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25/11/2021 | LUXEMBOURG | N°138/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 25 novembre 2021, 138/21


N° 138 / 2021 du 25.11.2021 Numéro CAS-2020-00128 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Nadine WALCH, conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

D), demanderesse en cassation, com

parant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel do...

N° 138 / 2021 du 25.11.2021 Numéro CAS-2020-00128 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Nadine WALCH, conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

D), demanderesse en cassation, comparant par Maître Patrice Rudatinya MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION, établissement public, établie à L-1724 Luxembourg, 1A, boulevard Prince Henri, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J35, défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 25 juin 2020 sous le numéro 2020/0144 (No. du reg.: PESU 2020/0059) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 21 septembre 2020 par D) à la CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (ci-après « la CNAP »), déposé le 21 septembre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 18 novembre 2020 par la CNAP à D), déposé le 20 novembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait dit non fondé le recours formé par D) contre la décision du comité directeur de la CNAP confirmant une décision présidentielle portant rejet de sa demande en obtention d’une pension de survie par suite du décès de son partenaire, au motif que le partenariat, conclu et enregistré en France, n’avait pas fait l’objet d’une inscription au Luxembourg aux fins d’y assurer son opposabilité aux tiers. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation sinon mauvaise interprétation des articles 195 et 196 du Code de la sécurité sociale L’article 195 du Code de la sécurité sociale dispose :

prescrites, le conjoint ou le partenaire au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats survivant d’un bénéficiaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité attribuée en vertu du présent livre ou d’un assuré si celui-ci au moment de son décès justifie d’un stage de douze mois d’assurance ou au moins au titre des articles 171, 173 et 173 bis pendant les trois années précédant la réalisation du risque. Cette période de référence de trois ans est étendue pour autant et dans la mesure où elle se superpose à des périodes visées à l’article 172 ainsi qu’à des périodes correspondant au bénéfice du complément prévu par la loi modifiée du 29 avril 1999 portant création d’un droit à un revenu minimum garanti (…).

Toutefois ce stage n’est pas exigé en cas de décès de l’assuré imputable à un accident de quelque nature que ce soit ou à une maladie professionnelle reconnue en vertu des dispositions du présent code, survenus pendant l’affiliation. » L’article 196 du Code de la sécurité sociale dispose :

l'article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, n'est pas due :

- lorsque le mariage ou le partenariat a été conclu moins d'une année soit avant le décès, soit avant la mise à la retraite pour cause d'invalidité ou pour cause de vieillesse de l'assuré ;

- lorsque le mariage ou le partenariat a été contracté avec un titulaire de pension de vieillesse ou d'invalidité.

2 Toutefois, l'alinéa 1 n'est pas applicable, si au moins l'une des conditions ci-après est remplie :

a) lorsque le décès de l'assuré actif ou la mise à la retraite pour cause d'invalidité est la suite directe d'un accident survenu après le mariage ou le partenariat ;

b) lorsqu'il existe lors du décès un enfant né ou conçu lors du mariage ou du partenariat, ou un enfant légitimé par le mariage ;

c) lorsque le bénéficiaire de pension décédé n'a pas été l’aîné de son conjoint ou de son partenaire de plus de quinze années et que le mariage ou le partenariat a duré, au moment du décès, depuis au moins une année ;

d) lorsque le mariage ou le partenariat a duré au moment du décès du bénéficiaire de pension depuis au moins dix années. » Qu’il en résulte que le partenaire survivant au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats a droit à une pension de survie.

Que l’arrêt attaqué retient notamment que quand le partenariat entre D) et feu P), conclu en France, peut être créateur de droit et produire ses effets à l’égard des tiers dans un pays autre que celui dans lequel il a été conclu ressort partant sans équivoque de l’article 3, dernier alinéa, de la loi du 9 juillet 2004 telle que modifiée lequel dispose que l’inscription sur le répertoire civil et le fichier visé par les articles 1126 et suivants du NCPC rend le partenariat opposable aux tiers à compter de cette inscription.

Cette disposition, eu égard à la teneur de l’article 4-1, s’applique tant aux partenariats déclarés au Luxembourg qu’à ceux déclarés à l’étranger. Il s’agit bien évidemment d’une faculté et non pas d’une obligation, D) et feu P) étaient libres de ne pas inscrire leur PACS au Luxembourg ou de l’inscrire, soit dès sa conclusion, soit plus tard, mais en tout cas avant le décès de l’un d’eux puisque le partenariat, conformément à l’article 13 de la loi du 9 juillet 2004, prend fin dès cet instant, afin de s’arroger ainsi, dès cette inscription les droits y attachés dont l’opposabilité aux tiers, soit en l’espèce à la CNAP.

C’est partant à juste titre et par une juste application des textes légaux que le Conseil arbitral, faute d’avoir, du vivant des deux parties contractantes, adressé une demande au parquet général à des fins d’inscriptions au répertoire civil et d’inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du NCPC, rejeté le recours de D) contre la décision du Comité directeur de la CNAP lui refusant l’obtention d’une pension de survie. » (cf. Pages 6 et 7 de l’arrêt attaqué.) Qu’en exigeant que le partenariat conclu en France réponde à d’autres conditions que l’unique condition légale prévue qui est d’être un partenariat au sens de l’article 2 de la prédite loi du 9 juillet 2004 par renvoi de l’article 195 du Code de la sécurité sociale, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé la loi et en particulier l’article 195 du Code de la sécurité sociale qui ne prévoyait pas d’autre condition, Que le Pacte civil de solidarité (PACS) conclu en France entre Madame D) et feu Monsieur P) est bien un partenariat au sens de l’article 2 de la prédite loi du 9 juillet 2004, Que la condition légale était remplie, Que l’arrêt encourt donc la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour L’article 195 du Code de la sécurité sociale confère le droit à une pension de survie au conjoint ou au partenaire au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats (ci-après « la loi du 9 juillet 2004 ).

L’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 définit le partenariat comme « la communauté de vie de deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple et qui ont fait une déclaration conformément à l’article 3 ci-après. ».

L’article 3 de la même loi dispose : « Les partenaires qui souhaitent faire une déclaration de partenariat, déclarent personnellement et conjointement par écrit auprès de l'officier de l'état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun leur partenariat et l'existence d'une convention traitant des effets patrimoniaux de leur partenariat, si une telle convention est conclue entre eux.

L'officier de l'état civil vérifie si les deux parties satisfont aux conditions prévues par la présente loi et, dans l'affirmative, remet une attestation aux deux partenaires mentionnant que leur partenariat a été déclaré.

Pour les personnes ayant leur acte de naissance dressé ou transcrit au Luxembourg il est fait mention, en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de partenariat.

A la diligence de l'officier de l'état civil la déclaration incluant le cas échéant une mention de la convention est transmise dans les trois jours ouvrables au parquet général aux fins de conservation au répertoire civil et d'inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile.

Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l'officier de l'état civil, qui lui confère date certaine.

Il n'est opposable aux tiers qu'à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil.

Un règlement grand-ducal peut déterminer le contenu et les formalités de la déclaration et des documents à joindre. ».

L’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 tel qu’introduit par la loi du 3 août 2010 dispose : « Les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l'étranger peuvent adresser une demande au parquet général à des fins d'inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, à condition que les deux parties remplissaient à la date de la conclusion du partenariat à l'étranger les conditions prévues à l'article 4.

Un règlement grand-ducal peut déterminer les formalités de la demande et des documents à joindre. ».

Dès lors que l’article 3, alinéas 4 et 5, de la loi du 9 juillet 2004 dispose que la déclaration de partenariat faite au Luxembourg par les partenaires auprès de l'officier de l'état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun doit être conservée au répertoire civil et inscrite dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, pour être opposable aux tiers à compter de ladite inscription, et que l’article 4-1 de la même loi soumet le partenariat enregistré à l’étranger à la procédure d’inscription prévue à l’article 3, le partenariat dont question à l’article 195 du Code de la sécurité sociale, conclu au Luxembourg ou à l’étranger, n’est opposable aux organismes de la sécurité sociale et partant ne confère au partenaire le droit à une pension de survie qu’à la condition d’avoir été inscrit au répertoire civil et au fichier visés ci-dessus.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation sinon fausse application sinon mauvaise interprétation des articles 3, 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats L’article 3 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats prévoit :

déclarent personnellement et conjointement par écrit auprès de l'officier de l'état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun leur partenariat et l'existence d'une convention traitant des effets patrimoniaux de leur partenariat, si une telle convention est conclue entre eux.

L'officier de l'état civil vérifie si les deux parties satisfont aux conditions prévues par la présente loi et, dans l'affirmative, remet une attestation aux deux partenaires mentionnant que leur partenariat a été déclaré.

Pour les personnes ayant leur acte de naissance dressé ou transcrit au Luxembourg il est fait mention, en marge de l'acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de partenariat.

A la diligence de l'officier de l'état civil la déclaration incluant le cas échéant une mention de la convention est transmise dans les trois jours ouvrables au parquet général aux fins de conservation au répertoire civil et d'inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau code de procédure civile.

Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l'officier de l'état civil, qui lui confère date certaine.

Il n'est opposable aux tiers qu'à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil.

Un règlement grand-ducal peut déterminer le contenu et les formalités de la déclaration et des documents à joindre. » L’article 4 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats renvoie à l’article 3 précité et prévoit :

doivent :

1. être capables de contracter conformément aux articles 1123 et 1124 du Code civil ;

2. ne pas être liées par un mariage ou un autre partenariat ;

3. ne pas être parents ou alliés au degré prohibé conformément aux articles 161 à 163 et à l'article 358 alinéa 2 du Code civil ;

4. résider légalement sur le territoire luxembourgeois.

Le point 4 ci-avant ne s'applique qu'aux ressortissants non communautaires. » L’article 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats prévoit quant à lui que :

adresser une demande au parquet général à des fins d'inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, à condition que les deux parties remplissaient à la date de la conclusion du partenariat à l'étranger les conditions prévues à l'article 4.

Un règlement grand-ducal peut déterminer les formalités de la demande et des documents à joindre. » Que l’arrêt critiqué a retenu Cette disposition, eu égard à la teneur de l’article 4-1, s’applique tant aux partenariats déclarés au Luxembourg qu’à ceux déclarés à l’étranger. Il s’agit bien évidemment d’une faculté et non pas d’une obligation, D) et feu P) étaient libres de ne pas inscrire leur PACS au Luxembourg ou de l’inscrire, soit dès sa conclusion, soit plus tard, mais en tout cas avant le décès de l’un d’eux puisque le partenariat, conformément à l’article 13 de la loi du 9 juillet 2004, prend fin dès cet instant, afin de s’arroger ainsi, dès cette inscription les droits y attachés dont l’opposabilité aux tiers, soit en l’espèce à la CNAP.

C’est partant à juste titre et par une juste application des textes légaux que le Conseil arbitral, faute d’avoir, du vivant des deux parties contractantes, adressé une demande au parquet général à des fins d’inscriptions au répertoire civil et d’inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du NCPC, rejeté le recours de D) contre la décision du Comité directeur de la CNAP lui refusant l’obtention d’une pension de survie. » (cf. Pages 6 et 7 de l’arrêt attaqué.) » Que, première branche, le texte des articles 3, 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 ne s’applique pas aux résidents étrangers dans la mesure où le texte lui-même prévoit, à l’article 4 alinéa 4, qu’une des conditions pour pouvoir faire la déclaration de partenariat visée à l’article 3 est de résider au Luxembourg alors que l’article 4-

1 qui trouve son fondement dans les articles 3 et 4 ne fait que régir les conditions d’inscription au répertoire civil des partenariats conclus à l’étranger par des résidents luxembourgeois, par hypothèse, Que dès lors, l’arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale qui a retenu que les articles 3, 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 précitée étaient applicables aux partenariats conclus à l’étranger par des résidents étrangers a violé sinon faussement appliqué les articles en question et encourt la cassation de ce chef, Que, deuxième branche, aucune obligation d’enregistrement à des fins d’opposabilité du partenariat conclu en France ne ressort des prédits articles, Que l’article 4-1 de la prédite loi du 9 juillet 2004 qui concerne les partenariats conclus à l’étranger offre en effet une faculté aux partenaires d’inscrire leur partenariat au répertoire civil. En effet, le verbe utilisé est le verbe et non .

Que de plus, il n’est nullement prévu que cette inscription est obligatoire à des fins d’opposabilité aux tiers, Qu’ainsi, si l’inscription au répertoire civil luxembourgeois avait été une obligation, le texte aurait été rédigé de manière explicite à ce sujet.

Qu’au contraire, les travaux préparatoires de la loi du 3 août 2010 sont formels : il s’agit d’une faculté et non d’une obligation.

Que dès lors, l’arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale qui a retenu que les articles 3, 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 précitée imposaient une obligation d’inscription au répertoire civil du Parquet général du partenariat conclu à l’étranger par des résidents étrangers à des fins d’opposabilité aux tiers, a violé, sinon faussement interprété les articles 3, 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats et encourt la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le moyen procède d’une lecture erronée des dispositions y visées en ce que l’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 traite des partenaires qui, ayant enregistré leur partenariat à l’étranger, quelle que soit leur nationalité, entendent le faire inscrire au Luxembourg, tandis que l’article 4, qui énumère aux points 1), 2) et 3) les conditions à remplir pour faire la déclaration de partenariat au Luxembourg, soumet dans son point 4) les partenaires non communautaires à l’obligation de résider légalement au Luxembourg.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen Les parties à un partenariat enregistré à l’étranger qui entendent le voir produire des effets au Luxembourg à l’égard des tiers sont tenues d’exercer la faculté leur réservée par l’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 de faire procéder à son inscription conformément à l’article 3 de la même loi.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle d'une loi à la Constitution devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu'elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question constitutionnelle est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

Si une juridiction estime qu'une question de conformité d'une loi à la Constitution se pose et qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d'office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations. » En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a décidé que la question préjudicielle déférée était dénuée de tout fondement considérant que les partenariats et les mariages ne pouvaient être considérés comme des situations comparables, Que la question préjudicielle était la suivante :

L’article 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats en ce qu’il instaurerait une obligation pour les partenaires ayant fait enregistrer leur partenariat à l’étranger d’adresser une demande au Parquet général à des fins d’inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, afin de faire enregistrer leur partenariat au Luxembourg pour que le survivant d’entre eux puisse bénéficier d’une pension de survie au Luxembourg sans que les époux n’aient eu à procéder à une inscription de leur contrat de mariage au répertoire civil selon ces formalités si les autres conditions sont remplies est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? Que la juridiction d’appel n’a pas expliqué dans quelle mesure elle était dispensée de saisir la Cour constitutionnelle de la question déférée, Que l’arrêt critiqué a retenu formellement un régime particulier pour les couples pacsés, identique peu importe que le partenariat soit conclu à l’étranger ou au Luxembourg, les distingue effectivement des couples mariés. Toute disposition qui ne s’applique pas à quiconque crée forcément une différence de traitement entre ceux qu’elle vise et ceux qu’elle exclut a contrario. Cette différence, qui résulte de la loi n’est cependant susceptible de constituer une violation du principe d’égalité de traitement que si les personnes relevant du champ d’application de la loi et celles qui en sont par la force des choses exclues se trouvent du point de vue juridique ou factuel dans une situation comparable.

A priori, vu les deux statuts différents, à savoir celui d’une femme mariée dont le mari vient de décéder et celui d’une femme pacsée dont le partenaire vient de décéder et vu les deux situations juridiques différentes, celle d’un mariage, événement d’état civil dont les modalités sont prescrites par le code civil et celle d’un partenariat, définie par la loi du 9 juillet 2004, modifiée » (…) l’Union européenne ( CJUE) que celle de la Cour européenne des droits de l’homme, ont une approche plus nuancée, d’autant plus que le terme employé est bien de situation "comparable" et non "identique" mais leur analyse vise l’aspect d’une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle, en mettant l’accent sur l’absence de possibilité dans la situation de personne de même sexe de pouvoir prétendre au mariage.( CJUE, 1er avril 2008, n°C-267/06, affaire Maruko et CJUE, 12 décembre 2013, C267/12 affaire Hay) En l’espèce l’affaire alléguée ne vise ni une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ni une hypothèse où un Etat membre ne permet pas à une catégorie de personnes de prétendre au mariage, mais elle vise une différence de traitement entre les personnes mariées et les personnes pacsées. » (…) fondement, mais encore, la Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 12 juin 2020, a précisé que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable et que telle n’est pas le cas du partenariat et du mariage.

Il n’y a partant pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle. » Qu’il n’appartenait pas au Conseil supérieur de la sécurité sociale de répondre à la question, mais simplement d’apprécier la comparabilité des situations, pour déterminer s’il y avait lieu de poser la question, Que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a procédé à une analyse globale et en amont du problème et qui se limitait à affirmer que les partenaires et les conjoints n’étaient pas dans une situation comparable sans expliquer d’ailleurs en quoi la situation du partenaire et du conjoint survivant n’était pas comparable pour une demande de pension de survie, Que ce n’était pas la question lui soumise, Alors qu’il lui était demandé de comparer l’exigence d’inscrire un partenariat étranger au Luxembourg et la non-exigence d’inscrire un mariage étranger au Luxembourg, Que tant le partenaire que le conjoint survivant sont éligibles au bénéfice de la pension de survie, Que seul le partenaire étranger est soumis à une formalité d’inscription sur le répertoire civil au Luxembourg, Qu’une décision sur la question soulevée était bien nécessaire pour rendre le jugement puisque dans une situation comparable, les formalités ne sont pas identiques, Que la question de constitutionnalité n’était pas dénuée de tout fondement, Que la Cour constitutionnelle n’a pas déjà statué sur une question ayant le même objet, Que l’arrêt attaqué encourt donc la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Il est fait grief aux juges d’appel d’avoir dit que le conjoint et le partenaire survivants ne se trouvent pas dans une situation comparable au vu de leur statut différent, et d’avoir renvoyé à un arrêt de la Cour constitutionnelle qui s’est déjà prononcée sur le même objet, ce qui les a amenés à se dispenser de la saisir de la question préjudicielle formulée au moyen, alors qu’il leur aurait appartenu de comparer la situation du conjoint et du partenaire survivants qui, tous deux, sont en droit de toucher une pension de survie, à la condition cependant pour le partenaire d’avoir au préalable fait inscrire le partenariat enregistré à l’étranger sur le répertoire civil, contrairement au conjoint qui n’est pas soumis à une telle obligation. Le moyen méconnaît que le défaut de comparabilité des deux institutions, tel que correctement constaté par les juges d’appel, implique que les différences de régime ne sauraient donner lieu à discrimination au sens de l’article 10bis de la Constitution, qui suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 10 bis de la Constitution L’article 10 bis de la Constitution prévoit :

détermine l’admissibilité des non-Luxembourgeois à ces emplois. » Que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé l’article 10 bis de la Constitution en déclarant que les partenaires et les conjoints ne pouvaient pas bénéficier des mêmes droits pour le bénéfice d’une pension de survie alors que l’article 10 bis dispose que les luxembourgeois sont égaux devant la loi.

Que la jurisprudence prévoit que Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but TA 6-12-2000 (100191) ; TA 10-7-02 (14378, confirmé par arrêt du 26-11-02, 15233C) ; TA 5-11-03 (16243) ; TA 2-2-04 (16191) ; TA 28-11-05 (19639 et 19683) ; TA 7-5-07 (22010 et 22011) ; TA 21-5-07 (22205, c. 6-12-07, 23150C) ;

CA 8-1-09 (24794C) ; CA 5-5-09 (24618C2) ; CA 9-7-09 (25495C) ; CA 1- 12-09 (25916C) ; TA 25-3-10 (26048, c . 9-11-10, 26887C) ; CA 11-5-10 (26426C) ; TA 19-06-2012 (29118) dans le même sens : Constitution - principe de l’égalité devant l’impôt - portée - Const., art. 11 - TA 1-7-99 (10868); TA 29-10-08 (24134) ; TA 03-

11-2011 (27517) » Qu’il est évident que la différence instituée n’est ni justifié, ni adéquate ni proportionné à son but, Que rien ne justifie qu’un partenariat conclu par des étrangers à l’étranger soit plus enregistré au Luxembourg qu’un mariage à l’étranger d’étrangers, Que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a donc violé le principe d’égalité prévu à l’article 10 bis de la Constitution.

Que l’arrêt encourt la cassation de ce chef et qu’il y a lieu de poser la question préjudicielle soulevée à la Cour constitutionnelle. ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée au troisième moyen, les juges d’appel n’ont pas violé l’article 10bis de la Constitution.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation des articles 256.3 et 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne Article 256 : 3.

préjudicielles, soumises en vertu de l'article 267, dans des matières spécifiques déterminées par le statut.

Lorsque le Tribunal estime que l'affaire appelle une décision de principe susceptible d'affecter l'unité ou la cohérence du droit de l'Union, il peut renvoyer l'affaire devant la Cour de justice afin qu'elle statue.

Les décisions rendues par le Tribunal sur des questions préjudicielles peuvent exceptionnellement faire l'objet d'un réexamen par la Cour de justice, dans les conditions et limites prévues par le statut, en cas de risque sérieux d'atteinte à l'unité ou à la cohérence du droit de l'Union. » Article 267 : La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. » En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a erronément considéré que la question déférée n’était pas nécessaire pour rendre son jugement sans expliquer valablement en quoi elle ne l’était pas, Que l’arrêt retient que En l’espèce, il n’y a aucune violation de la règle d’égalité de traotement dans la mesure où il ressort de la lecture combinée des articles 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 telle qu’elle a été modifiée, qu’aucune condition de résidence n’est imposée aux ressortissants communautares, la conditioon d’inscription sur le répertoire civil et le fichier visé par les articles 1126 et suivants du NCPC, laquelle rend le partenariat opposable aux tiers à compter de cette inscription, s’applique tant aux partenariats déclarés au Luxembourg qu’à ceux déclarés à l’étranger, peu importe la nationalité des déclarants.

Il n’y a pas non plus lieu de déférer cette question à la CJUE.

Le texte de la loi ne prête pas à confusion, à défaut d’inscription au répertoire civil, le partenrait conclu entre D) et feu P) enregitré en France, n’est pas opposable à la CNAP de sorte que c’est à juste titre que celle-ci a refusé de faire droit à la demande de D) en obtenion d’une pension de survie du chef de feu P) » Que la question était pertinente pour la solution du litige.

Que le Conseil supérieur de la sécurité sociale n’a pas comparé la situation du partenariat luxembourgeois et du partenariat étranger correctement et s’est par conséquent livré à une analyse erronée qui a abouti à une conclusion erronée, Qu’en effet, les partenariats conclus au Luxembourg sont directement inscrits au répertoire de l’état civil par transfert de déclaration de l’officier d’état civil au parquet général tel que prévu par l’article 3 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, Que l’inscription au répertoire civil est donc presque automatique sans formalité supplémentaires ou directes auprès du parquet général à accomplir pour les partenaires au Luxembourg, Que l’inscription requise à l’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats est bien susceptible de constituer une entrave à la libre circulation des travailleurs puisqu’elle met à charge du travailleur frontalier une discrimination de faire enregistrer en sus de son pays de résidence son partenariat au Luxembourg pour pouvoir l’opposer aux tiers, Que l’article 18, alinéa 1er du TFUE stipule que :

d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ».

Que l’article 45 du TFUE stipule que : 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union.

2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique :

a) de répondre à des emplois effectivement offerts, b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux, d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.

4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. » Que l’article 7 du règlement (UE) n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union dispose que :

des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

(…) » Qu’ainsi, le principe général de liberté de circulation des travailleurs européens implique que le travailleur frontalier a droit aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

Que selon la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne, cette disposition bénéficie indifféremment tant aux travailleurs migrants résidant dans un Etat membre d’accueil qu’aux travailleurs frontaliers qui, tout en exerçant leur activité salariée dans ce dernier Etat membre, résident dans un autre Etat membre (arrêts du 17 novembre 1997, Meints, C-57/96, EU:C:1997:564, point 50 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 37 ; du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 39, ainsi que du 10 juillet 2019, Aubriet, C-410/18, EU:C:2019:582, point 24).

Que la législation nationale en cause subordonnerait l’octroi d’une pension de survie à une condition de double enregistrement du partenariat enregistré dans un autre Etat membre que l’Etat membre d’accueil. En plus d’avoir été enregistré à l’étranger, le partenariat étranger devrait aussi être inscrit au registre civil auprès du Parquet général du Luxembourg afin d’être opposable. Il faut toutefois préciser qu’une telle inscription est automatique pour les partenariats conclus au Luxembourg suivant les dispositions de l’article 3 de la loi du 9 juillet 2004. Ainsi, il existe objectivement une différence de traitement entre les personnes ayant conclu un partenariat au Luxembourg et celles ayant conclu un partenariat dans un autre Etat membre.

Le principe d’égalité de traitement inscrit tant à l’article 45 TFUE qu’à l’article 7 du règlement précité prohibe non seulement les discriminations directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (arrêt du 13 avril 2010, Bressol e.a., C-73/08, EU:C:2010:181, point 40).

Qu’une telle distinction fondée sur la résidence (puisque le partenariat doit être conclu au lieu de résidence) est susceptible de jouer davantage au détriment des ressortissants d’autres Etats membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-

542/09, EU:C:2012:346, point 38 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 44, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 41).

Qu’or, la discrimination basée sur la nationalité est interdite en vertu de l’article 18 du TFUE.

Que la distinction fondée sur la résidence constitue ainsi une discrimination indirecte sur la base de la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à la condition d’être objectivement justifiée.

Or, en l’espèce, il n’y a pas de motif légitime permettant de justifier cette discrimination.

Qu’à cet effet, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne est formelle : s’agissant des travailleurs migrants et frontaliers, le fait d’avoir accédé au marché du travail d’un Etat membre crée, en principe, le lien d’intégration suffisant dans la société de cet Etat leur permettant d’y bénéficier du principe d’égalité de traitement par rapport aux travailleurs nationaux quant aux avantages sociaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-542/09, EU:C:2012:346, point 65 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 63, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 49).

Que le lien d’intégration résulte notamment du fait que les travailleurs migrants contribuent au financement des politiques sociales de l’Etat membre d’accueil avec les contributions fiscales et sociales qu’ils paient dans cet Etat, en vertu de l’activité salariée qu’ils y exercent. Ils doivent, dès lors, pouvoir en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-542/09, EU:C:2012:346, point 66 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 63, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 50).

Qu’il y a donc possiblement un violation d’égalité de traitement et que la question préjudicielle se justifiait, Que l’arrêt encourt donc la cassation de ce chef et qu’il y a lieu de soumettre la question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, d’une part, la violation de l’article 256, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui prévoit que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne peut conférer compétence au Tribunal de l’Union européenne de statuer dans des matières spécifiques sur renvoi préjudiciel et, d’autre part, la violation de l’article 267 dudit traité qui est relatif à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne de connaître de renvois préjudiciels et de celle des juridictions des Etats membres de l’en saisir, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le septième moyen de cassation, qui est préalable Enoncé du moyen « Violation de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) Que l’article 14 de la CEDH prévoit que doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » Que l’arrêt critiqué a donc violé l’article 14 CEDH en considérant que les partenaires étrangers ayant conclu un partenariat à l’étranger devaient remplir une formalité spontanée supplémentaire pour rendre opposable leur partenariat à l’étranger, ce qui constitue une discrimination à raison de l’origine nationale ou de la résidence et une entrave à la libre circulation des travailleurs.

Que l’arrêt critiqué encourt donc la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour L’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait que compléter les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles et la demanderesse en cassation n’indique pas dans le cadre de l’application de quelle clause normative la discrimination alléguée aurait été commise.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation des articles 18 et 45 TFUE, de même que l’article 7 du règlement (UE) n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union Attendu que l’arrêt retient que En l’espèce, il n’y a aucune violation de la règle d’égalité de traitement dans la mesure où il ressort de la lecture combinée des articles 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 telle qu’elle a été modifiée, qu’aucune condition de résidence n’est imposée aux ressortissants communautares, la condition d’inscription sur le répertoire civil et le fichier visé par les articles 1126 et suivants du NCPC, laquelle rend le partenariat opposable aux tiers à compter de cette inscription, s’applique tant aux partenariats déclarés au Luxembourg qu’à ceux déclarés à l’étranger, peu importe la nationalité des déclarants. » Que c’est à tort que l’arret rejette toute inégalité de traitement, Que l’article 18, alinéa 1er du TFUE stipule que :

d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ».

Que l’article 45 du TFUE stipule que : 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union.

2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique :

a) de répondre à des emplois effectivement offerts, b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux, d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.

4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. » Que l’article 7 du règlement (UE) n°492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union dispose que :

des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

(…) » Qu’ainsi, le principe général de liberté de circulation des travailleurs européens implique que le travailleur frontalier a droit aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

Que selon la jurisprudence constante de la Cour, cette disposition bénéficie indifféremment tant aux travailleurs migrants résidant dans un Etat membre d’accueil qu’aux travailleurs frontaliers qui, tout en exerçant leur activité salariée dans ce dernier Etat membre, résident dans un autre Etat membre (arrêts du 17 novembre 1997, Meints, C-57/96, EU:C:1997:564, point 50 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 37 ; du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 39, ainsi que du 10 juillet 2019, Aubriet, C-410/18, EU:C:2019:582, point 24).

Que la législation nationale en cause subordonnerait l’octroi d’une pension de survie à une condition de double enregistrement du partenariat enregistré dans un autre Etat membre que l’Etat membre d’accueil.

En plus d’avoir été enregistré à l’étranger, le partenariat étranger devrait aussi être inscrit au registre civil auprès du Parquet général du Luxembourg afin d’être opposable.

Il faut toutefois préciser qu’une telle inscription est automatique pour les partenariats conclus au Luxembourg suivant les dispositions de l’article 3 de la loi du 9 juillet 2004.

Ainsi, il existe objectivement une différence de traitement entre les personnes ayant conclu un partenariat au Luxembourg et celles ayant conclu un partenariat dans un autre Etat membre.

Le principe d’égalité de traitement inscrit tant à l’article 45 TFUE qu’à l’article 7 du règlement précité prohibe non seulement les discriminations directes, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (arrêt du 13 avril 2010, Bressol e.a., C-73/08, EU:C:2010:181, point 40).

Qu’une telle distinction fondée sur la résidence (puisque le partenariat doit être conclu au lieu de résidence) est susceptible de jouer davantage au détriment des ressortissants d’autres Etats membres, dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-

542/09, EU:C:2012:346, point 38 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 44, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 41).

Qu’or, la discrimination basée sur la nationalité est interdite en vertu de l’article 18 du TFUE.

Que la distinction fondée sur la résidence constitue ainsi une discrimination indirecte sur la base de la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à la condition d’être objectivement justifiée.

Or, en l’espèce, il n’y a pas de motif légitime permettant de justifier cette discrimination.

Qu’à cet effet, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne est formelle : s’agissant des travailleurs migrants et frontaliers, le fait d’avoir accédé au marché du travail d’un Etat membre crée, en principe, le lien d’intégration suffisant dans la société de cet Etat leur permettant d’y bénéficier du principe d’égalité de traitement par rapport aux travailleurs nationaux quant aux avantages sociaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-542/09, EU:C:2012:346, point 65 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 63, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 49).

Que le lien d’intégration résulte notamment du fait que les travailleurs migrants contribuent au financement des politiques sociales de l’Etat membre d’accueil avec les contributions fiscales et sociales qu’ils paient dans cet Etat, en vertu de l’activité salariée qu’ils y exercent. Ils doivent, dès lors, pouvoir en profiter dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux (arrêts du 14 juin 2012, Commission/Pays-Bas, C-542/09, EU:C:2012:346, point 66 ; du 20 juin 2013, Giersch e.a., C-20/12, EU:C:2013:411, point 63, ainsi que du 14 décembre 2016, Bragança Linares Verruga e.a., C-238/15, EU:C:2016:949, point 50).

Que l’arrêt critiqué a donc violé les articles 18 et 45 TFUE en considérant que les partenaires étrangers ayant conclu un partenariat à l’étranger devaient remplir une formalité spontanée supplémentaire pour rendre opposable leur partenariat à l’étranger, ce qui constitue une discrimination à raison de l’origine nationale ou de la résidence et une entrave à la libre circulation des travailleurs.

Que l’arrêt critiqué encourt donc la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Le cadre juridique du litige L’article 195 du Code de la sécurité sociale tel que modifié par l’article 15,18° de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats dispose :

« Art. 195. A droit à une pension de survie, sans préjudice de toutes autres conditions prescrites, le conjoint ou le partenaire au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats survivant d’un bénéficiaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité. […] ».

La loi du 9 juillet 2004 telle que modifiée par celle du 3 août 2010 (ci-après « la loi du 9 juillet 2004 ») dispose :

« Art. 2. Par partenariat au sens de la présente loi, il y a lieu d’entendre une communauté de vie de deux personnes de sexe différent ou de même sexe, ci-après appelées les partenaires, qui vivent en couple et qui ont fait une déclaration conformément à l’article 3 ci-après.

Art. 3. Les partenaires qui souhaitent faire une déclaration de partenariat, déclarent personnellement et conjointement par écrit auprès de l’officier de l’état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun leur partenariat et l’existence d’une convention traitant des effets patrimoniaux de leur partenaire, si une telle convention est conclue entre eux.

L’officier de l’état civil vérifie si les deux parties satisfont aux conditions prévues par la présente loi et, dans l’affirmative, remet une attestation aux deux partenaires mentionnant que leur partenariat a été déclaré.

(Loi du 3 août 2010) Pour les personnes ayant leur acte de naissance dressé ou transcrit au Luxembourg il est fait mention, en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, de la déclaration de partenariat.

A la diligence de l’officier de l’état civil la déclaration incluant le cas échéant une mention de la convention est transmise dans les trois jours ouvrables au parquet général aux fins de conservation au répertoire civil et d’inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau code de procédure civile.

(Loi du 3 août 2010) Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l’officier de l’état civil qui lui confère date certaine. Il n’est opposable aux tiers qu’à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil.

Un règlement grand-ducal peut déterminer le contenu et les formalités de la déclaration et des documents à joindre.

Art. 4. Pour pouvoir faire la déclaration prévue à l’article 3, les deux parties doivent :

1. être capables de contracter conformément aux articles 1123 et 1124 du Code civil ;

2. ne pas être liées par un mariage ou un autre partenariat ;

3. ne pas être parents ou alliés au degré prohibé conformément aux articles 161 à 163 et à l’article 358 alinéa 2 du Code civil ;

4. résider légalement sur le territoire luxembourgeois.

Le point 4 ci-avant ne s’applique qu’aux ressortissants non communautaires.

Art. 4-1. (Loi du 3 août 2010) Les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l’étranger peuvent adresser une demande au parquet général à des fins d’inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, à condition que les deux parties remplissaient à la date de la conclusion du partenariat les conditions prévues à l’article 4.

Un règlement grand-ducal peut déterminer le contenu et les formalités de la déclaration et des documents à joindre. ».

Le répertoire civil dont question aux articles 3 et 4 de la loi du 9 juillet 2004 est issu du règlement grand - ducal du 31 décembre 1982 relatif à l'institution et à l'organisation d'un répertoire civil et organisant la publicité de certains actes affectant la capacité des personnes, règlement pris sur base de la loi du 25 février 1980 habilitant le gouvernement à réglementer la procédure civile et commerciale.

Ses dispositions relèvent des articles 1126 à 1130 du Nouveau Code de procédure civile. Les dispositions pertinentes pour le litige sont les suivantes :

« Art. 1126 Les extraits des actes et jugements qui doivent être conservés au répertoire civil sont classés au parquet général. […] Art. 1127 La publicité des actes et jugements conservés au répertoire civil est assurée par une inscription dans un fichier, mécanique ou informatique, au nom de la personne protégée. Cette inscription indique le numéro sous lequel l'acte ou le jugement a été inscrit dans le registre prévu à l'alinéa 2 de l'article précédent.

Art. 1129 Des copies des extraits conservés au répertoire civil peuvent être délivrées à tout requérant. Lorsqu'une indication de radiation a été portée sur le fichier, les copies des extraits conservés au répertoire civil ne peuvent être délivrées que sur autorisation du procureur général d'Etat. ».

Aucun règlement grand-ducal n’a été pris sur base des articles 3 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004.

Les rétroactes La demanderesse en cassation et son partenaire, tous deux de nationalité française et demeurant en France, avaient fait enregistrer le 22 décembre 2015 auprès du tribunal d’instance de Metz la déclaration conjointe de pacte civil de solidarité.

Les partenaires occupaient tous les deux, au moment des faits, un emploi salarié au Grand-Duché de Luxembourg.

Le partenaire de la demanderesse en cassation étant décédé le 24 octobre 2016 à la suite d’un accident du travail, cette dernière sollicita le 8 décembre 2016 l’octroi d’une pension de survie auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Pension.

Cette dernière lui ayant demandé de produire la preuve de l’inscription du partenariat au répertoire civil, la demanderesse en cassation s’adressa au parquet général, service répertoire civil, qui l’informa par courrier du 6 juillet 2017 que faute d’avoir fait inscrire le partenariat au répertoire civil du vivant du partenaire, l’enregistrement d’un partenariat qui avait pris fin du fait du décès du partenaire ne pouvait se faire pour le rendre rétroactivement opposable aux tiers.

La demande en allocation d’une pension de survie a par la suite été rejetée par la Caisse Nationale d’Assurance Pension au motif que le partenariat français qui n’avait pas été inscrit au répertoire civil ne lui était pas opposable.

Discussion En toisant les deux premiers moyens de cassation, la Cour a confirmé la décision du Conseil supérieur de la sécurité sociale dans l’interprétation de l’article 195 du Code de la sécurité sociale et de la loi du 9 juillet 2004.

Il ressort de l’article 3 de ladite loi que l’enregistrement du partenariat déclaré au Luxembourg auprès de l’officier de l’état civil compétent entraîne l’obligation pour ce dernier d’en informer le responsable du répertoire civil placé sous l’autorité du parquet général qui devra procéder à son inscription au répertoire civil. Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l’officier de l’état civil qui lui confère date certaine. Il n’est opposable aux tiers qu’à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil.

L’article 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 qui traite des partenariats conclus à l’étranger dispose que les partenaires ont la faculté de faire inscrire le partenariat au répertoire civil. Il ressort de la lecture combinée dudit article 4-1 avec l’article 3 de la même loi que l’inscription au répertoire civil d’un partenariat enregistré à l’étranger est un préalable nécessaire pour qu’il soit opposable aux tiers.

L’inscription au répertoire civil d’un partenariat conclu à l’étranger impose donc aux partenaires une démarche à effectuer, contrairement au partenariat conclu au Luxembourg où l’inscription du partenariat au répertoire civil se fait à l’initiative de l’officier de l’état civil qui a reçu la déclaration de partenariat.

Une autre différence entre les partenariats conclus au Luxembourg et ceux conclus à l’étranger réside dans le fait que pour pouvoir procéder à l’inscription au répertoire civil du partenariat conclu à l’étranger, les partenaires doivent remplir, outre les conditions de forme et de fond leur imposées par la loi de l’Etat d’enregistrement du partenariat, également celles énumérées à l’article 4 de la loi du 9 juillet 2004, soit celles à respecter pour la déclaration d’un partenariat conclu au Luxembourg.

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a retenu qu’il n’y avait aucune violation de la règle d’égalité de traitement au sens du droit européen dans la mesure où il ressort de la lecture combinée des articles 4 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004 qu’aucune condition de résidence n’est imposée aux ressortissants communautaires et que la condition d’inscription au répertoire civil s’applique tant aux partenariats déclarés au Luxembourg qu’à ceux déclarés à l’étranger, peu importe la nationalité des déclarants.

Le moyen de cassation est tiré de la violation des articles 18 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») et de l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n ° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union.

La demanderesse en cassation reproche au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir retenu que l’obligation résultant des articles 3 et 4-1 de la loi du 9 juillet 2004, qui subordonne l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne conformément à la loi de cet Etat, à la condition de l’inscription dudit partenariat au répertoire civil au Luxembourg, ne constitue pas une violation des dispositions visées au moyen. Elle soutient que l’application de cette condition aux partenariats conclus dans un autre Etat membre de l’Union européenne a pour effet de subordonner l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant de ces partenariats à une condition supplémentaire à celles imposées aux partenaires survivants de partenariats conclus au Luxembourg, dès lors que l’octroi d’une telle pension suppose, dans le premier cas, le respect des conditions imposées par la loi de l’Etat membre de conclusion du partenariat auxquelles s’ajoute la condition d’inscription de celui-ci au répertoire civil au Luxembourg, tandis qu’il suppose, dans le second cas, uniquement le respect des conditions imposées par la loi luxembourgeoise.

La demanderesse soutient encore que l’inscription au répertoire civil du partenariat conclu au Luxembourg se fait à la diligence de l’officier de l’état civil qui transmet la déclaration au parquet général tandis que les partenaires qui ont conclu un partenariat à l’étranger doivent le faire personnellement, ce qui entraînerait une rupture d’égalité au détriment des partenaires ayant conclu un partenariat à l’étranger.

La Caisse Nationale d’Assurance Pension conteste toute discrimination fondée sur la nationalité ainsi que le fait que l’inscription au répertoire civil soit « automatique pour les partenariats conclus au Luxembourg. ».

Le représentant du parquet général fait observer qu’en France, la reconnaissance d’un partenariat étranger est, sur base de l’article 515-7-1 du Code civil français, soumise aux dispositions matérielles de l’Etat de l’autorité qui a procédé à son enregistrement et que des solutions similaires ont été adoptées dans d’autres pays de l’Union Européenne.

Il renvoie encore au Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés, applicable aux partenariats conclus après le 29 janvier 2019 dans les pays ayant participé à cette coopération renforcée, dont notamment la France et le Luxembourg qui permet aux partenaires de désigner comme loi applicable aux effets patrimoniaux du partenariat enregistré notamment la loi de l’Etat selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé.

Il estime partant qu’il aurait été concevable de ne pas subordonner la reconnaissance et l’opposabilité du partenariat conclu à l’étranger au respect d’une condition d’inscription au répertoire civil.

Il argue, au regard des articles 18, 45 et 48 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 492/2011, tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne, d’une possible discrimination entre des partenaires relevant d’un Etat membre de l’Union européenne qui ont conclu et fait enregistrer un partenariat au Grand-Duché de Luxembourg et ceux relevant d’un tel Etat qui ont conclu un partenariat dûment enregistré dans l’Etat membre de l’Union européenne, étant donné que ces derniers devront remplir les conditions tant de l’Etat membre de conclusion du partenariat que celles du Grand-Duché de Luxembourg. Ce double contrôle constituerait une entrave à la libre circulation des travailleurs en ce que le partenaire survivant d’un partenariat conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne ne peut prétendre à une pension de survie au Luxembourg, à la suite de l’exercice par le partenaire défunt de son droit à la libre circulation des travailleurs, que si le partenariat respecte, d’une part, les conditions de forme et d’enregistrement prévues par la loi du lieu de sa conclusion et de la résidence des partenaires et, d’autre part, une condition d’inscription du partenariat au répertoire civil au Luxembourg, tandis que le partenaire survivant d’un partenariat conclu au Luxembourg peut prétendre à une pension de survie à la seule condition que le partenariat respecte les conditions de la loi de l’Etat de conclusion, donc celles prévues par la loi luxembourgeoise, dont l’obligation d’inscription au répertoire civil.

La législation luxembourgeoise n’exclut pas les partenaires survivants de partenariats conclus dans un autre Etat membre de l’octroi d’une pension de survie due en raison de l’activité professionnelle exercée au Luxembourg, suite à l’exercice de son droit à la libre circulation des travailleurs, par le partenaire décédé. Elle ne subordonne pas le bénéfice de ce droit à une condition formelle de nationalité ou de résidence. Elle se limite à exiger que le partenaire survivant, quelle que soit sa nationalité ou sa résidence et quel que soit le pays où il a conclu le partenariat avec le salarié décédé ayant exercé son activité professionnelle au Luxembourg, ait inscrit le partenariat au répertoire civil. Cette formalité est donc la même pour tous les partenaires survivants.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas de discrimination directe opérée par la loi luxembourgeoise entre les partenaires luxembourgeois et les ressortissants d’un autre Etat membre, que le partenariat ait été conclu au Grand-Duché de Luxembourg ou à l’étranger.

Cependant, une disposition de droit national, bien qu’indistinctement applicable à tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, doit être considérée comme étant indirectement discriminatoire, dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs ressortissants d’autres Etats membres que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi (CJUE 10 octobre 2019, C-703/17, Krah, point 24).

L’obligation imposée aux partenaires ayant déjà enregistré leur partenariat dans un autre Etat membre de le faire inscrire au Luxembourg, ce qui implique que les conditions de fond prévues à l’article 4 de la loi du 9 juillet 2004 doivent avoir été respectées au moment de la conclusion du partenariat à l’étranger, touchera plus particulièrement les partenaires ressortissants d’un autre Etat membre qui, exerçant leur droit à la libre circulation des travailleurs, se sont déplacés sinon se déplacent quotidiennement de leur Etat membre de résidence vers le Luxembourg aux fins d’y exercer une activité professionnelle qui confèrera, le cas échéant, au partenaire le droit de toucher une pension de survie.

Le marché du travail luxembourgeois est spécifique en ce qu’il se caractérise par une majorité de travailleurs de nationalité étrangère résidant essentiellement dans les pays limitrophes du Luxembourg et venant y exercer leur activité professionnelle.

Cette obligation pourrait ainsi s’analyser comme une entrave à la libre circulation des travailleurs en ce qu’elle affecte davantage les travailleurs migrants ressortissants d’autres Etats membres que les travailleurs nationaux.

Pareille entrave est, certes, susceptible d’être objectivement justifiée et proportionnée au but poursuivi, à savoir celui d’assurer l’opposabilité du partenariat étranger aux tiers pour bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés aux nationaux, mais l’application correcte du droit européen ne s’impose pas avec une évidence telle qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision à titre préjudiciel.

Il y a donc lieu, avant tout autre progrès en cause, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, en application de l’article 267 TFUE, pour y être statué sur la question préjudicielle formulée au dispositif de l’arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi en ses premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième moyens ;

soumet à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union s’opposent aux dispositions du droit d’un Etat membre, telles les articles 195 du Code luxembourgeois de la sécurité sociale et 3,4 et 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, qui subordonnent l’octroi, au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans l’Etat membre d’origine, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans l’Etat membre d’accueil d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire tenu par ledit Etat aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de cet Etat membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans l’Etat membre d’accueil est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? » ;

sursoit à statuer sur le sixième moyen de cassation ;

réserve les dépens.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 12 mars 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation D) c/ CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE PENSION (affaire n° CAS-2020-00128 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 21 septembre 2020, d’un mémoire en cassation, signifié le même jour à la défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt numéro 2020/0144 rendu contradictoirement le 25 juin 2020 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale dans la cause inscrite sous le numéro PESU 2020/0059 du registre.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel un pourvoi en cassation peut être formé sur base de l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.

Il est recevable au regard du délai1 et de la forme2.

Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendus applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.

Il est, partant, recevable.

1 Le délai de cassation, de deux mois et quinze jours au regard des articles 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et 167, point 1°, premier tiret, du Nouveau Code de procédure civile, la demanderesse en cassation demeurant en France, a été respecté, le délai ayant commencé à courir à partir de la notification, en date du 6 juillet 2020, de l’arrêt attaqué à la demanderesse en cassation, faite conformément à l’article 458 du Code de la sécurité sociale, le pourvoi ayant été formé le 21 septembre 2020, donc, à un jour près, moins de deux mois et quinze jours après la notification de l’arrêt attaqué.

2 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi de 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, rendues applicables par l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale, ont été respectées.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisi par D) d’un recours contre la décision du comité directeur de la CAISSE NATIONALE DE PENSION (ci-après « CNAP ») confirmant une décision présidentielle ayant rejeté une demande en obtention d’une pension de survie par suite du décès de son partenaire, assuré auprès de la CNAP, au motif que le partenariat, conclu et enregistré en France, n’avait, contrairement aux exigences de l’article 195 du Code de la sécurité sociale, pas fait l’objet d’une inscription à Luxembourg prévue par l’article 4-1 de la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats (ci-après « la loi de 2004 ») aux fins d’y assurer, conformément à l’article 3, alinéa 3, dernière phrase de cette loi, son opposabilité aux tiers, le Conseil arbitral de la sécurité sociale déclarait le recours non fondé, tout en refusant de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle et à la Cour de justice de l’Union européenne. Sur appel de la requérante, le Conseil arbitral de la sécurité sociale confirma le jugement entrepris.

Sur le cadre juridique L’article 195 du Code de la sécurité sociale dispose que :

« Art. 195. A droit à une pension de survie, sans préjudice de toutes autres conditions prescrites, le conjoint ou le partenaire au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats survivant d’un bénéficiaire d’une pension de vieillesse ou d’invalidité […].

[…] ».

La loi de 2004 dispose que :

« Art. 2. Par partenariat au sens de la présente loi, il y a lieu d’entendre une communauté de vie de deux personnes de sexe différent ou de même sexe, ci-après appelées les partenaires, qui vivent en couple et qui ont fait une déclaration conformément à l’article 3 ci-après.

Art. 3. Les partenaires qui souhaitent faire une déclaration de partenariat, déclarent personnellement et conjointement par écrit auprès de l’officier de l’état civil de la commune du lieu de leur domicile ou résidence commun leur partenariat et l’existence d’une convention traitant des effets patrimoniaux de leur partenaire, si une telle convention est conclue entre eux.

[…] A la diligence de l’officier de l’état civil la déclaration incluant le cas échéant une mention de la convention est transmise dans les trois jours ouvrables au parquet général aux fins de conservation au répertoire civil et d’inscription dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile. Le partenariat enregistré prend effet entre les parties à compter de la réception de la déclaration par l’officiel de l’état civil qui lui confère date certaine3. Il n’est opposable aux tiers qu’à compter du jour où la déclaration est inscrite sur le répertoire civil4.

[…] Art. 4. Pour pouvoir faire la déclaration prévue à l’article 3, les deux parties doivent :

5. être capables de contracter conformément aux articles 1123 et 1124 du Code civil ;

6. ne pas être liées par un mariage ou un autre partenariat ;

7. ne pas être parents ou alliés au degré prohibé conformément aux articles 161 à 163 et à l’article 358 alinéa 2 du Code civil ;

8. résider légalement sur le territoire luxembourgeois.

Le point 4 ci-avant ne s’applique qu’aux ressortissants non communautaires.

Art. 4-1. Les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l’étranger peuvent adresser une demande au parquet général à des fins d’inscription au répertoire civil et dans un fichier visé par les articles 1126 et suivants du Nouveau Code de procédure civile, à condition que les deux parties remplissaient à la date de la conclusion du partenariat les conditions prévues à l’article 4.

[…] ».

Suivant les travaux préparatoires de la loi ayant introduit l’article 4-15 l’objet de ce dernier est le suivant :

« Les partenaires qui ont conclu un partenariat à l’étranger ont la faculté d’officialiser leur relation au Luxembourg en demandant l’inscription de leur partenariat au répertoire civil détenu par le parquet général luxembourgeois. Le projet de loi entend ainsi reconnaître les partenariats conclus à l’étranger pour pouvoir leur appliquer les mêmes avantages que ceux conférés aux partenariats luxembourgeois. L’inscription au répertoire civil permet ainsi d’assimiler le partenariat étranger au partenariat luxembourgeois. »6.

« L’enregistrement du partenariat conclu à l’étranger au répertoire civil et dans un fichier tel que prévu aux articles 1123 et suivants du Nouveau Code de procédure civile ne modifie pas la nature juridique dudit partenariat (comme il ne s’agit pas d’une transcription), mais l’assortit, par le biais de son opposabilité à l’égard des tiers, sur le territoire luxembourgeois, des effets juridiques tels que prévus par la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats et le présent projet de loi.

L’acte d’enregistrement du partenariat n’est pas déclaratif de droit mais bien constitutif de droit.

3 Phrase ajoutée par l’article 1er, point 2, de la loi du 3 août 2010 portant notamment modification de la loi de 2004 (Mémorial, A, 2010, n° 134, page 2190).

4 Idem. L’article 1er, point 3, de la loi précitée de 2010 a supprimé l’ancienne dernière phrase de l’alinéa, qui était libellé comme suit : « Par cette inscription la déclaration est opposable aux tiers ».

5 Loi précitée du 3 août 2010.

6 Rapport de la Commission juridique de la Chambre des députés sur le projet de loi n° 5904 ayant donné lieu à la loi précitée du 3 août 2010 (Document parlementaire n° 5904-4), page 2, sous II.1., deuxième alinéa.

Pour le surplus, les règles du droit international privé continuent à s’appliquer. »7.

Sur le litige La demanderesse en cassation et son partenaire, tous deux de nationalité française et demeurant en France8, avaient conclu en France9, conformément au droit français10, un pacte civil de solidarité11, sans en demander l’inscription au répertoire civil à Luxembourg sur base de l’article 4-1 de la loi de 200412.

Son partenaire, qui était assuré auprès de la CNAP13, étant décédé14, la demanderesse en cassation demanda l’octroi d’une pension de survie, qui, au regard de l’article 195 du Code de la sécurité sociale, peut être octroyé au « partenaire au sens de l’article 2 de la loi [de 2004] »15.

Il est, au regard des conditions légales d’octroi de ces pensions, constant qu’elle aurait eu droit à une telle pension si le partenariat conclu en France avait été reconnu16.

Cette reconnaissance a cependant été refusée par la CNAP, confirmée sur ce point, en première instance, par le Conseil arbitral de la sécurité sociale et, en appel, par le Conseil supérieur de la sécurité sociale, aux motifs que le partenariat français n’a pas été inscrit au Luxembourg, au répertoire civil, sur base de l’article 4-1 de la loi de 200417, de sorte qu’il n’est, conformément à l’article 3, alinéa 3, de cette loi, pas opposable aux tiers, telle que la CNAP18.

Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a relevé que cette exigence imposée aux personnes qui sont parties à un partenariat étranger d’inscrire ce dernier à Luxembourg pour qu’il puisse y produire des effets juridiques à l’égard des tiers ne discrimine pas les partenariats conclus à l’étranger par rapport à ceux conclus à Luxembourg puisque cette exigence s’applique de même façon aux deux catégories de partenariats19.

Il rejette ensuite le moyen de la demanderesse tiré d’une discrimination au regard du droit à l’octroi d’une pension de survie du partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger par rapport au conjoint survivant d’un mariage conclu à l’étranger, seul le droit à l’octroi d’une pension de survie du premier étant subordonné à une obligation d’inscription de l’union à Luxembourg. Ces deux situations ne seraient, en effet, pas comparables, ainsi qu’il a été constaté tant en France, par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, qu’au Luxembourg par la Cour constitutionnelle, dans son arrêt n° 154 du 12 juin 2020, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle d’une question 7 Idem, page 6 (Commentaire de l’article 4-1), troisième au cinquième alinéa.

8 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa.

9 Idem et loc.cit.

10 Idem et loc.cit.

11 Idem et loc.cit.

12 Idem, page 6, avant-dernier alinéa.

13 Idem, page 4, troisième alinéa.

14 Idem et loc.cit.

15 Idem, page 2, antépénultième alinéa.

16 Idem, page 4, troisième alinéa.

17 Idem, page 2, avant-dernier alinéa.

18 Idem, page 6, avant-dernier alinéa.

19 Idem, page 5, sixième alinéa.

préjudicielle, la question proposée étant dénuée de tout fondement et la Cour constitutionnelle ayant déjà statué sur une question ayant le même objet20.

Il rejette finalement une demande de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle tirée de la conformité aux articles 18 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (ci-après « le règlement 492/2011 »)21 de la législation d’un Etat membre, telle que celle du Luxembourg, subordonnant l’octroi d’une pension de survie au partenaire du défunt à la condition que le partenariat conclu dans un autre Etat membre ait fait l’objet d’une inscription dans l’Etat membre compétent. En effet, l’exigence d’inscription du partenariat, prévue par l’article 4-1 de la loi de 2004, aux fins de rendre ce dernier opposable aux tiers à Luxembourg, s’appliquerait quelle que soit la nationalité ou la résidence des partenaires ou le pays de conclusion du partenariat22.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation des articles 195 et 196 du Code de la sécurité sociale, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le rejet de l’octroi de la pension de survie à la demanderesse en cassation aux motifs que les partenaires n’ont pas, conformément à l’article 4-1 de la loi de 2004, fait transcrire à Luxemburg le partenariat conclu en France, sur lequel se fonde la demande, de façon à l’y rendre, sur base de l’article 3, alinéa 3, de cette loi, opposable aux tiers, alors que l’article 195 du Code de la sécurité sociale octroie le droit à la pension de survie au partenaire au sens de l’article 2 de la loi de 2004, donc se limite à exiger l’existence d’un partenariat au sens de cette loi, condition respectée par la demanderesse en cassation, sans exiger en outre l’inscription du partenariat sur base de l’article 4-1 de cette loi, de sorte que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a ajouté à la loi une condition qui n’y est pas prévue.

Dans son premier moyen, la demanderesse en cassation soutient que l’article 195 du Code de la sécurité sociale confère aux partenaires survivants d’un partenariat étranger droit à une pension de survie sans exiger que ce dernier soit, conformément à l’article 4-1 de la loi de 2004, inscrit au répertoire civil. Cette exigence ajouterait à la loi, en l’occurrence à l’article 195 du Code de la sécurité sociale, une condition qui n’y serait pas prévue.

L’article 195 précité confère droit à une pension de survie au « partenaire au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats ».

Ainsi que la CNAP l’expose dans son mémoire en réponse23, le partenariat au sens de la loi de 2004 suppose, pour être opposable aux tiers, y compris aux organismes de sécurité sociale, que la déclaration de partenariat prévue par l’article 3 de cette loi, auquel renvoie l’article 2 de celle-

ci, visé par l’article 195 du Code de la sécurité sociale, soit inscrite sur le répertoire civil. Cette inscription est prévue pour les partenariats conclus à l’étranger par l’article 4-1 de la loi de 2004. Un partenaire n’est donc, au regard de l’article 195 du Code de la sécurité sociale, un 20 Idem, page 7, deuxième alinéa, à page 10, deuxième alinéa.

21 Journal officiel de l’Union européenne L 141 du 27.5.2011, page 1.

22 Arrêt attaqué, page 10, troisième au septième alinéa.

23 Mémoire en réponse, page 3, avant-dernier alinéa, à page 5, antépénultième alinéa.

« partenaire au sens de l’article 2 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats », donc n’est éligible au bénéfice d’une pension de survie, que si son partenariat, conclu à Luxembourg ou à l’étranger, a été inscrit au répertoire civil.

L’inscription du partenariat au répertoire civil étant la condition de son opposabilité aux tiers, l’exigence de cette formalité à titre de condition d’éligibilité au droit à une pension de survie, n’ajoute donc rien à la loi.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 3, 4 et 4-1 de la loi de 2004, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé le rejet de l’octroi de la pension de survie à la demanderesse en cassation aux motifs que les partenaires, résidant en France, n’ont pas, conformément à l’article 4-1 de la loi de 2004, fait transcrire à Luxemburg le partenariat conclu en France, sur lequel se fonde la demande, de façon à l’y rendre, sur base de l’article 3, alinéa 3, de cette loi, opposable aux tiers, alors que, première branche, l’inscription des partenariats à Luxembourg sur base de l’article 4-1 de la loi de 2004 ne s’applique qu’aux partenariats conclus à l’étranger par des résidents luxembourgeois, l’article 4, alinéa 1, point 4, de cette loi subordonnant la déclaration de partenariat prévue par l’article 3 de celle-ci à une condition de résidence à Luxembourg et que, seconde branche, l’inscription du partenariat, prévue par l’article 4-1 de la loi, qui n’est que facultative, n’est pas une condition de son opposabilité aux tiers, cet effet n’étant ni formellement prévu par la loi, ni envisagé par les travaux préparatoires de la loi.

La demanderesse en cassation soutient dans son deuxième moyen que l’inscription d’un partenariat étranger au répertoire civil, prévue par l’article 4-1 de la loi de 2004, ne s’applique qu’aux partenariats conclus par des résidents luxembourgeois à l’étranger et que cette inscription n’est de toute façon que facultative, de sorte qu’elle ne saurait constituer une condition d’octroi d’une pension de survie.

La première critique, faisant l’objet d’une première branche du moyen, tire argument de l’article 4, alinéa 1, point 4, de la loi de 2004, qui dispose que pour pouvoir faire la déclaration de partenariat prévue par l’article 3 de cette loi, donc pour pouvoir conclure un partenariat à Luxembourg, « les deux parties doivent : […] 4. résider légalement sur le territoire luxembourgeois ». La demanderesse en cassation paraît donc considérer que puisque la conclusion d’un partenariat à Luxembourg suppose que les deux partenaires y résident, les partenaires visés par l’article 4-1 de la loi, prévoyant l’inscription à Luxembourg de partenariats conclus à l’étranger, sont des personnes résidant à Luxembourg. Cet article ne viserait donc pas des partenaires, telle que la demanderesse en cassation, de partenariats conclus à l’étranger qui résident à l’étranger.

Ce grief méconnaît que l’article 4 de la loi de 2004 comporte un dernier alinéa disposant que « le point 4 ci-avant [donc l’exigence tirée de ce que les deux parties de tout partenariat conclu à Luxembourg doivent y résider légalement] ne s’applique qu’aux ressortissants non communautaires ». Les ressortissants communautaires peuvent donc conclure un partenariat à Luxembourg sans y résider. Le partenaire d’un partenariat conclu à Luxembourg n’est dès lors pas nécessairement un résident. L’argument de la demanderesse en cassation, tiré de ce que les termes « les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l’étranger » employés par l’article 4-1 de la loi sont à comprendre, dans un sens plus restrictif que celui découlant de leur sens commun, comme visant des partenaires résidant à Luxembourg, repose, partant, sur une prémisse erronée. En réalité, rien ne suggère que ces termes ont un sens plus restrictif que celui découlant de leur libellé. Tout au contraire, il résulte des travaux préparatoires précités de la loi que celle-ci « entend [par la faculté accordée d’inscription au répertoire civil] ainsi reconnaître les partenariats conclus à l’étranger pour pouvoir leur appliquer les mêmes avantages que ceux conférés aux partenariats luxembourgeois [de sorte que] l’inscription au répertoire civil permet ainsi d’assimiler le partenariat étranger au partenariat luxembourgeois »24. Cette assimilation conférée par l’inscription s’applique, au regard des termes de la loi, à tous « les partenaires ayant enregistré leur partenariat à l’étranger », quelque soit leur lieu de résidence.

Il en suit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

Le second grief, formant la seconde branche du moyen, met en doute que l’inscription à Luxembourg d’un partenariat conclu à l’étranger, prévue par l’article 4-1 de la loi, puisse constituer une condition d’octroi d’une pension de survie dès lors qu’elle n’est que facultative.

Il méconnaît que si les parties à un partenariat conclu à l’étranger sont libres d’inscrire ce dernier à Luxembourg, cette inscription est cependant, comme le souligne à juste titre la CNAP dans son mémoire en réponse25, une condition de son opposabilité aux tiers, y compris les organismes de sécurité sociale, donc de l’octroi d’une pension de survie servie à Luxembourg.

L’accomplissement de cette formalité « n’est pas déclaratif de droit mais bien constitutif de droit »26. Les parties à un partenariat conclu à l’étranger qui souhaitent que ce dernier produit à Luxembourg des effets juridiques, tel que le bénéfice d’une pension de survie, sont donc tenues d’exercer la faculté leur réservée par l’article 4-1 de la loi d’inscrire le partenariat à Luxembourg. Il n’existe donc aucune contradiction entre le caractère facultatif de l’inscription et le caractère nécessaire de celle-ci pour faire produire au partenariat des effets de droit à Luxembourg.

Il en suit que la seconde branche du moyen n’est pas fondée.

Le deuxième moyen n’est dès lors pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale refusa de poser à la Cour constitutionnelle une question soulevée par la demanderesse en cassation, tirée d’une discrimination au regard du droit à l’octroi d’une pension de survie du partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger par rapport au conjoint survivant d’un mariage conclu à l’étranger en ce que seul le droit du partenaire survivant, au contraire de celui du conjoint survivant, est subordonné à une inscription de l’union à Luxembourg, cette question 24 Rapport précité la Commission juridique de la Chambre des députés sur le projet de loi n° 5904 ayant donné lieu à la loi précitée du 3 août 2010, page 2, sous II.1., deuxième alinéa.

25 Mémoire en réponse, page 4, cinquième au huitième alinéa.

26 Rapport précité la Commission juridique de la Chambre des députés sur le projet de loi n° 5904 ayant donné lieu à la loi précitée du 3 août 2010, page 6 (Commentaire de l’article 4-1), quatrième alinéa.

n’ayant pas été posée aux motifs que la question est dénuée de tout fondement puisque les deux situations, du partenaire survivant et du conjoint survivant, ne sont pas comparables et que la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet puisqu’elle a constaté dans son arrêt n° 154 du 12 juin 2020 le défaut de comparabilité du partenariat par rapport au mariage, alors qu’il s’est limité à affirmer le défaut de comparabilité du partenariat par rapport au mariage, sans se prononcer si le partenaire survivant ne se trouve pas par rapport au conjoint survivant dans une situation comparable au regard du droit à une pension de survie, et que la Cour constitutionnelle ne s’est pas prononcée sur une question ayant le même objet.

La demanderesse en cassation critique dans son troisième moyen que le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait violé l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle en refusant de saisir la Cour constitutionnelle.

La question de constitutionnalité soulevée était celle de savoir si la différence, au regard du droit à une pension de survie, entre, d’une part, le partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger, tenu d’inscrire le partenariat à Luxembourg pour prétendre à la pension, et, d’autre part, le conjoint survivant d’un mariage conclu à l’étranger, non tenu de respecter une telle formalité, ne constitue pas une discrimination au sens de l’article 10bis de la Constitution.

Les juges d’appel ont refusé de saisir la Cour constitutionnelle de la question soulevée aux motifs, d’une part, que celle-ci est dénuée de tout fondement, au sens de l’article 6, alinéa 2, sous b), de la loi précitée, parce que le partenariat n’est pas comparable au mariage, s’agissant de deux régimes distincts comportant des effets juridiques distincts, et, d’autre part, parce que la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet, cas prévu par l’article 6, alinéa 2, sous c), de la loi précitée, puisqu’elle a constaté dans son arrêt n° 154 du 12 juin 2020 que « la loi du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats a créé une différence de traitement entre conjoints et partenaires, l’intention du législateur en 2004 n’ayant, à la base, pas été celle de faire du partenariat une institution de même nature que le mariage [de sorte que] à partir de ce seul constat, la situation des conjoints, liés par le mariage, et celle des partenaires au sens de la loi du 9 juillet 2004 n[e sont] pas comparables »27.

Le troisième moyen critique de ce point de vue les juges d’appel de ne pas avoir suffisamment motivé le défaut de comparabilité au regard des spécificités de l’espèce, de l’exigence d’une inscription du partenariat et d’une dispense d’une telle formalité en présence d’un mariage en matière de droit à une pension de survie du partenaire ou du conjoint survivant dans le cadre de partenariats ou de mariages conclus à l’étranger.

Cette critique méconnaît que le défaut de comparabilité des deux institutions, du partenariat et du mariage, constaté par la Cour constitutionnelle implique que les différences de régime, telle que la subordination du droit à une pension de survie du partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger à la condition de l’inscription du partenariat à Luxembourg et la dispense d’une telle condition en matière de mariage, ne saurait donner lieu à discrimination au sens de l’article 10bis de la Constitution, qui « suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable »28.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

27 Arrêt n° 154 précité.

28 Idem.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 10bis de la Constitution, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale accepta de subordonner l’octroi d’une pension de survie par la demanderesse en cassation, partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger, à la condition, résultant des articles 3 et 4-1 de la loi de 2004, de l’inscription de ce partenariat à Luxembourg tout en admettant que les conjoints survivants de mariages conclus à l’étranger ne sont pas subordonnés à une telle condition, alors que l’application de cette condition, exigée des partenaires survivants de partenariats conclus à l’étranger, mais non exigée des conjoints survivants de mariages conclus à l’étranger, a pour effet de traiter de façon différente des situations similaires, sans que cette différence de traitement ne soit justifiée, de sorte que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé la disposition visée et qu’il y a lieu, avant de statuer, de saisir la Cour constitutionnelle de cette question.

Dans son quatrième moyen, la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé l’article 10bis de la Constitution en appliquant les articles 3 et 4-1 de la loi de 2004, subordonnant l’octroi de la pension de survie demandée par elle à la condition de l’inscription à Luxembourg du partenariat conclu par elle en France, alors qu’une telle condition n’aurait pas été exigée d’un conjoint survivant d’un mariage conclu en France. Elle leur reproche donc l’application d’une loi qu’elle considère être contraire à la Constitution. Cette application est consécutive au refus par les juges d’appel de poser à la Cour constitutionnelle la question soulevée de la constitutionnalité de la loi appliquée. Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du troisième moyen, que les juges d’appel ont refusé de poser cette question aux motifs qu’elle est dénuée de tout fondement et que la Cour constitutionnelle s’est déjà prononcée sur une question ayant le même objet.

La question de savoir si les juges d’appel ont appliqué une loi non-constitutionnelle est donc indissociable de celle du bien-fondé de leur refus de saisir, pour les motifs précités, la Cour constitutionnelle du renvoi préjudiciel demandé.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du troisième moyen, que c’est à juste titre que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a décidé de ne pas saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle proposée alors que les deux situations mises en présence par la demanderesse en cassation (celle du partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger, tenu, aux fins de bénéficier d’une pension de survie à Luxemburg, d’avoir inscrit le partenariat à Luxemburg et celle du conjoint survivant d’un mariage conclu à l’étranger, dispensé d’une telle formalité) ne sont pas comparables, de sorte que la question est dénuée de tout fondement et que la Cour constitutionnelle a déjà constaté le défaut de comparabilité du partenariat au mariage. C’est pour ces mêmes motifs qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir violé l’article 10bis de la Constitution en subordonnant l’octroi d’une pension de survie par la demanderesse en cassation, partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger, à la condition, résultant des articles 3 et 4-1 de la loi de 2004, de l’inscription de ce partenariat à Luxembourg.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation des articles 256, paragraphe 3, et 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale refusa de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, tirée de la conformité aux articles 18 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 7, paragraphe 2, du règlement 492/2011 de la législation d’un Etat membre, telle que celle du Luxembourg, subordonnant l’octroi d’une pension de survie au partenaire du défunt à la condition que le partenariat conclu dans un autre Etat membre fasse l’objet d’une inscription dans l’Etat membre compétent, aux motifs que l’exigence d’inscription du partenariat, prévue par l’article 4-1 de la loi de 2004, aux fins de rendre ce dernier opposable aux tiers à Luxembourg, s’applique quelle que soit la nationalité ou la résidence des partenaires ou le pays de conclusion du partenariat, de sorte qu’il n’y a pas lieu poser la question préjudicielle alors que celle-ci était pertinente pour la solution du litige et que le Conseil supérieur de la sécurité a omis d’expliquer de façon suffisante qu’elle ne l’était pas.

Dans son cinquième moyen, la demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé les articles 256, paragraphe 3, et 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en décidant que le droit interne n’était pas contraire au droit de l’Union européenne et en en déduisant qu’il n’y avait pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Suivant l’article 19 du Traité sur l’Union européenne, celle-ci comporte une Cour de justice de l’Union européenne qui comprend la Cour de justice et le Tribunal. L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne confère à la Cour de justice de l’Union européenne compétence pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités, ainsi que sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union. L’article 256, paragraphe 3, de ce Traité prévoit que le statut de la Cour de justice de l’Union européenne peut conférer au Tribunal compétence dans des matières spécifiques déterminées pour statuer sur ces renvois préjudiciels. Il en suit que, en principe, la Cour de justice (comprise comme juridiction, à côté du Tribunal, de la Cour de justice de l’Union européenne) est seul compétente pour statuer sur ces renvois. En l’état actuel du droit, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne désigne pas des matières spécifiques déterminées dans lesquelles le Tribunal aurait compétence pour statuer sur des renvois préjudiciels29. L’article 256, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reste donc actuellement lettre morte, de sorte que la Cour de justice est la seule juridiction, parmi la Cour de justice de l’Union européenne, pour connaître des renvois préjudiciels.

Le Tribunal n’ayant aucune compétence pour connaître d’un renvoi préjudiciel, l’article 256, paragraphe 3, du Traité précité, invoqué à l’appui du moyen, est dépourvu de pertinence.

Dans son moyen la demanderesse en cassation critique le bien-fondé des motifs par lesquels les juges d’appel ont considéré que la loi interne n’était pas contraire aux dispositions invoquées du droit de l’Union européenne et en ont déduit qu’il n’y avait pas lieu de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle.

L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, invoqué à l’appui du moyen, est relatif à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne de connaître de renvois préjudiciels et de celle des juridictions des Etats membres de l’en saisir. Cet article est 29 Voir à ce sujet la version coordonnée actuelle du statut de la Cour de justice de l’Union européenne :

https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-08/tra-doc-fr-div-c-0000-2016-201606984-05_00.pdf (document consulté le 8 mars 2021).

dès lors étranger au grief tiré de la pertinence de la question préjudicielle suggérée, donc du point de savoir si et dans quelle mesure les dispositions de droit interne applicables en cause sont contraires au droit de l’Union européenne.

Les dispositions invoquées à l’appui du moyen étant soit dépourvues de toute pertinence en cause (cas de l’article 256, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), soit étrangères au grief soulevé (cas de l’article 267 du même Traité), le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, l’article 267 du Traité précité confère aux juridictions internes des Etats membres une simple faculté de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle, tant que ces juridictions ne relèvent pas de celles dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. Or, le Conseil supérieur de la sécurité sociale ne relève pas de cette dernière catégorie puisque ses décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Cette juridiction n’étant pas tenue de saisir la Cour de justice, elle ne saurait se voir reprocher d’avoir violé l’article 267 du Traité précité en refusant, à tort ou à raison, une telle saisine.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Le sixième moyen est tiré de la violation des articles 18 et 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 7, paragraphe 2, du règlement 492/2011, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale considéra que la condition, résultant des articles 3 et 4-1 de la loi de 2004, subordonnant l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne et conformément à la loi de cet Etat à la condition de l’inscription du partenariat à Luxembourg ne constitue pas une violation des dispositions visées parce que le partenariat conclu à Luxembourg doit également faire l’objet de cette inscription pour être opposable aux tiers, alors que l’application de cette condition aux partenariats conclus dans un autre Etat membre de l’Union européenne a pour effet de subordonner l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant de ces partenariats à une condition supplémentaire à celles imposées aux partenaires survivants de partenariats conclus à Luxembourg, dès lors que l’octroi d’une telle pension suppose dans le premier cas de figure le respect des conditions imposées par la loi de l’Etat membre de conclusion auxquelles s’ajoute la condition d’inscription à Luxembourg, tandis qu’il suppose dans le second cas exclusivement le respect des conditions imposées par la loi luxembourgeoise, dont la condition d’inscription fait partie, cette inscription étant d’ailleurs dans ce cas automatique, de sorte qu’il y a violation des dispositions visées et, qu’en cas de doute, il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Dans son sixième moyen, la demanderesse en cassation critique l’existence d’une discrimination constitutive d’une entrave au principe de la libre circulation des travailleurs au regard du droit à une pension de survie entre, d’une part, les partenaires survivants de partenariats conclus dans un autre Etat membre, dont le droit à une pension de survie du fait de l’exercice d’une activité professionnelle du défunt à Luxembourg est subordonné à la double condition de respecter les conditions de forme de l’Etat de conclusion, telle qu’une exigence d’enregistrement, et de respecter par ailleurs une obligation d’inscription du partenariat étranger à Luxembourg et, d’autre part, les partenaires survivants de partenariats conclus à Luxembourg, dont le droit à une telle pension est exclusivement subordonné au respect des conditions de l’Etat de conclusion, donc à l’obligation d’inscription du partenariat à Luxembourg, étant précisé qu’une telle inscription serait automatique dans le cas des partenariats conclus à Luxembourg tandis qu’elle suppose une démarche des intéressés en cas de partenariats conclus à l’étranger.

La discrimination alléguée tient donc en ce que les partenaires survivants de partenariats étrangers doivent respecter, outre les conditions de l’Etat membre de conclusion du partenariat, une obligation d’inscription à Luxembourg tandis que les partenaires survivants de partenariats luxembourgeois ne sont tenus qu’à respecter les conditions de l’Etat de conclusion.

En cas de partenariat conclu à Luxembourg, la loi de 2004 exige, dans son article 3, une déclaration de partenariat à faire auprès de l’officier de l’état civil de la commune du lieu du domicile ou de la résidence des partenaires, le cas échéant une convention traitant des effets patrimoniaux du partenariat et une inscription du partenariat au répertoire civil, cette inscription étant la condition de l’opposabilité du partenariat aux tiers. Cette inscription s’effectue, conformément à l’article 3, alinéa 3, de la loi de 2004, à la diligence de l’officier de l’état civil, qui transmet une copie de la déclaration avec mention éventuelle d’une convention, au Parquet général.

En cas de partenariat conclu à l’étranger, la loi de 2004 subordonne, dans son article 4-1, l’opposabilité à Luxembourg du partenariat étranger à son inscription au répertoire civil, cette inscription supposant le respect des conditions de fond prévues par l’article 4 de la loi, à savoir la capacité de contracter des partenaires, l’absence de mariage ou de partenariat, l’absence d’un lien de parenté ou d’alliance à un degré prohibé par la loi luxembourgeoise et, pour les ressortissants non communautaires, l’existence d’une résidence légale à Luxembourg.

L’inscription du partenariat étranger suppose donc une démarche à effectuer par les partenaires.

Elle n’est, contrairement aux partenariats conclus à Luxemburg, pas effectuée d’office. Son objet est de permettre de contrôler le respect de certaines conditions de fond exigées par la loi luxembourgeoise. Elle constitue par ailleurs, eu égard au caractère public du répertoire civil, une forme de publicité à l’égard des tiers et une condition de son opposabilité aux tiers.

L’inscription des partenariats étrangers au répertoire civil est donc une condition de leur reconnaissance et de leur opposabilité aux tiers à Luxembourg.

Dans le cadre des travaux préparatoires de la loi du 3 août 2010 ayant modifié la loi de 2004 et introduit l’article 4-1 de celle-ci, le Conseil d’Etat avait rendu attentif au fait que, en France, la reconnaissance d’un partenariat étranger est, sur base de l’article 515-7-1 du Code civil français, soumise aux dispositions matérielles de l’Etat de l’autorité qui a procédé à son enregistrement30.

Des solutions similaires ont été adoptées en Allemagne, en Belgique, en Irlande, en Suède, en Norvège, en Finlande et en Suisse31.

30 Avis du Conseil sur le projet de loi n° 5904 ayant donné lieu à la loi du 3 août 2010 (Document parlementaire n° 5904-2), page 4, premier alinéa. L’article 519-7-1 du Code civil français est issu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures. Voir sur cette disposition :

Petra HAMMJE, Réflexions sur l’article 515-7-1 du Code civil, Revue critique de droit international privé, 2009, page 483 ; Charlotte BUTRUILLE-CARDEW, Le pacte civil de solidarité et éléments d’extranéité, AJ Famille, 2012, page 528. La loi étrangère de l’enregistrement ne s’applique cependant que sous réserve du respect de l’ordre public international français et ne s’applique pas dans les matières soumises à des règles de conflit spéciales, notamment en matière de filiation, d’autorité parentale ou de succession (Répertoire Dalloz Droit civil, V° Pacte civil de solidarité – (PACS) (Civ.), par Marie MARCHE, septembre 2012, n° 104).

31 Charlotte BUTRUILLE-CARDEW, précité.

Plus récemment, un règlement de l’Union européenne, à savoir le Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés32, applicable dans un premier temps en Belgique, Bulgarie, République tchèque, Allemagne, Chypre, Grèce, Espagne, France, Croatie, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Autriche, Portugal, Slovénie, Finlande et Suède33, donc aux pays ayant participé à cette coopération renforcée, et, en principe, aux partenariats conclus après le 29 janvier 201934, déclare, sauf choix de loi différent, applicable la loi de l’Etat selon la loi duquel le partenariat a été créé35. Ce règlement n’est toutefois pas applicable en matière de sécurité sociale36.

Il aurait donc été concevable de ne pas subordonner la reconnaissance et l’opposabilité du partenariat conclu à l’étranger au respect d’une condition d’inscription au répertoire civil.

L’exigence de cette formalité peut sans doute se défendre du point de vue de la sauvegarde des droits des tiers et de la possibilité de vérifier le respect de certaines conditions de fond. Il est toutefois difficilement contestable qu’elle constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs. Il n’est à cet effet pas à perdre de vue que le partenaire défunt de la demanderesse en cassation s’était déplacé à Luxembourg pour y exercer une activité professionnelle de nature à donner lieu à des droits de pension à Luxembourg37. La pension de survie susceptible de résulter de cette activité professionnelle a été refusée à la demanderesse en cassation au motif que le partenariat n’avait pas été inscrit du vivant du partenaire décédé au répertoire civil à Luxembourg sur base de l’article 4-1 de la loi de 2004. De façon inverse, si les parties avaient conclu leur partenariat à Luxembourg et que l’activité professionnelle génératrice d’une pension de survie avait été exercée en France, le partenaire survivant n’aurait, à bien comprendre, pas été soumis à une obligation similaire. Par ailleurs, et surtout, le partenaire survivant d’un partenariat conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne ne peut prétendre à une pension de survie à Luxembourg, à la suite de l’exercice par le partenaire défunt de son droit à la libre circulation des travailleurs, que si le partenariat respecte, d’une part, les conditions de forme et d’enregistrement prévues par la loi du lieu de sa conclusion et de la résidence des partenaires et, d’autre part, une condition d’inscription du partenariat au répertoire civil à Luxembourg tandis que le partenaire survivant d’un partenariat conclu à Luxembourg peut prétendre à une pension de survie à la seule condition que le partenariat respecte les conditions de la loi de l’Etat de conclusion, donc celles prévues par la loi luxembourgeoise, dont l’obligation d’inscription au répertoire civil.

L’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité. L’article 45, paragraphe 2, du même Traité applique ce principe à la libre circulation des travailleurs. L’article 7, paragraphe 2, du règlement 492/2011 dispose que le travailleur ressortissant d’un Etat membre qui exerce un emploi dans un autre Etat membre « y bénéfice des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ». Suivant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne « l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 492/2011 est l’expression particulière, dans le domaine 32 Journal officiel de l’Union européenne L 183 du 8.7.2016, page 30.

33 Considérant 11 du règlement précité.

34 Article 69, paragraphe 1, du règlement précité.

35 Cette loi régit les effets patrimoniaux du partenariat enregistré (Article 26, paragraphe 1), qui forment l’objet du règlement précité.

36 Article 1, paragraphe 2, sous e), du règlement précité.

37 Voir notamment la pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation, page 3 (demande en obtention d’une pension de survie).

spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, de la règle d’égalité de traitement consacrée à l’article 45, paragraphe 2, TFUE et doit être interprété de la même façon que cette dernière disposition »38. « Dès lors, relèvent du champ d’application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 492/2011 les travailleurs au sens de l’article 45 TFUE, étant entendu que […] ceux qui ont déjà accédé à ce marché du travail peuvent prétendre, sur le fondement de cet article 7, paragraphe 2, aux mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux »39. Cet article « est l’expression particulière, dans le domaine spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, du principe d’égalité de traitement de non-discrimination en raison de la nationalité »40.

L’article 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est relatif à l’adoption, dans le domaine de la sécurité sociale, de mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs. Il implique, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, « que les travailleurs migrants ne doivent ni perdre des droits à des prestations de sécurité sociale ni subir une réduction du montant de celles-ci en raison du fait qu’ils ont exercé le droit à la libre circulation que leur confère le traité »41.

Suivant cette même jurisprudence, « les règles d’égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination, qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat »42. « Tel est le cas, notamment, d’une mesure qui prévoit une distinction fondée sur le critère du domicile ou de la résidence, en ce que celui-ci risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres Etats membres, dans la mesure où les personnes non domiciliées sur le territoire national, de même que les non-résidents, sont le plus souvent des non-nationaux »43. Par ailleurs, « une disposition de droit national, bien qu’indistinctement applicable à tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, doit être considérée comme étant indirectement discriminatoire, dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs ressortissants d’autres Etats membre que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers, à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi »44.

La législation luxembourgeoise n’exclut pas les partenaires survivants de partenariats conclus dans un autre Etat membre de l’octroi d’une pension de survie due en raison de l’activité professionnelle exercée à Luxembourg, suite à l’exercice de son droit à la libre circulation des travailleurs, par le partenaire décédé. Elle ne subordonne pas le bénéfice de ce droit à une condition formelle de nationalité ou de résidence. Elle se limite à exiger que le partenaire survivant, quelle que soit sa nationalité ou sa résidence et quel que soit le pays où il a conclu le partenariat avec le salarié décédé ayant exercé son activité professionnelle à Luxembourg, ait inscrit le partenariat au répertoire civil. Cette formalité est donc exactement la même pour tous les partenaires survivants.

38 Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, 6 octobre 2020, C-181/19, Jobcenter Krefeld, ECLI:EU:C:2020 :794, point 44.

39 Idem, point 45.

40 Idem, point 74.

41 Voir, à titre d’illustration : idem, 21 janvier 2016, C-515/14, Commission c/ Chypre, ECLI:EU:C:2016 :30, point 34.

42 Voir, à titre d’illustration : idem, 20 janvier 2011, C-155/09, Commission c/ Grèce, ECLI:EU:C:2011 :22, point 45.

43 Idem, point 46.

44 Voir, à titre d’illustration : idem, 10 octobre 2019, C-703/17, Krah, ECLI:EU:C:2019 :850, point 24.

Il reste que les partenaires survivants de partenariats conclus dans un autre Etat membre, où les partenaires résident, doivent, pour prétendre au bénéfice d’une pension de survie due à la suite de l’exercice d’une activité professionnelle à Luxembourg du partenaire décédé, réunir deux conditions cumulatives :

- leur partenariat doit avoir été conclu et enregistré conformément à la loi de leur pays de résidence et - il doit avoir été inscrit à Luxembourg au répertoire civil du vivant des partenaires.

Par comparaison, les partenaires survivants de partenariats conclus à Luxembourg ne voient subordonner leur doit au bénéfice d’une pension de survie qu’au respect d’une seule condition :

- leur partenariat doit avoir été conclu et enregistré conformément au droit luxembourgeois, l’inscription au répertoire civil faisant partie des exigences de ce droit.

L’exigence d’une inscription au répertoire civil constitue donc une condition supplémentaire pour les partenaires survivants de partenariats conclus dans d’autres Etats membres, qui s’ajoute à l’exigence de respecter les conditions de conclusion du partenariat et d’enregistrement de ce dernier imposées par la loi du lieu où il a été formé. Cette condition supplémentaire s’applique à des personnes qui, comme dans le cas d’espèce, peuvent être des résidents d’autres Etats membres et partenaires survivants de personnes qui, dans le cadre de l’exercice de leur droit à la libre circulation des travailleurs, se sont déplacés de leur Etat membre de résidence au Luxembourg aux fins d’y exercer une activité professionnelle qui confère droit à leurs proches à une pension de survie.

Cette exigence est ainsi susceptible de s’analyser comme une entrave à la libre circulation, de nature à rendre celle-ci ainsi que le bénéfice des droits qui découlent de l’exercice de cette liberté plus difficile. Il se conçoit de considérer que cette entrave soit, le cas échéant, susceptible, d’être objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi. Toujours est-

il que l’application correcte du droit de l’Union européenne ne s’impose de ce point de vue pas avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, de sorte que votre Cour, dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours juridictionnel de droit interne, est tenue de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel en interprétation sur base de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne45.

Il y a donc, avant de statuer sur le moyen, lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union s’opposent aux dispositions du droit d’un Etat membre, tels les articles 195 du Code luxembourgeois de la sécurité sociale et 3 ainsi que 4-1 de la loi luxembourgeoise modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, qui subordonnent l’octroi au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre Etat membre, où les partenaires 45 Cour de justice l’Union européenne, 6 octobre 1982, 283/81, CILFIT, ECLI:EU:C:1982:335, point 21.

ont résidé, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier Etat membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de ce premier Etat membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans ce premier Etat membre, où les partenaires ont résidé, est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? ».

Sur le septième moyen de cassation Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a subordonné l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu à l’étranger à la condition, prévue par les articles 3 et 4-1 de la loi de 2004, de l’inscription du partenariat à Luxembourg, alors qu’il l’a ainsi subordonné à une condition supplémentaire à celles imposées aux partenaires survivants de partenariats conclus à Luxembourg, dès lors que l’octroi d’une pension de survie suppose dans le premier cas le respect des conditions imposées par la loi de l’Etat étranger de conclusion auxquelles s’ajoute la condition d’inscription à Luxembourg, tandis qu’il suppose dans le second cas exclusivement le respect des conditions imposées par la loi luxembourgeoise, dont la condition d’inscription fait partie, cette inscription étant d’ailleurs dans ce cas automatique, de sorte que la disposition visée a été méconnue.

Dans son septième moyen, la demanderesse en cassation se prévaut d’une violation de l’article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cet article garantit que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». Visant à ne pas subordonner « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention » aux distinctions énumérées, il ne présente qu’un caractère accessoire, donc se limite à compléter les autres clauses normatives de la Convention et de ses Protocoles46.

Il suppose donc l’invocation concomitante d’une violation de l’une de ces clauses.

La demanderesse en cassation n’a pas invoqué une violation de l’article 14 précité devant les juges du fond. Elle n’a invoqué ni devant ces derniers, ni même devant votre Cour, une violation concomitante d’une clause normative à l’occasion de l’application de laquelle une distinction illicite au sens de l’article 14 précité aurait été opérée.

Etant nouveau, et supposant l’appréciation du point de savoir si et dans quelle mesure l’article 14 précité a été méconnu en l’espèce dans le cadre de l’application d’une clause normative, non invoquée, il est mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable.

46 Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1 du Protocole n° 12 à la Convention, page 6, sous 1 (Guide sur l’article 14 et l’article 1 du Protocole no 12 - Interdiction de la discrimination (coe.int) (consulté le 8 mars 2021).

A titre subsidiaire, le moyen est imprécis en ce qu’il n’indique pas dans le cadre de l’application de quelle cause normative de la Convention ou d’un de ses Protocoles la discrimination alléguée aurait été commise.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen est encore irrecevable pour ce motif.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter, sous réserve du sixième moyen, pour l’appréciation duquel il y a lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle suivante :

« Est-ce que le droit de l’Union européenne, notamment les articles 18, 45 et 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 7, paragraphe 2, du Règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union s’opposent aux dispositions du droit d’un Etat membre, tels les articles 195 du Code luxembourgeois de la sécurité sociale et 3 ainsi que 4-1 de la loi luxembourgeoise modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats, qui subordonnent l’octroi au partenaire survivant d’un partenariat valablement conclu et inscrit dans un autre Etat membre, où les partenaires ont résidé, d’une pension de survie, due en raison de l’exercice dans le premier Etat membre d’une activité professionnelle par le partenaire défunt, à la condition de l’inscription du partenariat dans un répertoire aux fins de vérifier le respect des conditions de fond exigées par la loi de ce premier Etat membre pour reconnaître un partenariat et en assurer l’opposabilité aux tiers, tandis que l’octroi d’une pension de survie au partenaire survivant d’un partenariat conclu dans ce premier Etat membre, où les partenaires ont résidé, est subordonné à la seule condition que le partenariat y ait été valablement conclu et inscrit ? ».

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 43


Synthèse
Numéro d'arrêt : 138/21
Date de la décision : 25/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-11-25;138.21 ?

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