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03/03/2022 | LUXEMBOURG | N°30/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 03 mars 2022, 30/22


N° 30 / 2022 du 03.03.2022 Numéro CAS-2021-00006 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trois mars deux mille vingt-deux, Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

R), demandeur en cassation, comparant par la société anonym

e ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du ...

N° 30 / 2022 du 03.03.2022 Numéro CAS-2021-00006 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trois mars deux mille vingt-deux, Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

R), demandeur en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Myriam PIERRAT, avocat à la Cour, et:

1) B), défendeur en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme T), (anciennement la société anonyme P)), défenderesse en cassation, comparant par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) la société anonyme P) FINANCE - SPF, défenderesse en cassation, comparant par Maître Arsène KRONSHAGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

____________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 143/20 - II - CIV, rendu le 4 novembre 2020 sous le numéro 45048 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 janvier 2021 par R) à B), à la société anonyme T) et à la société anonyme P) FINANCE - SPF, (ci-après « la société P) »), déposé le 15 janvier 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 mars 2021 par la société T) à R), à B) et à la société P), déposé le 10 mars 2021 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 mars 2021 par B) à R), à la société T) et à la société P), déposé le 11 mars 2021 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 9 mars 2021 par la société P) à R), à B) et à la société T), déposé le 12 mars 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, R) avait assigné B) et les sociétés T) et P) devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg aux fins de voir constater que la condition suspensive stipulée dans un des trois contrats ayant lié les parties ne s’était pas réalisée en raison de manquements des défendeurs en cassation à leurs obligations contractuelles, subsidiairement de voir prononcer la résiliation des contrats aux torts des défendeurs en cassation, et partant, les voir condamner à lui payer des dommages-

intérêts. Le tribunal d’arrondissement rejetait la demande. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation soulèvent, pour défaut d’intérêt dans le chef du demandeur en cassation, l’irrecevabilité du pourvoi dirigé contre la partie du dispositif de l’arrêt qui a « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions et », au motif que la Cour d’appel y a rejeté un moyen de défense des défendeurs en cassation qu’ils avaient opposé à la demande principale.

Il ressort de la motivation de l’arrêt attaqué que les défendeurs en cassation ont opposé à la demande principale en exécution forcée de la convention « achat/vente » une demande reconventionnelle en résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

____ » à prononcer aux torts du demandeur en cassation.

En ce que le rejet de la demande reconventionnelle ne lèse pas le demandeur en cassation, il est sans intérêt à se pourvoir en cassation contre cette partie de l’arrêt.

Il s’ensuit que le pourvoi en cassation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la partie du dispositif de l’arrêt qui a « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions et ».

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable pour le surplus.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des dispositions spécifiées dans l'exposé de ses 1re, 3e, 4e et 5e branches ci-dessous, ainsi que dans sa 2e branche du manque de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil, en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement de première instance, a dit non fondée la demande de M. R), aux motifs que est réputée accomplie en cas de comportement fautif, de négligence grave (notamment le défaut d'entreprendre ou la suspension des démarches en vue d'obtenir les autorisations administratives) ou d'inconduite notoire de l'un des actionnaires (à savoir R) ou B)) qui aurait pour conséquence d'empêcher la délivrance du PAP et la réalisation de la condition suspensive.

Concernant tout d'abord l'absence de diligences en vue de la réalisation de la condition suspensive, il est rappelé qu'il est de principe que pour satisfaire à la condition suspensive, le débiteur obligé sous condition suspensive doit déployer toutes les diligences nécessaires pour que la condition puisse s'accomplir comme prévu au contrat. Lorsqu'il en empêche l'accomplissement, celle-ci est réputée accomplie. L'article 1178 du code civil impose ainsi à charge du débiteur qui s'engage sous une condition suspensive une véritable obligation de coopérer loyalement afin que la condition puisse se réaliser. Le débiteur doit, dès lors, entreprendre tout son possible pour que l'opération puisse aboutir et la jurisprudence récente met à charge du débiteur l'obligation d'établir qu'il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n'a pas pu surmonter les difficultés rencontrées.

En souscrivant aux conditions suspensives litigieuses, les parties intimées se sont, dès lors, obligées à entreprendre toutes les démarches utiles à l'obtention de l'approbation du PAP en question et à consentir les efforts nécessaires au succès de pareilles démarches, le tout dans le délai convenu entre les parties.

Tel que le tribunal l'a relevé à juste titre, les parties intimées, si elles voulaient avoir une chance d'obtenir une décision d'approbation du PAP nécessaire à la réalisation du projet "

____", avaient pour le moins l'obligation de déposer, dans le délai de 36 mois de la signature des conventions, une demande à cette fin. En effet, l'obligation de loyauté incombant aux parties B), T) et P) FINANCE SPF leur imposait de mettre les autorités communales en mesure de prendre leur décision relative au PAP par le dépôt d'un dossier ou d'une demande dans un délai compatible avec les nécessités de l'instruction du dossier et de la prise de décision, même si la décision d'approbation n'était pas prise endéans le délai prévu. Or, force est de constater que les parties intimées n'ont entrepris strictement aucune démarche en vue de l'approbation du PAP, ni avant l'interruption de la procédure de modification du PAG intervenue au mois de septembre 2011, ni postérieurement aux élections communales du mois d'octobre 2011 et à la mise en place d'un nouveau conseil communal qui aurait pu valablement siéger, étant encore relevé que les parties intimées ne justifient pas davantage avoir demandé un report du délai convenu pour la réalisation de la condition, prorogation pourtant expressément prévue à la convention.

L'offre de preuve présentée par R) afin d'établir l'absence de démarches par B) en vue de la réalisation de la condition suspensive est à écarter, les faits offerts en preuve étant d'ores et déjà constants pour résulter de l'ensemble des éléments du dossier et n'étant pas contestés.

Toutefois, c'est à juste titre que les juges de première instance ont retenu que le comportement fautif décrit ci-dessus des parties intimées ne se trouve pas en relation causale avec la non-réalisation de la condition suspensive, à savoir le défaut d'approbation du PAP nécessaire à la réalisation du projet "

____", dès lors que le défaut d'approbation du PAP ne peut être imputé aux parties intimées, mais résulte d'un obstacle extérieur à celles-ci impossible à lever. En effet, il est constant en cause que l'approbation du PAP nécessitait une modification ponctuelle préalable du PAG de la commune de Y) en vue d'inclure dans le périmètre constructible des terrains sur lesquels devait être construit le stade de football. Or, la procédure à cet effet avait été interrompue et annulée en raison d'un conflit d'intérêts parmi les membres du conseil communal et elle n'avait pas été reprise avant l'expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive.

La Cour se rallie encore à la motivation du tribunal qu'elle fait sienne concernant les autres manquements contractuels reprochés aux parties intimées.

Ainsi, l'inobservation par la société P) des obligations contractuelles mises à sa charge par le contrat de consultance, le retard pris par B) à constituer la société d'exploitation du projet "

____" et à formaliser la cession d'actions ainsi que l'omission par B) d'informer mensuellement R) de l'état d'avancement du projet "

____" sont sans relation avec la non-réalisation de la condition suspensive, de sorte que ces reproches manquent de pertinence à cet égard.

Enfin, c'est encore par une motivation correcte que la Cour adopte que les juges de première instance ont écarté le reproche de non-respect de l'obligation de confidentialité, retenant qu'il n'était pas établi que ce sont les parties intimées qui ont procédé à la communication au public d'un courrier ministériel qualifié de confidentiel adressé aux parties B) et R), ainsi que le reproche d'inconduite notoire, la preuve n'étant pas rapportée que le désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet "

____" soit imputable aux poursuites pénales engagées à l'encontre de B).

Il suit des développements qui précèdent que l'appel n'est pas fondé et que le jugement entrepris est à confirmer dans la mesure où il a été entrepris. », alors que selon une jurisprudence désormais constante, Le débiteur doit répondre à la confiance du créancier en exécutant son obligation de la façon la plus utile et la plus loyale possible. Il doit donner à sa prestation la plus grande efficacité possible. Le concept de la mauvaise foi se retrouve dans plusieurs dispositions légales où le législateur a entendu sanctionner la volonté du débiteur de refuser le jeu contractuel. Il en est ainsi de l'article 1178 du Code civil qui sanctionne l'attitude fautive du débiteur qui empêche de façon délibérée l'accomplissement d'une condition stipulée. La jurisprudence récente concernant cet article ne vise pas seulement les manœuvres par lesquelles le débiteur provoque de mauvaise foi ou déloyalement la réalisation de l'évènement stipulé, mais elle intensifie le contenu de l'obligation de loyauté en lui imposant une véritable obligation positive de faire tout son possible pour que l'opération aboutisse, ceci surtout lorsque, comme en l'espèce, la condition dépend de la décision d'un tiers. Le débiteur doit faire toutes les diligences en son pouvoir pour assurer les chances de réalisation de la condition. La charge de la preuve de l'accomplissement de ces diligences incombe au débiteur » (Cour d'appel (civil), 12 novembre 2003, Pas. 32, p. 426 ; cf. également, Cour d'appel (civil), 5 juillet 2006, Pas. 33, p. 269 ; Cour de cassation (cassation civile), 14 juillet 2009, Pas. 34, p. 413), que par rapport aux exigences légales ainsi rappelées par la jurisprudence, il incombait aux défendeurs en cassation de mettre en œuvre toutes les diligences en leur pouvoir pour assurer la réalisation de la condition suspensive (approbation du PAP) ; que la réalisation de cette condition englobait, selon les constatations des juges du fond, la nécessité que le PAG de la commune de Y) soit ponctuellement modifié ;

la première branche, le demandeur en cassation avait fait valoir à cet égard ce qui suit dans ses conclusions (conclusions (3) récapitulatives du 6 décembre 2019, pages 33 à 35) :

adoption d'une modification ponctuelle du plan d'aménagement général (ci-après "PAG") de la Commune de Y).

En tout état de cause, tout promoteur soucieux de se voir délivrer le PAP nécessaire à la réalisation de son projet (surtout dans le délai très court de 36 mois) ne reste pas "les bras croisés" dans l'attente de l'approbation de la modification ponctuelle du PAG.

Au contraire, il profite de ce délai pour préparer et finaliser son dossier de façon à pouvoir déposer le plus vite possible son dossier.

Le Masterplan établi par l'État pour le Projet "

___" en 2010 lui fournissait tous les éléments pour le faire. Il n'a pourtant rien entrepris.

En outre, dans la mesure où Monsieur B) était absolument convaincu (et il faut bien dire que la lettre signée par les 3 ministres vient appuyer sa conviction) que le Projet "

____" avait le soutien ferme et inconditionnel du gouvernement luxembourgeois et qu'il était donc persuadé que les démarches relatives à la modification ponctuelle du PAG n'étaient qu'une formalité, il n'y avait strictement aucune raison pour que ce dernier attende avant d'introduire sa demande de PAP.

Par ailleurs, même si cela ne concerne pas directement la délivrance du PAP, Monsieur B) aurait pu entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir la délivrance et le transfert des autorisations "grande surface" au profit du Projet "

____", ce qui n'a pas été fait malgré relances de Monsieur R).

Vu le délai très court de 36 mois, chaque jour devait être pleinement utilisé.

Il est évident qu'un promoteur normalement prudent et diligent va s'efforcer de faire avancer un maximum les démarches liées au développement d'un PAP avant même que la modification ponctuelle nécessaire du PAG ne soit définitivement adoptée, surtout s'il est tenu par un délai très court de 36 mois. Il peut se consacrer par exemple à la préparation des études et rapports justificatifs, travailler sur les devis et évaluation des travaux d'infrastructures, prendre contact avec les services techniques de la commune pour affiner le projet etc.

Dans le meilleur des cas, le projet de PAP peut ainsi être introduit immédiatement après l'approbation de la modification du PAG.

Les parties intimées n'ont pourtant entrepris aucune de ces démarches.

En date du 21 septembre 2011, toute la presse luxembourgeoise faisait état de l'interruption de la procédure de modification ponctuelle du PAG de la commune de Y). Or, entre le 21 septembre 2011 et l'échéance du délai de 36 mois (juillet 2012), les parties intimées n'ont rien fait pour que la procédure de modification ponctuelle reprenne son cours.

Il faut en effet rappeler que le premier vote provisoire est intervenu le 21 septembre 2011 et que le 22 septembre 2011 un conseiller de la Commune de Y) signala au Ministre de l'Intérieur l'existence d'un éventuel conflit d'intérêts lors du vote du 21 septembre et qu'en octobre 2011, le Ministre demanda à la commune de stopper la procédure pour résoudre la question du conflit d'intérêts.

Le 9 octobre 2011 ont eu lieu les élections communales, et fin octobre 2011 fut mis en place un nouveau conseil communal qui soutenait le Projet "

____" ».

Comme ce nouveau conseil communal soutenait le Projet "

____", Monsieur B) aurait dû intervenir pour qu'un nouveau vote soit tenu dès la mise en place du nouveau conseil communal, c'est-à-dire en novembre 2011.

Or, il n'a strictement entrepris aucune démarche en ce sens.

Là encore, il ne s'agit aucunement du comportement qu'aurait adopté un promoteur normalement diligent.

Si Monsieur B) avait entrepris les démarches utiles en temps voulus, le PAP aurait été délivré puisque tant la commune que le gouvernement soutenaient le projet.

Il ressort d'ailleurs du courrier du mandataire de Monsieur B) du 9 mars 2010 (Pièce n°4 de Me LUTGEN) que Monsieur B) aurait été "en contact permanent" avec les services compétents de la Commune de Y), le bourgmestre et les Ministères concernés. Rien ne l'empêchait dès lors d'entreprendre les démarches requises.

En septembre 2011, quand le problème du conflit d'intérêt est apparu au sein du conseil communal de Y), Monsieur B) n'a même pas pris la peine de contacter le Bourgmestre ou les services communaux compétent afin de chercher à faire avancer le dossier. Ce revirement d'attitude et ce soudain désintérêt s'explique sans doute par des considérations de rentabilité plus amplement exposées ci-après, au point 4.4.1.E.

des présentes.

Quoi qu'il en soit, telle n'est certainement pas l'attitude d'un promoteur normalement diligent cherchant à concrétiser un projet.

Dans ces conditions, l'appréciation des juges de première instance selon laquelle la relation causale entre la faute des parties intimées et la défaillance de la condition suspensive était "rompue du fait que la modification du PAG, préalable nécessaire à l'adoption du PAP, n'a pas pu être menée à bon terme et ce pour des motifs étrangers aux comportements et agissements des parties défenderesses", est à réformer » ;

et encore, aux pages 37 et 38 des mêmes conclusions, sous la rubrique expressément intitulée :

conclusions notifiées par Me André LUTGEN soutiennent que le PAP n'aurait pas pu être initié en l'absence de modification ponctuelle du PAG et que cette modification qui n'a pas pu aboutir en raison d'un conflit d'intérêts survenu dans le chef d'une échevine, de sorte qu'existerait une "impossibilité juridique" à la réalisation de la condition.

L'argumentation adverse concernant la modification ponctuelle du PAG ne résiste pas à une analyse de la chronologie du dossier ni à une analyse des circonstances de droit.

En effet, il est vain de chercher à se réfugier derrière le prédit conflit d'intérêts d'une échevine. De telles situations se produisent couramment au Grand-

Duché de Luxembourg, d'autant plus que les élus d'une commune habitent nécessairement sur le territoire de cette commune et qu'ils sont ainsi aisément confrontés à des dossiers urbanistiques susceptibles de conflits d'intérêts.

Dans de tels cas, il suffit que l'élu concerné ne participe ni aux discussions, ni aux votes relatifs aux projets pour lesquels se présente un conflit d'intérêts, comme l'exige l'article 20 de la loi communale du 13 décembre 1988 telle qu'elle a été modifiée.

L'existence d'un "conflit d'intérêts" n'est donc pas une "impossibilité juridique".

Il résulte par ailleurs des pièces versées en cause, et notamment du courrier du 12 octobre 2011 (Pièce n°50 de KLEYR GRASSO, p. 8 et suivantes) que la commission d'aménagement avait bel et bien émis son avis sur le projet de modification ponctuelle du PAG en date du 27 juin 2011, soit dans le délai légal de 6 mois à compter de la réception du dossier complet.

Ce délai excède pourtant de très loin le temps nécessaire à la préparation d'une étude préparatoire et d'un projet de modification ponctuelle du PAG.

Par ailleurs, même en présence de ce conflit d'intérêts potentiel (Pièce n° 50 de KLEYR GRASSO, p. 9), rien n'empêchait les parties intimées de faire des démarches en vue de la reprise de la procédure de modification ponctuelle du PAG et, ensuite, de l'introduction du projet de PAP.

Elles pouvaient surtout préparer la demande de PAP en parallèle de la procédure de modification ponctuelle du PAG pour gagner du temps et être prêt à déposer leur demande de PAP dès que le PAG aurait été modifié.

Pourtant, la partie concluante donne à considérer que la Convention d'"achat/vente" a été signée en date du 19 mai 2009, soit plus de deux années avant l'avis de la Commission d'Aménagement et que pendant ce temps, Monsieur B) n'a strictement rien fait et n'a entrepris aucune démarche.

En réalité, rien n'empêchait les parties intimées de faire des démarches en vue de la reprise de la procédure de modification ponctuelle du PAG et, ensuite, de l'introduction du projet de PAP.

En date du 21 septembre 2011, toute la presse luxembourgeoise faisait état de l'interruption de la procédure de modification ponctuelle du PAG de la Commune de Y). Or, entre le 21 septembre 2011 et l'échéance du délai de 36 mois (juillet 2012), donc près de 9 mois, les parties intimées n'ont strictement rien fait pour que la procédure de modification ponctuelle reprenne son cours.

Aucune des pièces versées par les parties intimées ne vient infirmer ce constat.

Il ne s'agit nullement du comportement qu'aurait adopté un promoteur normalement diligent.

Les dispositions de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain, dans leur version en vigueur à l'époque des faits, selon lesquelles le PAG est élaboré à l'initiative du collège des Bourgmestre et échevins ne permettent en aucun cas de conclure à une absence de maîtrise des parties intimées sur la modification ponctuelle du PAG.

En effet, il est courant que la concrétisation de certains projet immobiliers nécessite une modification ponctuelle du PAG avant la réalisation d'un PAP puis la délivrance des autorisations de bâtir. Dans une telle hypothèse, il est tout à fait habituel en pratique que le promoteur du projet envisagé se rende aux services techniques de la commune concernée pour y présenter son projet et que la commune introduise ensuite la modification du PAG en question sur base des travaux réalisés par le bureau d'étude ou l'architecte du promoteur concerné.

L'argument avancé est en réalité un faux prétexte visant à masquer une toute autre réalité rien n'a été fait pour que la procédure de modification ponctuelle reprenne son cours.

D'ailleurs rien ne vient étayer les affirmations adverses selon lesquelles les démarches qu'aurait pu entreprendre Monsieur B) auraient été inopérantes. De telles affirmations ne font que confirmer encore le constat de la partie concluante selon lequel Monsieur B) n'a rien fait » ;

que par leurs motifs précités, les juges du fond n'ont pas répondu à ces passages des conclusions du demandeur en cassation en ce que ces passages faisaient spécifiquement valoir que la clause suspensive impliquait également des obligations, à la charge des défendeurs en cassation (lesquels avaient par leur inaction violé lesdites obligations), de favoriser par des démarches auprès des pouvoirs publics une modification ponctuelle du PAG ; que le défaut de réponse à conclusions vaut défaut de motifs et par conséquent violation de l'articles 249, alinéa 1er en combinaison avec l'article 587 du Nouveau Code de procédure civile ; ».

Réponse de la Cour Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme. Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant, d’une part, que les défendeurs en cassation n’avaient entrepris aucune démarche dans le délai imparti pour remplir la condition suspensive, et, d’autre part, que la prémisse sous-jacente à sa réalisation, à savoir la modification du PAG de la commune de Y), préalable nécessaire à l’adoption du PAP et l’obtention d’une autorisation de construire en faveur des défendeurs en cassation, objet de la condition suspensive, relevant du pouvoir d’un tiers, à savoir du conseil communal de ladite commune, ne s’était pas réalisée, pour en conclure que « la relation causale entre la faute des parties intimées et la défaillance de la condition suspensive était rompue du fait que la modification du PAG, préalable nécessaire à l'adoption du PAP, n'a pas pu être menée à bon terme et ce pour des motifs étrangers aux comportements et agissements des parties défenderesses », les juges d’appel ont implicitement considéré non pertinents les développements du demandeur en cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

la deuxième branche, (subsidiaire à la première), « à supposer que les motifs ci-dessus rappelés soient censés constituer une réponse aux moyens précités du demandeur en cassation, cette réponse est insuffisante et constitutive d'un manque de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil ;

qu’en effet les juges du fond devaient déterminer d'abord l'étendue des diligences auprès des différents pouvoirs publics auxquelles les défendeurs en cassation étaient obligés et leurs chances de succès, puis, la charge de la preuve de l'accomplissement des diligences faites pour que l'opération aboutisse pesant sur le débiteur, apprécier si les défendeurs en cassation avaient prouvé avoir fait toutes les diligences en leur pouvoir pour assurer les chances de réalisation de la condition en vue d'empêcher l'échec du projet, y compris sous l'angle de la modification ponctuelle du PAG de la commune ; qu'il appartenait aux juges du fond de rechercher dans ce contexte si une demande d'autorisation de leur PAP, introduite par les défendeurs en cassation, n'aurait pas amené la commune à mettre en œuvre la modification de son PAG ; que le fait, relevé par les juges du fond, qu'un conflit d'intérêts avait temporairement, pendant une partie des 36 mois dans lesquels la condition devait être réalisée, empêché un vote du conseil communal est inopérant à cet égard, dès lors que les juges du fond ne constatent pas le caractère définitif de cet obstacle, que pour le surplus les juges du fond ne pouvaient se satisfaire de l'exposé de M. B), lequel s'est contenté de décrire l'effondrement du projet

____ sans démontrer avoir accompli de quelconques diligences pour modifier le cours des choses ;

qu'il ne leur suffisait pas de prendre acte des fautes du débiteur alléguées par le demandeur en cassation mais qu'ils auraient dû exiger de M. B) et de ses sociétés qu'ils prouvent qu'ils avaient réellement effectué des démarches favorables à la réalisation de la condition y compris sous l'angle de la modification du PAG, que le demandeur en cassation l'a fait valoir dans ses conclusions récapitulatives d'appel du 6 décembre 2019 (p. 29 et 30) selon lesquelles :

(Pièce n° 6 de KLEYR GRASSO) doit être réputée accomplie sur base des dispositions de l'article 1178 du Code civil qui impose au débiteur une obligation positive de faire tout son possible pour que l'opération aboutisse.

2) La Convention d'"achat/vente" prévoit que la condition suspensive est réputée accomplie "en cas de comportement fautif, de négligence grave (notamment le défaut d'entreprendre ou la suspension des démarches en vue d'obtenir les autorisations administratives) ou d'inconduite notoire de l'un des ‘Actionnaires’ qui aurait pour conséquence d'empêcher la délivrance du ‘PAP’ et la réalisation de la condition suspensive" (Pièce n°6 de KLEYR GRASSO, p. 3).

3) La principale condition concernait ainsi les démarches à entreprendre par Monsieur B) pour obtenir le PAP.

4) Il appartient au débiteur, en l'espèce, aux parties intimées, d'établir que les diligences nécessaires pour que la condition se réalise ont été accomplies ou de justifier des raisons pour lesquelles elles n'ont pu surmonter les obstacles mis à la réalisation de la condition.

5) En l'espèce, une telle preuve n'est pas rapportée, et pour cause, les parties intimées n'ont strictement rien entrepris pour respecter les engagements figurant dans les conventions signées le 19 mai 2009 (Pièce n°19 de KLEYR GRASSO).

6) Les raisons de l'inertie de Monsieur B) s'expliquent par la diminution de la rentabilité de ce projet suite à la nécessité de réduire la surface commerciale de 76.000 m2 à 35.000 m2.

Les conclusions adverses utilisent de vains prétextes pour distraire l'attention de Votre Cour du fait que les parties intimées n'ont rien fait pour exécuter les conventions signées le 19 mai.

En effet, Votre Cour pourra aisément constater que les parties intimées n'ont strictement rien entrepris pour respecter les engagements figurant dans les conventions signées le 19 mai 2009 (Pièce n°19 de KLEYR GRASSO), manquant ainsi à leur obligation d'exécuter les prédites conventions de bonne foi.

Principalement, la concluante estime ainsi que la condition suspensive stipulée dans la Convention d'"achat/vente" (Pièce n° 6 de KLEYR GRASSO) doit être réputée accomplie sur base des dispositions de l'article 1178 du Code civil selon lesquelles :

condition, qui en a empêché l'accomplissement ».

Il est de jurisprudence constante qu'en application des dispositions de l'article 1178 précité, les juges imposent "une véritable obligation positive de faire tout son possible pour que l'opération aboutisse, ceci surtout lorsque la condition dépend de la décision d'un tiers. Le débiteur doit faire toutes les diligences en son pouvoir pour assurer les chances de réalisation de la condition. La charge de la preuve de l'accomplissement de ces diligences incombe au créancier." L’article 1178 du Code civil sanctionne les manœuvres par lesquelles le débiteur provoque de déloyalement la réalisation de l'évènement, mais lui impose également une obligation positive de faire tout son possible pour que l'opération aboutisse. Il lui appartient d'établir qu'il a accompli les diligences nécessaires pour que la condition se réalise, ou de justifier des raisons pour lesquelles il n'a pu surmonter les obstacles mis à la réalisation de la condition. La jurisprudence considère qu'il s'agit d'une application du principe de l'exécution de bonne foi des engagements.

Le débiteur de l'obligation doit donc :

- faire toutes les diligences en son pouvoir, - rapporter la preuve de l’accomplissement ces diligences.

A défaut, la condition est réputée accomplie » ;

que par leur motivation insuffisante, les juges du fond refusent ainsi à la Cour de cassation la possibilité de vérifier si la loi a été correctement appliquée, que cette insuffisance des constatations de fait prive leur décision de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En retenant « que le défaut d’approbation du PAP ne peut être imputé aux parties intimées, mais résulte d’un obstacle extérieur à celles-ci impossible à lever » en raison de ce que « la procédure » [d’adaptation, par la commune de Y), du PAG, nécessaire pour permettre l’adoption du PAP, objet de la condition suspensive] avait été interrompue et annulée en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et (…) n’avait pas été reprise avant l’expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive », en raison d’un « désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet », la Cour d’appel a caractérisé à suffisance les raisons pour lesquelles les défendeurs en cassation avaient réussi, conformément à l’article 1178 du Code civil, à « justifier des raisons pour lesquelles il[s] n’[ont] pas pu surmonter les difficultés rencontrées » pour remplir la condition suspensive.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa deuxième branche, n’est pas fondé.

Sur les trois dernières branches du moyen réunies la troisième, (subsidiaire à la première), « la charge de la preuve de l'accomplissement des diligences faites pour que l'opération aboutisse pesant sur le débiteur, les juges du fond ne pouvaient se satisfaire de l'exposé de M. B), lequel s'est contenté de décrire l'effondrement du projet

____ sans démontrer avoir accompli de quelconques diligences pour modifier le cours des choses, que les juges du fond auraient dû imposer au débiteur de prouver les diligences effectuées par celui-ci en vue d'empêcher l'échec du projet, y compris sous l'angle de la modification ponctuelle du PAG de la commune ;

qu'il ne leur suffisait pas de prendre acte des fautes du débiteur alléguées par le demandeur en cassation mais qu'ils auraient dû exiger de M. B) et de ses sociétés qu'ils prouvent qu'ils avaient réellement effectué des démarches favorables à la réalisation de la condition, qu'en renversant la charge de la preuve imposée par l'article 1178 du Code civil et en admettant l'attitude purement passive du débiteur de l'obligation, les juges du fond se sont privés d'éléments factuels qui leur auraient permis de déterminer si le débiteur s'était effectivement trouvé dans l'impossibilité d'infléchir le cours des choses - tel qu'il l'a présenté - et d'apprécier le lien causal entre l'attitude globale de M. B) et la non-réalisation de la condition, que ce faisant, ils ont violé l'article 1178 du Code civil.

la quatrième, (subsidiaire à la première), la charge de la preuve de l'accomplissement des diligences faites pour que l'opération aboutisse pesant sur le débiteur, les juges du fond ne pouvaient se satisfaire de l'exposé de M. B), lequel s'est contenté de décrire l'effondrement du projet

____ sans démontrer avoir accompli de quelconques diligences pour modifier le cours des choses, que les juges du fond auraient dû imposer au débiteur de prouver les diligences effectuées par celui-ci en vue d'empêcher l'échec du projet, y compris sous l'angle de la modification ponctuelle du PAG de la commune ;

qu'il ne leur suffisait pas de prendre acte des fautes du débiteur alléguées par le demandeur en cassation mais qu'ils auraient dû exiger de M. B) qu'il prouve qu'il avait réellement effectué des démarches favorables à la réalisation de la condition, que c'est pourtant sur base des seules fautes prouvées par M. R), dont ils ont ensuite exclu le lien causalité avec la non-réalisation de la condition suspensive litigieuse, que les juges d'appel ont rejeté la demande de M. R), que ce faisant, ils ont mis à charge du demandeur en cassation une preuve négative impossible à apporter ;

qu'ils ont ainsi violé l'articles 1315 du Code civil (v. en ce sens Cour de cassation n° 95/16 du décembre 2016) ;

la cinquième, (subsidiaire à la première), pour les mêmes raisons que celles exposées dans la quatrième branche, les juges du fond ont encore violé l'article 6, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en effet le fait d'imposer à M. R) une preuve négative aboutit à rompre l'égalité des armes entre les parties, dont le principe vise à maintenir un entre les parties et qui implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (Regner c.

République tchèque [GC], § 146; Dombo Beheer B. V. c. Pays-Bas, § 33) » (cf Guide sur l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme - Droit à un procès équitable (volet civil). ».

Réponse de la Cour Dès lors qu’il ressort des constatations de la Cour d’appel que les instances politiques n’étaient plus intéressées à faire avancer le projet de création du centre commercial

____, les juges d’appel, en retenant que le débiteur de l’obligation sous-

jacente à la condition suspensive, à savoir d’entreprendre toutes les diligences nécessaires pour faire aboutir le projet en question, quoique non remplie en l’espèce, n’était pas à l’origine de la non-réalisation de ladite condition, qui était due à un obstacle extérieur impossible à lever, ont, sans avoir procédé à un renversement de la charge de la preuve au détriment du créancier de l’obligation, pu retenir que le débiteur de l’obligation avait justifié de l’impossibilité de remplir son obligation civil et, partant, n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois dernières branches, n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le dispositif de l’arrêt ayant « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions achat/vente » et d’achat » » ;

le déclare recevable pour le surplus ;

le rejette ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Elisabeth EWERT et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation R) c/ 1) B), 2) société anonyme T), 3) société anonyme P)-FINANCE (affaire n° CAS-2021-00006 du registre) Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 15 janvier 2021 d’un mémoire en cassation, signifié le 14 janvier 2021 aux défendeurs en cassation, est dirigé contre un arrêt numéro 143/20-II-CIV, numéro du rôle 45048, rendu contradictoirement en date du 4 novembre 2020 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1.

Le mémoire respecte en outre les autres conditions de forme prévues par la loi2.

Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort, qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Les trois défendeurs en cassation3 soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi dans la mesure où ce dernier est dirigé contre la disposition par laquelle la Cour d’appel a « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

______ » et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions « achet/vente » et « option d’achat » »4. Le pourvoi serait dans cette mesure irrecevable parce que ce dispositif attaqué a été rendu en réponse à un moyen de défense des défendeurs en cassation et qu’il a pour objet de rejeter ce moyen, donc de donner de ce point de vue gain de cause au demandeur en cassation. Le moyen de cassation n’attaquerait par ailleurs pas les motifs de l’arrêt relatif au rejet de ce moyen.

1 Il ne résulte pas de pièces auxquelles vous pouvez avoir égard que l’arrêt attaqué ait été signifié au demandeur en cassation, de sorte que le délai du pourvoi, de deux mois, prévu par l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (le demandeur en cassation demeurant au Grand-

Duché), qui n’a pas commencé à courir, n’a pas pu être méconnu.

2 Le demandeur en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié aux parties adverses antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités, imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885, ont été respectées.

3 Mémoire en réponse de T), page 2, sous « Recevabilité formelle du recours en cassation », premier alinéa ;

mémoire en réponse de B), sous 1, 1.1, page 2 ; mémoire en réponse de P) FINANCE, sous 1, 1.1, pages 2-3.

4 Arrêt attaqué, page 14, dispositif, quatrième alinéa.

Les défendeurs en cassation soulèvent à juste titre que le pourvoi est dirigé contre le dispositif en question5 et que ce dernier rejette un moyen de défense des défendeurs en cassation6. Cette partie du dispositif n’étant pas défavorable au demandeur en cassation, ce dernier est dépourvu d’intérêt à se pourvoir contre elle7.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable pour défaut d’intérêt en ce qu’il est dirigé contre la disposition par laquelle la Cour d’appel a « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

______ » et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions « achet/vente » et « option d’achat » »8.

Il est recevable pour le surplus.

Sur les faits Saisi par R) d’une demande aux fins de condamner B) et les sociétés anonymes T) et P) FINANCE de voir constater comme accomplie une condition suspensive stipulée dans un contrat conclu entre parties qui n’aurait pu se réaliser en raison de manquements des défendeurs à leurs obligations contractuelles, sinon à constater la résiliation du contrat aux torts des défendeurs, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, considérant que les manquements aux obligations contractuelles n’étaient soit pas établies, soit étaient dépourvues de relation causale avec la non-réalisation de la condition suspensive, rejetait la demande. Sur appel du demandeur, la Cour d’appel confirma le jugement entrepris.

Sur le moyen unique de cassation Le moyen unique de cassation est tiré de la violation des articles 1178 et 1315 du Code civil, 249, alinéa 1er, et 587 du Nouveau Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel, pour confirmer le jugement entrepris, a constaté que la non-réalisation de la condition suspensive stipulée entre parties, de l’approbation dans un certain délai d’un plan d’aménagement particulier (ci-après « PAP »), n’a pas été causée par un défaut de diligence ou par les autres manquements contractuels allégués à charge des défendeurs en cassation, mais par un obstacle extérieur à ces derniers et impossible à lever par eux, à savoir l’interruption et l’annulation, en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal de Y), de la procédure de modification préalable partielle du plan d’aménagement général (ci-après « PAG ») de cette commune et le défaut de reprise de cette procédure au cours du délai par suite du désintérêt pour le projet par les pouvoirs publics, alors que l’article 1178 du Code civil impose au débiteur d’une condition suspensive une obligation de faire tout son possible pour 5 Mémoire en cassation, II, page 3 : « Le pourvoi en cassation est dirigé contre les dispositions de l’arrêt de la Cour d’appel du 4 novembre 2020 par lesquelles la Cour d’appel a […] dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

______ » et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions « achat/vente » et « option d’achat » » ; et dispositif du mémoire, page 17 : « Plaise à la Cour de cassation casser et annuler l’arrêt attaqué dans toutes ses dispositions attaquées […] ».

6 Arrêt attaqué, page 6, avant-dernier alinéa, à page 9 quatrième alinéa (développements consacrés à la « Résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

______ » »).

7 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, France, Paris, 5e édition, 2015, n° 43.41 à 43.43, pages 190-191.

8 Arrêt attaqué, page 14, dispositif, quatrième alinéa.

que la condition s’accomplisse, ce qui impliquait en l’espèce celle de faire tout son possible pour que, antérieurement à l’adoption du PAP, le PAG soit modifié par le conseil communal, que, première branche, la Cour d’appel a omis de répondre aux conclusions du demandeur en cassation tirées de ce que les défendeurs en cassation auraient dû par des démarches auprès des pouvoirs publics, dont le dépôt d’une demande d’autorisation du PAP, favoriser la modification préalable partielle, du PAG, de sorte qu’elle a, par défaut de réponse à conclusions, violé l’article 249, alinéa 1er, du Nouveau Code de procédure civile, en combinaison avec l’article 587 de ce dernier ; que, deuxième branche (subsidiaire à la première), elle était, au regard des conclusions du demandeur en cassation, tenue de déterminer l’étendue des diligences incombant aux défendeurs en cassation et d’apprécier si ces derniers avaient effectué toutes les diligences en leur pouvoir pour assurer les chances de réalisation de la condition suspensive, y compris sous l’angle de la modification préalable partielle du PAG, de sorte qu’elle a violé l’article 1178 du Code civil par défaut de base légale ; que, troisième branche (subsidiaire à la première), elle a violé l’article 1178 du Code civil par renversement indu de la charge de preuve en dispensant les défendeurs en cassation à prouver qu’ils ont réellement effectué des diligences en faveur de la réalisation de la condition, ce qui l’a privée d’éléments factuels qui lui auraient permis de déterminer si les défendeurs en cassation se sont effectivement trouvés dans l’impossibilité d’infléchir le cours des choses et d’apprécier le lien causal entre leur attitude purement passive et la défaillance de la condition ; que, quatrième branche (subsidiaire à la première), elle a violé l’article 1315 du Code civil en imposant au demandeur en cassation une preuve négative impossible à rapporter en rejetant la demande, motif tiré du défaut de lien de causalité des fautes, nonobstant l’attitude passive des défendeurs en cassation, alors qu’il aurait incombé à ces derniers d’établir avoir accompli des démarches favorables à la réalisation de la condition ; que, cinquième branche (subsidiaire à la première), elle a violé l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par rupture de l’égalité des armes entre parties en imposant au demandeur en cassation, pour les motifs exposés dans le cadre de la quatrième branche, une preuve négative impossible à rapporter.

Le raisonnement de la Cour d’appel Le demandeur en cassation avait conclu, suite à l’abandon par lui d’un projet immobilier – la construction d’un centre commercial qui devait être installé à X) – au profit de la réalisation par les défendeurs en cassation d’un autre projet immobilier – la construction d’un stade de football et d’un centre commercial à

______, relevant de la commune de Y) – avec les défendeurs en cassation une série de conventions qui étaient assorties d’une condition suspensive9. Celle-ci prévoyait que le PAP auquel le second projet était subordonné devait être approuvé dans un délai de 36 mois à partir de la constitution d’une société de développement à créer10. Elle stipulait que cette condition était réputée accomplie en cas de comportement fautif, de négligence grave, notamment le défaut d’entreprendre ou la suspension des démarches en vue d’obtenir les autorisations administratives, ou d’une inconduite notoire qui aurait pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP et la réalisation de la condition suspensive11.

Il est constant que le PAP n’a pas été approuvé dans le délai prévu de 36 mois12.

9 Idem, page 2, dernier alinéa.

10 Idem, voir le premier tiret, pages 2-3.

11 Idem et loc.cit.

12 Idem, page 12, troisième alinéa.

Il est également constant que les défendeurs en cassation « n’ont entrepris strictement aucune démarche en vue de l’approbation du PAP »13.

Il est enfin constant que l’approbation du PAP nécessitait une modification partielle préalable du PAG de la commune de Y) à approuver par le conseil communal en vue d’inclure dans le périmètre constructible les terrains sur lesquels devaient être réalisés le second projet immobilier, mais que cette procédure avait été interrompue et annulée en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et n’avait pas été reprise avant l’expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive14 dans le contexte d’un progressif « désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet »15.

Le demandeur en cassation soutient que la condition suspensive est à réputer accomplie en raison du comportement fautif des défendeurs en cassation16. Il leur reproche quatre catégories de fautes :

- les défendeurs en cassation n’auraient accompli aucune diligence en vue d’initier le PAP : ils n’auraient déposé aucune demande à cette fin et ils n’auraient, suite au blocage de la procédure de modification du PAG, pris aucune initiative pour relancer le conseil communal, notamment par le dépôt d’une demande aux fins d’approuver le PAP17 ; or, ils auraient la charge de la preuve d’avoir entrepris des démarches en vue de la réalisation de la condition18 ;

- ils auraient pris du retard dans le constitution de la société de développement du projet et dans la formalisation de la cession d’actions qui aurait dû avoir lieu dans ce cadre et auraient omis d’informer le demandeur en cassation régulièrement de l’état d’avancement du projet19 ;

- ils auraient diffusé dans le public un courrier confidentiel adressé aux parties par des membres du Gouvernement, leur faisant part de la décision de ces derniers de soutenir le projet20 et - le défendeur en cassation B) aurait fait l’objet de poursuites pénales, ce qui aurait jeté le discrédit sur lui et aurait été à l’origine de l’échec du projet, abandonné par les autorités politiques, ce qui serait à qualifier au regard de la clause suspensive d’inconduite notoire21.

13 Idem, page 11, dernier alinéa.

14 Idem, page 12, troisième alinéa.

15 Idem, même page, dernier alinéa.

16 Idem, page 9, avant-dernier alinéa.

17 Idem, même page, dernier alinéa.

18 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

19 Idem, page 10, deuxième alinéa.

20 Idem, même page, troisième alinéa.

21 Idem, même page, quatrième alinéa.

La Cour d’appel a, par confirmation, en adoptant les motifs des juges de première instance, rejeté ces prétentions.

A cet effet, elle a certes retenu que les défendeurs en cassation avaient manqué à leur obligation de déposer, dans le délai de 36 mois de la signature des conventions, une demande d’approbation du PAP nécessaire à la réalisation du projet22. Selon ses constatations, les défendeurs en cassation « n’ont entrepris strictement aucune démarche en vue de l’approbation du PAP »23, ni justifié « avoir demandé un report du délai convenu pour la réalisation de la condition, prorogation pourtant expressément prévue à la convention »24.

Elle a cependant considéré, en se référant aux motifs des juges de première instance, « que le comportement fautif décrit ci-dessus des parties intimées ne se trouve pas en relation causale avec la non-réalisation de la condition suspensive, à savoir le défaut d’approbation du PAP nécessaire à la réalisation du projet «

______ », dès lors que le défaut d’approbation du PAP ne peut être imputé aux parties intimées, mais résulte d’un obstacle extérieur à celles-ci impossible à lever. En effet, il est constant en cause que l’approbation du PAP nécessitait une modification ponctuelle préalable du PAG de la commune de Y) en vue d’inclure dans le périmètre constructible des terrains sur lesquels devait être construit le stade de football. Or, la procédure à cet effet avait été interrompue et annulée en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et elle n’avait pas été reprise avant l’expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive. »25, en raison d’un « désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet «

______ » »26.

Elle confirma encore les premiers juges d’avoir retenu :

- que l’inobservation par les défendeurs en cassation de leurs obligations contractuelles, caractérisée par le retard dans le constitution de la société de développement du projet et dans la formalisation de la cession d’actions qui aurait dû avoir lieu dans ce cadre, ainsi que par l’omission d’informer régulièrement le demandeur en cassation de l’état d’avancement du projet, « sont sans relation avec la non-réalisation de la condition suspensive, de sorte que ces reproches manquent de pertinence à cet égard »27 et - qu’il n’était pas établi que les défendeurs en cassation avaient diffusé dans le public un courrier confidentiel adressé aux parties par des membres du Gouvernement, leur faisant part de la décision de ces derniers de soutenir le projet28 et - qu’il n’était pas établi « que le désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet «

______ » soit imputable aux poursuites pénales engagées à l’encontre de B) »29.

22 Idem, page 11, dernier alinéa.

23 Idem et loc.cit.

24 Idem et loc.cit.

25 Idem, page 12 troisième alinéa.

26 Idem, même page, dernier alinéa.

27 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

28 Idem, même page, dernier alinéa.

29 Idem et loc.cit.

Cette décision a été rendue sur base du principe « que pour satisfaire à la condition suspensive, le débiteur obligé sous condition suspensive doit déployer toutes les diligences nécessaires pour que la condition puisse s’accomplir comme prévu au contrat [ce qui implique de sa part] une véritable obligation de coopérer loyalement afin que la condition puisse se réaliser [donc] [d’]entreprendre tout son possible pour que l’opération puisse aboutir »30. Du point de vue de la charge de la preuve, la Cour d’appel a retenu que le débiteur a « l’obligation d’établir qu’il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n’a pas pu surmonter les difficultés rencontrées »31.

S’agissant de l’importance attribuée par les juges du fond au lien de causalité, il y a lieu de rappeler que la condition suspensive stipulée en l’espèce dispose qu’elle « sera réputée accomplie en cas de comportement fautif, de négligence grave (notamment le défaut d’entreprendre ou la suspension des démarches en vue d’obtenir les autorisations administratives) ou d’inconduite notoire de l’un des actionnaires (à savoir R) ou B)) qui aurait pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP et la réalisation de la condition suspensive »32. Les juges de première instance, non contredits par la Cour d’appel, en ont déduit que « [i]l importe de vérifier les moyens et arguments présentés de part et d’autre [relatifs à la réalisation de la condition suspensive], tout en insistant d’ores et déjà sur ce que chaque reproche doit être vu à la lumière de la relation causale stipulée in fine, en ce que le comportement reproché doit avoir eu « pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP et la réalisation de la condition suspensive »»33.

La critique de ce raisonnement par le demandeur en cassation Dans le cadre de son moyen unique, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir par ce raisonnement :

- omis de répondre à ses conclusions, ce qui caractériserait une violation, par défaut de réponse à conclusions, des articles 249, alinéa 1er, et 587 du Nouveau Code de procédure civile (première branche), - par insuffisance de motifs, violé l’article 1178 du Code civil par un manque de base légale (deuxième branche, subsidiaire à la première), - violé l’article 1178 du Code civil par renversement de la charge de la preuve (troisième branche, subsidiaire à la première), - violé l’article 1315 du Code civil en mettant à charge du demandeur en cassation une preuve négative impossible à rapporter (quatrième branche, subsidiaire à la première), - violé, par l’imposition à charge du demandeur en cassation d’une preuve négative impossible à rapporter, l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de 30 Idem, page 11, troisième alinéa.

31 Idem et loc.cit.

32 Idem, page 2, dernier alinéa (c’est nous qui soulignons).

33 Jugement de première instance (Pièce n° 2 déposée sous la rubrique « Procédure » parmi les pièces du demandeur en cassation), page 11, avant-dernier alinéa.

l’homme et des libertés fondamentales en rompant l’égalité des armes entre les parties (cinquième branche, subsidiaire à la première).

Sur la première branche du moyen Dans la première branche du moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel un défaut de réponse à conclusions. A cette fin il rappelle qu’il a conclu en instance d’appel que la circonstance que l’adoption du PAP était subordonnée à la nécessité d’adapter d’abord le PAG et que cette adaptation a été retardée par la mise en cause de la légalité du vote, en septembre 2011, du conseil communal de Y) par suite de la découverte d’un conflit d’intérêts dans le chef d’un membre du conseil communal et ensuite par la nécessité d’attendre l’installation d’un nouveau conseil communal suite aux élections communales d’octobre 2011, n’empêchait pas les défendeurs en cassation d’intervenir auprès des autorités communales aux fins d’inciter celles-ci à reprendre la procédure d’adaptation et ce notamment en déposant un dossier de demande de PAP34. Il soutient que la Cour d’appel aurait omis de répondre à ces conclusions.

Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme35.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré36.

En l’espèce, la Cour d’appel a constaté :

- que « l’absence de démarches par [les défendeurs en cassation] en vue de la réalisation de la condition suspensive »37’ est « d’ores et déjà constant[e] pour résulter de l’ensemble des éléments du dossier et n’étant pas contesté[e] »38, mais - « que le comportement fautif décrit ci-dessus des parties intimées ne se trouve pas en relation causale avec le non-réalisation de la condition suspensive […], dès lors que le défaut d’approbation du PAP ne peut être imputé aux parties intimées, mais résulte d’un obstacle extérieur à celles-ci impossible à lever [parce que] la procédure [d’adaptation préalable, par la commune de Y), du PAG, indispensable pour permettre ensuite l’adoption du PAP, objet de la condition suspensive] avait été interrompue et annulée en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et […] n’avait pas été reprise avant l’expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive »39, en raison d’un « désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet «

______ » »40.

34 Mémoire en cassation, pages 10 à 13.

35 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 21 janvier 2021, n° 08/2021, numéro CAS-2019-00093 du registre (réponse aux deuxième et troisième moyens réunis).

36 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 18 mars 2021, n° 51/2021, numéro CAS-2020-00077 du registre (réponse au premier moyen).

37 Arrêt attaqué, page 12, deuxième alinéa.

38 Idem et loc.cit.

39 Idem, même page, troisième alinéa.

40 Idem, même page, dernier alinéa.

Par ces motifs, la Cour d’appel a répondu aux motifs du requérant tirés de l’absence de diligence des défendeurs en cassation et de lien causal de ce manque de diligence par rapport au défaut d’adoption du PAP et d’adaptation du PAG dans le délai stipulé par le triple motif tiré de ce :

- que les défendeurs en cassation ont certes omis de faire des diligences, ce qui constitue un « comportement fautif »41, mais - que ce dernier est dépourvu de lien causal avec le défaut d’adaptation du PAG par la commune, condition préalable de l’adoption du PAG, ce défaut étant la conséquence d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal, survenu en cours de procédure, ainsi que du défaut de reprise de cette procédure, par suite du désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet, et - que ce « comportement fautif »42 est, par voie de conséquence, également dépourvu de lien causal avec le défaut d’adoption du PAP, qui supposait, à titre de condition préalable, l’adaptation du PAG, qui n’a pas pu avoir lieu pour les motifs précités.

Il en suit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la deuxième branche du moyen Dans la deuxième branche du moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir violé l’article 1178 du Code civil par manque de base légale. Ce cas d’ouverture sanctionne une insuffisance des constatations de fait43 relatives à des appréciations relevant du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond44. Sa finalité est de sanctionner les décisions qui ne permettent pas à votre Cour de vérifier que les juges du fond ont exercé leur pouvoir souverain d’appréciation45.

Il est constant que l’article 1178 du Code civil suppose, comme énoncé par la Cour d’appel, adoptant sur ce point la thèse du demandeur en cassation46, que le débiteur de la condition suspensive a « l’obligation d’établir qu’il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n’a pas pu surmonter les difficultés rencontrées »47.

Le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel de s’être limitée à « se satisfaire de l’exposé de M. B), lequel s’est contenté de décrire l’effondrement du projet

______ sans démontrer avoir accompli de quelconques diligences pour modifier le cours des choses »48.

Ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, à l’occasion de la discussion de la première branche du moyen, la Cour d’appel, tout en prenant acte du défaut de diligence des défendeurs en cassation 41 Idem, même page, troisième alinéa.

42 Idem, même page, troisième alinéa.

43 BORÉ, précité, n° 78.21 et 78.22, page 429.

44 Idem, n° 78.04, page 427.

45 Idem et loc.cit.

46 Mémoire en cassation, page 14, dernier alinéa, sous 4), citant un passage des conclusions récapitulatives du demandeur en cassation.

47 Arrêt attaqué, page 11, troisième alinéa.

48 Mémoire en cassation, page 14, deuxième alinéa.

et de « l’effondrement du projet

______ »49, a constaté que le premier était dépourvu de lien causal avec le second, parce que ce dernier trouvait ses causes exclusives dans le défaut d’adaptation du PAG par la commune, par suite, d’une part, d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal, survenu en cours de procédure, et, d’autre part, du défaut de reprise de cette procédure par suite du désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet. Des diligences aux fins d’intervenir auprès des responsables communaux auraient dans cette logique été dépourvues de pertinence. Ceci vaut plus particulièrement pour la diligence préconisée par le demandeur en cassation, du dépôt d’un dossier de demande d’approbation du PAP. Il résulte en effet des constatations de la Cour d’appel que la commune a mis en œuvre la procédure d’adaptation du PAG nécessaire pour la réalisation du projet nonobstant le défaut de dépôt d’un dossier de demande d’approbation du PAP et que l’échec de cette procédure était imputable à d’autres causes que ce défaut de dépôt.

La Cour d’appel a donc conclu que pour ces motifs les défendeurs en cassation avaient réussi, conformément aux principes constants régissant l’application de l’article 1178 du Code civil, de « justifier des raisons pour lesquelles il[s] n’[ont] pas pu surmonter les difficultés rencontrées »50.

Il en suit que en constatant - que certes « l’absence de démarches par [les défendeurs en cassation] en vue de la réalisation de la condition suspensive »51’ est « d’ores et déjà constant[e] pour résulter de l’ensemble des éléments du dossier et n’étant pas contesté[e] »52, mais - « que le comportement fautif décrit ci-dessus des parties intimées ne se trouve pas en relation causale avec le non-réalisation de la condition suspensive […], dès lors que le défaut d’approbation du PAP ne peut être imputé aux parties intimées, mais résulte d’un obstacle extérieur à celles-ci impossible à lever [parce que] la procédure [d’adaptation, par la commune de Y), du PAG, nécessaire pour permettre l’adoption du PAP, objet de la condition suspensive] avait été interrompue et annulée en raison d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et […] n’avait pas été reprise avant l’expiration du délai de 36 mois prévu pour la réalisation de la condition suspensive »53, en raison d’un « désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet «

______ » »54, la Cour d’appel a par des motifs suffisants, partant sans encourir le reproche d’un manque de base légale, caractérisé à suffisance les raisons pour lesquelles les défendeurs en cassation avaient réussi, conformément à l’article 1178 du Code civil, à « justifier des raisons pour lesquelles il[s] n’[ont] pas pu surmonter les difficultés rencontrées »55 pour l’accomplissement de la condition suspensive stipulée.

49 Idem et loc.cit.

50 Arrêt attaqué, page 11, troisième alinéa.

51 Idem, page 12, deuxième alinéa.

52 Idem et loc.cit.

53 Idem, même page, troisième alinéa.

54 Idem, même page, dernier alinéa.

55 Idem, page 11, troisième alinéa.

Il en suit que la deuxième branche du moyen n’est pas fondée.

Sur la troisième, quatrième et cinquième branche du moyen Dans la troisième, quatrième et cinquième branche du moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir méconnu les règles de la preuve. Il tire à cet effet grief de ce que les juges du fond ont rejeté sa demande tant bien même qu’ils ont retenu que les défendeurs en cassation, par leur défaut de diligence, avaient eu un comportement fautif. Ce raisonnement méconnaîtrait les règles de preuve en matière de condition suspensive, qui, ainsi que la Cour d’appel l’a rappelé, « met[tent] à charge du débiteur l’obligation d’établir qu’il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n’a pas pu surmonter les difficultés rencontrées »56. Il impliquerait que ce serait « sur base des seules fautes prouvées par [le demandeur en cassation], dont ils ont ensuite exclu le lien de causalité avec la non-

réalisation de la condition suspensive litigieuse, que les juges d’appel [auraient] rejeté la demande […] »57. Or, selon le demandeur en cassation, « il ne leur suffisait pas de prendre acte des fautes du débiteur alléguées par le demandeur en cassation mais […] ils auraient dû exiger de M. B) qu’il prouve qu’il avait réellement effectué des démarches favorables à la réalisation de la condition »58.

Par leur raisonnement, les juges du fond auraient :

- renversé la charge de la preuve du débiteur de la condition suspensive d’établir les diligences accomplies par lui (violation alléguée de l’article 1178 du Code civil, visée par la troisième branche), - mis à charge du demandeur en cassation une preuve négative impossible à rapporter (violation alléguée de l’article 1315 du Code civil, visée par la quatrième branche) et - rompu, par suite de l’imposition à charge du demandeur en cassation d’une preuve négative impossible à rapporter, l’égalité des armes entre parties (violation alléguée de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, visée par la cinquième branche du moyen).

Cette triple critique méconnaît que les juges du fond ont, en l’espèce, constaté que la condition suspensive n’a pas pu se réaliser en raison « d’un obstacle extérieur [aux défendeurs en cassation] impossible à lever »59, à savoir l’interruption de la procédure d’adaptation du PAG, préalable à l’adoption du PAP formant l’objet de la condition suspensive, par suite d’un conflit d’intérêts parmi les membres du conseil communal et le défaut de reprise de cette procédure dans le délai stipulé en raison d’un désintérêt par les pouvoirs publics pour le projet. Ce constat s’explique au regard de la formulation de la condition suspensive, qui stipule que celle-ci sera réputée accomplie en cas de comportement fautif, de négligence grave ou d’inconduite notoire 56 Idem et loc.cit.

57 Mémoire en cassation, page 16, antépénultième alinéa.

58 Idem, même page, troisième branche du moyen, troisième alinéa, et quatrième branche du moyen, troisième alinéa.

59 Arrêt attaqué, page 12, troisième alinéa.

« qui aurait pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP et la réalisation de la condition suspensive »60. Les éventuelles fautes et négligences des défendeurs en cassation ne sont donc pertinentes que dans la mesure où elles ont eu pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP dans le délai. Il en suit « que chaque reproche doit être vu à la lumière de la relation causale stipulée »61.

Pour que la condition suspensive puisse être réputée accomplie il n’est donc pas suffisant de constater un défaut de diligence des défendeurs en cassation, mais il faut de plus que ce défaut ait eu pour conséquence d’empêcher la délivrance du PAP dans le délai.

Conformément aux principes retenus par la Cour d’appel, la charge de cette preuve incombe au débiteur de la condition suspensive, qui a « l’obligation d’établir qu’il a accompli les diligences normales ou de justifier des raisons pour lesquelles il n’a pas pu surmonter les difficultés rencontrées »62. Suivant l’appréciation des juges du fond les défendeurs en cassation ont, en l’espèce, réussi à établir qu’ils sont étrangers à la non-réalisation de la condition suspensive, donc au défaut de délivrance du PAP dans le délai, qui est dû à un « obstacle extérieur [aux défendeurs en cassation] impossible à lever »63, qui constitue donc « [la] raison[…] pour l[a]quelle[…] il[s] n’[ont] pas pu surmonter les difficultés rencontrées »64.

Les trois branches du moyen, qui critiquent la Cour d’appel d’avoir violé les principes régissant la charge de la preuve en omettant « [d’]exiger de[s] [défendeurs en cassation] qu’il[s] prouve[nt] qu’il[s] avai[en]t réellement effectué des démarches favorables à la réalisation de la condition »65 méconnaissent qu’elle a fondé son rejet de la demande sur le motif tiré de ce que la non-réalisation de la condition suspensive était due à un « obstacle extérieur [aux défendeurs en cassation] impossible à lever »66, de sorte qu’il n’était pas pertinent de s’interroger sur l’importance des démarches accomplies par les défendeurs en cassation en vue de la réalisation de la condition.

Procédant d’une mauvaise lecture de l’arrêt, les trois branches manquent, partant, en fait.

Dans un ordre subsidiaire il est relevé que critiquant le bien-fondé de l’appréciation faite par les juges du fond des raisons de la non-réalisation de la condition suspensive et du rôle causal y relatif des défendeurs en cassation, les trois branches du moyen ne tendent qu’à remettre en discussion cette appréciation, qui est souveraine et échappe à votre contrôle.

Il en suit, à titre subsidiaire, que les branches ne sauraient être accueillies.

Dans un ordre encore plus subsidiaire il est relevé que en constatant que les défendeurs en cassation avaient réussi à établir la preuve, qui leur incombait, que la non-réalisation de la condition suspensive était due à un « obstacle extérieur […] impossible à lever »67, qui 60 Idem, page 2, dernier alinéa.

61 Jugement de première instance (Pièce n° 2 déposée sous la rubrique « Procédure » parmi les pièces du demandeur en cassation), page 11, avant-dernier alinéa.

62 Arrêt attaqué, page 11, troisième alinéa.

63 Idem, page 12, troisième alinéa.

64 Idem, page 11, troisième alinéa.

65 Mémoire en cassation, page 16, troisième branche du moyen, troisième alinéa, et quatrième branche du moyen, troisième alinéa.

66 Arrêt attaqué, page 12, troisième alinéa.

67 Idem, page 12, troisième alinéa.

constituait « [la] raison[…] pour l[a]quelle[…] il[s] n’[ont] pas pu surmonter les difficultés rencontrées »68, la Cour d’appel a, sans inverser la charge de la preuve, sans mettre à charge du demandeur en cassation une preuve négative impossible à rapporter et sans rompre l’égalité des armes entre parties, correctement appliqué les règles de preuve en matière de non-réalisation d’une condition suspensive.

Il en suit, à titre encore plus subsidiaire, que les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen ne sont pas fondées.

Conclusion :

Le pourvoi est irrecevable pour défaut d’intérêt en ce qu’il est dirigé contre la disposition par laquelle la Cour d’appel a « dit recevable, mais non fondée la demande en résiliation judiciaire de la convention « X) Shopping Center-

______ » et en résiliation, sinon caducité, sinon nullité des conventions « achet/vente » et « option d’achat » »69.

Il est recevable pour le surplus, mais il est à rejeter Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 68 Idem, page 11, troisième alinéa.

69 Idem, page 14, dispositif, quatrième alinéa.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30/22
Date de la décision : 03/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-03-03;30.22 ?

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