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02/12/2021 | LUXEMBOURG | N°144/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 02 décembre 2021, 144/21


N° 144 / 2021 du 02.12.2021 Numéro CAS-2020-00137 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux décembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Sandra KERSCH, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) la société à responsabilité limitée J), 2)

M), 3) G), demandeurs en cassation, comparant par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour...

N° 144 / 2021 du 02.12.2021 Numéro CAS-2020-00137 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, deux décembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Sandra KERSCH, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

1) la société à responsabilité limitée J), 2) M), 3) G), demandeurs en cassation, comparant par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

H), défenderesse en cassation, comparant par Maître James JUNKER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 62/20, rendu le 13 mai 2020 sous le numéro 45115 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 22 octobre 2020 par la société à responsabilité limitée J), M) et G) à H), déposé le 23 octobre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 décembre 2020 par H) à la société J), à M) et à G), déposé le 21 décembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré fondée pour un certain montant la demande en indemnisation que H) avait introduite, pour mauvaise exécution de travaux de rénovation d’un immeuble, contre les époux M)-G), pris en leur qualité d’associés de la société J), entretemps dissoute.

La Cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel interjeté par la société J) et a, par réformation partielle, déclaré la demande de H) à l’encontre des époux M)-G) fondée pour un montant supérieur à celui qui lui avait été accordé en première instance.

Sur la recevabilité du pourvoi, qui est contestée La défenderesse en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi dans la mesure où il a été formé par la société J), au motif que celle-ci a été dissoute le 29 juillet 2014 et qu’elle serait, par conséquent, dépourvue de personnalité juridique.

L’appel interjeté par la société J) a été déclaré irrecevable sur base des mêmes considérations.

L’arrêt d’appel n’étant pas attaqué sous ce rapport et une condamnation à l’encontre de la société J) n’ayant pas été prononcée, le pourvoi est irrecevable en tant qu’il a été formé par la société J).

Le pourvoi, introduit par M) et G) dans les forme et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir le défaut, l'absence de motivation du juge d'appel ;

Attendu que la Cour d'appel a violé les articles susmentionnés en ce qu'elle n'a pas répondu à des moyens déterminants pour la solution du litige contenus dans les conclusions de Maître PEUVREL, chacune des violations étant reprises dans une branche du moyen de cassation ;

que des moyens déterminants pour la solution du litige étaient formulés dans les différentes conclusions des demandeurs en cassation ; que le défaut de réponse à conclusions est assimilable à un défaut de motifs lorsque le moyen est de nature à influer sur la solution du procès.

première branche Attendu que la Cour n'a pas répondu au moyen tiré de la présence du coordinateur de travaux de Madame H) à savoir Monsieur R) ;

que le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme causant grief à la concluante (cf. Cassation, 30 juillet 2020, no 115/2020, no CAS-2019-00067 du registre) ;

que dans ses conclusions n° 3 du 12 mars 2019, Maître PEUVREL indique que R) fut chargé par Madame H) de trouver une entreprise qui pouvait correspondre à son budget » ;

que Monsieur R) se rendit pour compte de Madame H) auprès de plusieurs entreprises dont le groupe S), T) SARL et J) SARL ;

que Madame H) voulant travailler à l'économie estima avec Monsieur R) l'offre de la société J) SARL satisfaisante et la signa ;

que R) fut présent chaque jour » (conclusions n°3 du 12 mars 2019) ;

que dans ses même conclusions, il est précisé que long du chantier, il coordonna, pilota, contrôla et agréa les travaux et la bonne exécution de ceux-ci pour le compte de la dame H) » ;

que dans ses conclusions 4 du 27 septembre 2019, Maître PEUVREL a, à titre subsidiaire, sollicité l'exonération des parties demanderesses en cassation sub. 2 et 3) en raison de la présence du coordinateur de travaux ;

que cette demande a été formulée de manière précise subsidiaire, et si par impossible des désordres, vices ou malfaçons étaient définitivement retenus en l'espèce malgré les arguments précédemment développés à ce sujet, force est de constater que les parties concluantes ne sauraient en rien en être tenues pour responsables alors que lesdits travaux ont été validés et agréés par le coordinateur de la partie adverse, en l'occurrence le sieur R).

Les parties concluantes seraient donc totalement exonérées par le fait, et subsidiairement la faute d'un tiers, en l'occurrence le coordinateur de travaux » ;

que la Cour d'appel a retenu des désordres, vices ou malfaçons dans le chef des partie demanderesses en cassation ;

que cependant la Cour d'appel n'a pas répondu à la demande d'exonération des parties demanderesses en cassation ;

que la Cour d'appel n'a même pas pris la peine d'analyser et de tirer les conséquences de la présence d'un coordinateur de travaux ;

motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré)» (Cour de Cassation du 14 février 2019 n°27/2019) ;

conclusions invoquées contiennent un moyen de nature à entraîner une autre solution que celle adoptée et qu'il n'y ait pas été répondu)» (Cour de Cassation du 2 avril 2009 n°236/09) ;

que la prise en compte des arguments des parties concluantes en instance d'appel aurait nécessairement entraîné une solution différente puisque les travaux avaient été validés par le coordinateur de travaux de la dame H), de sorte que la responsabilité aurait dû être recherchée dans son chef ;

que la Cour d'appel ne s'étant pas du tout penchée sur le moyen, l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour vice de forme résultant du défaut de motivation.

deuxième branche Attendu que la Cour n'a pas répondu au moyen tiré de la loi modifiée du 15 août 1915 concernant les sociétés commerciales ;

que dans l'acte d'appel du 23 mai 2017, il est précisé que s'il devait y avoir condamnation des parties demanderesses en cassation sub. 2 et 3), cette condamnation devra être limitée ;

que les juges de première instance avait retenu que suit de son côté le système décrit plus haut, à savoir qu'il est soit apuré par le liquidateur ou, en cas de carence de ce dernier, que les créanciers disposent d'une action en responsabilité contre le liquidateur qui a manqué à cette obligation, qu'il ait été désigné par les statuts ou par les associés ou que sa désignation résulte de l'article 143 de la loi modifiée du 15 août 1915. Pour qu'une dérogation à ce système puisse être retenue, entraînant une prise en charge du passif par les associés dans l'acte de dissolution, il faut que les associés se soient clairement et expressément exprimés dans ce sens » ;

que c'est donc en leur qualité d'associés de la société J) SARL que les demandeurs en cassation sub. 2 et 3) ont été condamnés par le premier juge à indemniser la partie défenderesse en cassation ;

qu'or, la société à responsabilité limitée est une société dite dont la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports ;

qu'ainsi, l'indemnisation réclamée aux parties demanderesses en cassation sub. 2 et 3) ne pouvait être supérieure à la somme de 12.400.-€ ;

que dès lors, dans son acte d'appel (cf. notamment pages 15-16 et 18), Maître PEUVREL a demandé pour compte de ses mandants que si la Cour venait à retenir une responsabilité dans le chef des demandeurs en cassation sub. 2 et 3), le quantum de l'indemnisation de la partie défenderesse en cassation devrait se limiter à la somme de 12.400.-€ que la Cour d'appel a retenu la responsabilité dans le chef des demandeurs en cassation sub. 2 et 3) ;

que cependant la Cour n'a pas pris position sur la limitation de l'indemnisation de la partie défenderesse en cassation telle que sollicitée par les parties concluantes ;

que ont méconnu les exigences du texte susvisé ;

que l'arrêt attaqué encourt dès lors la cassation » (Cour de Cassation du 16 mai 2013 n°40/13) ;

que la Cour d'appel ne s'étant pas du tout penchée sur le moyen, l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour vice de forme résultant du défaut de motivation.

troisième branche Attendu que la Cour n'a pas répondu au moyen tiré des relations familiales entre l'expert X) et la partie défenderesse en cassation ;

que Maître PEUVREL dans ses conclusions du 4 décembre 2019 a soulevé que l'expert X) et la partie défenderesse en cassation avaient des liens familiaux sinon très proches et a demandé à voir écarter le rapport d'expertise X) pour cause de partialité ;

que dans ses conclusions 3 du 12 mars 2019, Maître PEUVREL a indiqué L'expert X), ami de la famille H), mandaté par la seule partie adverse, s'est contenté de noter de façon non contradictoire des points qui selon lui constituaient des malfaçons » ;

que Maître PEUVREL a familiaux, pour le moins profondément amicaux avec la famille H), ou la dame H) elle-même que cette dernière se garde bien de révéler » (cf. conclusions 4 de Maître PEUVREL du 27 septembre 2019) ;

qu'enfin dans ses conclusions 5 du 4 décembre 2019, Maître PEUVREL a précisé que partant écarter celui-ci purement et simplement pour défaut total de valeur probante » ;

que la partie défenderesse en cassation n'a pas contesté ce lien de parenté ou cette proximité des rapport entre elle et l'expert X) ou du moins de manière très vague tel que souligné par Maître PEUVREL dans ses conclusions 4 du 27 septembre 2019 ;

qu'il y indique dans ses dernières conclusions sont révélatrices » ;

que l'expert devra l'une des parties » (comp. Corr. Tongres, 17 septembre 1965, R.G.A.R., 1967, n°7825) ;

que de plus parties, doit de lui-même se récuser, pour qu'on ne puisse pas soupçonner sa parfaite objectivité » (Expertises judiciaires, Jacques BOULEZ, 13ème édition, p61) que pour être plus complet, les parties demanderesses en cassation sub. 2 et 3), ont également fait remarquer au sujet du rapport X) que (cf.

conclusions 4 de Maître PEUVREL du 27 septembre 2019) ;

que finalement première fois au dossier une pseudo-facture de l'expert X) prétendument datée du 18 novembre 2013 » (cf. conclusions 5 de Maître PEUVREL du 4 décembre 2019) ;

qu'aucune preuve de paiement n'a été communiquée à ce sujet, ni-même aucun contrat de mission ;

que les parties demanderesses en cassation sub. 2 et 3) ont donc demandé à voir écarter le rapport de l'expert X) ;

que la Cour d'Appel s'est uniquement contenté de déclarer l'argument des appelants consistant à dire que ce rapport n'a pas été dressé de manière contradictoire est vain, de sorte qu'il n'y a lieu d'en tenir compte » ;

que la Cour d'Appel n'a pas pris position sur la validité du rapport d'expertise X) et son impartialité en raison des liens familiaux sinon de la proximité des rapports entre l'expert et la partie défenderesse en cassation pourtant soulevés à maintes reprises par les parties concluantes ;

que la Cour d'Appel ne s'étant pas du tout penchée sur le moyen, l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour vice de forme résultant du défaut de motivation. ».

Réponse de la Cour Sur les première et deuxième branches réunies du moyen Le moyen, pris en ses deux premières branches, est basé sur un défaut de réponse à conclusions, qui constitue un défaut de motifs.

Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de n’avoir ni statué sur le moyen tiré de la présence exonératoire, sur le chantier, d’un coordinateur de travaux mandaté par la défenderesse en cassation, celle-ci ayant été offerte en preuve par la production d’attestations testimoniales et l’audition de témoins, ni motivé le rejet de leur demande en limitation de la réparation indemnitaire.

Les juges d’appel ne sont pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Ils ont implicitement répondu aux conclusions tendant à voir établir la présence d’un coordinateur de travaux sur le chantier en énonçant que « les travaux réalisés par la société J) étaient affectés de graves désordres et étaient effectués de manière non conforme aux règles de l’art » et que « les attestations testimoniales versées par les appelants et l’offre de preuve qu’ils formulent se trouvant contredites par les éléments objectifs ci-avant décrits, elles encourent un rejet », retenant ainsi que les désordres constatés avaient été causés par la faute de la société J), qui ne s’était pas exonérée par la preuve du fait ou de la faute d’un tiers, notamment d’un coordinateur de travaux mandaté par la défenderesse en cassation.

En retenant « qu’à partir du 29 juillet 2014, l’ensemble de l’actif et du passif échu et à échoir de la société J) est passé aux époux M)-G) qui, à partir de cette date, exercent seuls les droits et assument seuls les obligations incombant à la société », les juges d’appel ont implicitement motivé le rejet de la demande en limitation de l’indemnité à allouer à la défenderesse en cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux premières branches, n’est pas fondé.

Sur la troisième branche du moyen Sous le couvert du grief tiré du défaut de réponse à conclusions, les demandeurs en cassation ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur probante du rapport d’expertise X) corroboré par celui de l’expert judiciaire Y), appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa troisième branche, ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré du défaut de base légale et de la violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir le non-respect du principe du contradictoire et le violation des droits de la défense ;

Attendu que la Cour d'Appel a violé les articles susmentionnés en ce qu'elle a violé les droits de la défense en ne permettant pas aux parties demanderesses en cassation de se défendre quant au rapport de l'expert Y) ;

que la Cour d'Appel n'a pas respecté le principe du contradictoire en prenant en compte le rapport extrajudiciaire dressé par l'expert X) à la seule demande de la partie défenderesse en cassation.

première branche Attendu que la Cour d'appel a violé les articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que la Cour a violé les droits de la défense ;

que l'article 58 du Nouveau Code de Procédure civile dispose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ;

que l'article 64 du Nouveau Code de Procédure Civile indique que chacun doit être à même ;

que les parties demanderesses en cassation ont offert de prouver par témoins que la partie défenderesse en cassation a eu recours à un coordinateur de travaux ;

que plusieurs attestations testimoniales ont été également communiquées à ce titre ;

que la Cour d'appel n'a pas fait droit à la demande des parties demanderesses en cassation ;

que de l'Homme et des libertés fondamentales oblige les juridictions à motiver leurs décisions, mais n'exige pas une réponse détaillée à chaque argument ; qu'une simple allégation, dépourvue de toute offre de preuve, n'appelle pas de réponse de la part des juges du fond » (Cour de Cassation du 20 mai 2010, n°37/10) ;

qu'une offre de preuve a été faite en ce sens ;

que cette offre de preuve avait la teneur suivante :

chantier décida dès le départ de confier la coordination de son chantier au sieur Fernando R) ;

que Mme H) était à l'origine déjà en possession d'un devis de la société

___

qu'elle trouvait cependant trop cher ;

que relatant cela à une de ses collègues de travail, Madame B), celle-ci la mît en contact avec Monsieur R) à qui elle confia finalement en 2012 la fonction de coordonner tout son chantier (cf. pièce no 22 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

que Monsieur R) fut chargé par Madame H) de trouver une entreprise qui pouvait correspondre à son budget (cf. pièces no 17 et 19 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

qu'il se rendit pour compte de Madame H) auprès de plusieurs entreprises dont le groupe S), T) SARL et J) SARL ;

que le groupe S) fournit en date du 2 avril 2013 un devis chiffrant les travaux souhaités à la somme de 279.492,33 € TTC (cf. pièce no 21 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

que la société T) SARL fournit en date du 18 février 2013 un devis ne comprenant que le gros œuvre et chiffrant les travaux souhaités à la somme de 133.533,95 € (cf. pièce no 20 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

que la société J) SARL SARL fournit en date du 18 mars 2013 un devis chiffrant la totalité des travaux souhaités à la somme de 187.923,42 € HT (cf. pièce no 1 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

que Madame H) voulant travailler à l'économie estima avec Monsieur R) l'offre de la société J) SARL satisfaisante et la signa ;

que le sieur R) fut présent chaque jour sur le chantier jusqu'à ce que l'accès à ce dernier lui fût interdit ainsi qu'aux parties concluantes fin septembre 2013, sans préjudice quant à la date exacte ;

que tout au long du chantier, il coordonna, pilota, contrôla et agréa les travaux et la bonne exécution de ceux-ci pour le compte de la dame H) (cf. notamment pièce no 24 de la chemise de pièces de Me Peuvrel) ;

qu'en ce qui concerne les domaines d'activité pour lesquels la société J) SARL n'avait pas d'autorisation d'établissement, tels que toiture, charpente et façade, la dame H) en avait été informée dès l'entrée en relations contractuelles et que dans ces domaines d'activité, recours serait fait à la sous-traitance via les sociétés I) et P);

qu'en mai 2013, sans préjudice quant à la date exacte, la dame H) a fait modifier les plans initialement prévus via la société

___ ;

que les modifications opérées nécessitaient notamment des quantités supplémentaires de ferrailles non prévues au devis initial ;

que la dame H) a donné son accord pour ces commandes supplémentaires (reprises dans la facture du 23 septembre 2013) et s'était engagée à les régler à l'entrepreneur en précisant qu'aucun écrit n'était nécessaire pour cela ».

dire cette offre de preuve pertinente et concluante ;

partant l'admettre et ordonner tous autres devoirs de droit requis en la matière » ; (cf. conclusions n°3 de Maître PEU VREL du 12 mars 2019) que la Cour d'appel n'a pas donné suite à cette offre de preuve ;

que la Cour d'appel a ainsi empêché les parties demanderesses en cassation d'organiser leur défense et de prouver leur prétentions et leur version des faits ;

que l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, et 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile.

deuxième branche Attendu que la Cour a violé les articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que les parties ont le droit à un procès équitable ;

que cela se caractérise par le principe de l'égalité des armes ;

qu'une mesure d'instruction telle qu'une expertise peut être librement contestée par les parties ;

que dans ses différentes conclusions Maître PEU VREL a contesté à plusieurs reprises les différents rapports d'expertises en présence ;

que tel a été le cas notamment dans les conclusions 1 de Maître PEUVREL du 14 février 2017 ;

qu'il ait indiqué dans lesdites conclusions pourcentages retenus par l'expert, relatifs, à l'état d'avancement des travaux, demeurent formellement et énergiquement contestés pour n'être ni objectivement vérifiables, ni justement estimés » ;

qu'il est aussi précisé disproportionnées par rapport à la situation » ;

que par les concluants, tant au niveau de leur contenu qu'au niveau de la méthode employée aux fins de calcul du pourcentage des travaux exécutés)) (conclusions 2 de Maître PEUVREL du 12 octobre 2018) ;

que le rapport Y) a également été contesté dans les conclusions 3 de Maître PEUVREL du 12 mars 2019 ;

qu'en effet, il est indiqué que d'achèvement des travaux ne pouvait être de 100% car la société J) SARL s'était vu refuser l'accès au chantier.

Pour le reste des postes, l'expert s'est basé sur des pourcentages biaisés afin d'établir d'autres chiffres de manière totalement arbitraire.

Par conséquent, les pourcentages retenus par l'expert, relatifs, à l'état d'avancement des travaux, demeurent formellement et énergiquement contestés pour n'être ni objectivement vérifiables, ni justement estimés » ;

que la Cour n'a aucunement pris position sur ce point qui aurait d'ailleurs dû également être discuté avec l'expert (cf. pièces no 11 à 14) ;

qu'en plus plusieurs attestations testimoniales et une offre de preuve ont encore été versées ;

que la Cour s'est seulement contentée de les écarter au motif que les rapports d'expertises, dont l'un était unilatéral se suffisaient à eux-mêmes ;

que selon l'article 446 du Nouveau Code de Procédure civile pas lié par les constatations ou conclusions du technicien » ;

que les parties demanderesses sub. 2 et 3) auraient dû pouvoir contester les rapports d'expertise versés en cause, ce qui implique que la Cour d'appel aurait dû se prononcer sur toutes les contestations invoquées ;

que les demanderesses en cassation n'ont donc pas été en mesure de se défendre utilement et la Cour n'a pas répondu à tous les moyens soulevés à l'encontre des rapports litigieux ;

que les articles 58 et 64 du NCPC ont également été violés étant donné que les parties demanderesses en cassation n'ont pas pu faire valoir leurs prétentions et n'ont pas pu assurer leur défense ;

que les parties demanderesses en cassation n'ont pu à aucun moment contester le rapport d'expertise Y) en présence de l'homme de l'art qui aurait alors été tenu de prendre position à ce sujet ;

que l'expert Y) a tout d'abord directement déposé son rapport définitif sans avoir adressé au préalable au parties un pré-rapport en laissant aux parties la possibilité de faire valoir leurs dires éventuels à ce sujet ;

que pour cette raison, par courriers du 20 juin 2014 et du 10 juillet 2014, Maître PEUVREL a sollicité l'expert Y) afin de procéder à une lecture contradictoire de son rapport ;

que ce dernier par courrier en date du 9 septembre 2014, passant outre le principe du contradictoire, a refusé de donner suite à cette sollicitation ;

qu'il échet de préciser que le comble est que par courrier du 26 juin 2014, l'expert Y) a informé Maître PEUVREL que dès réception des points détaillés des parties concluantes, il , ce qu'il ne fit pas ;

que d'opérer de l'expert, que les parties en cause n'ont pas eu la possibilité ou l'occasion de présenter leur point de vue, d'interroger l'expert et d'exercer ainsi pleinement leurs droits. L'expertise telle qu'elle a été versée […] ne présente dès lors pas les garanties nécessaires telles qu'exigées pour une expertise judiciaire que sont notamment son caractère contradictoire et impartial » (cf. TA Lux. 18 décembre 2015 n°270/2015) ;

que l'irrégularité, même substantielle, a effectivement nui aux intérêts de celui qui s'en prévaut et lui a causé un grief concret dont il rapporte la preuve. La violation du principe du contradictoire constitue, en principe, une irrégularité de forme)) (Cour d'appel, 9ème chambre, 28 mai 2003, n°23996 du rôle) ;

que la jurisprudence considère toutefois que la contradiction entraîne la nullité sans qu'il soit besoin de justifier d'un grief)) (Cass. Civile, 2ème chambre civile, 24 novembre 1999, Bull.civ. Il, n°174) ;

que la Cour d'appel a fait à tort fi de ce moyen de nullité pourtant soulevé dans les conclusions d'appel des parties concluantes ;

que l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile.

troisième branche Attendu que la Cour a violé les articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

que l'article 65 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile dispose que toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement » ;

que la Cour s'est contentée de déclarer que le rapport X) était contradictoire au motif que la partie demanderesse en cassation sub.2) était présente ;

qu'il a été indiqué à plusieurs reprises que la partie demanderesse en cassation sub.2) était présente par surprise sur les lieux ;

que la partie demanderesse en cassation sub.2) n'a pas été convoquée à ce sujet par l'expert X) ni même la dame H) d'ailleurs qui semble ne même pas avoir été présente lors de la pseudo-visite des lieux ayant donné lieu au pseudo-rapport X) ;

que la partie demanderesse en cassation sub.2) n'a été en mesure de faire valoir aucune contestation ni au cours de la seule et unique visite des lieux ayant eu lieu avec l'expert X) ni après cette visite d'ailleurs ;

que par ailleurs en effet, la partie demanderesse en cassation sub.2) a contesté par courrier ledit rapport ;

que dans ses conclusions 3 du 12 mars 2019 Maître PEUVREL indique :

n'a fait que subir ce constat sans pouvoir s'exprimer ni faire valoir ses droits ou observations.

Il est précisé que dès réception du constat X), le sieur M) contestait fermement celui-ci en date du 1er janvier 2013 » ;

que la Cour d'appel n'en a pas tenu compte ;

que ce rapport n'a pas été rendu contradictoirement ;

que d'éléments de preuve objectifs produits par les parties que les experts n'ont pas rempli leur mission avec diligence, impartialité et dans le respect du principe du contradictoire » (jugement civil du 16 octobre 2020 n° 2020TALCH10/00154) ;

que force est de constater que le rapport X) ne remplit pas le critère d'impartialité (tel qu'exposé dans la 3ème branche du 1er moyen) et le principe du contradictoire ;

qu'il aurait dû être écarté des débats ;

que l'arrêt encourt donc la cassation de ce chef pour violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile. ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches réunies du moyen Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, d’une part, le défaut de base légale et, d’autre part, la violation des articles 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 58, 64 et 65 du Nouveau Code de procédure civile, partant plusieurs cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois branches, est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable en tant qu’il est introduit par la société à responsabilité limitée J) ;

le déclare recevable pour le surplus ;

le rejette ;

rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne M) et G) à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

les condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître James JUNKER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 11 octobre 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

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Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation M), G) et la société à responsabilité limitée J) c/ H) (affaire n° CAS-2020-00137 du registre) Par mémoire signifié le 22 octobre 2020 et déposé au greffe de la Cour le 23 octobre 2020, M), G) et la société à responsabilité limitée J) ont introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt n°62/20 rendu contradictoirement, le 13 mai 2020, par la deuxième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière civile, dans la cause entre les parties citées ci-dessus et inscrite sous le numéro 45115 du rôle, arrêt signifié aux demandeurs en cassation en date du 24 août 2020.

Le pourvoi en cassation formé par M) et G) a été interjeté dans les délais et formes prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Il est partant recevable.

Il ressort de l’arrêt entrepris que la société à responsabilité limitée J) a été dissoute par acte notarié du 1er juillet 2014 et cette dissolution a été publiée au registre de commerce et des sociétés en date du 29 juillet 20141.

Votre Cour a retenu que « Si, en principe, la société commerciale disparaît avec la clôture de la liquidation, cette disparition n’est pas absolue, étant donné que la société commerciale liquidée continue d’exister pour répondre des actions que les créanciers sociaux peuvent exercer contre elle jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à partir de la publication de la clôture de la liquidation et les liquidateurs sont habilités à représenter la société commerciale à ces fins.»2.

Cette survie fictive de la société sert uniquement l’intérêt des personnes tierces à la société liquidée. Du fait de la dissolution et de la liquidation de la société, elle-même ne 1 Cour d’appel, arrêt n°62/20 du 13 mai 2020, p.8 2 Cass.,16 janvier 2020, n° 13/2020, numéro CAS-2018-00114 du registre peut plus intenter d’instance judiciaire. A cet égard elle a perdu toute qualité de sujet de droit3.

Votre Cour avait retenu dans l’arrêt n°13/2020 précité que le pourvoi en cassation d’une société liquidée était recevable pour autant que ce pourvoi réponde à une action en justice introduite par un créancier de la société liquidée dans le délai de cinq ans à partir de la publication de la clôture de la liquidation intervenue.

En l’espèce, l’action en justice à laquelle la société à responsabilité limitée J) répond par son pourvoi en cassation a été introduite par H) le 25 avril 2014, partant avant la publication de la clôture de la liquidation intervenue le 29 juillet 2014.

Le pourvoi en cassation introduit par la société à responsabilité limitée J) est partant recevable.

Le mémoire en réponse de la partie défenderesse, signifié le 17 décembre 2020 et déposé au greffe de la Cour en date du 21 décembre 2020, peut être pris en considération pour être conforme aux articles 15 et 16 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Faits et rétroactes H) avait conclu un contrat d’entreprise avec la société à responsabilité limitée J) sur base d’un devis établi le 18 mars 2013, signé le 8 avril 2013, et ayant pour objet la réalisation de travaux d’agrandissement de sa maison.

Suite à deux contrôles effectués par l’Administration des Douanes et Accises en date des 29 juillet et 19 août 2013, il s’est avéré que la société à responsabilité limitée J) ne disposait pas d’une autorisation pour l’activité d’entrepreneur et de génie civil, ni pour celle de peintre-plafonneur-façadier.

A partir du 19 août 2013, H) a fait suspendre les travaux que la société à responsabilité limitée J) effectuait et a fait établir, par l’expert Frank X), en date du 27 septembre 2013 un constat des malfaçons affectant le chantier.

En date des 25 avril et 24 octobre 2014, H) a assigné en justice la société à responsabilité limitée J) ainsi que M) et son épouse G), en leur qualité d’associés de cette société, pour les voir condamner à lui réparer le préjudice subi en raison des malfaçons causées par la société à responsabilité limitée J).

Par jugement n°68/2017 du 14 mars 2017, le Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a condamné solidairement M) et son épouse G), en leur qualité d’associés de la société à responsabilité limitée J), à payer à H) la somme de 95.681,59 euros.

3 Cour d’appel, 4ème ch., 23 décembre 2009, rôles n° 30405 et 33909 Le Tribunal retient, pour condamner M) et son épouse G) à payer la somme de 95.681,59 euros, qui est en soi une dette née dans le chef de la société à responsabilité limitée J) liquidée, que M) et son épouse V) se sont engagés par acte notarié de dissolution du 1er juillet 2014 à prendre à leur charge le passif de la société dissoute.

La société à responsabilité limitée J), M) et G) ont relevé appel de ce jugement.

H) interjeta appel incident.

Par arrêt n°62/20 du 13 mai 2020, la Cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel interjeté par la société à responsabilité limitée J) et a déclaré l’appel de M) et G) non fondé.

La Cour d’appel a en revanche déclaré l’appel incident de H) fondé et a réformé le jugement de première instance en condamnant M) et G) à payer à H) la somme totale de 101.181,59 euros.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt rendu en instance d’appel.

Quant aux moyens de cassation :

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la « violation des articles 89 de la Constitution et 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir le défaut, l’absence de motivation du jugement » en ce que les juges d’appel n’ont pas répondu à des moyens déterminants des demandeurs en cassation.

Les demandeurs en cassation divisent leur premier moyen de cassation en trois branches.

Quant à la première branche du moyen Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à leur moyen relatif à leur exonération en raison de la présence du coordinateur de travaux de H), Monsieur R), sur le chantier. Monsieur R) aurait coordonné, piloté, contrôlé et agréé les travaux réalisés par la société à responsabilité limitée J).

Les demandeurs en cassation relèvent qu’ils avaient invoqué, à titre subsidiaire et pour autant que des désordres, vices ou malfaçons étaient retenus par la Cour d’appel, qu’ils s’exonéraient de leur responsabilité par le fait, et subsidiairement par la faute d’un tiers, celle du coordinateur de travaux.

Les demandeurs en cassation estiment que l’arrêt entrepris serait entaché d’un défaut de motivation alors que les juges d’appel n’ont pas répondu à leur demande en exonération et que partant l’arrêt encourt la cassation.

Le défaut de réponse à conclusions est une des formes du défaut de motifs. Le moyen justifiant réponse se définit comme l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte, d’où, par un raisonnement juridique, elle prétend déduire le bien-fondé de sa demande. Le juge du fond doit répondre, non seulement aux moyens figurant dans le dispositif des conclusions, mais aussi à ceux présentés dans les motifs qui en sont le soutien nécessaire4.

Cette définition s’étend, bien entendu, également aux moyens de défense, donc au cas de figure dans lequel une partie énonce un fait, un acte ou un texte, d’où, par un raisonnement juridique, elle « prétend déduire le bienfondé […] d’une défense »5.

Il ressort des pièces auxquelles Votre Cour peut avoir égard que les demandeurs en cassation ont sollicité l’exonération par le fait ou la faute d’un tiers dans l’hypothèse où leur responsabilité contractuelle serait retenue6.

Les demandeurs en cassation avaient aussi bien dans la motivation de leurs conclusions en appel du 27 septembre 2019 que dans le dispositif de ces mêmes conclusions invoqué à titre subsidiaire « que les parties concluantes s’exonèrent de toute responsabilité éventuelle pouvant peser sur elle, par le fait, respectivement la faute d’un tiers, en la personne du coordinateur de travaux adverse ».

Les demandeurs en cassation avaient soulevé en appel que H) avait désigné un coordinateur des travaux pour son chantier en la personne de Monsieur R) qui assurait la surveillance du chantier et des travaux réalisés et qu’ils s’exonéraient de leur responsabilité éventuelle par le fait que Monsieur R) avait validé et agrée les travaux effectués par la société J).

Les demandeurs en cassation avaient formé une offre de preuve par témoins pour établir ce fait.

Il ressort de l’arrêt entrepris que les juges d’appel ont retenu que les attestations testimoniales versées par les appelants et l’offre de preuve qu’ils formulent se trouvent contredites par les éléments objectifs de la cause et que partant elles encourent un rejet.

Les juges d’appel retiennent par la suite que « c’est à juste titre que le tribunal a retenu que H) est en droit de solliciter des dommages et intérêts au titre du préjudice subi par le manquement de la société J) à ses obligations contractuelles, l’article 1142 du code civil disposant que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »7.

4 Cass., 5 mars 2009, n° 14/09, numéro 2463 du registre 5 Cass., 14 juillet 2009, n° 50/09, numéro 2664 du registre 6 Inventaire des pièces de procédure versé par les demandeurs en cassation pièce n°27, conclusions du 27 septembre 2019, p.10-11 7 Cour d’appel, arrêt n°62/20 du 13 mai 2020, p.11 A noter que les termes de la décision rendue sont aussi à considérer pour déterminer l’étendue de l’obligation de réponse aux conclusions. Et lors même qu’elle (la Cour) statue définitivement, elle n’a pas à s’expliquer sur des conclusions que sa décision a rendues sans objet8.

En rejetant l’offre de preuve des demandeurs en cassation au motif que l’offre de preuve était contredite par les éléments objectifs de la cause, les juges d’appel ont implicitement retenu qu’il n’était pas prouvé que H) avait mandaté Monsieur R) comme coordinateur de chantier.

Les juges du fond n’avaient dès lors plus à statuer sur les conclusions des demandeurs en cassation portant sur leur exonération par le fait sinon la faute de Monsieur R), devenues sans objet.

Le premier moyen de cassation pris en sa première branche n’est partant pas fondé.

Quant à la deuxième branche du moyen Les demandeurs en cassation reprochent, sous la deuxième branche du moyen, aux juges d’appel de ne pas avoir statué sur leur demande en limitation de l’indemnité à allouer à H).

Les demandeurs en cassation argumentent qu’ils avaient dans leur acte d’appel demandé à ce que le quantum de l’indemnisation allouée à H) soit limité à 12.400 euros dans l’hypothèse où leur responsabilité serait retenue par la Cour d’appel.

Les demandeurs en cassation relèvent qu’ils ont été condamnés par jugement de première instance en leur qualité d’associé de la société à responsabilité limitée J) et qu’en tant qu’associé d’une société à responsabilité limitée, leur responsabilité serait précisément limitée à 12.400 euros.

Selon les demandeurs en cassation, les juges d’appel n’ont pas pris position quant à leur moyen visant la limitation de leur responsabilité, respectivement la limitation de l’indemnisation de la partie défenderesse en cassation à la somme de 12.400 euros.

Ce défaut de réponse à conclusions entraînerait la cassation de l’arrêt entrepris.

La soussignée constate à la lecture de l’arrêt entrepris que les juges d’appel ont retenu que « concernant la recevabilité de l’appel interjeté par la société J), il se dégage de l’acte notarié de dissolution de la société J) du 1er juillet 2014, publié au RCS le 29 juillet 2014, que la société a été dissoute avec effet immédiat, les époux M)-G), associés de la société, ayant déclaré être investis de l’actif de la société et expressément prendre en charge le passif échu et à échoir, la liquidation de la société ayant été considérée 8 J.Boré, La cassation en matière civile, éd. 2015, n°77.173 comme faite et clôturée. Il en suit qu’à partir du 29 juillet 2014, l’ensemble de l’actif et du passif échu et à échoir de la société J) est passé aux époux M)-G) qui, à partir de cette date, exercent seuls les droits et assument seuls les obligations incombant à la société. »9.

La Cour d’appel a partant retenu que les demandeurs en cassation avaient par acte notarié du 1er juillet 2014 expressément déclaré prendre en charge le passif échu et à échoir de la société à responsabilité limité J).

Votre Cour retient de manière constante qu’une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Les juges d’appel ont statué sur la demande visant à limiter l’indemnisation de H) à la somme de 12.400 euros en retenant que les demandeurs en cassation s’étaient engagés à supporter l’intégralité de la dette de la société à responsabilité limitée J), motivant ainsi implicitement le rejet de la demande de voir la responsabilité des demandeurs en cassation limitée à 12.400 euros.

Le premier moyen de cassation pris en sa deuxième branche n’est partant pas fondé.

Quant à la troisième branche du moyen Sous la troisième branche du moyen, les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir statué sur leur demande à voir écarter le rapport d’expertise X) pour défaut de valeur probante alors qu’il a été dressé de manière partial, l’expert X) ayant des liens familiaux sinon profondément amicaux avec H).

Les demandeurs en cassation reprochent aux juges d’appel de ne pas avoir pris position quant à la validité du rapport d’expertise X) et ils en concluent que l’arrêt serait partant entaché d’un vice de forme emportant cassation.

Sous le couvert du moyen tiré du défaut de réponses à conclusions, les demandeurs en cassation tendent en réalité qu’à remettre en question l’appréciation des juges du fond de la valeur probante du rapport d’expertise X) ; appréciation qui relève du pouvoir souverain des juges du fond et qui échappe partant au contrôle de Votre Cour.

Le premier moyen de cassation pris en sa troisième branche ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation :

9 Cour d’appel, arrêt n°62/20 du 13 mai 2020, p.8 Le deuxième moyen de cassation est tiré « du défaut de base légale et de la violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir le non-respect du principe du contradictoire et la violation des droits de la défense » en ce que la Cour d’appel n’a pas permis aux demandeurs en cassation de se défendre quant au rapport de l’expert Y) et a pris en compte le rapport extrajudiciaire dressé par l’expert X) en violation du principe du contradictoire.

Le défaut de base légale suppose que l'arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas au juge de cassation d'exercer son contrôle sur le droit.

Il convient de distinguer le cas d’ouverture du défaut de base légale avec celui de la violation de la loi (refus d’application de la loi, fausse interprétation de la loi ou fausse application de la loi) : ainsi chaque fois que la Cour de cassation se trouve en présence d’un arrêt qui contient des constatations de faits complètes, qui lui permettent de vérifier si la loi a été ou non correctement appliquée, la cassation qu’elle est amenée à prononcer peut être fondée sur la violation de la loi, par fausse application ou fausse interprétation des dispositions visées. Chaque fois au contraire que la Cour régulatrice se trouve en présence de constatations de fait incomplètes ou imprécises, qui la mettent dans l’impossibilité d’exercer pleinement son contrôle de la qualification des faits ou de l’application de la loi, la censure pour défaut de base légale s’impose. Le raisonnement de l’arrêt est illégal dans le premier cas, il est boiteux dans le second10.

Le défaut de base légale et la violation de loi constituent deux cas d’ouverture distincts.

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le deuxième moyen de cassation articule d’une part, le défaut de base légale qui se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit, et d’autre part, la violation des articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile, à savoir le non-respect du principe du contradictoire et la violation des droits de la défense, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il en suit que le deuxième moyen de cassation est irrecevable.

A titre subsidiaire Quant à la première branche du moyen 10 J.Boré, La cassation en matière civile, éd. 2015, n° 78.41 Les demandeurs en cassation font grief aux juges d’appel de ne pas avoir donné suite à leur offre de preuve visant à établir que H) avait eu recours à un coordinateur de travaux et que les juges d’appel ont ainsi empêché les parties défenderesses en cassation d’organiser leur défense et de prouver leurs prétentions et leur version des faits, violant ainsi les articles 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, 58, 64 et 65 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sous le couvert du grief de la violation des articles cités au moyen, la première branche du moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond de la pertinence pour la solution du litige d’une mesure d’instruction, en l’espèce l’offre de preuve visant à établir que H) avait eu recours à un coordinateur de travaux.

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe partant au contrôle de Votre Cour.

Il en suit que la première branche du moyen ne saurait être accueillie.

Quant à la deuxième branche du moyen Les demandeurs en cassation reprochent, sous la deuxième branche du moyen, aux juges d’appels de ne pas avoir pris position quant à leurs contestations des différents rapports d’expertises en cause et que partant ils n’ont pas été en mesure de se défendre utilement.

Les demandeurs en cassation relèvent encore qu’ils n’ont pu à aucun moment contester le rapport d’expertise Y) en présence de l’homme de l’art qui aurait alors été tenu de prendre position à ce sujet.

Les demandeurs en cassation reprochent encore aux juges d’appel d’avoir à tort fait fi de leur moyen visant la nullité de l’expertise Y) pour violation du principe de la contradiction.

La soussignée relève que les demandeurs en cassation reprochent en réalité aux juges d’appel un défaut de réponses à conclusions qui est un vice de forme.

Le grief ainsi invoqué est étranger aux dispositions citées au moyen.

Le moyen est partant irrecevable.

A titre subsidiaire, la soussignée relève que sous le couvert des dispositions citées au moyen, les demandeurs en cassation ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond des expertises versées en cause, notamment leur caractère contradictoire et leur valeur probante.

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond et échappe dès lors au contrôle de Votre Cour.

Il en suit que le deuxième moyen pris en sa deuxième branche ne saurait être accueilli.

Quant à la troisième branche du moyen Les demandeurs en cassation font encore grief aux juges d’appel de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire déduit de l’article 65 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, en retenant que le rapport d’expertise X) était contradictoire alors que M) n’avait pas été convoqué à cette expertise et qu’il n’était pas en mesure de faire valoir aucune contestation.

Les demandeurs en cassation estiment que les juges d’appel ont violé le principe du contradictoire et les droits de la défense en n’écartant pas des débats le rapport d’expertise X).

Sous le couvert de la violation du principe du contradictoire, le moyen ne tend à nouveau qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges d’appels des éléments de preuve de la cause, plus précisément du rapport d’expertise X), appréciation qui échappe au contrôle de Votre Cour.

A cela s’ajoute qu’il ressort de l’arrêt entrepris que M) était présent lors de la visite des lieux par l’expert X), fait non contesté par les demandeurs en cassation. M) avait dès lors la faculté de faire état de ses contestations non seulement lors de la visite des lieux mais également tout au long de la procédure. Les juges d’appels ont dès lors à juste titre retenu que le rapport d’expertise était contradictoire et n’ont pas violé l’article 65 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il s’ensuit que le deuxième moyen pris en sa troisième branche ne saurait être accueilli, sinon doit être déclaré non fondé.

Conclusion - Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État l’avocat général Elisabeth EWERT 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 144/21
Date de la décision : 02/12/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-12-02;144.21 ?

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