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10/03/2022 | LUXEMBOURG | N°38/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 mars 2022, 38/22


N° 38 / 2022 pénal du 10.03.2022 Not. 13455/19/CD Numéro CAS-2021-00048 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

Y), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 31 mars 2021 sous le numéro 123/21 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en ma

tière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Pierre-Marc KNAF...

N° 38 / 2022 pénal du 10.03.2022 Not. 13455/19/CD Numéro CAS-2021-00048 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, sur le pourvoi de :

Y), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 31 mars 2021 sous le numéro 123/21 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, au nom de Y), suivant déclaration du 29 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 27 mai 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné Y) du chef d’infractions aux articles 8.

1a), 8. 1b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie (ci-après « la loi modifiée du 19 février 1973 »), à une peine d’emprisonnement et à une amende. La Cour d’appel a, par réformation, déchargé Y) de la peine d’amende et confirmé le jugement pour le surplus.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré la violation des articles 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie pour manque de base légale, suite à l'absence, sinon l'insuffisance de motifs ;

première branche en ce que la juridiction d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ne motivant pas, sinon de manière insuffisante, les éléments constitutifs de l'infraction de mise en circulation, sinon de vente, sinon de détention de stupéfiants dans le chef de Y), en érigeant simplement en prémisse qu'il existe entre les différents prévenus un plan concerté, une concertation ;

alors que pour retenir à charge du prévenu les infractions à l'article 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, la juridiction devrait établir à charge du prévenu d'abord le fait matériel de détenir, d'avoir sur soi, de contrôler et finalement de donner, de vendre, d'offrir, de se défaire d'un des stupéfiants visés par la loi et plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'une vente de stupéfiants, la remise par le client d'une certaine somme d'argent, de même que l'intention de l'auteur de commettre les infractions à la loi en toute connaissance de cause, l'infraction en question nécessitant l'élément intentionnel dans le chef de son auteur, et deuxième branche en ce que la chambre correctionnelle de la Cour d'Appel a confirmé par adoption des motifs de la juridiction de première instance, en ce qu'elle a retenu coupable Y) des infractions à l'article 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, en tant que co-

auteur, les éléments constitutifs de l'infraction étant réunis en l'espèce, alors que la Cour Européenne des Droits de l'Homme exige que l'imputation à un éventuel co-auteur d'un élément constitutif de l'infraction, sinon d'une circonstance aggravante objective, soit l'objet d'une appréciation distincte et individualisée dans le chef de chaque coauteur et complice et qu'en retenant Y) dans 2 les liens de la prévention des articles 8.1a9 et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 modifiée sur les stupéfiants, sans établir dans son chef les éléments matériels de l'importation, de la vente, de la mise en circulation, soit d'avoir en toute connaissance de cause donné des instructions ou aidé l'auteur principal à commettre les infractions, la Cour d'Appel a violé le texte en question. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En retenant à charge du prévenu, relativement aux éléments constitutifs des infractions réprimées aux articles 8.1a) et 8.1b) de la loi modifiée du 19 février 1973, « Les faits retenus par les juges de première instance sont restés établis en instance d’appel, au vu des observations faites le 10 mai 2019, vers 17.46 heures, à

_______, rue de la Gare, par l’étudiant S. K., né le 21 octobre 2003, en relation avec le comportement suspect de deux personnes qui s’étaient approchées au volant d’un véhicule de la marque Mercedes pour déposer derrière les voies ferroviaires, à côté d’un arbre, un sac Oeko contenant 367,2 grammes de marihuana. D’après les observations subséquentes des agents verbalisants, deux hommes sont retournés quelques heures plus tard sur les lieux pour récupérer le sac et ont pris la fuite au moment de leur interpellation. Il s’est avéré que l’un des deux hommes fut le prévenu Y).

L’exploitation de l’IPhone 9, saisi sur la personne de Y), a révélé que le jour des faits, le 10 mai 2019, un échange de messages sur l’application whats app avait eu lieu avec T) auquel deux photos étaient jointes. L’une montre l’immeuble dans lequel habite T) et l’autre un plan avec l’adresse de la rue « Avenue 2000 » à

_____, située en face de cet immeuble. Il ressort des messages échangés qu’un rendez-vous avait été fixé le jour en question pour la remise de deux kilogrammes de marihuana « I am coming with the has - 2 kg - But I want cash - (…) 2.200 » (cf. rapport no JDA 2019/75590/4-DEYV du 13 mai 2019).

Questionné au sujet de ces messages, T) a expliqué que « Am Fong war méin Ziel 100 gr. bei hinnen ze kafen, well ech awer wees dass Hollänner net fir 100 gr op Letzebuerg kommen, hun ech hinnen einfach fir een oder zwee Kilo geschriwen, mee ech hun awer just 100 gr geholl (…) Schlussendlech hun se mer awer 100 gr dogeloss » (cf. Annexe 1 du PV no 75590-21 du 13 mai 2019).

T) a ajouté qu’il avait fait la connaissance des deux hollandais au Kebab et qu’il avait déjà été en contact avec eux les jours précédents. Ses dires sont corroborés avec les « screenshots » figurant sur l’IPhone 9 saisi sur la personne de Y).

Il s’en dégage que les parties avaient déjà été en contact les 3, 5, 8 et 9 mai 2019 et que T) devait 1.050 euros aux hollandais, alors qu’il avait déjà acquis 100 grammes de marihuana à la fin du mois d’avril 2019 pour le prix de 500 euros et 3 aussi 500 grammes pour le prix de 2.550 euros. Il en résulte encore que les parties ont discuté du prix de la marihuana et que le 8 mai 2019, le détenteur de l’IPhone 9 a répondu que « I will make the price today 4.7 », de même qu’il a rappelé le paiement du « the rest of the money? ».

T) a encore reconnu les deux personnes lui présentées sur photos comme étant les deux hollandais qu’il avait rencontrés quelques jours auparavant au Kebab et qui étaient venus à sa porte pour lui remettre deux kilogrammes de marihuana commandés, « obwuel ech nëmmen 100 gr bei hinnen geholl hun » (cf. Annexe 1 du procès-verbal no75590-21 du 13 mai 2019). Il a expliqué qu’il avait agi de telle sorte pour être sûr d’être livré par eux. Il a ajouté qu’à ses yeux, la personne figurant sur la photo du côté gauche, en l’espèce Y), était le chef des deux et que c’est lui qui a toujours parlé. T) a également été d’avis que c’était lui qui avait écrit les messages snap-chats, respectivement les messages whats app.

Contrairement aux conclusions de la défense, les déclarations circonstanciées de T), bien que non réitérées sous la foi du serment, sont crédibles, étant donné qu’elles sont corroborées par les différents messages sur les applications whats app et snap-chats figurant sur l’Iphone 9 appartenant à A) saisi sur la personne de Y), qui confirment les tractations entre parties. (…) Il suit des considérations qui précèdent que la participation de Y) dans l’importation de 367,2 grammes de marihuana le 10 mai 2019, l’offre en vente de deux kilogrammes de marihuana le même jour à T) pour la contrevaleur de 2.200 euros et la vente à la fin du mois d’avril d’au moins 600 grammes à T) résultent tant des observations policières du 10 mai 2019 que des déclarations de T) et des messages whatsapp et snapchats relevés dans l’IPhone 9 saisi sur la personne de Y).

Ce rôle actif est corroboré par le fait que les téléphones portables, tant de Y), que d’A), étaient connectés au Luxembourg depuis le début du mois d’avril 2019, de façon régulière et même de façon concomitante, comme l’ont relevé les enquêteurs dans leur rapport no JDA 2019/75590/72-DEYV du 31 mai 2019 et ce, sans qu’aucune explication crédible n’ait été fournie quant aux raisons des déplacements communs au Luxembourg.

Il s’y ajoute que le téléphone mobile IPhone 9 appartenant à Michel A) sur lequel les tractations avec T) ont eu lieu, a été saisi sur la personne de Y) et que les clés de la voiture de la marque Peugeot appartenant à A) ont été aussi trouvées dans le véhicule pris en location par le prévenu Y) (et non pas comme retenu erronément dans le jugement entrepris par un certain M)).

Il s’est encore avéré que des sommes importantes d’argent ont été trouvées non seulement sur la personne et dans le véhicule de la marque Mercedes pris en location par Y), mais encore dans le véhicule de la marque Peugeot stationné sur un parking à

_____ dont Y) détenait les clés, ce sous la protection du levier de vitesse, en l’occurrence la somme de 9.980 euros sous forme de coupures de 500, 100, 50, 20, 10 et 5 euros, sans qu’une explication crédible ne soit fournie quant à la présence de cette importante somme d’argent dans ce véhicule.

4 Aucune explication crédible n’est pas non plus fournie quant à la présence des deux liasses d’argent de 500 euros et de 600 euros, composées de coupures de 50 euros, saisies sur la personne de Y) et quant à la présence des deux liasses d’argent de 710 euros et de 1.000 euros sous forme de coupures de 100, 50, 20 et 10 euros, saisies dans le véhicule de la marque Mercedes pris en location par Y).

Finalement, et parmi les photos et vidéos figurant sur l’IPhone 9 d’A), saisi sur la personne de Y), les enquêteurs ont trouvé, non seulement de nombreuses photos montrant différentes sortes de stupéfiants et des liasses importantes de sommes d’argent tenues en mains pour montrer leur composition de coupures, mais encore un vidéo et deux photos montrant la main de Y) munie d’un tatouage et en contact avec du haschisch.

L’ensemble de ces éléments permet de conclure que c’est à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu Y) en tant que co-

auteur, dans les liens des infractions aux articles 8.1a), 8.1b) et du délit de blanchiment-détention prévu à l’article 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. ».

Il suit des considérations qui précèdent que la participation de Y) dans l’importation de 367,2 grammes de marihuana le 10 mai 2019, l’offre en vente de deux kilogrammes de marihuana le même jour à T) pour la contrevaleur de 2.200 euros et la vente à la fin du mois d’avril d’au moins 600 grammes à T) résultent tant des observations policières du 10 mai 2019 que des déclarations de T) et des messages whats app et snap-chats relevés dans l’IPhone 9 saisi sur la personne de Y).

Ce rôle actif est corroboré par le fait que les téléphones portables, tant de Y), que d’A), étaient connectés au Luxembourg depuis le début du mois d’avril 2019, de façon régulière et même de façon concomitante, comme l’ont relevé les enquêteurs dans leur rapport no JDA 2019/75590/72-DEYV du 31 mai 2019 et ce, sans qu’aucune explication crédible n’ait été fournie quant aux raisons des déplacements communs au Luxembourg.

Il s’y ajoute que le téléphone mobile IPhone 9 appartenant à Michel A) sur lequel les tractations avec T) ont eu lieu, a été saisi sur la personne de Y) et que les clés de la voiture de la marque Peugeot appartenant à A) ont été aussi trouvées dans le véhicule pris en location par le prévenu Y) (et non pas comme retenu erronément dans le jugement entrepris par un certain M)).», les juges d’appel ont, par une motivation exempte d’insuffisance, caractérisé tant les éléments constitutifs des infractions que la participation active du demandeur en cassation dans la commission de ces infractions.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

5 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 4,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Roger LINDEN, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Vincent FRANCK, conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Nadine WALCH, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

6 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Y) en présence du Ministère Public n° CAS-2021-00048 du registre

________________________________________________________________________

Par déclaration faite le 29 avril 2021 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, forma un recours en cassation, au nom et pour le compte de Y), contre un arrêt rendu le 31 mars 2021 sous le numéro 123/21 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours fut suivie en date du 27 mai 2021 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de Y).

Le pourvoi respecte le délai d’un mois courant à partir du prononcé de la décision attaquée dans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi du 18 février 1885, dans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.

Le pourvoi est donc recevable.

Faits et rétroactes :

7 Par jugement n° 126/2020 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2020, Y) a été condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans ainsi qu’à une amende de 1.500.- euros du chef d’infractions aux articles 8.1a), 8.1b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Sur appel de Y) et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, dixième chambre, a, par un arrêt n°123/21 rendu le 31 mars 2021, déclaré l’appel de Y) partiellement fondé, en le déchargeant de la peine d’amende, tout en confirmant le jugement pour le surplus.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant à l’unique moyen de cassation :

tiré de la violation des articles 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie pour manque de base légale, suite à l’absence, sinon l’insuffisance de motifs Quant à la première branche du moyen :

en ce que la juridiction d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne motivant pas, sinon de manière insuffisante, les éléments constitutifs de l’infraction de mise en circulation, sinon de vente, sinon de détention de stupéfiants dans le chef de Y), en érigeant simplement en prémisse qu’il existe entre les différents prévenus un plan concerté, une concertation, alors que pour retenir à charge du prévenu des infractions à l’article 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, la juridiction devrait établir à charge du prévenu d’abord le fait matériel de détenir, d’avoir sur soi, de contrôler et finalement de donner, de vendre, d’offrir, de se défaire d’un des stupéfiants visés par la loi et plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’une vente de stupéfiants, la remise par le client d’une certaine somme d’argent, de même que l’intention de l’auteur de commettre les infractions à la loi en toute connaissance de cause, l’infraction en question nécessitant l’élément intentionnel dans le chef de son auteur.

L’unique moyen de cassation, articulé en deux branches, semble mettre en œuvre une pluralité de cas d’ouverture, en ce qu’il est tiré de la violation de la loi, mais qu’il fait également référence à un manque de base légale, voire à une absence de motifs. Il fait donc valoir tant des vices de fond qu’un vice de forme.

Même si Votre Cour fait preuve d’une très grande largesse lors de l’appréciation de la recevabilité des moyens de cassation en matière pénale, on peut toutefois se demander sidans la présente hypothèse le moyen ne manquerait pas de précision, dès lors qu’il n’est pas clair sous quel angle il entend attaquer l’arrêt en cause.

Sous réserve de sa recevabilité, le moyen, pris en sa première branche, est probablement à comprendre en ce sens qu’il critique l’arrêt attaqué pour ne pas avoir qualifié à suffisance les différents éléments constitutifs des infractions retenues à l’égard de l’actuel demandeur en cassation. La Cour d’appel aurait simplement déduit sa culpabilité de l’existence d’une concertation entre lui et l’autre prévenu, condamné dans le cadre de la même affaire.

La soussignée suppose donc que le grief invoqué par la première branche du moyen est celui d’un défaut de base légale par rapport aux dispositions visées, à savoir les articles 8.1a) et 8.1b) de la loi modifiée du 19 février 1993 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, incriminant d’un côté l’importation, la vente et l’offre en vente de stupéfiants et d’un autre côté l’acquisition à titre onéreux ou gratuit, le transport et la détention de stupéfiants en vue de l’usage par autrui.

Le moyen procède d’une lecture incomplète de l’arrêt attaqué.

En effet, loin de se limiter à déduire la culpabilité de l’actuel demandeur en cassation exclusivement de la concertation avec l’autre co-auteur, tel que le soutient le moyen en sa première branche, les magistrats d’appel ont minutieusement analysé le faisceau d’indices concordants les ayant conduits à retenir les infractions libellées à charge de l’actuel demandeur en cassation.

Après avoir longuement détaillé les déclarations des témoins oculaires, le résultat de l’exploitation du téléphone portable saisi sur la personne de l’actuel demandeur en cassation ainsi que les dépositions d’un témoin qui avait acheté de la drogue auprès des prévenus, les magistrats d’appel en ont déduit :

« Il suit des considérations qui précèdent que la participation de Y) dans l’importation de 367,2 grammes de marihuana le 10 mai 2019, l’offre en vente de deux kilogrammes de marihuana le même jour à T) pour la contrevaleur de 2.200 euros et la vente à la fin du mois d’avril d’au moins 600 grammes à T) résultent tant des observations policières du 10 mai 2019 que des déclarations de T) et des messages whats app et snap-chats relevés dans l’IPhone 9 saisi sur la personne de Y). »1 Ensuite, la Cour d’appel a souligné que cette participation aux infractions était encore corroborée par le résultat des repérages téléphoniques, par les différentes saisies de sommes d’argent, tant sur la personne que dans le véhicule utilisé par l’actuel demandeur en cassation pour lesquelles il n’a pas pu fournir une explication valable quant à leur origine, de même que par les photos et vidéos enregistrées sur le prédit téléphone.

Elle en a conclu :

1 Arrêt attaqué, page 16, alinéa 1er« L’ensemble de ces éléments permet de conclure que c’est à bon droit et pour les motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu Y) en tant que co-auteur, dans les liens des infractions aux article 8.1a) et 8.1b) et du délit de blanchiment-détention prévu à l’article 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie. »2 Le manque de base légale suppose que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis, qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi3. Le manque de base légale constitue donc une violation de la loi caractérisée par le fait que le juge du fond a appliqué une règle de droit sans justifier de l’une de ses conditions légales d’application4. Ce cas d’ouverture se distingue de la violation de la loi stricto sensu en ce sens que chaque fois que la Cour de cassation se trouve en présence d’un arrêt qui contient des constatations de fait complètes, qui lui permettent de vérifier si la loi a été ou non correctement appliquée, la cassation qu’elle est amenée à prononcer peut être fondée sur la violation de la loi, par fausse application ou fausse interprétation des dispositions visées. Chaque fois au contraire que la Cour régulatrice se trouve en présence de constatations de fait incomplètes ou imprécises, qui la mettent dans l’impossibilité d’exercer pleinement son contrôle de qualification des faits ou de l’application de la loi, la censure pour défaut de base légale s’impose5.

Au vu des développements qui précèdent, il est évident que ce reproche n’est pas établi en l’espèce, puisque les magistrats d’appel ont examiné et exposé de manière détaillée les éléments factuels sur base desquels ils ont retenu la culpabilité de l’actuel demandeur en cassation et ils ont ainsi qualifié à suffisance les éléments constitutifs des infractions lui reprochées.

La première branche du moyen n’est donc pas fondée.

En réalité, sous le couvert du grief mis en œuvre par la première branche du moyen, celle-

ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation des éléments factuels desquels les juges du fond ont déduit la culpabilité de l’actuel demandeur en cassation. Ceci résulte clairement des développements relatifs à la première branche qui ne contiennent pas la moindre argumentation d’ordre juridique, mais qui se limitent à critiquer l’interprétation des faits par les juges du fond. Or, celle-ci relève de leur pouvoir souverain, de sorte que sous cet aspect, la première branche du moyen ne saurait être accueillie.

Quant à la deuxième branche du moyen :

en ce que la chambre correctionnelle de la Cour d’appel a confirmé par adoption des motifs de la juridiction de première instance, en ce qu’elle a retenu coupable Y) des infractions à l’article 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 concernant la vente de 2 Arrêt attaqué, page 16, dernier alinéa, et page 17, 1er alinéa 3 Cass n°89/16 du 17 novembre 2016, n°3705 du registre 4 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, édition Dalloz 2015/2016, n°78.41 5 idemsubstances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, en tant que co-auteur, les éléments constitutifs de l’infraction étant réunis en l’espèce, alors que la Cour Européenne des droits de l’Homme exige que l’imputation à un éventuel co-auteur d’un élément constitutif de l’infraction, sinon d’une circonstance aggravante objective, soit l’objet d’une appréciation distincte et individualisée dans le chef de chaque coauteur et complice et qu’en retenant Y) dans les liens de la prévention des articles 8.1a) et 8.1b) de la loi du 19 février 1973 modifiée sur les stupéfiants, sans établir dans son chef les éléments matériels de l’importation, de la vente, de la mise en circulation, soit d’avoir en toute connaissance de cause donné des instructions ou aidé l’auteur principal à commettre les infractions, la Cour d’appel a violé le texte en question.

La deuxième branche du moyen unique de cassation semble, à bien en saisir le sens, reprocher aux magistrats d’appel de ne pas avoir établi à suffisance les éléments constitutifs des infractions retenues dans le chef de l’actuel demandeur en cassation, mais de s’être limités à les déduire de ceux mis à charge de son co-auteur. Sa portée ne se distingue donc guère de la première branche, même si elle est formulée de manière différente.

A nouveau, les développements dans le cadre de la discussion de la seconde branche portent exclusivement sur des éléments factuels du dossier répressif et leur interprétation par la Cour d’appel.

Or, il se dégage de la réponse que la soussignée propose de donner à la première branche du moyen que les magistrats d’appel ont dûment et minutieusement analysé le rôle précis joué dans le trafic de stupéfiants par l’actuel demandeur en cassation, et sans se limiter à une simple adoption de motifs, en développant sur trois pages de l’arrêt6 les circonstances concrètes leur permettant de conclure à sa participation active dans l’importation, la vente, l’offre en vente, le transport ainsi que la détention en vue d’autrui des drogues en cause.

Tout comme la première branche du moyen, la seconde n’est pas non plus fondée et, sous le couvert du grief tiré de la violation des textes invoqués, elle ne tend qu’à remettre en cause l’interprétation des éléments factuels et des moyens de preuve par les juges du fond. Puisque cette appréciation relève de leur pouvoir souverain, la seconde branche ne saurait être accueillie.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

6 Arrêt attaqué, pages 14 à 16 Pour le Procureur Général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38/22
Date de la décision : 10/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-03-10;38.22 ?

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