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04/11/2021 | LUXEMBOURG | N°132/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 04 novembre 2021, 132/21


N° 132 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00135 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme M), demande

resse en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite...

N° 132 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00135 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme M), demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Christian JUNGERS, avocat à la Cour, et:

F), défendeur en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 58/20, rendu le 2 juillet 2020 sous le numéro CAL-

2019-00222 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 7 octobre 2020 par la société anonyme M) (ci-après « la société M) ») à F), déposé le 13 octobre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 3 décembre 2020 par F) à la société M), déposé le 4 décembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal du travail de Diekirch avait rejeté la demande de F) en paiement de commissions de vente lui redues par son ancien employeur, la société M). La Cour d’appel a, par réformation, dit la demande partiellement fondée et condamné la société M) à lui payer un certain montant.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon encore de la fausse interprétation de l'article 1134 du Code civil, en ce que la Cour d'appel, troisième chambre, a déclaré la demande du défendeur en cassation fondée et alloué, à ce dernier, des dommages et intérêts à hauteur de 15.000 EUR pour réparer son prétendu manque à gagner, au motif que l'article 4 du contrat de travail formaliserait l'engagement, respectivement l'obligation de l'employeur de payer des commissions à son salarié, alors que conformément au principe de l'autonomie de la volonté, les parties à un contrat peuvent librement créer, modifier ou éteindre des droits et des obligations. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’étendue des obligations stipulées entre parties au contrat de travail, qui les a amenés à considérer que l’employeur s’était engagé à verser au salarié des commissions sur vente, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon encore de la fausse interprétation de l'article 1315 du Code civil, en ce que la Cour d'appel, troisième chambre, a déclaré la demande du défendeur en cassation fondée et alloué, à ce dernier, des dommages et intérêts à hauteur de 15.000 EUR pour réparer son prétendu manque à gagner, alors que, première branche, le défendeur en cassation est resté en défaut de prouver qu'il pouvait prétendre au paiement de commissions, alors que, deuxième branche, le défendeur en cassation est resté en défaut de prouver le taux et les montants à prendre en considération pour le calcul desdites commissions. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, d’une part, des éléments de preuve desquels ils ont déduit que le défendeur en cassation pouvait prétendre au paiement de commissions sur vente et, d’autre part, de l’évaluation du préjudice subi par le salarié, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses deux branches, ne saurait être accueilli.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la contravention à la loi, in specie de la contravention à l'article 89 de la Constitution, en ce que, après avoir constaté que (sic) , les juges d'appel, en l'absence d'une quelconque preuve rapportée par Monsieur F) quant au principe et au montant des commissions, considèrent que et que la société resterait en défaut de corroborer ses contestations quant aux pourcentage et montants pris en compte par Monsieur F) pour son calcul.

alors qu'aux termes de l'article 89 de la Constitution, tout jugement doit être motivé et que deux motifs qui se contredisent s'excluent et s'annulent mutuellement, lorsque cette contradiction constitue une réelle incompatibilité entre les deux motifs, ce qui est le cas en l'occurrence, de sorte que, quant à la question de savoir si la demande de Monsieur F) tendant au paiement de commissions est fondée, l'arrêt entrepris est à déclarer comme non motivé au sens de l'article 89 de la Constitution et est partant à annuler pour contravention à cette disposition constitutionnelle. ».

Réponse de la Cour Le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

Les juges d’appel, en ayant, d’une part, retenu que le salarié avait droit à des commissions sur vente en raison de la non-exécution par l’employeur de son obligation de formaliser l’engagement de lui en verser et, d’autre part, fixé le montant des commissions sur base des pièces versées par le salarié, non contredites par les autres éléments du dossier, ont, par des motifs exempts de contradiction, justifié leur décision.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de l'insuffisance des motifs constitutive du manque de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil, en ce que la Cour d'appel, troisième chambre, a déclaré la demande du défendeur en cassation fondée et alloué, à ce dernier, des dommages et intérêts à hauteur de 15.000 EUR pour réparer son prétendu manque à gagner, aux motifs que alors qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, de telle sorte que l'arrêt encourt la cassation. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

La réponse donnée au deuxième moyen, par laquelle la Cour a statué sur le droit, implique que l’arrêt attaqué contient des constatations de fait complètes.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Jean-Georges GREMLING, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation entre la société anonyme M) S.A.

et F) (n° CAS-2020-00135 du registre) Par mémoire signifié le 7 octobre 2020 et déposé le 13 octobre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Christian JUNGERS, avocat à la Cour, agissant pour le compte de la société anonyme M) S.A. a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 2 juillet 2020 par la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2019-

00222 du rôle.

L’arrêt entrepris a été signifié le 18 août 2020 à la demanderesse en cassation. Le pourvoi introduit est recevable au regard des délais prévus dans la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans cette loi.

Il est donc recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié à la demanderesse en cassation par Maître Jean-

Georges GREMLING, avocat à la Cour, agissant pour le compte du défendeur en cassation, F), le 3 décembre 2020 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 4 décembre 2020. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les faits et rétroactes :

Selon l’arrêt attaqué, par un jugement du 8 février 2019, le tribunal du travail de Diekirch a dit non fondée la demande de F) tendant à la condamnation de son ancien employeur, la société M) S.A., à lui payer un certain montant du chef de commissions sur vente.

Pour statuer ainsi, le tribunal du travail a considéré que F) n’avait établi ni qu’il pouvait prétendre au paiement de commissions sur vente, ni quel était le taux de ces commissions.

La Cour d’appel, par réformation de ce jugement, a considéré que F) avait rapporté la preuve de l’obligation incombant à la société M) S.A. de lui payer des commissions sur vente et a condamné cette dernière à lui payer un montant forfaitaire fixé ex aequo et bono.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 1134 du Code civil, en ce que la Cour d’appel a déclaré la demande de F) fondée au motif que le contrat de travail formaliserait l’engagement, respectivement l’obligation, de l’employeur de payer des commissions sur vente à son salarié, alors que conformément au principe de l’autonomie de la volonté, les parties à un contrat peuvent librement créer, modifier ou éteindre des droits ou des obligations.

A l’appui du moyen, la demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir décidé que F) avait droit au paiement de commissions sur vente, alors que le contrat de travail conclu entre les parties ne comporterait pas de clause expresse en vertu de laquelle la salarié aurait droit au paiement de commissions sur vente, qu’il aurait bien été convenu dans le contrat que « les commissions sur vente seront fixées dans un avenant au (…) contrat », mais qu’aucun avenant n’avait été signé entre les parties.

Ce moyen ne saurait être accueilli, alors que sous le couvert de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’interprétation par les juges du fond d’une convention1, et plus précisément l’appréciation, par ces mêmes juges, de l’existence et de l’étendue des obligations stipulées dans la convention conclue entre parties2, en ce qu’ils ont considéré qu’en l’espèce, il résultait des dispositions du contrat de travail conclu entre les parties que celui-ci renfermait l’obligation faite à la société M) S.A. de payer des commissions sur 1 P.ex. Cass. 4 avril 2019, numéro CAS-2018-00024 du registre.

2 Cass. 2 mai 2019, numéro CAS-2018-00030 du registre ; Cass. 9 novembre 2017, numéro 3862 du registre.

vente à son salarié, interprétation et appréciation qui relèvent du pouvoir souverain des juges du fond et qui échappent au contrôle de Votre Cour.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen est divisé en deux branches. Il est tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon encore de la fausse interprétation de l’article 1315 du Code civil.

Aux termes de ce moyen, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir déclaré la demande de F) fondée, alors que, selon la demanderesse en cassation, F) serait resté en défaut de prouver qu’il pouvait prétendre au paiement de commissions (première branche) et quel était le taux et les montants à prendre en considération pour le calcul de ces commissions (deuxième branche).

Ce moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches, puisque, sous le couvert de la violation de la disposition légale y visée, il ne tend qu’à remettre en cause, d’une part, l’appréciation par les juges du fond des éléments de preuve3, en ce qu’ils ont considéré que F) avait établi, en vertu de la convention conclue entre parties, qu’il pouvait prétendre au paiement de commissions sur vente, et, d’autre part, l’appréciation, par ces mêmes juges, de l’évaluation du préjudice4 subi par F) et donc du montant de l’indemnisation à allouer du fait de la violation par la société M) S.A. de l’obligation contractée par celle-ci de payer des commissions sur vente à son salarié, appréciations qui relèvent du pouvoir souverain des juges du fond et qui échappent au contrôle de Votre Cour.

Bien que non repris formellement dans l’énoncé du moyen, dans les développements consacrés au moyen, la partie demanderesse en cassation fait encore grief aux juges d’appel d’avoir opéré un renversement de la charge de la preuve à son détriment en considérant qu’elle était restée en défaut de verser des pièces pour corroborer ses contestations quant au pourcentage invoqué par F) au titre du chiffre d’affaires généré par lui et quant aux montants pris en compte par ce-dernier pour le calcul des commissions sur vente. Ce faisant, les juges d’appel auraient violé la disposition légale reprise au moyen qui veut que celui qui réclame l’exécution doit la prouver.

3 P.ex. Cass. 31 janvier 2019, numéro 4085 du registre.

4 Cass. fr. com, 31 janvier 2012, n° 11-11700 ; Cass. fr. com, 10 juillet 2012, n° 11-20-367.

Il est rappelé que si l’appréciation de la preuve relève du pouvoir souverain des juges du fond, il en va autrement du respect des règles sur la charge de la preuve sur lequel Votre Cour exerce son contrôle5.

Or, en l’espèce, les juges d’appel n’ont pas opéré un renversement de la charge de la preuve, mais ont considéré, en vertu de leur pouvoir souverain d’interprétation des conventions et d’appréciation des éléments de preuve, que le contrat conclu entre parties comportait l’obligation faite à la société M) S.A. de verser à F) des commissions sur vente, que F) avait donc établi que son ancien employeur lui était redevable de commissions sur vente, et ensuite, après avoir constaté que la société M) S.A. avait violé cette obligation contractuelle et rappelé que, conformément à l’article 1142 du Code civil, l’inexécution d’une obligation de faire se résout en dommages et intérêts lorsque cette inexécution cause un dommage à l’une des parties au contrat, ils ont, en vertu de leur pouvoir souverain en matière d’évaluation du préjudice, fixé le montant de l’indemnisation à attribuer à F) à un montant forfaitaire déterminé ex aequo et bono.

Il en suit, que vu sous cet angle, le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est libellé comme suit :

« tiré de la contravention à la loi, in specie de la contravention à l’article 89 de la Constitution, en ce que, après avoir constaté que (sic) « C’est à bon droit que le tribunal a retenu, sur base de l’article 1315 du Code civil, qu’il appartient à F) de prouver qu’il pouvait prétendre au paiement des commissions ainsi que le taux de celles-ci sur base d’un avenant entre parties », les juges d’appel, en l’absence d’une quelconque preuve rapportée par Monsieur F) quant au principe et au montant des commissions, considèrent que « (…) l’obligation pour l’employeur de verser au salarié des commissions est établie (…) » et que la société resterait en défaut de corroborer ses contestations quant aux pourcentage et montants pris en compte par Monsieur F) pour son calcul, alors qu’aux termes de l’article 89 de la Constitution, tout jugement doit être motivé et que deux motifs qui se contredisent s’excluent et annulent mutuellement, lorsque cette 5 BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 64.131 ; Cass. 18 juin 2015, numéro 3493 du registre ; Cass.

8 décembre 2016, numéro 3713 du registre (cassation) ; Cass. 9 mars 2017, numéro 3760 du registre ; Cass. 05 juillet 2018, numéro 4001 du registre.

contradiction constitue une réelle incompatibilité entre les deux motifs, ce qui est le cas en l’occurrence, de sorte que, quant à la question de savoir si la demande de Monsieur F) tendant au paiement des commissions est fondée, l’arrêt entrepris est à déclarer comme non motivé au sens de l’article 89 de la Constitution et est partant à annuler pour contravention à cette disposition constitutionnelle. » A titre principal, il est relevé que la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose en son article 10, alinéa 2 que sous peine d’irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Or, il est constaté qu’en l’espèce, le moyen articule deux griefs distincts, à savoir, d’une part, le grief de la contradiction de motifs tiré de la violation de la disposition légale visée au moyen, mais encore, d’autre part, le grief de l’appréciation erronée des éléments de preuve, en ce qu’il est reproché aux juges d’appel, « en l’absence d’une quelconque preuve rapportée par Monsieur F) quant au principe et au montant des commissions » d’avoir considéré que « (…) l’obligation pour l’employeur de verser au salarié des commissions est établie (…) ».

S’il est exact que seul le premier grief constitue un cas d’ouverture à cassation, au contraire du second, et que strictu sensu l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 ne sanctionne d’irrecevabilité que le moyen qui met en œuvre plus d’un « cas d’ouverture », sans qu’il ne soit fait référence à la notion de « grief », la doctrine française considère que la disposition de l’article 978, alinéa 2 du Code de procédure civile français qui, à l’instar de l’article 10, alinéa 2 de la loi modifiée du 18 février 1885, frappe d’irrecevabilité le moyen ou l’élément de moyen qui met en œuvre plus d’un « cas d’ouverture », est à comprendre dans le sens que le demandeur en cassation ne doit invoquer qu’un seul grief par branche de moyen et qu’il est obligé de faire autant de branches que de griefs. Le cas d’ouverture est ainsi identifié au grief6. Cette analyse a été adoptée par Votre Cour7.

Il en suit que deux griefs étant simultanément soulevés dans un même moyen, celui-ci est irrecevable.

A titre subsidiaire, à bien comprendre la demanderesse en cassation, la contradiction de motifs concernerait la charge de la preuve, en ce que la Cour d’appel aurait retenu, d’une part, que la charge de la preuve quant aux commissions dues et à leur taux incombait au 6 BORÉ, précité, n° 81.84 ;

7 Cass. 24 juin 2011, n° 2859 du registre.

salarié et, d’autre part, que la charge de la preuve quant au montant de ces mêmes commissions incombait à l’employeur.

Il est rappelé que la contradiction de motifs ne vicie la décision entreprise que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité8.

En l’espèce, l’arrêt entrepris ne contient pas de motifs contradictoires.

En effet, en ce qui concerne le principe même de l’obligation pour la société M) S.A. de payer à F) des commissions sur vente, les juges d’appel ont considéré que le contrat conclu entre parties « formalise l’engagement, l’obligation par l’employeur de payer des commissions à son salarié » et qu’ « il suit des considérations qui précèdent que l’obligation pour l’employeur de verser au salarié des commissions est établie » et, en ce qui concerne le montant des commissions dues au salarié, ils ont considéré certes que l’employeur contestait le montant des commissions réclamées par son ancien salarié et ne versait pas de pièces à l’appui de ces contestations, mais aussi « qu’en raison du fait que l’employeur n’a pas signé l’avenant litigieux et s’est donc, à tort, abstenu de payer au salarié son dû, ce dernier a subi un manque à gagner en relation directe avec cette négligence, manque à gagner non négligeable dans la mesure où les délégués commerciaux touchent à côté de leur salaire fixe qui en l’espèce est modeste, une partie variable de salaire qui est en principe conséquente » et qu’ « au vu des pièces versées en cause par F), il y a lieu de fixer ex aequo et bono » le montant de l’indemnisation redue à F).

Les juges d’appel ont ainsi formellement justifié, par des motifs exempts de contradiction, leur décision de dire que F) avait droit à une indemnisation, qu’ils ont fixée ex aequo et bono, du fait de la violation par la société M) S.A. de son obligation contractuelle des payer des commissions sur vente à son salarié.

Il en suit qu’à titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est libellé comme suit :

« tiré de l’insuffisance des motifs constitutive du manque de base légale au regard de l’article 1315 du Code civil, 8 BORÉ, précité, n° 77.92.

en ce que la Cour d’appel, troisième chambre, a déclaré la demande du défendeur en cassation fondée et alloué à ce dernier des dommages et intérêts à hauteur de 15.000 EUR pour réparer son prétendu manque à gagner, aux motifs que « (…) F) chiffre ces commissions à la somme de 28.679,86 euros qui correspondrait d’après lui à 5% du chiffre d’affaires de 573.597,28 euros qu’il prétend avoir généré pour la période d’engagement allant du mois d’août 2017 au mois de mai 2018, montant détaillé dans le courrier de son mandataire du 18 juin 2018 versé en pièce 3 de la farde de 15 pièces.

L’employeur conteste tant le pourcentage que les montants pris en compte au titre du chiffre d’affaires généré par F), soutenant qu’il s’agirait du chiffre d’affaires global de la société.

Il reste cependant à nouveau en défaut de prouver cette allégation dès lors qu’aucune pièce émanant de l’employeur n’est versée au dossier.

Au vu des pièces versées en cause par F), il y a lieu de fixer ex aequo et bono les dommages et intérêts susceptibles de réparer le manque à gagner subi par F) au montant adéquat de 15.000 euros, soit 15.000 euros sur 10 mois d’engagement ce qui équivaut à 1.500 euros de commissions par mois. », Alors qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, de telle sorte que l’arrêt encourt la cassation. » A titre principal, aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Le moyen, en ce qu’il ne précise pas en quoi la Cour d’appel n’aurait pas suffisamment motivé sa décision, ne suffit pas à la condition de précision requise par la loi.

Il en suit qu’à titre principal, le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, le moyen ne saurait être accueilli puisqu’il ne tend qu’à remettre en question l’appréciation par les juges du fond de l’évaluation du préjudice subi par F), cette appréciation relevant de leur pouvoir souverain et échappant au contrôle de Votre Cour.

A titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé puisqu’en considérant « qu’en raison du fait que l’employeur (…) s’est (…) à tort abstenu de payer au salarié son dû, ce dernier a subi un manque à gagner en relation directe avec cette négligence, manque à gagner non négligeable dans la mesure où les délégués commerciaux touchent à côté de leur salaire fixe qui en l’espèce est modeste, une partie variable de salaire qui est en principe conséquente » et qu’ « au vu des pièces versées en cause par F), il y a lieu de fixer ex aequo et bono les dommages et intérêts susceptibles de réparer le manque à gagner subi par F) au montant adéquat de 15.000 euros, soit 15.000 euros sur 10 mois d’engagement ce qui équivaut à 1.500 euros de commissions par mois », les juges d’appel ont dument justifié, par une motivation exempte d’insuffisance, leur décision d’accorder à F) une indemnisation à hauteur de 15.000 euros.

Il en suit qu’à titre plus subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 132/21
Date de la décision : 04/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-11-04;132.21 ?

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