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10/03/2022 | LUXEMBOURG | N°36/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 mars 2022, 36/22


N° 36 / 2022 du 10.03.2022 Numéro CAS-2021-00042 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Marc SCHILTZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme O), demanderesse en cassation, comp

arant par la société à responsabilité limitée F&F Legal, inscrite à la liste V du tableau...

N° 36 / 2022 du 10.03.2022 Numéro CAS-2021-00042 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Marc SCHILTZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme O), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée F&F Legal, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, et:

la société en commandite par actions V), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 146/20 - VII - CIV, rendu le 11 novembre 2020 sous le numéro CAL-2020-00468 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 6 avril 2021 par la société anonyme O) (ci-après « la société O) ») à la société en commandite par actions V) (ci-après « la société V) »), déposé le 16 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 20 mai 2021 par la société V) à la société O), déposé le 25 mai 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un magistrat statuant en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, sur requête de la société V), par ordonnance du 20 mars 2020, rétracté celle du 31 octobre 2019 qui avait autorisé la société O) à procéder à une saisie-arrêt entre ses propres mains pour toute somme qu’elle redoit ou redevra à la société V), annulé ladite ordonnance et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt. La Cour d’appel a confirmé l’ordonnance du 20 mars 2020.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation sinon d’un refus d’application, sinon d’une mauvaise application, sinon d'une mauvaise interprétation de sinon du refus d'application de l'article 264 du Nouveau Code de procédure Civile en ce que les juges d'appel ont confirmé le juge de première instance agissant comme juge des saisies comme en matière de référé qui a révoqué l'ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019 et déclaré celle-ci nulle et de nul effet. ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation sinon d'un refus d'application, sinon d'une mauvaise application, sinon d'une mauvaise interprétation de sinon du refus d'application de tiré de la violation sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application de l'article 1134 du code civil, en ce que les juges d'appel n'ont pas fait droit à la demande de la société O) de saisir arrêté entre ces propres mains le montant de 3 millions d'euros pour avoir sureté et paiement de sa créance de 9.000.048 euros alors que cette demande était basée sur l'article 9.3.1. les conditions générales de la partie demanderesse signées par la partie défenderesse, refusant par là même d'appliquer l'article 1134 du Code Civil aux termes duquel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à qui les ont faites et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

Réponse de la Cour En retenant « A l’appui de sa demande, la société O) invoque un arrêté de compte du 27 mars 2019 que l’intimée n’aurait pas contesté dans le délai contractuel de 3 mois.

Sur base de cet extrait elle fait état d’une créance de 9.000.488 euros. Elle se prévaut de la théorie de la correspondance commerciale acceptée ainsi que du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 17 avril 2020 qui lui aurait reconnu un droit à rémunération pour les prestations effectuées par elle après la résiliation unilatérale du contrat par V), ce sans attendre la solution donnée quant à l’annulation du contrat. Elle estime que la créance qui n’aurait jamais été contestée par la partie adverse présenterait une apparence de certitude atténuée justifiant le maintien de la saisie.

Il résulte du courrier de mise en demeure du 27 mars 2019, que le montant réclamé par O) l’est sur base de l’article 10.1.7 des conditions générales qui dispose qu’en toute hypothèse ainsi qu’en cas de résiliation de la convention pour quelque cause que ce soit, le titulaire reste redevable envers O) du montant des SDD et TIP SEPA encaissés durant les 13 derniers mois (+ 30 jours calendaires de délai de paiement à compter de la résiliation et dont la période possible de rejet n’est pas encore achevée).

Les termes de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Paris en date du 7 avril 2017 renseignent que la demande formulée devant le juge des référés français tendait précisément à voir ordonner la poursuite du contrat pendant la durée du préavis de 13 mois, respectivement à voir condamner V) à payer à la société O), à titre de provision, la somme de 14.265.333,29 euros correspondant à 13 mois d’exécution du contrat.

Or le juge des référés a débouté la société O) de ses demandes.

Cette ordonnance a été confirmée en appel par décision du 2 novembre 2017, la Cour d’appel retenant aux termes de sa motivation « qu’il s’ensuit avec l’évidence requise en référé que la société O) a eu à l’égard de V) et des filiales de celles-ci un comportement fautif contraire à la bonne foi qui doit présider à la conclusion d’un contrat et que cette faute, en raison de l’atteinte importante portée à l’image des sociétés de ce groupe, de ses conséquences dans leurs relations avec leurs abonnés et leur personnel et à son incidence potentielle justifiait la résiliation immédiate de celle-ci. Par conséquent ladite rupture ne saurait être analysée comme un trouble manifestement illicite.

Au vu des motifs qui précèdent, les demandes de la société O) ne sauraient pas non plus être accueillies sur un autre fondement tiré des articles 872 et 873 du code de procédure civile ».

Ces décisions bénéficient, aux termes de l’article 33 du Règlement (CE) no 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, de la reconnaissance de plein droit et s’imposent au juge des référés luxembourgeois.

Il s’ensuit que O) ne saurait se prévaloir d’une mise en demeure postérieure à ces décisions de justice portant sur la même créance pour établir ses droits.

Par ailleurs le principe de la correspondance commerciale acceptée n’existant pas en droit français, le silence gardé par la société V) à la réception de cette mise en demeure ne saurait être interprété comme l’acceptation d’une créance qu’elle a auparavant contestée avec succès devant les juridictions de référé françaises. », les juges d’appel ont souverainement apprécié au regard des décisions judiciaires rendues entre parties en France que le silence gardé par la société V) à la réception de la mise en demeure ne saurait être interprété comme l’acceptation d’une créance qu’elle avait auparavant contestée avec succès devant les juridictions de référé françaises, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation sinon d'un refus d'application, sinon d'une mauvaise application, sinon d'une mauvaise interprétation de sinon du refus d'application de l'article 1156 du code civil, en ce que les juges d'appel n'ont pas fait droit à la demande en et basée sur l'article 9 des conditions générales signées entre les parties en y ajoutant encore que la correspondance acceptée n'existe pas en droit Français violant ainsi l'article 1156 du Code Civil aux termes duquel ».

Réponse de la Cour L’article 1156 du Code civil n’a pas un caractère impératif, ses dispositions constituant des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre la société anonyme O) et la société en commandite par actions de droit français V) (n° CAS-2021-00042 du registre) Par mémoire signifié le 6 avril 2021 et déposé le 16 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société anonyme O) (ci-après « O) »), a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 11 novembre 2020 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière de saisies, en la forme des référés, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2020-00468 du rôle.

En l’absence de pièces documentant la signification de l’arrêt en question à la demanderesse en cassation et la recevabilité du pourvoi n’ayant pas été remise en cause quant aux délais prévus par la loi par la défenderesse en cassation, il y a lieu de présumer que l’arrêt en question n’a pas été signifié, de sorte que le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi. Il est partant recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, agissant pour le compte de la défenderesse en cassation, la société en commandite par actions de droit français V) (ci-après « V) »), le 20 mai 2021 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 25 mai 2021. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les faits et rétroactes :

Selon l’arrêt attaqué, par une ordonnance du 20 mars 2020, le magistrat statuant en remplacement du président du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait fait droit à la demande de rétractation formulée par V) d’une ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019 qui avait autorisé O) à procéder à une saisie-arrêt entre ses propres mains pour un certain montant de toute somme due à V), avait annulé ladite ordonnance et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt.

Par l’arrêt entrepris par le pourvoi, la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance du 20 mars 2020.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 264 du Nouveau code de procédure civile sur le régime des nullités, en ce que « les juges d’appel ont confirmé le juge de première instance (…) qui a révoqué l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019 et déclaré celle-ci nulle et de nul effet ».

Aux termes de ce moyen, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la disposition reprise au moyen en confirmant l’ordonnance du juge de première instance en ce que celle-ci aurait déclaré l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019 nulle et de nul effet sans relever le moindre vice de fond, ni de forme affectant celle-ci. Elle estime encore que si nullité il y aurait eu, celle-ci aurait été couverte en application de l’article 264 du Nouveau code de procédure civile alors que le moyen n’aurait pas été soulevé par V). De plus, il considère que le juge de première instance aurait préalablement à la décision de nullité dû vérifier si la nullité portait atteinte aux intérêts de la partie adverse.

Il convient de rappeler que c’est au demandeur en cassation qu’incombe la charge de la preuve de justifier de la recevabilité du moyen qu’il présente, et par conséquent, d’établir son défaut de nouveauté s’il ne résulte pas des énonciations de la décision attaquée ou du dépôt de conclusions devant les juges d’appel1.

En l’espèce, il ne résulte ni de l’arrêt entrepris, ni de l’acte d’appel versé en cause, que l’application de l’article 264 du Nouveau code de procédure civile ait été soulevée devant les juges d’appel. Le moyen de la violation de l’article 264 du Nouveau code de 1 BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 82.101.

procédure civile n’a par ailleurs pas été révélé seulement par l’arrêt entrepris, il découlait de l’ordonnance et première instance et aurait pu être invoqué devant les juges d’appel.

Or, en appel, la demanderesse en cassation avait conclu à l’annulation de l’ordonnance de première instance non pas pour le motif de la violation de l’article 264 du Nouveau code de procédure civile relatif au régime des nullités, mais de la violation de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile au sujet de l’obligation faite aux juges de motiver leurs décisions.

Il en suit que le moyen, qui est mélangé de fait et de droit, est à déclarer irrecevable pour être nouveau.

A titre subsidiaire, il résulte de la motivation de l’arrêt entrepris que la Cour d’appel a considéré « que le juge de première instance a entendu faire droit à la demande de rétractation formulée par la société V) même si dans le dispositif de l’ordonnance, après avoir révoqué l’autorisation présidentielle, il a malencontreusement ajouté que celle-ci était nulle et de nul effet »2 et que cette mention erronée ne saurait donner lieu à annulation de l’ordonnance du juge de première instance.

Les juges d’appel ont partant retenu que c’était à tort que le juge de première instance avait considéré que l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019 était à annuler. Par contre, ils ont confirmé l’ordonnance de première instance en ce qu’elle a ordonné la révocation de l’ordonnance présidentielle du 31 octobre 2019.

Il en suit que le moyen tiré de la violation par les juges d’appel de l’article 264 du Nouveau code de procédure civile est étranger à l’arrêt entrepris et qu’il est, à ce titre, irrecevable, sinon n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 1134 du Code civil suivant lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de ce moyen, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir fait droit à sa demande de saisie-arrêt pour le montant indiqué alors que cette demande aurait été justifiée compte tenu de l’absence de contestation par la société V), dans les délais fixés dans les conditions générales signées entre les parties, de 2 Arrêt entrepris, p. 5.

l’extrait de compte faisant état de la créance qui lui avait été adressé en annexe d’une mise en demeure. En refusant de faire application des conditions générales signées entre les parties, la Cour d’appel aurait violé l’article 1134 du Code civil.

L’arrêt est motivé comme suit sur le point considéré :

« A l’appui de sa demande, la société O) invoque un arrêté de compte du 27 mars 2019 que l’intimée n’aurait pas contesté dans le délai contractuel de 3 mois.

Sur base de cet extrait elle fait état d’une créance de 9.000.488 euros. Elle se prévaut de la théorie de la correspondance commerciale acceptée ainsi que du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 17 avril 2020 qui lui aurait reconnu un droit à rémunération pour les prestations effectuées par elle après la résiliation unilatérale du contrat par V), ce sans attendre la solution donnée quant à l’annulation du contrat. Elle estime que la créance qui n’aurait jamais été contestée par la partie adverse présenterait une apparence de certitude atténuée justifiant le maintien de la saisie.

Il résulte du courrier de mise en demeure du 27 mars 2019, que le montant réclamé par O) l’est sur base de l’article 10.1.7 des conditions générales qui dispose qu’en toute hypothèse ainsi qu’en cas de résiliation de la convention pour quelque cause que ce soit, le titulaire reste redevable envers O) du montant des SDD et TIP SEPA encaissés durant les 13 derniers mois (+ 30 jours calendaires de délai de paiement à compter de la résiliation et dont la période possible de rejet n’est pas encore achevée).

Les termes de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Paris en date du 7 avril 2017 renseignent que la demande formulée devant le juge des référés français tendait précisément à voir ordonner la poursuite du contrat pendant la durée du préavis de 13 mois, respectivement à voir condamner V) à payer à la société O), à titre de provision, la somme de 14.265.333,29 euros correspondant à 13 mois d’exécution du contrat.

Or le juge des référés a débouté la société O) de ses demandes.

Cette ordonnance a été confirmée en appel par décision du 2 novembre 2017, la Cour d’appel retenant aux termes de sa motivation « qu’il s’ensuit avec l’évidence requise en référé que la société O) a eu à l’égard de V) et des filiales de celles-ci un comportement fautif contraire à la bonne foi qui doit présider à la conclusion d’un contrat et que cette faute, en raison de l’atteinte importante portée à l’image des sociétés de ce groupe, de ses conséquences dans leurs relations avec leurs abonnés et leur personnel et à son incidence potentielle justifiait la résiliation immédiate de celle-ci. Par conséquent ladite rupture ne saurait être analysée comme un trouble manifestement illicite.

Au vu des motifs qui précèdent, les demandes de la société O) ne sauraient pas non plus être accueillies sur un autre fondement tiré des articles 872 et 873 du code de procédure civile ».

Ces décisions bénéficient, aux termes de l’article 33 du Règlement (CE) no 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, de la reconnaissance de plein droit et s’imposent au juge des référés luxembourgeois.

Il s’ensuit que O) ne saurait se prévaloir d’une mise en demeure postérieure à ces décisions de justice portant sur la même créance pour établir ses droits.

Par ailleurs le principe de la correspondance commerciale acceptée n’existant pas en droit français, le silence gardé par la société V) à la réception de cette mise en demeure ne saurait être interprété comme l’acceptation d’une créance qu’elle a auparavant contestée avec succès devant les juridictions de référé françaises.

Pour être complète, la Cour relève encore que le fait que les juges du fond français aient reconnu un droit à rémunération pour les prestations effectuées par la partie appelante après la résiliation unilatérale du contrat par la société V) et aient réouvert les débats sur une mission d’expertise visant à déterminer d’une part les encaissements réalisés pour compte de V) par O) et non reversés à celle-ci et d’autre part la valeur des prestations poursuivies par O) au profit de V) après la résiliation du contrat et non payées par celle-ci, n’est pas de nature à justifier la saisie-arrêt opérée, dans la mesure où l’établissement de cette créance, qui repose sur les frais réels exposés par O) et non sur un préavis réclamé de 13 mois, requiert une mesure d’instruction.

Il suit de l’ensemble de ces considérations que l’appel est à déclarer non fondé et l’ordonnance entreprise à confirmer. »3 Il résulte de ces développements que les juges d’appel ont notamment considéré que la défenderesse en cassation avait contesté – et même avec succès devant les juridictions de référé françaises – la créance dont le paiement lui était réclamé par la demanderesse en cassation et ceci préalablement à la mise en demeure comportant l’arrêté de compte litigieux qui lui avait été adressée par la demanderesse en cassation, de sorte que le principe de la correspondance commerciale acceptée ne pouvait trouver application.

Il en suit que le moyen invoqué ne saurait être accueilli puisqu’il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation de l’existence d’une contestation régulièrement formulée par la défenderesse en cassation à l’égard de la créance qui lui était réclamée, cette appréciation des faits et leur application aux dispositions conventionnelles conclues 3 Arrêt entrepris, pages 5 à 7.

entre parties relevant du pouvoir souverain des juges du fond et échappant ainsi au contrôle de Votre Cour.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 1156 du Code civil au regard de l’article 9 des conditions générales signées entre les parties.

Ce moyen est irrecevable, puisque Votre Cour décide de manière constante que l’article 1156 du Code civil n’a pas un caractère impératif, que les dispositions des cet article constituent des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance donne ouverture à cassation4.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 4 Cass. 3.12.2020, n° 162/2020, n° CAS-2019-00169 du registre, réponse au deuxième moyen de cassation ; Cass.

18.06.2020, n° 87/2020, n° CAS-2019-00083 du registre, réponse au premier moyen de cassation ; Cass.

11.06.2020, n° 84/2020, n° CAS-2019-00066 du registre, réponse au huitième moyen de cassation ; Cass.

04.06.2020, n° 76/2020, n° CAS-2019-00091 du registre, réponse au deuxième moyen de cassation ; Cass.

22.11.2018, n° 112/2018, n° 4026 du registre, réponse au quatrième moyen de cassation ; Cass. 15.11.2018, n° 108/2018, n° 4016 du registre, réponse au deuxième moyen de cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36/22
Date de la décision : 10/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-03-10;36.22 ?

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