N° 158 / 2021 du 16.12.2021 Numéro CAS-2020-00151 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize décembre deux mille vingt-et-un.
Composition:
Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
H), demandeur en cassation, comparant par Maître Guillaume MARY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société anonyme Banque X), défenderesse en cassation, comparant par Maître Claude COLLARINI, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 112/20 - II - CIV, rendu le 22 juillet 2020, sous le numéro CAL-2018-00735 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 19 novembre 2020 par H) à la société anonyme Banque X) (ci-après « la société BANQUE X) ») déposé le 26 novembre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 15 janvier 2021 par la société BANQUE X) à H), déposé le 19 janvier 2021 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la société BANQUE X) avait accordé à la société G) une ouverture de crédit que celle-ci était restée en défaut de rembourser. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré prescrite la demande en paiement dirigée par la société BANQUE X) contre H), qui avait, avec deux autres administrateurs de la débitrice, cautionné solidairement ladite ouverture de crédit. La Cour d’appel a, par réformation, dit la demande non prescrite et, par évocation, condamné le demandeur en cassation à payer un certain montant.
Sur la recevabilité du pourvoi La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi au motif que le demandeur en cassation aurait acquiescé à l’arrêt.
Elle expose qu’il se serait acquitté entre ses mains d’une partie du montant auquel il a été condamné et que par le fait de lui avoir demandé de se voir délivrer une quittance subrogatoire à concurrence de la somme d’ores et déjà acquittée, il aurait clairement manifesté sa volonté d’accepter l’arrêt attaqué.
L’acquiescement est un acte juridique comportant renonciation au droit d’exercer un recours contre une décision et acceptation de l’exécution de celle-ci.
Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif en matière civile, l’exécution, même sans réserves, d’une décision ne vaut acquiescement que s’il résulte des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu que celui qui s’est exécuté a, sans équivoque, manifesté sa volonté d’acquiescer.
Le fait pour le demandeur en cassation de s’être, sur demande de l’avocat de la défenderesse en cassation, acquitté d’une partie du montant auquel il avait été condamné et d’avoir éventuellement envisagé, en réclamant à la défenderesse en cassation une quittance subrogatoire, d’exercer un recours contre les deux autres cautions solidaires, n’établit pas son intention non équivoque de renoncer à se pourvoir en cassation contre l’arrêt en cause.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité du pourvoi n’est pas fondé.
Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la violation de la loi, en l’espèce violation de l’article 89 de la Constitution L’article 89 de la Constitution prévoit que , La disposition susvisée impose que tout jugement doit être motivé.
Il est de doctrine et de jurisprudence constant que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs (notamment Cour de Cassation, 16 mai 2013, n040/13, rôle 3187), Or l'arrêt soumis à l'appréciation de la Cour de Cassation n'a pas répondu à l'appel incident formé contre le jugement ayant rejeté la production forcée de document sous astreinte, Les conclusions de l'actuel demandeur en cassation notifiée le 8 novembre 2018 (pièce n°5) et le 5 mars 2019 (pièce n°6) comprenaient pareille demande aux dispositifs des conclusions en question.
L'arrêt encourt la cassation de ce premier chef. » et le deuxième, « tiré de la violation de la loi, en l’espèce violation et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure Civile, L’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile prévoit que .
La disposition susvisée impose que tout jugement doit être motivé.
Il est de doctrine et de jurisprudence constant que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs (notamment Cour de Cassation, 16 mai 2013, n°40/13, rôle 3187), Or l'arrêt soumis à l'appréciation de la Cour de Cassation n'a pas répondu à l'appel incident formé contre le jugement ayant rejeté la production forcée de document sous astreinte, Les conclusions de l'actuel demandeur en cassation notifiée le 8 novembre 2018 (pièce n°5) et le 5 mars 2019 (pièce n°6) comprenaient pareille demande aux dispositifs des conclusions en question.
L’arrêt encourt la cassation de ce deuxième chef. ».
Réponse de la Cour En tant que tirés de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, les moyens visent le défaut de motifs, qui est un vice de forme.
En retenant page 8 de l’arrêt « Il y a lieu de rejeter la demande de l’intimé tendant à la production forcée de pièces en l’absence de preuve de l’intérêt que cette mesure peut avoir pour la solution du litige, cette mesure n’étant à ce titre ni utile ni indispensable. », page 9 « Il suit des considérations qui précèdent que tandis que l’appel principal est fondé, l’appel incident n’est pas fondé » et en son dispositif « dit l’appel principal fondé et l’appel incident non fondé, », les juges d’appel ont répondu à la demande en production forcée de pièces et dit l’appel incident non fondé.
Il s’ensuit que les deux moyens ne sont pas fondés.
Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de la Loi in specie de l’article 189 du Code de commerce L’article 189 du Code de commerce dispose que .
Doctrine et jurisprudence considèrent que l'article 189 (Cour, 29 avril 2009, Pas. 34, p.468).
L'article 189 en question constitue le droit commun de la prescription décennale en matière commerciale et est le pendant de l'article 2262 du Code civil concernant la prescription trentenaire.
Leurs points de départ et le mode interruptif sont identiques.
Sur base de la disposition ci-avant citée les juridictions ont considéré que (Diekirch, 19 juillet 1900, Pas. 5, p. 381).
Le jour de l'échéance tel que repris par les premiers juges (confirmé par les juges d'appel) était le .
Le 17 février 200, tel qu'indiqué tant à l'arrêt a quo qu'au jugement de première instance est le jour de l'envoi de la mise en demeure et de la dénonciation du crédit.
Les magistrats d'appel, en faisant courir le délai de prescription à compter de la mise en demeure et non pas à compter du jour du terme de l'engagement souscrit, ont violé les dispositions susvisées en rajoutant une condition n'y figurant pas.
L'arrêt encourt la cassation de ce troisième chef. ».
Réponse de la Cour Dès lors qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que l’article 3 de l’acte notarié du 13 août 1993 portant ouverture de crédit en faveur de la société G) dispose que la dénonciation du crédit a pour effet de faire cesser l’utilisation du crédit et de rendre exigible le remboursement de toutes sommes dues par la société G), les juges d’appel ont correctement retenu que le délai de prescription avait commencé à courir à partir du 17 février 2000, date de la dénonciation du crédit.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de la Loi in specie de l’article 2244 du Code civil, L’article en question dispose qu'.
En matière commerciale, aucun mécanisme dérogatoire ou complémentaire à l'article précité n'est libellé au code de commerce.
La Cour, en considérant que a violé le texte susvisé.
Aucune disposition légale en matière commerciale n'emporte en effet dérogation aux prescrits de l'article 2244 précité.
En considération que le dépôt (voire l'admission au passif) d'une déclaration de créance était interruptif de toute prescription, les magistrats d'appel ont contrevenu au texte précité.
L'arrêt encourt la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Une déclaration de créance déposée dans le cadre d’une liquidation judiciaire équivalant à une demande en justice qui interrompt la prescription, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse interprétation de la Loi in specie de l'article 496 du Code commerce, L’article 496 du Code de commerce dispose que Or en l'espèce, le jugement d'ouverture de la liquidation imposait à tous créanciers potentiels (pièce n°4) La Cour releva que BANQUE X) déposa sa déclaration de créance après la délai légal (soit le 8 février 2010, cf. p.7 alinéa 4 de l'arrêt a quo) mais considéra que les .
Cependant, et contrairement à l'avis des magistrats d'appel, sauf à violer l'article 496 précité, la déclaration de créance déposée après le délai légal ne pouvait être produire un quelconque effet et notamment avoir un effet interruptif d'une prescription.
L'arrêt encourt la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Le dépôt tardif d’une déclaration de créance étant sans incidence sur l’effet interruptif de la prescription résultant dudit dépôt, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Claude COLLARINI, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.
Grand-Duché de Luxembourg Luxembourg, le 12 août 2021 PARQUET GENERAL CITE JUDICIAIRE Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation H) contre la société anonyme Banque X) N°CAS-2020-00151 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de H), par un mémoire en cassation signifié en date du 19 novembre 2020 à la société anonyme Banque X) et déposé le 26 novembre 2020 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt n°112/20-II-CIV rendu le 22 juillet 2020 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, sous le numéro CAL-2018-00735 du rôle.
Selon les pièces figurant au dossier, l’arrêt du 22 juillet 2020 ne semble pas avoir été signifié à H), mais uniquement à son mandataire en date du 20 octobre 2020. Or, une signification à l’avocat d’une partie ne saurait faire courir le délai de cassation prévu à l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
Le pourvoi a été déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 précitée.
Le mémoire en réponse de la société Banque X), signifié le 15 janvier 2021 à H) en son domicile élu et déposé au greffe de la Cour le 19 janvier 2021, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.
Faits et rétroactes :
Saisi d’une demande de la société anonyme Banque X) tendant à faire condamner H) à lui payer un montant de 98.611,70 euros, ramené par la suite à 88.425,55 euros, en sa qualité de caution d’une ouverture de crédit à la société G), dénoncée par la banque le 17 février 2000, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, par jugement du 13 mars 2018, a déclaré la demande de la société Banque X) irrecevable pour être prescrite.
Sur appel principal de la société Banque X) et appel incident de H), la Cour d’appel, deuxième chambre, par arrêt du 22 juillet 2020, a déclaré, par réformation du jugement entrepris, l’appel de la banque comme étant fondé, décidé que l’action de cette dernière n’était pas prescrite et condamné H) à payer à celle-ci une somme de 81.168,44 euros en sa qualité de caution, tout en déboutant l’intimé de son appel incident.
Quant à la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
La partie défenderesse en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en raison de l’acquiescement de H) à l’arrêt attaqué.
L’acquiescement est un acte juridique comportant renonciation au droit d’exercer un recours contre un jugement et acceptation de l’exécution de celui-
ci1. En la forme, il peut être exprès ou tacite.
En l’espèce, l’actuel demandeur en cassation n’a pas acquiescé de manière expresse à l’arrêt attaqué.
Concernant un éventuel acquiescement tacite, selon la jurisprudence constante de Votre Cour, étant donné que le pourvoi en cassation n’est pas suspensif en matière civile, l’exécution, même sans réserves, d’une décision ne vaut acquiescement que s’il résulte des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu que celui qui s’exécute a, sans équivoque, manifesté sa volonté d’acquiescer2.
1 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, Dalloz Action, éd. 2015/2016, n°36.11, p.140 2 Voir, p.ex. Cass 3 mai 2018, n°36/2018, n°3958 du registre Vu qu’en l’espèce le règlement de la créance de l’actuelle défenderesse n’est intervenu que suite à la demande du mandataire de celle-ci3, ce paiement ne saurait s’interpréter en une volonté d’acquiescer à l’arrêt attaqué.
Même à supposer que l’actuel demandeur en cassation ait préparé une éventuelle action récursoire contre les deux autres cautions solidaires, on ne peut pas en déduire sa volonté non équivoque de renoncer à un pourvoi en cassation contre l’arrêt qui l’a condamné.
Par conséquent, les pièces soumises à Votre Cour ne laissent pas conclure à un acquiescement de la partie de la partie demanderesse en cassation, de sorte que le pourvoi est recevable.
Quant aux moyens de cassation :
Quant aux premier et deuxième moyens de cassation réunis:
tirés :
- le premier de la violation de la loi, en l’espèce de la violation de l’article 89 de la Constitution, - le deuxième de la violation de la loi, en l’espèce de la violation de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile Les premier et deuxième moyens de cassation mettent en œuvre le grief du défaut de réponse à conclusions et formulent le même reproche à l’adresse des magistrats d’appel, à savoir de ne pas avoir « répondu à l’appel incident formé contre le jugement ayant rejeté la production forcée de document sous astreinte »4.
Quant à la recevabilité des moyens en la forme:
Pour indiquer à quels moyens la Cour d’appel aurait omis de répondre, la partie demanderesse en cassation se limite à renvoyer à ses conclusions datées du 8 novembre 2018 et 5 mars 2019, sans toutefois en citer des passages précis, ni même indiquer le numéro de page des passages pertinents.
Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 10 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche de moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée 3 Farde de pièces de Maître COLLARINI : pièces n°3 à 7 4 Mémoire en cassation, page 4, 4ème alinéa du 1er moyen de cassation et 4ème alinéa du 2ème moyen de cassation de la décision encourt le reproche allégué.
Etant donné que les moyens de cassation n’indiquent pas le passage des conclusions auxquelles il n’aurait pas été répondu, mais se limitent à en indiquer la date, ils manquent de précision, de sorte qu’ils sont irrecevables5.
A titre subsidiaire, quant au bien-fondé des moyens :
Le vice mis en œuvre par l’unique moyen de cassation, faisant valoir une absence de motivation, s’analyse plus particulièrement en un défaut de réponse à conclusions, vice de forme de la décision attaquée. En effet, l’article 89 de la Constitution6, de même que l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, sanctionnent l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion7. Un jugement est régulier en la forme dès qu’il comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-il, sur le point considéré8.
Le contrôle de la motivation est un des moyens pour la Cour de cassation de remplir son contrôle de l’application et de l’interprétation de la loi.
La Cour de cassation considère que les juges du fond ne sont tenus de répondre qu’aux véritables moyens, c'est-à-dire à un développement qui contient un raisonnement juridique : l’allégation d’un fait, l’invocation d’une règle de droit et la déduction d’une conséquence juridique.
Le fait assorti d’une déduction juridique, laquelle est susceptible d’influer sur la solution du litige, est donc un moyen qui exige réponse.
Le véritable défaut de réponse à conclusions suppose que le juge ait, avant de statuer sur la prétention, passé sous silence l'un des moyens qui l'appuyaient.
Aux termes d’une jurisprudence constante, les juges du fond ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué dans le même sens9.
En l’espèce, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir statué quant à l’appel incident qu’il avait interjeté en instance d’appel contre la décision des premiers juges consistant à rejeter sa demande en production forcée de certains documents sous astreinte.
5 J. et L. Boré, la cassation en matière civile, Edition 2015/2016, n°77.231 6 L’article 89 de la Constitution est ainsi libellé : « Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » 7 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, Edition 2009/2010, n°77.60 8 Boré, ouvrage cité, n°77.31 9 Idem, page 421, n°77.204 Or, si tel était effectivement le cas, les magistrats auraient omis de statuer non pas quant à un moyen, encourant ainsi le grief du défaut de réponse à conclusions, cas d’ouverture à cassation, mais ils auraient négligé de statuer quant à une partie des prétentions de l’actuel demandeur en cassation. Une telle omission de statuer quant à une demande donne lieu, conformément à l’article 617, 5° du Nouveau code de procédure civile, à requête civile et non pas à cassation.
Par conséquent, les moyens sont irrecevables, dès lors qu’ils mettent en œuvre des textes qui sont étrangers au grief mis en œuvre, celui-ci consistant en réalité en une omission de se prononcer sur l’un des chefs de la demande, cas d’ouverture à requête civile10.
A titre plus subsidiaire, les moyens ne sont pas fondés.
Il se dégage de la lecture de l’arrêt attaqué que la Cour d’appel a bien pris en compte l’appel incident interjeté par l’actuel demandeur en cassation :
« Pour autant que le moyen de la prescription prévue à l’article 189 du code de commerce ne soit pas favorablement accueilli, H) conclut à voir condamner l’appelante « à produire l’intégralité des documents et écrits envoyés à la CSSF », sous peine d’une astreinte de 1.000,00 euros par jour de retard à compter du prononcé sinon de la date de signification de l’arrêt à intervenir. »11 Elle y a pris position comme suit :
« Il y a lieu de rejeter la demande de l’intimé tendant à la production forcée des pièces en l’absence de preuve de l’intérêt que cette mesure peut avoir pour la solution du litige, cette mesure n’étant à ce titre ni utile ni indispensable. » En rejetant donc la demande en production forcée de documents formulée par l’actuel demandeur en cassation pour ne pas être utile à la solution du litige, la Cour d’appel a donc bien fourni une réponse à la demande, tout en la motivant de manière suffisante.
Quant au troisième moyen de cassation :
tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de la loi, in specie de l’article 189 du Code de commerce 10 Voir en ce sens, p.ex. : Cass. 13 octobre 2016, n°80/16, n°3691 du registre, réponse au premier moyen 11 Arrêt attaqué, page 4, alinéa 2 Au vœu de son troisième moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir fixé le point de départ de la prescription décennale, applicable en matière commerciale, au 17 février 2000, c’est-à-dire au jour de la dénonciation du crédit, au lieu de la faire débuter le 30 septembre 1994, correspondant, selon l’actuel demandeur en cassation, au jour de l’échéance de l’obligation à terme.
L’article 189 du Code de commerce dispose :
« Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. » Selon la jurisprudence, la prescription de l’article 189 du Code de commerce éteignant moins l’obligation elle-même que la faculté d’en demander la sanction en justice, le point de départ du délai de cette prescription décennale est le jour où l’obligation peut être mise à l’exécution par une action en justice12.
La Cour d’appel a correctement appliqué ce principe en retenant :
« L’ouverture de crédit du 13 août 1993 ayant, en l’espèce, été dénoncée par la société BANQUE X) par courrier recommandé du 17 février 2000, adressé en copie à H) le même jour, la dette est devenue exigible, à partir de cette date, tant à l’égard de la société G) en tant que débiteur principal qu’à l’égard de la caution H), la Cour approuvant, partant, le tribunal d’avoir dit que le point de départ du délai de prescription de l’article 189 du code de commerce correspond au 17 février 2000. »13 C’est donc sans violer la disposition visée au moyen, en l’occurrence l’article 189 du Code de commerce, que les magistrats d’appel ont fixé le point de départ de la prescription décennale au 17 février 2000, jour où la ligne de crédit à durée illimitée14 a été dénoncée par l’actuelle défenderesse en cassation.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Quant au quatrième moyen de cassation :
tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de la loi, in specie de l’article 2244 du Code civil 12 Cour d’appel, 17 mai 2018, Pas.38, p.915 ; Cour d’appel, 9ème chambre, 14 juin 2017, n°43151 du rôle 13 Arrêt attaqué, page 6, alinéa 4 14 Farde de pièces de Maître MARY, pièce n°1 : Acte notarié d’ouverture de crédit du 13 août 1993, article 3 Le quatrième moyen de cassation consiste à reprocher à la Cour d’appel d’avoir à tort décidé que le dépôt d’une déclaration de créance était de nature à interrompre la prescription, en violation de l’article 2244 du Code civil, applicable également en matière de prescription décennale.
A titre principal, il convient de constater que le moyen manque de précision, en ce qu’il omet de formuler clairement en quoi la Cour d’appel, en décidant que le dépôt d’une déclaration de créance était interruptif de la prescription a contrevenu à la disposition visée au moyen. Le moyen ne précise pas non plus la solution que la Cour d’appel aurait dû adopter.
Il en découle qu’il est irrecevable.
A titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.
En effet, selon l’article 2244 du Code civil, la prescription s’interrompt par une citation en justice, un commandement ou une saisie.
Or, étant donné qu’une déclaration de créance, déposée dans le cadre d’une procédure collective, équivaut à une demande en justice, elle interrompt les délais de prescription pour agir tant contre le débiteur principal que contre la caution solidaire et cet effet interruptif produit ses effets jusqu’à la clôture de la procédure collective15. Après l’interruption de la prescription, le nouveau délai court donc à compter de la clôture de la procédure collective du débiteur principal, ce qui correspond, lorsqu’il s’agit d’une liquidation judiciaire, à la date du jugement de clôture.
C’est dès lors à bon droit et sans violer à la disposition citée au moyen que les juges d’appel ont décidé qu’en l’espèce la déclaration de créance, déposée par l’actuelle défenderesse en cassation dans le cadre de procédure en liquidation judiciaire du débiteur principal, avait interrompu le cours de la prescription décennale à l’égard de l’actuel demandeur en cassation, caution solidaire de la créance en cause.
Quant au cinquième moyen de cassation :
tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de la loi, in specie de l’article 496 du Code de commerce 15 Cour de cassation française : Com., 12 décembre 1995, pourvoi no 94-12.793, Bull. 1995, IV, no 299 ; Com., 15 mars 2005, pourvoi no 03-17.783, Bull. 2005, IV, no 63 ; Com., 26 septembre 2006, pourvoi no 04-19.751, Bull. 2006, IV, no 190 ; Com., 18 mars 2014, pourvoi no 13-11.925 ; Com., 10 février 2015, pourvoi no 13-
21.953, Bull. 2015, IV, no 25 ; Com. 16 janvier 2019, pourvoi 17-14.002. La même solution est retenue en droit belge : P.Coppens et Fr.’t Kint, Examen de jurisprudence, Les faillites, les concordats et les privilèges, R.C.J.B., 1997, p.207 et les références ; Cloquet, Les Novelles, t.IV, n°2322 Par son cinquième et dernier moyen, le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir reconnu un effet interruptif de la prescription à la déclaration de créance déposée par l’actuelle défenderesse en cassation, alors que ce dépôt aurait eu lieu après la date limite fixée par le jugement de faillite.
En vertu de l’article 496 du Code de commerce, le dépôt tardif aurait privé la déclaration de tout effet, notamment quant à la prescription.
Le passage pertinent de l’arrêt attaqué se lit ainsi :
« La déclaration de créance, déposée par la société BANQUE X) auprès du greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 8 février 2010 a, partant, interrompu le cours de la prescription décennale, de sorte qu’indépendamment des règles prescrites par l’article 496 du code de commerce qui ne sont pas pertinentes par rapport à la question de la prescription, un nouveau délai de dix ans a commencé à courir à partir de cette date. »16 Selon les magistrats d’appel, le fait que la déclaration de créance fut déposée ultérieurement au délai fixé par le jugement de faillite n’a pas d’incidence sur les effets de la déclaration de créance à l’égard de la prescription de la créance litigieuse.
L’article 496, alinéa 1er, du Code de commerce dispose :
« Les créanciers du failli sont tenus de déposer au greffe du tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale la déclaration de leurs créances avec leurs titres, dans le délai fixé au jugement déclaratif de la faillite. Le greffier en tiendra état et en donnera récépissé.» Ni l’article précité, ni aucune autre disposition du Code de commerce ne prévoient que ce délai fixé par jugement doit être respecté sous peine de forclusion.
Le Code de commerce prévoit comme seule sanction d’un dépôt en dehors du délai fixé par le jugement de faillite, en son article 508, « que les défaillants connus ou inconnus ne seront pas compris dans les répartitions. » Le texte précise toutefois que ces créanciers auront toujours la possibilité de déclarer et d’affirmer leurs créances jusqu’à la dernière distribution des derniers inclusivement.
Il en découle que même si une déclaration est créance est déposée après le délai imparti, elle ne se voit pas pour autant privée de tout effet, comme l’affirme le demandeur en cassation. Le créancier en cause ne pourra pas participer à l’éventuelle distribution de l’actif faite antérieurement au dépôt de 16 Arrêt attaqué, page 7, alinéa 4 sa déclaration. Cependant, il pourra participer à celles qui y seront postérieures, tant qu’il reste de l’actif à distribuer.
Ainsi, une déclaration de créance reste valable et est susceptible de produire des effets, même si elle est déposée en dehors du délai fixé par le jugement de faillite. Plus particulièrement, elle sera toujours équivalente à une demande en justice, de sorte que c’est à juste titre, et sans violer la disposition visée au moyen, que les magistrats d’appel ont décidé que la tardiveté du dépôt de la déclaration de créance était sans pertinence quant à la question de la prescription de cette créance.
Le moyen laisse donc d’être fondé.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 16