribunal sinon la Cour de justice de l’Union de la question préjudicielle lui soumise.

III.D.3.b. Demande de question préjudicielle :

Question préjudicielle :

Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le 26 recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » Que le demandeur en cassation demande encore à Votre Cour de surseoir à statuer en attendant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. ».

Réponse de la Cour Les moyens font grief aux juges d’appel d’avoir, en violation du principe de la présomption d’innocence garanti par l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (ci-après « la Directive ») ainsi que par l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 48, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 14, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de même qu’en violation du principe que la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu appartient à la partie poursuivante, garanti par l’article 6 de la Directive, condamné le demandeur en cassation du chef de viol commis sur la personne d’un mineur âgé de moins de seize ans, infraction prévue par l’article 375, alinéa 2, du Code pénal. La question de la compatibilité de l’article 375, alinéa 2, du Code pénal avec la Directive relevant du mécanisme de la question préjudicielle prévu à l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, il y aurait lieu de déférer deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.

La présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont consacrés par les articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose :

« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

L’article 52, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :

« Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue. » L’article 3 de la Directive dispose :

« Les Etats membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. ».

L’article 6 de la Directive dispose :

« 1. Les Etats membres veillent à ce que l’accusation supporte la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies.

Cette disposition s’entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu’à décharge, et sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

2. Les Etats membres veillent à ce que tout doute quant à la question de la culpabilité profite au suspect ou à la personne poursuivie, y compris lorsque la juridiction apprécie si la personne concernée doit être acquittée ».

Le considérant 22 de la Directive dispose :

« La charge de la preuve pour établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies repose sur l’accusation, et tout doute devrait profiter au suspect ou à la personne poursuivie. La présomption d’innocence serait violée si la charge de la preuve était transférée de l’accusation à la défense, sans préjudice des éventuels pouvoirs d’office du juge en matière de constatation des faits, ou de l’indépendance de la justice dans l’appréciation de la culpabilité du suspect ou de la personne poursuive, ou du recours à des présomptions de fait ou de droit concernant la responsabilité pénale du suspect ou de la personne poursuivie. De telles présomptions devraient être enserrées dans des limites raisonnables, prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense, et les moyens employés devraient être raisonnablement proportionnés au but légitime poursuivi.

Ces présomptions devraient être réfragables et, en tout état de cause, ne devraient être utilisées que si les droits de la défense sont respectés ».

Les questions préjudicielles sont de la teneur suivante :

« L’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence, doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » « L’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption 28 d'innocence, doit-il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » Sur la première branche du premier moyen Le demandeur en cassation admet que le grief tiré de la violation de la présomption d’innocence ne porte pas sur le traitement qui lui a été réservé dans le cadre du procès pénal.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est inopérant.

Sur la seconde branche du premier moyen et le deuxième moyen de cassation réunis La seconde branche du premier moyen et le deuxième moyen de cassation ont trait à la présomption d’innocence en tant que règle relative à l’administration de la preuve, notamment en ce qui concerne le principe suivant lequel la partie poursuivante supporte la charge de la preuve.

Le demandeur en cassation fait valoir que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal en ce qu’il établirait une présomption irréfragable d’absence de consentement de l’enfant mineur âgé de moins de seize ans à tout acte de pénétration sexuelle en raison du seul critère de l’âge et en ce qu’il ne permettrait pas la preuve contraire, aurait un caractère excessif et disproportionné par rapport à l’objectif légitime du législateur de protéger les mineurs et porterait atteinte à la présomption d’innocence du prévenu.

L’article 375 du Code pénal dispose :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans.».

Il se dégage de l’article 375, alinéa 2, précité, que si l’acte de pénétration sexuelle a été commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, il n’est pas nécessaire de constater, en tant qu’élément constitutif de l’infraction, que l’enfant a été hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance. Dansce cas, la loi interdit tout acte de pénétration sexuelle sur un enfant âgé de moins de seize ans, dès lors que l’enfant, en raison de son jeune âge, de son manque de discernement et de sa vulnérabilité, est incapable de donner un consentement libre à l’acte sexuel commis sur sa personne.

Il s’ensuit que la preuve de l’absence de consentement de l’enfant âgé de moins de seize ans n’a pas besoin d’être rapportée.

Ce faisant, le législateur ne facilite pas la preuve du défaut de consentement de l’enfant victime, mais définit, de manière claire et prévisible pour l’auteur des comportements incriminés, une interdiction absolue de tout acte de pénétration sexuelle sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, nonobstant l’existence de son consentement éventuel.

Les droits de la défense de la personne accusée d’avoir commis un viol sur un enfant âgé de moins de seize ans ne sont pas pour autant violés, étant donné que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal n’établit pas de présomption concernant la responsabilité pénale du prévenu et qu’il appartient à la partie poursuivante d’établir les éléments matériels et moral du crime de viol et aux juges du fond d’apprécier les éléments de preuve à charge et à décharge du prévenu.

La présomption d’innocence invoquée par le demandeur en cassation n’est pas un principe de droit pénal matériel, mais un principe de procédure pénale qui garantit à tout prévenu d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie. Ce droit est consacré par les articles 3 et 6 de la Directive qui a pour objet de renforcer le droit du justiciable à un procès équitable dans le cadre d’une procédure pénale, en définissant des règles minimales communes concernant certains aspects de la présomption d’innocence et le droit d’assister à son procès ainsi que par les textes internationaux précités.

Eu égard aux développements qui précèdent, l’article 375, alinéa 2, du Code pénal ne méconnaît aucun des textes de droit européen ou international précités garantissant la présomption d’innocence, invoqués à l’appui des moyens.

L’interprétation des articles 3 et 6 de la Directive au regard des dispositions de l’article 375, alinéa 2, du Code pénal ne laissant place à aucun doute raisonnable quant à la question de savoir si les articles 3 et 6 de la Directive s’opposent à l’article 375, alinéa 2, précité, il n’y a pas lieu de déférer les deux questions préjudicielles formulées par le demandeur en cassation à la Cour de justice de l’Union européenne.

En retenant « Etant donné qu’hormis les infractions aux articles 379, points 1° et 2°, 383 et 384 du Code pénal, le prévenu conteste les autres infractions retenues à sa charge par les juges de première instance, à savoir les articles 372, 375 et 385-2 du Code pénal, et qu’il conteste notamment avoir eu connaissance de l’âge de C.G. au moment des faits ainsi que l’absence de consentement de ce dernier, il convient d’examiner les déclarations de C.G..

30 Les contestations du mandataire de R) au sujet de sa connaissance de l’âge du mineur C.G. au moment des faits, sont à rejeter. A cet égard, il y a lieu de se référer aux déclarations effectuées par C.G., qui déclare le 27 septembre 2016 devant les enquêteurs que : . Par ailleurs, sur question précise de l’enquêteur: , C.G.

répond: et sur autre question précise de l’enquêteur: , ce dernier déclare: . Il s’y ajoute que ces déclarations effectuées par C.G. devant la police sont corroborées par l’échange de messages qui a précédé le rendez-vous du 9 juin 2012 entre le prévenu et C.G. circonscrit dans le procès-verbal no SPJ/JEUN/52555-15 feuilles no 14 et 15.

Contrairement à ce que le mandataire du prévenu soutient, les déclarations de C.G. auprès de la police, qui sont reproduites ci-dessus et que le tribunal a correctement résumées dans son jugement, sont très claires et précises et donc crédibles.

Ensuite, il convient d’adopter la motivation des juges de première instance, tant en ce qui concerne les éléments constitutifs de l’infraction d’attentat à la pudeur (article 372 du Code pénal) qu’en ce qui concerne ceux de l’infraction de viol (article 375 alinéa 2 du Code pénal).

Plus précisément, c’est à bon droit que les juges de première instance ont retenu qu’il y avait absence de consentement dans le chef de C.G., celui-ci ayant été âgé au moment des faits de moins de seize ans, de sorte qu’il y a de manière irréfragable absence de consentement. Les juges de première instance ont encore à juste titre considéré que l’intention coupable dans le chef de R) est établie. Cette intention ne fait, en effet, pas de doute car elle découle à suffisance de la conscience d’accomplir un acte de nature sexuelle, à savoir une fellation, sur la personne de C.G. âgé de quinze ans au moment des faits.

Il est en outre établi sur base des mêmes éléments du dossier que R) a envoyé et diffusé des messages à caractère pornographique avec des propositions sexuelles à C.G., qu’il a acquis, détenu et consulté au moins une image à caractère pornographique présentant le mineur C.G., qu’il a excité, facilité et favorisé ce dernier à des rapports sexuels contre paiement, qu’il a proposé des rapports sexuels à ce dernier contre paiement et enfin que ces propositions sexuelles ont été suivies d’une rencontre le 9 juin 2012. », les juges d’appel ont examiné les éléments constitutifs du crime de viol commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, dont l’intention coupable du prévenu, c’est-à-dire la conscience d’accomplir l’acte de nature sexuelle sur ledit enfant.

En confirmant les juges de première instance qui avaient retenu l’infraction de viol commise par le demandeur en cassation sur le mineur C.G., les juges d’appel n’ont violé ni le principe de la présomption d’innocence, ni celui selon lequel la charge de la preuve repose sur l’accusation.

Il s’ensuit que le premier moyen, pris en sa seconde branche, et le deuxième moyen ne sont pas fondés.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de la Convention européenne des droits de l’homme - Violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un recours effectif IV.A. Base légale Attendu que le présent moyen est basé sur la violation de l’article 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, lequel dispose :

Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. » Dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel Attendu que les dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel figurent :

D’une part dans les motifs de la décision entreprise, à la page 96 :

du prévenu ont été reproduites par le tribunal dans son jugement et il y a lieu de s'y référer.

D'emblée, il importe de relever que les traités instituant l'Union européenne, ainsi que le droit européen qui en découle créent un ordre juridique applicable aux ressortissants des Etats membres et s'imposent aux législateurs nationaux, y compris en droit pénal. Lorsqu'une infraction consiste dans la violation d'une Directive européenne, le texte européen doit être interprété. Le juge national doit alors surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande d'interprétation.

Plus précisément, la procédure instituée à l'article 267 du TFUE est un instrument de coopération entre la Cour de justice de l'Union européenne et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d'interprétation du droit de l'Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu'elles sont appelées à trancher.

32 En l'occurrence, la demande de renvoi préjudiciel, devant le Tribunal de l'Union européenne, sinon devant la Cour de justice de l'Union européenne, ne répond pas à ces exigences. En effet, l'auteur de la demande de renvoi préjudiciel n'indique pas la nécessité d'une interprétation du droit de l'Union qui soit utile pour le juge national. » Et d’autre part dans le dispositif de l’arrêt de la Cour, à la page 109 :

européenne des droits de l'homme et de la violation de la Directive (UE) 2016/343 et dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union Européenne ; » IV.C. Exposé du moyen et griefs Attendu que deux questions préjudicielles ont été formulées comme suit en instance d’appel, par le présent demandeur en cassation et sont reproduite en page 4 de l’arrêt de la Cour :

Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d 'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, en ce sens que l'article 375 alinéa 2 du Code pénal édicte une présomption irréfragable d'absence de consentement qui pourrait être considérée comme contraire au principe de la présomption d'innocence garanti par la directive.

Deuxièmement :

L'article 375 alinéa 2 du Code pénal est-il conforme à l'article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d 'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales , en ce sens que l'article 375 alinéa 2 du Code pénal édicte une présomption irréfragable d'absence de consentement qui pourrait être considérée comme contraire aux principes suivant lesquels la charge de la preuve pèse sur le Ministère Public, et que tout doute sur la culpabilité doit profiter à la personne poursuivie, garantis par la directive. » Mais attendu qu’en refusant de faire droit à la demande de question préjudicielle, par confirmation de la décision de première instance qui avait également refusé de faire droit à cette demande, la Cour d’appel a privé le demandeur en cassation de la seule voie de recours lui permettant de faire contrôler de manière effective la conformité du droit interne luxembourgeois, en l’espèce de l’article 375 paragraphe 2 du Code pénal, aux principes de présomption d’innocence, de charge de la preuve pesant sur l’accusation et de doute profitable à l’accusé, garantis par la norme supérieure qu’est la Directive (UE) 2016/343.

33 Et alors que le demandeur en cassation, a formellement invoqué tant en première instance qu’en instance d’appel, la non conformité du droit interne sur ces points, à la norme supérieure qu’est la Directive (UE) 2016/343.

Que ce mécanisme de la question préjudicielle est en effet un mécanisme efficace pour la protection des intérêts du demandeur en cassation, dans la mesure où il permet de vider la question de la conformité de la norme nationale à la norme supérieure, avant que la juridiction saisie du fond n’ait définitivement tranché le litige.

Que ce mécanisme s’imposait pourtant d’autant plus au juges du fond dans le système de droit adopté par législateur luxembourgeois, ainsi que cela ressort très clairement des débats lors des travaux parlementaires sur la transposition en droit interne de la Directive (UE) 2016/343, législateur qui a fait le choix de ne pas inscrire ces principes dans le droit interne en se reposant entièrement sur les normes de droit international ayant primauté sur l’ordre interne, pour garantir leur respect et leur mise en œuvre effective.

projet de loi sous rubrique par la Chambre des Députés. Selon l’orateur, une telle adoption n’empêche aucunement, par la suite, un débat approfondi sur le respect de la présomption d’innocence et sur le respect du principe du délai raisonnable.

L’orateur énonce que le délai de transposition de la directive 2016/343 est échu, de sorte qu’il convient de se mettre rapidement en conformité avec les exigences de ladite directive. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que le texte du projet de loi sous rubrique a été avisé favorablement par le Conseil d’Etat.

Madame la Présidente-Rapportrice appuie cette proposition.

Un membre du groupe politique DP s’interroge sur l’opportunité de reprendre, dans le rapport de la commission parlementaire, les débats menés au sujet de la transposition de la directive 2016/343 dans le rapport sur le projet de loi sous rubrique.

Un membre du groupe politique CSV prend acte de ces déclarations émises par Monsieur le Ministre de la Justice et estime qu’on ne saurait invoquer valablement dans ce cas l’échéance du délai de transposition de la directive 2016/343, alors que le projet de loi sous rubrique portant transposition de ladite directive n’a été déposé que tardivement par le Gouvernement. Aux yeux de l’orateur, une multitude d’arguments plaide en faveur de mener l’instruction parlementaire dans le calme et en toute sérénité.

Madame la Présidente-Rapportrice préconise une adoption rapide du projet de loi sous rubrique et renvoie à l’avis du Conseil d’Etat qui n’a pas soulevé de critiques majeures dans le cadre de son avis y relatif.

34 Un membre du groupe politique CSV donne à considérer que les matières juridiques dans lesquelles le législateur est amené à intervenir deviennent de plus en plus complexes. A titre d’exemples non limitatifs, l’orateur renvoie à la réglementation applicable à la protection des données ou encore à celle applicable à la lutte contre le blanchiment d’argent. Il y a lieu de signaler que les risques d’interférences et de contrariétés entre des textes de lois en vigueur ne sont pas négligeables. L’orateur est d’avis qu’il y a lieu de mener un travail de réflexion approfondi en matière de respect du principe de la présomption d’innocence, avant de légiférer en la matière.

Commission juridique - Procès-verbal de la réunion du 18 juillet 2018 :

Page 2/18 : Echanges de vues relatifs au projet de loi 7320 :

Un membre du groupe politique CSV renvoie aux observations du Conseil d’Etat, soulevées dans le cadre de son avis du 10 juillet 2018, qui s’interroge sur la nécessité de légiférer en la matière et estime qu’il « […] est satisfait au requis de la directive si la sauvegarde des droits en cause est assurée, avec une certitude suffisante, dans l’ordre juridique national, sans que les droits doivent être expressément repris, dans les mêmes termes, dans la loi nationale ».

Par ailleurs, l’orateur s’interroge si l’esprit de la directive a été correctement transposé par la loi en projet et donne à considérer que le terme d’ doit être interprété au sens large, et ne se limite pas uniquement aux autorités judiciaires.

La représentante du Ministre de la Justice explique que la directive 2016/343 est nécessaire pour apporter une certaine harmonisation au niveau des Etats membres des législations nationales régissant le respect de la présomption d’innocence.

A noter que le droit la législation nationale est d’ores et déjà en grande partie conforme aux exigences de la directive. Ainsi, même en l’absence de texte général propre garantissant le droit à la présomption d’innocence, le respect de ce principe, prévu à l’article 3 de la directive, est garanti par le biais de l’application directe en droit interne de la Convention européenne des droits de l’homme. » Que dès lors, un contrôle de la conformité de la loi luxembourgeoise à ces principes fondamentaux du droit pénal n’est pas possible par rapport à une norme nationale, puisque le législateur ne les y a, en toute conscience, pas inscrits.

Attendu qu’il est dès lors tout à fait contradictoire avec la volonté du législateur, que les juges du fond refusent de saisir la juridiction compétente, en l’espèce la Cour de justice de l’Union, de questions préjudicielles directement liées au cas d’espèce soumis à leur examen, questions portant sur la conformité du droit national au droit de l’Union, alors que le législateur s’est entièrement basé sur les textes internationaux pour assurer la mise en œuvre effective des principes invoqués par le demandeur en cassation, dans son ordre interne dans lequel il n’a pas transposé ces principes.

35 Que dès lors, et du fait de ce refus des juges du fond de faire droit aux demande de questions préjudicielles, il en résulte que le demandeur en cassation a été privé d’un recours effectif en droit interne au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, quant aux violations alléguées.

Que pour autant que de besoin, il ne fait pas de difficulté que le mécanisme de la question préjudicielle étant exclusivement possible pour le requérant par l’intermédiaire de son juge national, dans le cadre d’un litige pendant devant une juridiction nationale, ce recours est à bien à considérer comme un recours en droit interne au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que ce faisant, la Cour d’appel a violé le droit de Monsieur R) à disposer d’un recours effectif tel que garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Que l’arrêt entrepris encourt dès lors la cassation sur ce point. ».

Réponse de la Cour Il est fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le droit du demandeur en cassation à un recours effectif tel que garanti par l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ayant rejeté sa demande tendant à saisir la Cour de justice de l’Union européenne des deux questions préjudicielles en interprétation des articles 3 et 6 de la Directive.

Au vu de la réponse donnée aux deux premiers moyens, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Violation de l’article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme - Droit à un procès équitable - Droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable -

Absence de réparation effective V.A. Base légale Attendu que le présent moyen est basé sur la violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, lequel dispose :

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de 36 caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] » V.B. Dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel Attendu que les dispositions critiquées de l’arrêt de la Cour d’appel figurent :

D’une part dans les motifs de la décision entreprise, aux pages 105 et 106 :

base des articles 61 et 62 du Code pénal, que la fourchette de la peine encourue par R) se situe entre 10 et 15 ans de réclusion criminelle. » instance, en application des articles 73 et 74 du Code pénal, est donc légale.

Quant à la peine, d'une part, la gravité et la multiplicité des faits et, d'autre part, les circonstances atténuantes consistant dans les aveux, l'absence d'antécédents judiciaires et les regrets paraissant sincères que le prévenu a exprimés, ensemble le dépassement du délai raisonnable, justifient de maintenir la peine de réclusion de huit ans, qui a été assortie d'un sursis probatoire intégral quant à son exécution. » D’autre part dans le dispositif de la décision entreprise, à la page 110 :

V.C. Exposé du moyen et griefs Attendu que le demandeur au pourvoi critique l’arrêt entrepris, bien évidemment non pas en ce qu’il a à bon droit, reconnu le principe d’un dépassement du délai raisonnable ce qui est favorable au demandeur en cassation, mais pour n’avoir pas réparé cette violation pourtant dûment constatée, d’une manière qui puisse être considérée comme réelle et effective et non pas simplement théorique et illusoire.

Attendu en effet, que rien ne permet dans la décision entreprise, de vérifier si le dépassement du délai raisonnable a bien été réparé de manière réelle et effective.

Attendu que la Cour d’appel base sa décision quant à la peine à prononcer, peine dont la fourchette se situe entre dix et quinze années de réclusion criminelle, en premier lieu sur les circonstances atténuantes consistant dans les aveux, dans l'absence d'antécédents judiciaires et dans les regrets paraissant sincères que le prévenu a exprimés.

Attendu que la Cour ajoute à cela le dépassement du délai raisonnable, pour justifier le maintien de la peine de huit années de réclusion assortie du sursis intégral, prononcée en première instance.

37 Mais attendu cependant que rien dans cette motivation ne permet de contrôler qu’il y a eu prise en compte et réparation réelle et effective du dépassement du délai raisonnable par les juridictions du fond.

Qu’il convient de rappeler ici que la réparation ici admise pour le dépassement du délai raisonnable, est une diminution du quantum de la peine prononcée, dans la mesure où le dépassement sanctionné n’a pas empêché de manière totale l’exercice des droits de la défense.

Mais attendu cependant, que les circonstances atténuantes retenues par la Cour d’appel dans son arrêt, et consistant dans les aveux du prévenu, dans l'absence d'antécédents judiciaires et dans les regrets paraissant sincères que le prévenu a exprimés, sont à elles seules des éléments suffisants pour justifier la diminution de peine prononcée par les juges du fond.

Que par conséquent, il n’est pas établi et il n’est surtout pas possible de vérifier que le dépassement du délai raisonnable, bien que dûment constaté, ait été pris en compte de manière réelle et effective lors de la fixation du quantum de la peine.

Attendu toutefois que, dans un arrêt N° 60 / 2020 pénal du 30.04.2020 Not.

20339/11/CD Numéro CAS-2019-00068 du registre, Votre Cour a jugé comme suit, en page 6 de l’arrêt visé (Pièce de Me LANOUE No 5) :

au niveau de la peine à prononcer à l'encontre du prévenu et à le sanctionner par un allègement de telle peine à prononcer contre le prévenu." doit être réelle et effective, et non pas théorique et illusoire.

Que la sanction du dépassement du délai raisonnable doit être quantifiable et mesurable, afin que la personne condamnée puisse avoir la pleine mesure de la réparation qui lui a été accordée quant au dépassement du délai raisonnable qu'elle a subi.

Que le jugement de première instance auquel se réfère la Cour d'appel, ne contient pas d'avantage d'éléments permettant à la personne condamnée d'avoir la pleine mesure de la réparation qui lui a été accordée quant au dépassement du délai raisonnable qu'elle a subi.

Qu'en se prononçant comme ils l'ont fait, les juges d'appel n'ont dès lors pas de manière réelle et effective, réparés la violation du dépassement du délai raisonnable subi par X.

Que l’arrêt entrepris encourt dès lors la cassation. ».

Sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des conséquences à tirer de la constatation d’un dépassement du délai raisonnable, d’une part, sur la recevabilité des poursuites et, d’autre part, sur la peine à 38 prononcer, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation. » Mais attendu par ailleurs que la Cour européenne des droits de l’homme applique le principe de l’effectivité aux droits garantis par la Convention.

Qu’il est ainsi rappelé dans le précis publié sur le site de la Cour européenne des droits de l’homme (Pièce de Me LANOUE No 6) : :

interprétation téléologique. La Cour essaie de conférer des effets pratiques découlant de l’objet de cette disposition en vue de protéger des droits concrets et effectifs (principe de l’effectivité), plutôt que théoriques et illusoires (Sakhnovskiy c. Russie [GC], paragraphes 99 à 107). Cette interprétation non littérale et contextuelle de l’article 6 explique que le droit d’accès à un tribunal (Golder c. Royaume-Uni, paragraphes26 à 40), le droit à l’exécution d’un jugement (Hornsby c. Grèce, paragraphes 40 à 45) et le droit à la reconnaissance du caractère définitif d’une décision de justice (Brumărescu c. Roumanie, paragraphes 60 à 65) aient été déduits des exigences implicites (et non de la lettre) de cette disposition.

Qu’il résulte de ce principe de l’effectivité, que Votre Cour, en sa qualité de juge européen suprême au niveau national, doit exercer son contrôle de l’application réelle et effective des droits garantis par la Convention.

Que la jurisprudence susvisée (arrêt Cass. N° 60 / 2020 pénal du 30.04.2020 Not. 20339/11/CD Numéro CAS-2019-00068 du registre) est en opposition avec le principe de l’effectivité du droit européen, tel qu’il a été défini par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Que Votre Cour doit nécessairement pouvoir, à la lumière de ce principe d’effectivité du droit européen, et dans les strictes limites de son pouvoir de contrôle de la légalité, et sans s’engager sur un examen au fond, vérifier l’effectivité de la mise en œuvre du droit européen par les juridictions du fond.

Qu’à défaut de ce faire, la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg s’exposerait au risque de se voir considérée comme une voie de recours non effective, au sens de la règle de l’épuisement des voies de recours interne préalablement à la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme, puisque les violations alléguées des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme échapperaient au contrôle de la Cour de cassation, pour relever exclusivement du pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond.

Que cependant, l’exigence de l’épuisement des voies de recours interne comme condition de recevabilité d’une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme inscrite à l’article 35 § 1 de la Convention, ne s’applique qu’aux voies 39 de recours considérées comme réelles et effectives, et non pas théoriques et illusoires.

Article 35 § 1 de la Convention - Conditions de recevabilité 1. La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus (…) » Que les voies de recours dont l’épuisement est exigé doivent ainsi exister et être appropriées :

Guide pratique sur la recevabilité, 4è édition (2017), page 22/86, paragraphe 72 : (Pièce de Me LANOUE No 7) 72. Les requérants sont uniquement tenus d’épuiser les voies de recours internes disponibles - qu’ils peuvent directement engager eux-mêmes - et effectives tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qui étaient accessibles, susceptibles de leur offrir le redressement de leurs griefs et présentaient des perspectives raisonnables de succès (Sejdovic c. Italie [GC], § 46 ; Paksas c. Lituanie [GC], § 75 ; voir aussi l’affaire S.A.S. c. France [GC], § 61, où la Cour s’exprime surabondamment au sujet des perspectives de succès d’un pourvoi en cassation sur le fondement d’une violation de l’article 9 de la Convention). » Que les voies de recours dont l’épuisement est exigé doivent encore être accessibles et effectives :

paragraphe 76 : (Pièce de Me LANOUE No 7) 76. Les recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie. Pour apprécier le fait qu’une voie de recours particulière satisfait ou non à la condition d’accessibilité et d’effectivité, il convient de tenir compte des circonstances particulières de l’affaire concernée. La jurisprudence nationale doit être suffisamment consolidée dans l’ordre juridique national. Ainsi, la Cour a pu estimer que le recours à une juridiction supérieure perd son caractère "effectif" du fait des divergences jurisprudentielles au sein de cette juridiction, et ce tant que ces divergences continuent d’exister (Ferreira Alves c. Portugal (n° 6), §§ 28-29). » Attendu dès lors que la conséquence inhérente au choix de maintenir une telle jurisprudence consistant à ne pas contrôler l’effectivité de la mise en œuvre de la norme européenne par le juge du fond, est qu’un requérant pourrait valablement saisir la Cour européenne des droits de l’Homme sans avoir besoin de s’adresser au préalable à la Cour de cassation luxembourgeoise, ce qui serait certainement une situation fort peu satisfaisante.

Qu’il y a donc lieu pour Votre Cour, de s’assurer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de contrôle de la bonne application du droit, que la juridiction du fond a mis en œuvre de manière effective les droits garantis par la Convention européenne, ou a sanctionné de manière effective la violation de ces droits garantis.

Que s’il n’appartient pas à la Cour de cassation de mettre elle même en œuvre la norme, ou d’appliquer elle-même la sanction de la violation de la norme, pas plus 40 qu’il ne lui appartient de s’immiscer dans le choix du juge du fond entre l’une ou l’autre solution offerte à titre de réparation d’une violation, pouvoirs qui relèvent effectivement du seul juge du fond, il entre en revanche dans le pouvoir de Votre Cour de contrôler que le juge du fond a effectivement mis en œuvre ou effectivement sanctionné la violation d’un droit garanti par la Convention.

Attendu qu’il y a dès lors lieu pour Votre Cour de contrôler si le dépassement du délai raisonnable a été réparé de manière effective par la juridiction du fond.

Et attendu qu’en l’espèce il n’est pas possible, pour les motifs développés ci-

dessus, pour Votre Cour d’exercer son contrôle sur l’effectivité de cette réparation.

Que l’arrêt entrepris encourt dès lors la cassation. ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait valoir que la motivation de la décision de la Cour d’appel ne lui permet pas de vérifier si, en l’espèce, le dépassement du délai raisonnable, bien que dûment constaté, a été pris en compte de manière réelle et effective lors de la fixation du quantum de sa peine.

Sous le couvert du grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des conséquences à tirer du dépassement du délai raisonnable sur la peine à prononcer, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère Public étant liquidés à 6,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, qui, à l’exception du conseiller Serge THILL, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation R) en présence du Ministère Public (n° CAS-2021-00017 du registre)

________________________________________________________________________

Par déclaration faite le 8 mars 2021 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, forma un recours en cassation, limité au volet pénal de l’affaire, au nom et pour le compte de R), contre un arrêt rendu le 9 février 2021 sous le numéro 4/21 Ch. Crim. par la Cour d’appel, siégeant en matière criminelle.

Cette déclaration de recours fut suivie en date du 8 avril 2021 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de R).

Le pourvoi respecte le délai d’un mois courant à partir du prononcé de la décision attaquée dans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi du 18 février 1885, dans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.

Le pourvoi est donc recevable.

Faits et rétroactes :

Par jugement LCRI n° 44/20 du 30 juillet 2020 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière criminelle, R) a été condamné, duchef d’infractions aux articles 375, alinéa 2, (viol sur la personne d’un mineur de moins de 16 ans), 379, point 1°, (excitation à la débauche, à la corruption ou à la prostitution d’un mineur), 379, point 2°, (recours à un mineur à des fins de prostitution), 383 (diffusion de messages à caractère violent, pornographique ou gravement attentatoire à la dignité humaine, susceptibles d’être vus ou perçus par un mineur), 384 (détention de pédopornographie) et 385-2 (propositions sexuelles à un mineur de moins de 16 ans) du Code pénal, à une peine de réclusion criminelle de 8 ans, assortie du sursis probatoire intégral, avec l’obligation de se soumettre à un traitement psychologique de type psychothérapie, à la destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics, ainsi qu’à une interdiction, pendant dix ans, des droits énumérés à l’article 11 du Code pénal. De plus, il a été condamné à payer différentes sommes aux parties civiles.

Sur appel des parties civiles, du procureur d’Etat de Luxembourg et de R), la Cour d’appel, chambre criminelle a, par un arrêt n°4/21 Ch. Crim. rendu le 9 février 2021, tout en modifiant le jugement entrepris sur quelques points mineurs, confirmé la peine de réclusion criminelle de 8 ans, assortie du sursis probatoire intégral, et y a ajouté une interdiction à vie de l’exercice d’une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs. Par ailleurs, les sommes allouées aux parties civiles ont été modifiées en ce qui concerne certains aspects du préjudice subi.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant aux moyens de cassation :

Le mémoire en cassation contient quatre moyens de cassation.

Les trois premiers moyens ont tous trait au même volet de l’affaire, à savoir le viol du chef duquel l’actuel demandeur en cassation a été condamné pour l’avoir commis sur la personne du mineur désigné comme C.G., âgé de moins de 16 ans au moment des faits. A cet égard, le prévenu avait demandé aux juges du fond, tant en première instance qu’en appel, de poser deux questions préjudicielles au Tribunal, sinon à la Cour de Justice de l’Union Européenne, en relation avec l’article 375, alinéa 2, du Code pénal. Ces demandes ont toutefois été rejetées.

Le quatrième moyen concerne la question de la réparation de la violation du délai raisonnable retenue par les juges du fond.

Quant aux premier et deuxième moyens de cassation réunis:

tirés :

44 - le premier de la violation de la présomption d’innocence, droit garanti par l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, et encore garanti par l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme, par l’article 48§1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par l’article 14§2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et principe à valeur de principe général du droit - le deuxième de la violation du principe selon lequel l’accusation supporte la charge de la preuve, droit garanti par l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, et découlant encore de l’article 6§2 de la Convention européenne des droits de l’Homme Les premier et deuxième moyens de cassation reprochent à la Cour d’appel d’avoir violé tant le principe de la présomption d’innocence que celui selon lequel la charge de la preuve incombe à l’accusation, garantis par les articles 3 et 6 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, en condamnant le demandeur en cassation du chef de viol commis sur la personne d’un mineur âgé de moins de 16 ans, infraction prévue par l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, sans avoir au préalable déféré deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).

Le demandeur en cassation réitère lesdites questions, quoique dans des termes différents, et demande à Votre Cour de les poser avant tout autre progrès en cause.

Le problème soulevé par le demandeur en cassation peut se résumer en substance ainsi :

Selon l’article 375, alinéa 2, du Code pénal « Est réputé viol en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans. » Le demandeur en cassation estime que cette disposition légale, en ce qu’elle présumerait de manière irréfragable l’absence de consentement à tout acte de pénétration sexuelle lorsqu’il est commis sur la personne d’un mineur âgé de moins de 16 ans, porterait atteinte à la présomption d’innocence ainsi qu’au principe que la charge de la preuve repose sur la partie poursuivante. En effet, une telle présomption irréfragable d’absence de consentement ne serait ni limitée à un degré raisonnable, ni proportionnée par rapport au but légitime recherché, à savoir la protection des enfants âgés de moins de 16 ans.

Il fonde son moyen sur la violation des articles 3 et 6 de la Directive (UE) 2016/343 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence. Etant donné que ce texte de droit européen consacre les principes sus-énoncés, il se poserait une question d’interprétation de ces normes au regard de la présomption irréfragable instituée parl’article 375, alinéa 2, du Code pénal luxembourgeois, de sorte qu’il y aurait lieu de saisir la CJUE de deux questions préjudicielles y relatives.

Quant à la recevabilité des deux moyens :

Les développements quant au premier moyen de cassation analysent de manière détaillée la question de savoir si les dispositions citées au moyen peuvent servir de fondement à un moyen de cassation. Il est en effet légitime de s’interroger à cet égard, puisqu’il est de principe qu’à priori, les dispositions d’une directive européenne ne sont pas directement applicables, mais doivent être transposées via des textes de loi internes afin de faire partie du droit positif de chaque Etat membre de l’Union Européenne. Ce n’est que si une directive n’a pas été transposée dans le délai imparti et à condition que la disposition en cause soit suffisamment précise, claire et inconditionnelle que son effet direct peut être invoqué par un justiciable1.

Les deux dispositions de la Directive (UE) 2016/343 sont rédigées dans les termes suivants :

- article 3 : « Les Etats membres veillent à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie. » - article 6 : « 1. Les Etats membres veillent à ce que l’accusation supporte la charge de la preuve visant à établir la culpabilité des suspects et des personnes poursuivies. Cette disposition s’entend sans préjudice de toute obligation incombant au juge ou à la juridiction compétente de rechercher des éléments de preuve tant à charge qu’à décharge, et ce sans préjudice du droit de la défense de présenter des éléments de preuve conformément au droit national applicable.

2. Les Etats membres veillent à ce que tout doute quant à la question de la culpabilité profite au suspect ou à la personne poursuivie, y compris lorsque la juridiction apprécie si la personne concernée doit être acquittée. » Cette Directive a été transposée en droit luxembourgeois interne par une loi du 10 août 2018. Les auteurs dudit texte ont fait le choix de ne pas intégrer ces deux principes de manière directe dans le Code de procédure pénale, respectivement dans le Code pénal, en rappelant qu’il s’agit de principes généraux du droit, directement applicables en ce qu’ils sont consacrés par différents textes supranationaux, tels que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales2.

Même si l’on pourrait donc se demander si les articles 3 et 6 de la Directive en cause sont suffisamment précis, clairs et inconditionnels pour être revêtus d’un effet direct, la 1 CJUE 4 décembre 1974, Van Duyn 2 Travaux parlementaires n°7320, Exposé des motifs, considérations générales, pages 5 et 6soussignée estime qu’étant donné qu’il s’agit de principes généraux du droit d’une importance fondamentale, reconnus par des juridictions supranationales, notamment la CJUE ainsi que la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), et formellement consacrés par des textes internationaux s’imposant dans notre système de droit interne, ils doivent pouvoir servir de fondement à un moyen de cassation.

Les premier et deuxième moyens de cassation sont dès lors à considérer comme étant recevables.

Quant aux questions préjudicielles proposées :

L’actuel demandeur en cassation a sollicité dès la première instance que les juges du fond défèrent aux juridictions de l’Union Européenne deux questions préjudicielles, formulées dans les termes suivants :

« Premièrement :

L’article 375 alinéa 2 du Code pénal est-il conforme à l’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, en ce sens que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal édicte une présomption irréfragable d’absence de consentement qui pourrait être considérée comme contraire au principe de la présomption d’innocence garanti par la directive.

Deuxièmement :

L’article 375 alinéa 2 du Code pénal est-il conforme à l’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, en ce sens que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal édicte une présomption irréfragable d’absence de consentement qui pourrait être considérée comme contraire aux principes suivant lesquels la charge de la preuve pèse sur le Ministère Public, et que tout doute sur la culpabilité doit profiter à la personne poursuivie, garantis par la directive. » A la lecture de ces deux questions préjudicielles, on constate qu’elles étaient rédigées de manière à demander aux juges européens non pas une interprétation du droit européen, mais à leur soumettre un examen de la conformité d’une norme de droit interne luxembourgeois par rapport à des dispositions issues d’une Directive.

Ainsi, elles ont été rejetées comme non pertinentes pour la solution du litige par les juges de première instance, « dès lors qu’il n’appartient pas à la CJUE de se prononcer, dans le cadre d’une question préjudicielle sur la compatibilité de dispositions du droit national avec les règles de droit de l’Union. Elle est en effet seulement compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant de ce droit qui peuvent 47 permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie. »3.

La Cour d’appel y a ajouté, dans un même ordre d’idées : « D’emblée, il importe de relever que les traités instituant l’Union européenne, ainsi que le droit européen qui en découle créent un ordre juridique applicable aux ressortissants des Etats membres et s’imposent aux législateurs nationaux, y compris en droit pénal. Lorsqu’une infraction consiste dans la violation d’une Directive européenne, le texte européen doit être interprété. Le juge national doit alors surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une demande d’interprétation.

Plus précisément, la procédure instituée à l’article 267 du TFUE est un instrument de coopération entre la Cour de justice de l’Union européenne et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher.

En l’occurrence, la demande de renvoi préjudiciel, devant le Tribunal de l’Union européenne, sinon devant la Cour de justice de l’Union européenne, ne répond pas à ces exigences. En effet, l’auteur de la demande de renvoi préjudiciel n’indique pas la nécessité d’une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national. »4 Dans la présente instance de cassation, la partie demanderesse réitère les questions préjudicielles, mais elle les articule de manière différente :

« L’article 3 de la Directive (UE) 2016/343 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, doit-

il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » et « L’article 6 de la Directive (UE) 2016/343 du parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence, doit-

il s’interpréter en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale telle que l’article 375 alinéa 2 du Code pénal en cause au principal, qui édicte une présomption irréfragable de l’un des éléments constitutifs d’un crime, en l’espèce l’interdiction légale absolue de 3 Jugement du 30 juillet 2020, tel que reproduit à l’arrêt attaqué, page 11, alinéa 10 4 Arrêt attaqué, page 96, alinéas 5 à 7fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge, alors même que les éléments de l’espèce ne permettent pas d’établir cet élément constitutif autrement que par le recours à cette présomption. Présomption que l’accusé n’est par ailleurs pas autorisé à renverser au regard de son caractère irréfragable. » Les deux questions préjudicielles tendent donc dorénavant, contrairement à leur formulation devant les juges du fond, à l’interprétation de normes de droit européen, tel que le prévoit l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) au regard d’une règle de droit interne susceptible de s’y heurter.

Il se dégage de la jurisprudence de la CJUE que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne doit déférer à son obligation de saisir la Cour d’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union soulevée devant elle, à moins que celle-ci ne constate que cette question n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou encore que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable5.

Votre Cour, en ce qu’aucune voie de recours de droit interne n’est prévue contre Vos décisions, se trouve donc soumise à une obligation de saisir la CJUE d’une question préjudicielle dès lors qu’une question d’interprétation du droit de l’Union se pose devant Vous. Vous ne pouvez décider de ne pas poser de question préjudicielle que dans l’une des trois hypothèses sus-énoncées.

En l’espèce, il ne semble pas que la CJUE ait déjà été saisie d’une question similaire, même si des législations d’autres Etats membres de l’Union prévoient des dispositions comparables en matière d’abus sexuels commis sur des mineurs6. De même, l’interprétation correcte du droit de l’Union, à savoir des articles 3 et 6 de la Directive (UE) 2016/343 ne s’impose pas non plus avec une évidence absolue.

Reste donc à savoir si les questions proposées sont pertinentes pour la solution du litige.

La réponse à cette question est négative.

5 CJUE 6 octobre 1982, Cilfit ; CJUE 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management e Catania Multiservizi 6 Voir, p.ex. en Belgique : article 375 « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, constitue le crime de viol. (…) Est réputé viol à l’aide de violences tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quatorze ans accomplis. (…) » D’autres Etats membres de l’UE prévoient des mécanismes similaires, mais avec des limites d’âge différentes : Espagne (12 ans), Allemagne (14 ans), Danemark (15 ans) (Dalloz, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, « Le consentement des mineurs victimes d’infractions sexuelles » 2011/4 n°4, pages 817-824)En effet, le demandeur en cassation argumente que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, en ce qu’il instituerait une présomption irréfragable quant à un élément constitutif d’un crime, en l’occurrence celle de l’absence de consentement à un acte de pénétration sexuelle dans le chef d’un mineur âgé de moins de 16 ans accomplis, porterait atteinte à la présomption d’innocence ainsi qu’au principe que la charge de la preuve repose sur l’accusation, puisque la personne poursuivie serait privée de son droit de s’exonérer de cette présomption, en rapportant la preuve du contraire.

Or, ce raisonnement repose sur la prémisse que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal prévoit une présomption irréfragable.

Il est vrai que selon la jurisprudence de la CJUE, de même que celle de la CEDH, les présomptions en matière pénale posent problème, surtout celles qui sont de nature irréfragable7, les deux juridictions s’adonnant toujours à une appréciation in concreto des éléments de la cause, mais exigeant que la présomption soit enserrée dans des limites raisonnables et analysant le caractère proportionné de l’atteinte aux droits de la défense par rapport au but légitime poursuivi.

Il est également vrai que la jurisprudence luxembourgeoise, lorsqu’elle applique l’article 375 en question, fait toujours référence à une telle présomption dans le cadre de l’analyse de l’un des éléments constitutifs du crime de viol, à savoir l’absence de consentement.

En l’occurrence, les magistrats d’appel ont mené le raisonnement suivant par rapport au crime de viol reproché à l’actuel demandeur en cassation en relation avec le mineur désigné comme C.G. :

« Ensuite, il convient d’adopter la motivation des juges de première instance, tant en ce qui concerne les éléments constitutifs de l’infraction d’attentat à la pudeur (article 372 du Code pénal) qu’en ce qui concerne ceux de l’infraction de viol (article 375 alinéa 2 du Code pénal).

Plus précisément, c’est à bon droit que les juges de première instance ont retenu qu’il y avait absence de consentement dans le chef de C.G., celui-ci ayant été âgé au moment des faits de moins de seize ans, de sorte qu’il y a de manière irréfragable absence de consentement8. Les juges de première instance ont encore à juste titre considéré que l’intention coupable dans le chef de R) est établie. Cette intention ne fait, en effet, pas de doute car elle découle à suffisance de la conscience d’accomplir un acte de nature sexuelle, à savoir une fellation, sur la personne de C.G. âgé de quinze ans au moment des faits. »9 7 CJCE 16 juillet 1998, Imperial Chemical Industries plc c. Kenneth Hall Colmer; CJUE 8 mars 2017, Euro Park Service c. Min. (en matière de fraude fiscale) ; CEDH, 7 octobre 1989 Salabiaku c. France, 8 janvier 2013, Willcox et Hurford c. R.U.

A noter toutefois que la CJUE a admis le mécanisme d’une présomption irréfragable en matière d’évasion fiscale vers des pays tiers (CJUE 28 octobre 2010, Etablissements Rimbaud SA) 8 Souligné par la soussignée 9 Arrêt attaqué, page 104, alinéas 3 et 4 Toutefois, une analyse juridique approfondie de l’article 375 du Code pénal conduit à constater qu’il institue en fait un régime dualiste pour le crime de viol, à savoir selon qu’il est commis sur une personne âgée de plus de 16 ans accomplis (alinéa 1) ou sur une personne âgée de moins de 16 ans (alinéa 1).

Concernant les victimes visées à l’alinéa 1er, l’article 375 du Code pénal définit le crime de viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas, notamment à l’aide de violences ou de menaces graves, par ruse ou artifice, ou en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance, constitue un viol et sera puni de la réclusion de cinq à dix ans. » Dans cette première hypothèse, les éléments constitutifs du viol sont l’acte de pénétration sexuelle, l’intention criminelle de l’auteur ainsi que l’absence de consentement dans le chef de la victime. La preuve de cette absence de consentement doit être rapportée par la partie poursuivante. Depuis une loi du 16 juillet 201110, cette preuve est libre, les violences, menaces, ruse, artifice ou abus d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance ne devenant que des exemples énumérés de manière non exhaustive par le texte.

Quant aux victimes âgées de moins de seize ans, l’alinéa 2 de l’article 375 du Code pénal dispose : « Est réputé viol commis en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans.

Dans ce cas, le coupable sera puni de la réclusion de dix à quinze ans. » La loi précitée du 16 juillet 2011 a élevé la limite d’âge, qui était fixée auparavant à 14 ans, à 16 ans. Pour le reste, la formulation de l’alinéa 2 de l’article 375 ne date pas de cette réforme de 2011, mais a été introduite par la loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse. Dans sa version antérieure à cette loi, l’article 375 du Code pénal était rédigé de la manière suivante : « Sera puni de réclusion quiconque aura commis le crime de viol, soit à l’aide de violences ou menaces graves, soit par ruse ou artifice, soit en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer de la résistance.

Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de 14 ans accomplis, le coupable sera puni des travaux forcés de dix à quinze ans. » Avant le changement législatif de 1992, l’âge de la victime mineure ne constituait donc non pas un élément constitutif, mais seulement une circonstance aggravante de l’infraction de viol. Certes, la jurisprudence avait majoritairement décidé11 que l’absence de consentement dans le chef du mineur âgé de moins de 14 ans était présumée, mais, un arrêt de la Cour Supérieure de Justice du 11 mars 1991 avait marqué un revirement à cet égard, 10 Loi du 16 juillet 2011 portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ouverte à la signature à Lanzarote les 25-26 octobre 2006 11 Cf. p.ex. Cour 10 juin 1967, Pas.20, p.348 ; Cour 29 septembre 1962soulignant que l’âge de la victime était une circonstance aggravante et non un élément constitutif du crime de viol12. A la suite de cet arrêt, le parquet général avait réclamé un changement législatif13 en s’inspirant du législateur belge, dont le but avait été « de proclamer qu’un enfant âgé de moins de quatorze ans accomplis était incapable de consentir en connaissance de cause et que, partant, le viol commis sur un tel enfant devait toujours être considéré comme ayant eu lieu avec violences »14. Aussi bien le Conseil d’Etat que la Commission Juridique avaient estimé à l’époque qu’une telle modification s’imposait15, de sorte que l’alinéa 2 de l’article 375 a pris sa formulation actuelle, sauf à fixer la limite d’âge à 14 ans, celle de 16 ans n’ayant été introduite qu’en 2011.

Le but du législateur de l’époque était clair : il s’agissait de renforcer la protection des mineurs en-dessous de l’âge de 14 ans, en estimant qu’un enfant doit être considéré comme incapable de donner un consentement libre à un acte de pénétration sexuelle en raison de son immaturité, de son manque de discernement à mesurer les conséquences et implications d’un pareil acte, de sa fragilité psychique et du développement incomplet de sa personnalité notamment.

Le législateur a ensuite, par la loi précitée de 2011, en vertu d’un choix de société, augmenté la limite de l’âge à 16 ans accomplis sur proposition de l’Ombuds-Comité pour les Droits de l’Enfant16, en vue d’une meilleure protection des enfants, mais aussi pour harmoniser les seuils d’âge dans les différents textes pénaux qui ont tous été élevés au seuil de 16 ans et ce dans le cadre de la Convention de Lanzarote, précitée, comme âge à partir duquel il est admis qu’un jeune est capable d’émettre un consentement libre à une relation sexuelle, peu importe l’âge et le sexe du partenaire.

Ainsi, on retrouve la même limite d’âge non seulement dans l’incrimination du viol à l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, mais aussi dans une série d’autres qualifications pénales en la matière, telles que l’article 372, point 3°, du Code pénal (attentat à la pudeur commis sur un enfant âgé de moins de 16 ans) ou encore l’article 385-2 du Code pénal (propositions sexuelles faites par un majeur à un mineur de moins de 16 ans en utilisant un moyen de communication électronique ou « grooming »).

Pour ces deux infractions pénales – l’attentat à la pudeur et le grooming – la limite d’âge de 16 ans constitue un élément constitutif de l’incrimination, la question du consentement du mineur à ses actions ne se posant pas. En quelque sorte, le législateur tient pour établi qu’un mineur en-dessous de l’âge de 16 ans ne peut pas consentir valablement à de tels actes. Pour cette raison, il interdit d’office ce genre d’activité avec des enfants en-dessous de cet âge.

12 Travaux parlementaires projet de loi n°2557/5, Rapport de la Commission juridique du 18 mars 1992, ad article 45 du projet de loi 13 Avis du parquet général du 24 avril 1991 dans le cadre du projet de loi 2557 14 Rapport de la Commission juridique du 18 mars 1992, précité 15 idem 16 Tavaux parlementaires 6046-3, Avis de l’Ombuds-Comité pour les Droits de l’Enfant, p.2 et 6046-8, Rapport de la Commission Juridique, p. 9Or, la même chose vaut en réalité pour le crime de viol commis sur un mineur âgé de moins de 16 ans, le législateur ayant décidé qu’il ne peut jamais consentir à un acte de pénétration sexuelle, de sorte que ce qui est prohibé par l’article 375, alinéa 2, du Code pénal ne sont pas rapports sexuels avec un mineur de moins de seize ans qui n’y consent pas, mais des rapports sexuels avec un tel mineur tout court.

Le demandeur en cassation l’a d’ailleurs très bien compris de cette façon, en ce qu’il pose ses deux questions préjudicielles par rapport à « l’interdiction légale absolue de fournir un consentement valable à un acte de pénétration sexuelle, en raison du seul critère de l’âge » instituée par l’article 375, alinéa 2, du Code pénal.

Une présomption est une règle probatoire, un mode de raisonnement juridique en vertu duquel, de l’établissement d’un fait on induit un autre fait qui n’est pas prouvé17. La présomption est légale lorsque le législateur tire lui-même d’un fait établi un autre fait dont la preuve n’est pas rapportée18.

Or, en matière de viol sur mineur de moins de 16 ans, la question du consentement ne se pose, en réalité, même pas, le législateur ayant décidé qu’un enfant en-dessous de cette limite d’âge ne peut jamais y consentir de manière valable. Une défense basée sur l’argumentation qu’en fait, l’enfant était consentant par rapport à l’acte de pénétration sexuelle, reste ainsi sans effet.

On pourrait raisonner par analogie en ce qui concerne les infractions d’excès de vitesse dans le cadre de la circulation routière. Le législateur interdit de circuler à une vitesse supérieure à 50 km/h dans les agglomérations. La raison en est évidente : il est présumé que toute vitesse supérieure est dangereuse et susceptible de causer des accidents graves.

Le choix de fixer cette limite à 50 km/h peut paraître arbitraire, mais il se fonde sur l’expérience et les données de la science. C’est une limite qui est d’ailleurs soumise à des adaptations régulières et cela ne fait pas tellement longtemps qu’elle se situait à 60 km/h.

Mais là également, il s’agit d’une interdiction de nature absolue : il n’est pas possible de s’exonérer en prouvant qu’en l’occurrence, les circonstances factuelles étaient telles que la conduite n’était pas dangereuse, même si la vitesse était supérieure au seuil maximal fixé par le législateur. Il n’est donc pas admissible de s’exonérer vis-à-vis d’une telle interdiction absolue, sauf à invoquer éventuellement la contrainte ou l’erreur invincible.

Il en va de même pour ce qui est des relations sexuelles avec les mineurs. Le législateur a fait le choix, sur base des considérations morales, éthiques et scientifiques qui étaient admises par la société au moment de légiférer, d’interdire des relations sexuelles avec des enfants. En 1992, il avait opté pour un seuil d’âge de 14 ans, tout en élevant cette limite à 16 ans en 2011.

L’interdiction posée pour les actes de pénétration sexuelle en-dessous de l’âge de 16 ans se retrouve, de la même façon, pour d’autres actes sexuels, tels que les attouchements etc., 17 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 8ème édition 18 idemincriminés par l’article 372 du Code pénal, sous la qualification d’attentat à la pudeur. Là encore, il s’agit d’une interdiction absolue si la victime a moins de seize ans et l’âge de la victime constitue un élément constitutif de l’infraction. La question de l’absence de consentement n’est jamais analysée par la jurisprudence, alors que les deux infractions – l’attentat à la pudeur et le viol – visent des agissements similaires, à savoir des actes sexuels sur, sinon à l’aide de la personne d’un enfant de moins de 16 ans. Dans les deux cas, le législateur interdit ces actes parce qu’il a estimé qu’une victime de cet âge ne peut jamais donner un consentement libre et éclairé à ce propos.

La fixation de pareilles interdictions est sans aucun doute non seulement le droit, mais aussi et surtout l’obligation du législateur, dès lors qu’il lui appartient de réguler la vie en société, y compris en matière sexuelle, et d’en protéger les membres les plus vulnérables, dont font partie les enfants.

Cette obligation est d’autant plus lourde qu’elle trouve sa source, du moins en partie, dans des dispositions supranationales, telles que la Convention de Lanzarote, approuvée par la loi précitée du 16 juillet 2011, qui impose en son article 18 le devoir, pour chaque partie contractante, de déterminer l’âge en deçà duquel il n’est pas permis de se livrer à des activités sexuelles avec un enfant. Notre législation en matière de viol et d’attentat à la pudeur est donc parfaitement conforme à cette exigence.

De même, la CEDH censure le caractère contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de l’obligation qui incombe aux victimes présumées d’apporter la preuve d’absence de consentement ou de résistance à l’acte sexuel19. En outre, selon la Cour de Strasbourg, le fait qu’une agression sexuelle soit pratiquée sur une victime mineure ou vulnérable au moment des faits fait assurément peser sur l’Etat des obligations positives supplémentaires. La prise en compte de la vulnérabilité de la victime ne se limite pas au stade de l’appréciation des faits ou de la détermination de la sanction pénale, elle doit exister à tous les stades de la procédure pénale20. Les obligations des Etats en matière de violences sexuelles ne se limitent, par ailleurs, pas à créer un cadre juridique ou à engager des poursuites judiciaires pour sanctionner les coupables, elles impliquent également que cela se fasse de manière rapide, impartiale et efficace21.

Notre législateur n’a donc pas seulement à prendre en considération les droits de la défense des personnes poursuivies, mais il a également à se soucier d’une protection efficace, notamment vis-à-vis des victimes particulièrement vulnérables, telles que les enfants, lorsqu’il édicte des règles en matière d’infractions sexuelles, tant en ce qui concerne le fond que pour ce qui est de la procédure. La soussignée estime que le cadre clair et tranché posé par des dispositions légales telles que l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, ou encore par l’article 372, point 3°, du même Code, répond parfaitement à ces exigences, sans porter atteinte aux dispositions énoncées aux moyens de cassation, en ce qu’il est proportionné 19 CEDH 15 mars 2016, M.G.C. c. Roumanie ; 24 mai 2016 I.C. c. Roumanie ; 18 octobre 2016 G.U. c. Turquie 20 CEDH 28 mai 2015, Y. c. Slovénie 21 CEDH 2 mai 2017, B.V. c. Belgiqueau but légitime recherché, à savoir la protection efficace des mineurs contre des abus sexuels ainsi que la mise en place d’un cadre répressif favorable aux victimes de telles infractions.

En effet, il est évident qu’à défaut de poser de telles interdictions absolues avec des limites d’âges claires, on se retrouverait dans chaque procès en matière d’abus sexuels sur mineur dans des discussions interminables sur la capacité de l’enfant-victime à consentir aux atteintes sexuelles subies. L’expérience montre que les auteurs de ce genre d’infractions ont très souvent tendance à affirmer qu’ils n’ont causé aucun tort à l’enfant, celui-ci ayant été d’accord avec tous leurs agissements. Et il est effectivement courant que les jeunes victimes ne s’opposent pas aux actes qui leurs sont infligés, parce qu’elles n’en comprennent pas le sens et la portée, ou bien parce qu’elles n’osent pas s’y opposer, au vu de la différence d’âge ou de la position d’autorité de l’auteur ou encore de la relation de confiance qu’elles entretiennent avec celui-ci. L’unique moyen pour couper court à de telles argumentations consiste donc à poser des limites nettes et inconditionnelles.

Si Votre Cour devait suivre les considérations développées ci-dessus, par l’interprétation des dispositions de notre droit interne, et plus particulièrement de l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, et si Vous deviez décider que l’absence de consentement dans le chef d’un mineur de moins de 16 ans ne constitue en réalité pas une règle probatoire, mais une règle de fond, partant un élément constitutif de l’infraction en cause, Vous en déduirez que les questions préjudicielles ne sont pas pertinentes pour la solution du litige Vous soumis, puisque le problème d’une atteinte à la présomption d’innocence, voire au principe selon lequel la charge de la preuve incombe à l’accusation, ne se pose tout simplement pas.

En effet, les critiques régulièrement émises par le CJUE ainsi que par la CEDH portent sur les présomptions irréfragables, règles relatives à l’administration de la preuve, et non pas sur les interdictions posées par les législations internes, notamment en matière d’infractions sexuelles.

Par conséquent, vu que les questions préjudicielles que le demandeur en cassation se propose de faire poser dans le cadre de ses premier et deuxième moyens de cassation ne sont pas pertinentes, Votre Cour ne sera pas obligée de les déférer à la CJUE.

Quant au bien-fondé des moyens :

A l’instar des juges du fond, Votre Cour arrivera à la conclusion que les griefs invoqués, consistant en une atteinte à la présomption d’innocence, de même qu’au principe que la charge de la preuve repose sur l’accusation, ne sont pas établis.

En appliquant l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, la Cour d’appel a à juste titre décidé que les droits de l’actuel demandeur en cassation n’ont pas été violés.

Certes, le raisonnement des magistrats d’appel se concentre essentiellement sur la question de la présomption irréfragable d’absence de consentement, tel que la jurisprudence acoutume de le faire. Nonobstant, leur raisonnement reste valable également au cas où l’on considère que l’âge de la victime est un élément constitutif de l’infraction de viol.

Les dispositions pertinentes de l’arrêt attaqué se lisent comme suit :

« Ceci étant dit, il y a lieu de vérifier néanmoins si le principe de la présomption d’innocence se trouve en l’espèce méconnu dans la mesure où l’article 375, alinéa 2, du Code pénal édicte une présomption irréfragable d’absence de consentement, ou encore si ces dispositions ne sont pas raisonnablement proportionnées au but légitime poursuivi.

La présomption d’innocence est consacrée formellement dans notre droit par l’article 6.2 de la Convention ainsi que par la directive (UE) 2016/343 invoquée par la défense.

La présomption d’innocence constitue, d’une part, une règle déterminant la manière dont l’accusé doit être traité dans le cadre du procès pénal et, d’autre part, une règle relative à l’administration de la preuve en ce qui concerne notamment la charge de la preuve et l’exigence de rapporter la preuve au-delà de tout doute raisonnable.

Quant au principe de proportionnalité des peines, il est le corollaire de l’article 8 de la Convention et signifie qu’il faut, en fixant la peine, maintenir un équilibre entre les impératifs, d’une part, de protection de la société et, d’autre part, de sauvegarde des intérêts individuels du prévenu. La peine nécessaire et proportionnée est celle qui n’est pas excessive, par rapport à l’infraction commise et qui, dans ses finalités, réalise un juste équilibre entre les intérêts de la société et les intérêts du prévenu.

Ainsi que les juges de première instance le relèvent, il est un fait que seul un des éléments constitutifs de l’infraction de viol, à savoir l’absence de consentement de la victime qui est âgée de moins de seize ans, est visé par la présomption irréfragable édictée par l’article 375 du Code pénal et que les autres éléments de cette infraction, à savoir l’élément matériel et l’élément moral sont examinés par les juges à partir des éléments concrets propres à chaque cause.

De plus, quant à l’élément moral ou intentionnel, tel que le relève le représentant du ministère public, il ne suffit pas qu’il prouve que la victime était âgée de moins de seize ans, mais il faut encore qu’il établisse que l’auteur de l’infraction avait connaissance de l’âge de la victime au moment des faits qui lui sont reprochés.

En outre, et conformément au réquisitoire du représentant du ministère public, qu’à côté de l’appréciation des éléments matériel et moral constitutifs de l’infraction de viol par les juges du fond, le principe dit de l’opportunité des poursuites du parquet, vient tempérer la rigueur de la présomption irréfragable de l’absence de consentement d’un mineur âgé de moins de seize ans.

L’infraction à l’article 375 du Code pénal, qui a été commise sur la personne d’un enfant âgé de moins de seize ans, est donc laissée à l’appréciation des juges et leur décision en ce qu’ils retiennent la culpabilité du prévenu ne constitue pas une violation du principe de la présomption d’innocence.

Enfin, et ainsi que le représentant du ministère public le souligne, la présomption irréfragable édictée par le législateur, qui a augmenté le seuil de l’âge à seize ans par une loi du 16 juillet 2011 suite à une proposition de l’« Ombuds-Comité fir d’Rechter vum Kand (ORK) » et, également, pour porter approbation de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ouverte à la signature à Lanzarote les 25-26 octobre 2007 et du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, l’a manifestement été dans un but de protection des mineurs en dessous de seize ans, ce dernier estimant que l’enfant doit être considéré comme n’étant pas capable de donner un consentement libre en raison de son immaturité, de son manque de discernement, de sa fragilité, etc.

Au vu de l’ensemble des développements précédents, il n’y a en l’espèce ni violation du principe de la présomption d’innocence, ni violation du principe de proportionnalité quant à la présomption irréfragable édictée par l’article 375, alinéa 2, du Code pénal luxembourgeois, ni - par voie de conséquence - nécessité d’une décision de la Cour de justice européenne pour que la Cour d’appel puisse rendre son arrêt dans l’affaire en litige.

Il s’ensuit que toutes références à l’avis juridique du professeur X) sur la compatibilité de l’article 375, alinéas 1er et 2, du Code pénal avec l’article 3 de la directive UE 2016/343 et l’article 6.2 de la Convention ou encore l’avis juridique de l’avocat Loïc PAREIN sur l’article 187 du Code pénal suisse ne sont pas pertinentes. » La règle instituée par l’article 375, alinéa 2, est la même pour tout justiciable, elle s’impose de manière générale et dans des termes clairs. On ne voit donc pas dans quelle mesure une telle interdiction d’entretenir des relations sexuelles avec des mineurs âgés de moins de 16 ans serait susceptible de porter atteinte à la présomption d’innocence, respectivement au principe de la charge de la preuve, dans le chef du demandeur en cassation.

L’automobiliste qui conduit à une vitesse supérieure à 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération ne pourrait pas non plus formuler de tels reproches lorsqu’il se trouve poursuivi pour son excès de vitesse, la règle étant générale, en ce qu’elle vaut pour tout le monde dans les mêmes conditions. Une défense fondée sur la volonté de rapporter la preuve que même si la vitesse était excessive, elle n’était de facto pas dangereuse, au vu des circonstances factuelles, serait inopérante, sans que cela ne porte atteinte à la présomption d’innocence du chauffard.

Comme souligné par les magistrats d’appel, l’infraction de viol sur mineur ne se trouve pas établie du seul chef que l’âge de la victime se situait en-dessous de 16 ans. Encore faut-il prouver qu’il y a eu un acte de pénétration sexuelle, au sens de la loi, de même qu’il faut établir l’intention criminelle de l’auteur. A cet égard, c’est d’ailleurs à tort que le demandeur en cassation allègue que les juges se seraient fondés sur une deuxième présomption irréfragable à partir de la connaissance de l’âge de la victime, dès lors que la Cour d’appel a examiné in concreto si ces deux éléments constitutifs de l’infraction sont établis dans son chef.

Les développements de l’arrêt attaqué à ce sujet se lisent ainsi :

« Etant donné qu’hormis les infractions aux articles 379, points 1° et 2°, 383 et 384 du Code pénal, le prévenu conteste les autres infractions retenues à sa charge par les juges de première instance, à savoir les articles 372, 375 et 385-2 du Code pénal, et qu’il conteste notamment avoir eu connaissance de l’âge de C.G. au moment des faits ainsi que l’absence de consentement de ce dernier, il convient d’examiner les déclarations de C.G..

Les contestations du mandataire de R) au sujet de sa connaissance de l’âge du mineur C.G. au moment des faits, sont à rejeter. A cet égard, il y a lieu de se référer aux déclarations effectuées par C.G., qui déclare le 27 septembre 2016 devant les enquêteurs que : « Es stimmt, dass ich im Alter von 14 oder 15 Jahren mir ein Profil bei « Planet Romeo » angelegt habe … Ich bin mir sicher, dass ich R) im Laufe des Gesprächs mitteilte, dass ich 15 Jahre alt sei. …R) wurde dann bei mir vorstellig, irgendwie glaubte ich, dass wir uns treffen würden um uns kennen zu lernen, resp. uns zu unterhalten … ». Par ailleurs, sur question précise de l’enquêteur: «Haben sie den Penis von R) in den Mund genommen », C.G. répond: « Ja » et sur autre question précise de l’enquêteur: « Wie alt waren sie, als sie mit R) Sex hatten? Von wem ging die Initiative aus? », ce dernier déclare: « Ich hatte 15 Jahre als ich mit R) Sex hatte und die Initiative ging eindeutig von R) aus. R) wusste, als wir Sex hatten, dass ich erst 15 Jahre alt war ». Il s’y ajoute que ces déclarations effectuées par C.G. devant la police sont corroborées par l’échange de messages qui a précédé le rendez-vous du 9 juin 2012 entre le prévenu et C.G. circonscrit dans le procès-verbal no SPJ/JEUN/52555-15 feuilles no 14 et 15.

Contrairement à ce que le mandataire du prévenu soutient, les déclarations de C.G. auprès de la police, qui sont reproduites ci-dessus et que le tribunal a correctement résumées dans son jugement, sont très claires et précises et donc crédibles.

Ensuite, il convient d’adopter la motivation des juges de première instance, tant en ce qui concerne les éléments constitutifs de l’infraction d’attentat à la pudeur (article 372 du Code pénal) qu’en ce qui concerne ceux de l’infraction de viol (article 375 alinéa 2 du Code pénal).

Plus précisément, c’est à bon droit que les juges de première instance ont retenu qu’il y avait absence de consentement dans le chef de C.G., celui-ci ayant été âgé au moment des faits de moins de seize ans, de sorte qu’il y a de manière irréfragable absence de consentement. Les juges de première instance ont encore à juste titre considéré que l’intention coupable dans le chef de R) est établie. Cette intention ne fait, en effet, pas de doute car elle découle à suffisance de la conscience d’accomplir un acte de nature sexuelle, à savoir une fellation, sur la personne de C.G. âgé de quinze ans au moment des faits. » En décidant de confirmer les juges de première instance qui avaient retenu l’infraction de viol commise sur la personne du mineur C.G. par l’actuel demandeur en cassation, la Courd’appel n’a donc ni violé le principe de la présomption d’innocence, ni celui selon lequel la charge de la preuve repose sur l’accusation.

Il en suit que les premier et deuxième moyens de cassation ne sont pas fondés.

Quant au troisième moyen de cassation :

tiré de la violation de l’article 13 Convention européenne des droits de l’homme, droit à un recours effectif Le troisième moyen de cassation fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir fait droit à la demande de renvoi préjudiciel devant la CJUE formulée par l’actuel demandeur en cassation. En refusant de déférer les deux questions préjudicielles proposées aux juridictions européennes compétentes, confirmant ainsi la décision des juges de première instance à cet égard, les magistrats d’appel l’auraient privé le son droit à un recours effectif quant à la conformité du droit interne luxembourgeois, en l’occurrence l’article 375, alinéa 2, du Code pénal, aux principes supranationaux, à savoir la présomption d’innocence et le principe selon lequel la charge de la preuve incombe à l’accusation, consacrés par les articles 3 et 6 de la Directive (UE) 2016/343.

Ce moyen n’est manifestement pas fondé, dès lors que la possibilité de saisir la CJUE ne se limite pas aux juridictions du fond, mais elle s’étend aussi aux juridictions suprêmes, donc également à la Cour de cassation, instance nationale au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

D’ailleurs, tel qu’il a été exposé ci-dessus, les deux questions préjudicielles ont été réitérées devant Votre Cour dans le cadre des deux premiers moyens de cassation, quoique dans une formulation légèrement modifiée, et Votre Cour est libre de les déférer à la CJUE si elle les estime pertinentes pour la solution du litige qui lui est soumis.

En refusant de saisir la juridiction de l’Union Européenne compétente des deux questions préjudicielles posées par l’actuel demandeur en cassation, la Cour d’appel n’a donc pas privé ce dernier de son droit à un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le troisième moyen de cassation est à rejeter.

Quant au quatrième moyen de cassation :

tiré de la violation de l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme, droit à un procès équitable, droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, absence de réparation effective 59 Le dernier moyen de cassation consiste à faire grief à la Cour d’appel d’avoir certes retenu, à l’instar des juges de première instance, qu’il y avait eu dépassement du délai raisonnable, mais de ne pas avoir réparé cette violation des droits de l’actuel demandeur en cassation de manière effective. Même si les magistrats du fond auraient prononcé à son encontre une peine se situant en-dessous du minimum légal, il ne serait pas possible de vérifier dans quelle mesure cette diminution de la peine était due au dépassement du délai raisonnable ou bien à des circonstances atténuantes, telles que ses aveux, l’absence d’antécédents judiciaires ainsi que les regrets paraissant sincères.

Le demandeur en cassation concède qu’il n’appartient pas à Votre Cour de s’immiscer dans le pouvoir d’appréciation des juges du fond quant au choix du mode de réparation du dépassement du délai constaté, Vous devriez quand-même exercer un contrôle sur la réparation effective de celui-ci. Puisqu’un tel contrôle serait impossible en l’espèce, l’arrêt attaqué serait à censurer.

A noter cependant que le moyen n’est pas tiré d’un défaut de base légale, qui suppose en effet que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis, qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi22. Le manque de base légale constitue donc une violation de la loi caractérisée par le fait que le juge du fond a appliqué une règle de droit sans justifier de l’une de ses conditions légales d’application23. Ce cas d’ouverture se distingue de la violation de la loi stricto sensu en ce sens que chaque fois que la Cour de cassation se trouve en présence d’un arrêt qui contient des constatations de fait complètes, qui lui permettent de vérifier si la loi a été ou non correctement appliquée, la cassation qu’elle est amenée à prononcer peut-être fondée sur la violation de la loi, par fausse application ou fausse interprétation des dispositions visées.

Chaque fois au contraire que la Cour régulatrice se trouve en présence de constatations de fait incomplètes ou imprécises, qui la mettent dans l’impossibilité d’exercer pleinement son contrôle de qualification des faits ou de l’application de la loi, la censure pour défaut de base légale s’impose24.

Or, ce que le demandeur en cassation reproche ici à la Cour d’appel, c’est justement de ne pas avoir énoncé avec une précision suffisante dans quelle mesure la peine prononcée, située en-dessous du minimum légal, tenait compte du dépassement du délai raisonnable.

Ce grief s’analyse donc en un défaut de base légale et non pas en une violation de la loi, pourtant mise en œuvre par le moyen de cassation. Par conséquent, le moyen est inopérant.

A titre subsidiaire, le moyen ne saurait être accueilli, en ce que sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des conséquences à tirer de la constatation 22 Cass n°89/16 du 17 novembre 2016, n°3705 du registre 23 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, édition Dalloz 2015/2016, n°78.41 24 idemd’un dépassement du délai raisonnable sur la peine à prononcer, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe donc au contrôle de Votre Cour25.

A titre encore plus subsidiaire, et pour autant que Votre Cour devait estimer que le moyen soit néanmoins recevable, il n’est toutefois pas fondé.

A l’instar des juges de première instance, la Cour d’appel a décidé que la procédure avait connu des lenteurs injustifiées :

« C’est à bon droit que le tribunal a retenu qu’il y a eu en l’espèce dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6.1 de la Convention.

En effet, c’est à juste titre que ce dernier a considéré que le point de départ de ce délai raisonnable se situe à la date à laquelle l’accusation est formulée par une autorité compétente, qui correspond en l’occurrence aux dates des 13 juillet et 14 juillet 2016, dates auxquelles le prévenu a été entendu devant la police, respectivement la première fois devant le juge d’instruction.

Il y a lieu de souligner que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure est fonction de la complexité de l’affaire, du comportement du prévenu, de la manière dont les autorités judiciaires ont diligenté l’ensemble de la procédure et des enjeux du litige pour le prévenu.

Le jugement est à confirmer en ce qu’il retient qu’un laps de temps trop important s’est écoulé entre la clôture de l’instruction, soit le 20 mars 2018, et l’ordonnance de renvoi rendue par la chambre du conseil le 12 février 2019. »26 Une période de onze mois entre la clôture de l’instruction et le prononcé de l’ordonnance de renvoi par la chambre du conseil a donc été jugée comme étant excessive au regard des exigences de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Rappelant que la peine encourue par l’actuel demandeur en cassation se situe entre 10 et 15 ans de réclusion criminelle27, la Cour d’appel a décidé de confirmer la peine de 8 ans de réclusion criminelle, assortie du sursis probatoire intégral, sur base des considérations suivantes :

« La peine de réclusion de 8 ans prononcée par les juges de première instance, en application des articles 73 et 74 du Code pénal, est donc légale.

Quant à la peine, d’une part, la gravité et la multiplicité des faits et, d’autre part, les circonstances atténuantes consistant dans les aveux, l’absence d’antécédents judiciaires et les regrets paraissant sincères que le prévenu a exprimés, ensemble le dépassement du 25 Voir en ce sens : Cass. 30 avril 2020 n°60/2020 pénal, n° CAS-2019-00068 du registre 26 Arrêt attaqué, page 98, alinéas 4 à 7 27 Arrêt attaqué, page 106, avant-dernier alinéadélai raisonnable28, justifient de maintenir la peine de réclusion de huit ans, qui a été assortie d’un sursis probatoire intégral quant à son exécution. »29 La Cour d’appel a donc déterminé la durée de la peine de réclusion en fonction de toute une série d’éléments, dont la violation du délai raisonnable ne constitue qu’un aspect. Il est constant en cause que la fourchette de la peine encourue par l’actuel demandeur en cassation du chef des infractions retenues à son encontre se situait entre 10 à 15 ans de réclusion criminelle. La peine de 8 ans finalement prononcée se situe de 2 ans au-dessous du minimum légal et même de 7 ans par rapport au maximum. De plus, il faut souligner que l’intégralité de la peine se trouve assortie du sursis probatoire intégral, évitant donc à l’actuel demandeur en cassation un retour en prison.

La CEDH veille à un redressement de façon appropriée de la violation du délai raisonnable.

Ainsi, en matière pénale, elle a jugé satisfaisante la prise en compte de la durée de la procédure pour octroyer une réduction de peine expresse et mesurable30. Toutefois, elle ne détermine pas dans quelle proportion exacte une telle réduction doit se faire et laisse aux Etats membres une marge d’appréciation qui doit toujours prendre en compte les spécificités de chaque affaire dans son ensemble.

Par conséquent, en fixant une peine située de 7 ans en-dessous du maximum légal, et de 2 ans en-dessous du minimum légal, la Cour d’appel a procédé de façon expresse, en renvoyant au dépassement du délai raisonnable, et mesurable, en énonçant clairement l’écart entre la fourchette encourue et la peine finalement retenue, à un allègement de peine, constituant selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg un moyen satisfaisant pour sanctionner la violation du droit à voir entendre sa cause jugée dans un délai raisonnable.

Il s’en dégage que le quatrième moyen de cassation est à rejeter.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, le premier avocat général, 28 Souligné par la soussignée 29 Arrêt attaqué, page 107, alinéas 2 et 3 30 Voir, p.ex. CEDH 26 juin 2001 Beck c. Norvège n°26390/96, §27 Simone FLAMMANG Annexe : réquisitoire écrit du parquet général versé en instance d’appel 63


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39/22
Date de la décision : 10/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-03-10;39.22 ?

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