N° 109 / 2021 du 01.07.2021 Numéro CAS-2020-00092 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier juillet deux mille vingt-et-un.
Composition:
Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, président, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Thierry SCHILTZ, conseiller à la Cour d’appel, Jeannot NIES, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
la société à responsabilité limitée A), demanderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée NAUTADUTILH AVOCATS LUXEMBOURG, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Antoine LANIEZ, avocat à la Cour, et:
la société privée à responsabilité limitée de droit anglais R), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître François KREMER, avocat à la Cour.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 99/18, rendu le 13 juillet 2018 sous le numéro 44682 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu l’arrêt attaqué, numéro 116/20, rendu le 21 juillet 2020 sous le numéro 44682 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 6 août 2020 par la société à responsabilité limitée A) (ci-après « la société A) ») à la société privée à responsabilité limitée de droit anglais R) (ci-après « la société R) »), déposé le 13 août 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 2 octobre 2020 par la société R) à la société A), déposé le 6 octobre 2020 au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;
Sur les faits Selon les arrêts attaqués, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait déclaré fondée, sur base du principe de la facture acceptée prévu à l’article 109 du Code de commerce, la demande dirigée par la société R) contre la société A) en paiement de deux factures pour prestations de conseil en gestion.
La Cour d’appel a, par un premier arrêt du 13 juillet 2018, annulé le jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire, dit qu’en vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit règlement Rome I, l’article 109 du Code de commerce était applicable au litige et renvoyé l’affaire devant le magistrat de la mise en état. Par un second arrêt du 21 juillet 2020, la Cour d’appel a appliqué l’article 109 du Code de commerce tout en retenant que pour les contrats commerciaux autres que le contrat de vente la facture acceptée n’engendre qu’une présomption de l’homme de l’existence de la créance, le juge étant libre d’admettre ou de refuser l’acceptation de la facture comme présomption suffisante de l’existence de la créance affirmée, et a dit la demande fondée.
Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « 1. Tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 18 du Règlement n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ("Règlement Rome I") aux termes duquel:
.
en ce que la Cour dans son arrêt n°99/18 IV COM du 13 juillet 2018 a jugé que en ce qu'il relève de l'admissibilité des preuves et est soumis à la loi du for;
en ce que la Cour dans son arrêt n°116/20 du 21 juillet 2020 a appliqué les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel n°99/18 IV COM du 13 juillet 2018 ;
en ce que la Cour, dans son arrêt n°116/20 du 21 juillet 2020 a déclaré que .
au motif que ;
que ;
alors que l'article 109 du Code de commerce est en réalité à considérer comme formant une question de charge de la preuve, soumise au droit choisi par les parties (Lex Contractus).
2. En effet, et ainsi que jugé par la Cour d'appel (Cour d'appel 3 février 2016), l'article 109 du Code de commerce introduit une présomption légale, qui traduit une règle de répartition de charge de la preuve (et non une règle d'admissibilité de la preuve).
Telle règle est donc soumise à l'article 18 (1) du Règlement Rome I, et donc à la loi choisie par les parties, qui est en l'espèce différente de celle du for.
Par son arrêt n°99/18 IV COM du 13 juillet 2018 et son arrêt n°116/20 du 21 juillet 2020, la Cour d'appel a par conséquent violé, sinon fait une fausse application, sinon une fausse interprétation de l'article 18 du Règlement en ce que l'article 109 du Code de commerce n'est pas soumis aux dispositions de l'alinéa 2 dudit article mais bien aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 18 du Règlement Rome I. ».
Réponse de la Cour Le paragraphe 1 de l’article 18 du règlement Rome I soumet les présomptions légales et la répartition de la charge de la preuve à la loi du contrat, tandis que le paragraphe 2 dudit règlement soumet l’admissibilité des modes de preuve soit à la loi du for, soit à l'une des lois visées à l'article 11, selon laquelle l'acte est valable quant à la forme, pour autant que la preuve puisse être administrée selon ce mode devant la juridiction saisie.
En retenant qu’en rapport avec un contrat commercial autre que la vente l’acceptation de la facture prévue par l’article 109 du Code de commerce n’engendre qu’une présomption de l’homme de l’existence de la créance alléguée et qu’elle a, en tant que telle, trait à l’admissibilité du mode de preuve régie par l’article 18, paragraphe 2, du règlement Rome I, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Lotty PRUSSEN en présence du procureur général d’Etat adjoint Jeannot NIES et du greffier Daniel SCHROEDER.
PARQUET GENERAL Luxembourg, 4 février 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
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Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société à responsabilité limitée A) c/ société de droit anglais R) (affaire n° CAS-2020-00092 du registre) Le pourvoi de la partie demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 18 août 2020 d’un mémoire en cassation, signifié le 6 août 2020 à la partie défenderesse en cassation, est dirigé contre un arrêt numéro 99/18 IV-COM rendu contradictoirement en date du 13 juillet 2018 ainsi qu’un arrêt numéro 116/20 IV-COM contradictoirement rendu en date du 21 juillet 2020, les deux arrêts sous le numéro 44682 du rôle, par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre deux arrêts.
Le premier arrêt, n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018, avait dit que l’article 109 du Code de commerce est applicable au litige et renvoyé l’affaire pour instruction additionnelle devant le magistrat de la mise en état. Il s’agissait donc d’un arrêt avant-dire-droit.
Le second arrêt, n° 116/20 IV-COM du 21 juillet 2020, vida l’arrêt précité en tranchant tout le principal.
L’article 3, alinéas 2 et 3, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose que :
« Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal.
Il en est de même lorsque l’arrêt ou le jugement rendu en dernier ressort qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure met fin à l’instance. ».
Il en résulte que le pourvoi en cassation n’est, en principe, ouvert que contre les décisions rendues en dernier ressort qui tranchent tout le principal et, à cette occasion, par la voie d’un pourvoi différé, contre les décisions avant-dire-droit rendues en dernier ressort dans le cadre de la même instance1.
Par exception, un pourvoi est immédiatement recevable contre des décisions avant-dire-droit lorsque et dans la mesure où elles tranchent une partie du principal ou mettent fin à l’instance en statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident de procédure.
Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation française le pourvoi immédiat qui, à s’en référer à la loi2, « peut » être formé, doit l’être, de sorte que le pourvoi différé est irrecevable3.
A vouloir admettre cette solution, il y a lieu de vérifier à l’occasion de chaque pourvoi différé si la décision attaquée n’aurait pas pu l’être par un pourvoi immédiat, à défaut de quoi le pourvoi différé est irrecevable.
Dans le cas d’espèce, vous avez déjà tranché cette question. En effet, l’arrêt avant-dire-droit n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018 avait été attaqué par la demanderesse en cassation par un pourvoi immédiat, que vous avez déclaré irrecevable au motif que l’arrêt n’a, dans son dispositif, ni tranché tout le principal, ni tranché une partie du principal, ni, en statuant sur un incident de procédure, mis fin à l’instance4. L’arrêt est donc susceptible de faire l’objet d’un pourvoi différé.
La circonstance que l’arrêt précité a déjà été attaqué par un pourvoi n’est pas de nature à remettre en cause la recevabilité du présent pourvoi, pour autant qu’il est dirigé contre cet arrêt.
L’alinéa 4 de l’article 3 de la loi précitée de 1885 dispose, en effet, que l’interdiction de réitérer le pourvoi, donc d’attaquer un même arrêt successivement par deux pourvois, ne s’applique pas « si le premier pourvoi a été prématuré au sens des alinéas 2 et 3 ».
Il en suit que les deux décisions attaquées, dont la première est une décision contradictoire rendue en dernier ressort qui n’était pas susceptible de faire l’objet d’un pourvoi immédiat et la seconde une décision contradictoire rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi.
1 Cette solution, qui résulte implicitement des alinéas précités de l’article 3 de la loi de 1885, est énoncée en France de façon explicite, partant d’une façon plus satisfaisante au regard du principe de la sécurité juridique, par la loi, en l’occurrence par l’article 608 du Code de procédure civile, qui dispose que « Hors les cas spécifiés par la loi, les autres jugements en dernier ressort ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond. Le pourvoi peut être formé par le demandeur dans le délai de remise au greffe du mémoire afférent au pourvoi dirigé contre le jugement sur le fond. ».
2 Voir les articles 606 et 607 du Code de procédure civile français, qui sont similaires aux alinéas 2 et 3 de l’article 3 de la loi de 1885.
3 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dal oz, 5e édition, 2015, n° 34.23, voir page 111, colonne de gauche, deuxième alinéa et la jurisprudence y citée.
4 Cour de cassation, 16 janvier 2020, n° 10/2020, numéro CAS-2018-00100 du registre.
Le pourvoi est par ailleurs recevable en ce qui concerne le délai5 et la forme6.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisi par société de droit anglais R) d’une demande en paiement de deux factures, basée sur l’article 109 du Code de commerce, dirigée contre la société à responsabilité limitée A), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait déclaré la demande fondée. Sur appel de la défenderesse, la Cour d’appel, dans un premier arrêt, annulait le jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire et disait que l’article précité était applicable au litige et renvoyait l’affaire devant le magistrat de la mise en état. Dans un second arrêt, elle dit la demande fondée.
Sur l’unique moyen de cassation L’unique moyen est tiré de la violation de l’article 18 du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (ci-après « le règlement Rome I »)7, en ce que la Cour d’appel a décidé, dans son arrêt n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018, que l’article 109 du Code de commerce invoqué par la défenderesse en cassation pour prouver sa créance à l’égard de la demanderesse en cassation est applicable au litige parce qu’il est relatif aux modes de preuve, de sorte que la preuve de la créance par l’acceptation de la facture relève de l’admissibilité des preuves des actes juridiques, qui, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement Rome I, est soumise à la loi du for et, dans son arrêt n° 116/20 IV-COM du 21 juillet 2020, que l’acceptation des factures invoquées en l’espèce, relatives à un contrat commercial autre qu’un contrat de vente, est à considérer dans les circonstances de l’espèce comme présomption de l’homme de l’existence de la créance, de sorte que la demande est fondée, alors que l’article 109 du Code du commerce constitue une présomption légale ayant pour objet de répartir la charge de la preuve, de sorte qu’il réglemente une question qui, au regard du paragraphe 1 de l’article 18 du règlement Rome I, relève de la loi régissant l’obligation contractuelle et qui est étrangère à celle de l’admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, soumise par le paragraphe 2 de l’article 18 du règlement précité à la loi du for.
L’article 109 du Code de commerce, constituant le Titre VII du Livre I de ce dernier, intitulé « des achats et ventes », dispose que :
« Art. 109. Les achats et ventes se constatent :
[…] 5 Il ne résulte pas de pièces auxquel es vous pouvez avoir égard que l’arrêt attaqué ait été signifié à la demanderesse en cassation, de sorte que le délai du pourvoi, de deux mois, prévu par l’article 7, alinéa 1, de la loi précitée de 1885, la demanderesse en cassation demeurant au Grand-Duché, qui n’a pas commencé à courir, n’a pas pu être méconnu.
6 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités, imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885, ont été respectées.
7 Journal officiel de l’Union européenne, L 177, du 4.7.2008, page 6.
- par une facture acceptée, […]. ».
Par un arrêt de cassation du 24 janvier 2019, vous avez retenu au sujet de cet article que :
« Vu l’article 109 du Code de commerce ;
Attendu qu’aux termes de cet article, les achats et ventes se constatent par une facture acceptée ;
Attendu que ce texte instaure une présomption légale, irréfragable, de l’existence de la créance affirmée dans la facture acceptée pour le seul contrat de vente ; que pour les autres contrats commerciaux, la facture acceptée n’engendre qu’une présomption simple de l’existence de la créance, le juge étant libre d’admettre ou de refuser l’acceptation de la facture comme présomption suffisante de l’existence de la créance affirmée ;
Attendu qu’en appliquant l’article 109 du Code de commerce au contrat d’entreprise, la Cour d’appel a partant violé la disposition visée au moyen ;
Qu’il en suit que l’arrêt encourt la cassation »8.
Cet article instaure donc une présomption légale et irréfragable de l’existence de la créance affirmée dans la facture acceptée relative à une vente commerciale. En revanche, par rapport aux autres contrats commerciaux l’acceptation de la facture est seulement susceptible d’être prise en considération, de façon facultative selon l’appréciation du juge, comme présomption de l’homme. Cette dernière est régie par l’article 1353 du Code civil, qui dispose que « les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l’acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol ». L’article 109 du Code de commerce se limite à cet égard tout au plus à rappeler l’existence d’un fait que le juge est libre de prendre en considération comme indice au titre de l’article 1353 du Code civil. A prendre l’arrêt à la lettre, l’article 109 du Code de commerce ne s’applique pas aux contrats commerciaux autres que les ventes9.
Cette lecture littérale de l’article 109 du Code de commerce constitue un revirement de jurisprudence, alors que vous aviez retenu dans un arrêt antérieur que :
« [l’article 109 du Code de commerce] a, en effet, une portée générale et s’applique non seulement aux ventes commerciales, mais encore à tous les autres contrats à caractère commercial »10.
Votre solution actuelle est toutefois conforme à la jurisprudence sous l’empire de l’ancien droit belge. Ce dernier avait transféré la substance de l’article 109 du Code de commerce dans un 8 Cour de cassation, 24 janvier 2019, n° 16/2019, numéro 4072 du registre (réponse au premier moyen).
9 Votre Cour a, en effet, cassé l’arrêt attaqué en lui reprochant d’avoir appliqué l’article 109 du Code de commerce à un contrat d’entreprise.
10 Idem, 9 janvier 1985, Pas. 26, page 316.
article 25, alinéa 2, du Code de commerce belge, qui disposait que « les achats et les ventes pourront se prouver au moyen d’une facture acceptée, sans préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale ». Cette disposition était comprise comme impliquant que « la facture acceptée fait preuve du contrat de vente et de ses conditions essentielles (objet de la vente et prix) à l’égard du client commerçant pour des opérations se rapportant à son commerce »11. Il était donc admis que « la facture acceptée a, comme telle, une force probante absolue : une preuve contraire à la facture acceptée « n’est pas concevable ». Le système instauré par l’article 25, alinéa 2, s’analyse en une présomption légale irréfragable déduite de l’acceptation de la facture et cette acceptation constitue un acte unilatéral irrévocable comme tel. »12. Toutefois, « la force probante de la facture [était] limitée aux ventes commerciales »13, motif tiré de ce que « le texte clair de la disposition légale exclu[ai]t toute extension »14. Il en suit que s’agissant des autres contrats commerciaux « il fa[llait] appliquer le droit commun de la preuve en matière commerciale [de sorte que] la facture acceptée ne p[ouvait] dès lors valoir que comme une présomption de l’homme »15, donc n’était susceptible que de constituer « une présomption de l’homme sujette comme telle à la contradiction par toutes voies de droit »16, donc une « présomption selon les règles générales du droit commercial »17.
Le droit belge a toutefois évolué depuis lors dans le sens de votre ancienne solution, antérieure au revirement de 2019. L’article 25 du Code de commerce a été abrogé et remplacé par un article 1348bis nouveau du Code civil belge par une loi du 15 avril 200818, qui comportait un paragraphe 4 disposant que « une facture acceptée par une entreprise a force probante à l’égard de cette entreprise ». La présomption de facture acceptée, initialement limitée aux seules ventes commerciales, a donc été étendue à tous les types de contrats et notamment aux contrats de service19. Cette disposition a finalement été reprise par une loi du 13 avril 2019 qui porta création d’un nouveau Code civil en y insérant, à titre de premier élément, un livre consacré à la preuve20, comportant un article 8.11, disposant dans son paragraphe 4 que « sauf preuve contraire, une facture acceptée par une entreprise ou non contestée dans un délai raisonnable fait preuve contre l’entreprise de l’acte juridique allégué ».
Toujours est-il que le droit luxembourgeois tel qu’il est actuellement interprété par votre jurisprudence circonscrit le champ d’application de la présomption légale déduite de l’article 109 du Code de commerce, conformément au libellé de ce texte, aux seules factures acceptées par les commerçants se rapportant à des contrats de vente. Cet article n’est, en revanche, pas applicable aux autres contrats commerciaux. Donc le fait pour un commerçant d’accepter une facture qui se rapporte à un contrat ayant un objet différent qu’une vente ne constitue pas une présomption légale au titre de cet article. Ce fait peut toutefois, à la discrétion du juge, être pris en considération par ce dernier à titre de présomption de l’homme. Cette présomption ne trouve 11 Pierre VAN OMMESLAGHE, Les obligations, Tome II, Bruxel es, Bruylant, 2013, page 2513, deuxième alinéa ;
Xavier DIEUX, La preuve libre en droit commercial belge, in : La preuve en droit privé : quelques questions spéciales, Bruxel es, Larcier, 2017, pages 7 à 37, voir page 30, dernier alinéa.
12 DIEUX, précité, page 32, deuxième alinéa, citant VAN RYN et HEENEN.
13 Dominique MOUGENOT, Preuve, in : Répertoire notarial, Tome IV, Les obligations, Livre 2, Bruxel es, Larcier, 2012, n° 209, page 297, sous d), et la jurisprudence y citée.
14 DIEUX, précité, page 32, dernier alinéa.
15 VAN OMMESLAGHE, précité, page 2513, dernier alinéa.
16 DIEUX, précité, 32, dernier alinéa.
17 MOUGENOT, op.cit. et loc.cit.
18 Loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises.
19 Florence GEORGE, Le nouveau droit de la preuve – Quand le huitième wagon devient locomotive, Journal des tribunaux, 2019, pages 637 à 657, voir n° 42, page 647, et la référence y faite aux travaux préparatoires.
20 Loi du 13 avril 2019 portant création d’un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve ».
pas sa base légale dans l’article 109 du Code de commerce, mais dans l’article 1353 du Code civil. L’acceptation d’une telle facture par un commerçant est donc, à strictement parler, étrangère au premier de ces articles.
Suivant la nature du contrat auquel se réfère la facture, l’acceptation de celle-ci par le commerçant entraîne, partant, des conséquences radicalement différentes :
- en cas de vente, elle présume, sur base d’une présomption légale fondée sur l’article 109 du Code de commerce, de façon irréfragable l’existence de la créance, - en présence de tout autre contrat, elle se réduit à un simple indice que le juge peut, mais ne doit pas nécessairement, prendre en considération sur base de l’article 1353 du Code civil dans le cadre de la preuve de l’existence de la créance, qui, en matière commerciale, est libre21.
Il y a lieu d’insister dans cet ordre d’idées sur la différence existant entre une présomption légale, telle que celle de l’article 109 du Code de commerce, présumant, en matière de contrats de vente, l’existence de la créance à partir de l’acceptation de la facture par le commerçant, et une présomption de l’homme au sens de l’article 1353 du Code civil, telle que celle par laquelle le juge peut, en matière de contrats commerciaux autres que la vente, décider de déduire l’existence de la créance de l’acceptation de la facture par le commerçant.
L’article 1349 du Code civil définit les présomptions comme « des conséquences que la loi ou le magistrat tiré d’un fait connu à un fait inconnu ».
Cette définition a été critiquée dès l’adoption du Code civil :
« Merlin22, à la suite de nos anciens auteurs, observait qu'il convenait, en réalité, de bien distinguer la « présomption » stricto sensu (qui fait tenir quelque chose pour vrai… sumit pro vero… avant… præ… qu'il n'en ait été fait directement la preuve) de « l'indice » (« marque ou démonstration que la chose a été faite ») ou la « conjoncture » ou bien encore le « signe » (marque sensible d'une chose ; on songe à la maxime : res ipsa loquitur : la chose parle d'elle-même). Après Danty, Merlin déplorait que, « dans notre usage, on confonde la signification de tous ces noms, surtout en matière civile » (Merlin, préc. n° 7, spéc. p. 678, col. 1). Il était donc sans doute trompeur de donner dans l'ancien article 1349, une définition générale regroupant, finalement, un principe général et un mode de preuve. »23 La présomption légale « est l’œuvre du législateur […], lequel établit, à partir d’un fait connu (ou notoire), une présomption de fait qu’il généralise et systématise, de telle sorte que, postérieurement, le fait inconnu doit être tiré du fait connu par le juge, sur ordre de la loi »24.
Les présomptions légales « constituent des dispenses de preuve ou plutôt des allégements ou 21 Jurisclasseur Civil, Art. 1382, Fascicule unique : Preuve des obligations – Modes de preuve – Preuve par présomption judiciaire, par Didier GUEVEL, mars 2018, n° 23.
22 Philippe-Antoine MERLIN, dit Merlin de Douai (1754-1838), Procureur général près de la Cour de cassation française à l’époque de l’Empire et auteur d’ouvrages de droit.
23 Jurisclasseur Civil, Art. 1354, Fascicule unique : Preuve des obligations – Présomptions légales, par Didier GUEVEL, septembre 2017, n° 8.
24 Idem, n° 22.
des déplacements de l’objet de la preuve »25. « En simplifiant, l’on pourrait dire, que la présomption légale est (ou est présumée être…) une règle de droit probatoire (de renversement de la charge de la preuve) généralisant à tout litige ce qui n’était peut-être au départ qu’un présomption du fait de l’homme (d’aide du juge dans l’appréciation de la preuve) »26. Selon BARTIN, « les présomptions légales ne sont donc que des hypothèses où le procédé logique du déplacement de la preuve a été généralisé et systématisé par la loi »27. Pour qu’il y ait véritablement présomption légale, « il faut que le législateur ait prévu deux faits distincts, la preuve de l’un servant de preuve à l’autre »28.
La présomption légale peut être simple, irréfragable ou mixte. Elle est simple si elle peut être renversée par tous les moyens de preuve que la loi autorise29, « notamment par la preuve indiciaire, la présomption du fait de l’homme […] réduisant à néant, dans une espèce donnée, la présomption légale »30. Elle est irréfragable lorsqu’elle ne peut pas être renversée31. Elle est mixte lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l’objet sur lequel elle peut être renversée32. Il s’agit donc de présomptions qui « ne tolèrent que certaines preuves contraires »33.
A la présomption légale s’oppose la présomption de l’homme, actuellement qualifiée en droit français de présomption judiciaire34. Elle vise le cas dans lequel « c’est le juge qui, ayant usé de ses propres « lumières » (comme [dit l’]article 1353), tire lui-même le fait inconnu du fait connu »35. Il est fréquemment fait recours au « terme d’« indice » pour désigner ce type de présomption, même si, stricto sensu, l’indice n’est que l’élément initial qui permet au juge de raisonner par présomption »36. La présomption de l’homme « est un véritable mode de preuve »37, ce qui explique que l’article qui la définit a été placé, dans le cadre de la récente 25 Idem, n° 23.
26 Idem, n° 24.
27 Idem, n° 41, citant Ch. AUBRY et Ch. RAU par Etienne BARTIN, Cours de droit civil français, Paris, 5e édition, 1917, tome XII, § 749, note 10bis.
28 Idem, n° 44.
29 Idem, n° 52. Cette solution a été formel ement consacrée par l’article 1354 du Code civil français, tel qu’il a été modifié par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : « La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel el e existe d’en rapporter la preuve. El e est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ; el e est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels el e peut être renversée ou l’objet sur lequel el e peut être renversée ; el e est dite irréfragable lorsqu’el e ne peut être renversée. ».
30 Idem et loc.cit., se référant à BARTIN, précité, § 750, note 6.
31 Idem, n° 80. Cette solution a été formel ement consacrée par l’article 1354, nouveau, du Code civil français, précité.
32 Idem, n° 64. Cette solution a également été formel ement consacrée par l’article 1354, nouveau, du Code civil français.
33 Idem, et loc.cit.
34 Article 1382 du Code civil français tel qu’il a été introduit par l’ordonnance précitée n° 2016-131 : « Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si el es sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen » (qui reprend, en substance, l’ancien article 1353 du Code civil).
35 Jurisclasseur Civil, Art. 1354, précité, par Didier GUEVEL, n° 20.
36 Idem et loc.cit.
37 Idem, n° 21.
réforme française du droit des obligations de 201638, dans une section du chapitre du Code civil intitulé « Les différents modes de preuve »39.
La présomption de l’homme est « le fait du juge »40. Celui-ci, « en effet, interprète un indice qui lui a été soumis par l’un des plaideurs, afin d’en déduire l’existence du fait contesté par l’autre plaideur. Une présomption judiciaire ne prend dès lors sa valeur que par l’interprétation et l’usage qu’en fait le juge. De plus, la présomption judiciaire ne repose que sur le bien ou le mal-jugé du magistrat. Elle constitue donc, non point une dispense de preuve comme la présomption légale, mais un mode de preuve d’un fait précis, dans une instance déterminée, mode de preuve fondé sur la force de conviction que ce raisonnement entraîne dans l’esprit du juge saisi. »41. Contrairement à la présomption légale, elle « ne déplace pas la charge de la preuve »42.
La présomption légale présente un lien avec le fond du droit qui a été jugé suffisant « pour que, dans la théorie des conflits de lois dans l’espace, ces présomptions soient régies par la loi gouvernant le fond du rapport de droit, alors que la présomption [de l’homme, appelée dorénavant en France de présomption] judiciaire est régie par la loi du for, notamment celle de leur admissibilité »43.
Il est constant en cause que les factures litigieuses ont été émises dans le cadre d’un contrat d’entreprise44. La Cour d’appel en a déduit à juste titre, en se référant à l’arrêt précité de la Cour de cassation du 24 janvier 2019, que l’acceptation des factures n’était pas susceptible de donner lieu à l’application de la présomption légale de l’article 109 du Code de commerce, mais pouvait tout au plus être prise en considération, suivant l’appréciation du juge, comme présomption de l’homme au sens de l’article 1353 du Code civil45.
C’est sur base de ces éléments qu’il y a lieu d’apprécier l’applicabilité de l’article 18 du règlement Rome I, qui forme l’objet du moyen.
Ce règlement « remplace, entre les Etats membres [de l’Union européenne], la convention de Rome [du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles46] »47 pour ce qui est des « contrats conclus après le 17 décembre 2009 »48.
38 Cette réforme a été opérée, comme rappelé ci-avant, par l’ordonnance précitée n° 2016-131.
39 Jurisclasseur Civil, Art. 1354, précité, par Didier GUEVEL, n° 21.
40 Jurisclasseur Civil, Art. 1382, précité, par Didier GUEVEL, n° 12.
41 Idem et loc.cit.
42 Idem, n° 13.
43 Jurisclasseur Civil, Art. 1354, précité, n° 43, par Didier GUEVEL, citant BARTIN, précité, § 750, note 1bis.
44 Arrêt attaqué n° 116/20 IV-COM du 21 juil et 2020, page 2, premier alinéa.
45 Idem, page 8, quatrième alinéa.
46 Qui a été approuvée au Luxembourg par une loi du 27 mars 1986 (Mémorial, A, 1986, n° 29, page 1145). Voir également : la loi du 26 novembre 1996 portant approbation de la Convention signée à Funchal, le 18 mai 1992, relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République Portugaise à la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuel es, ouverte à la signature à Rome, le 19 juin 1980 (Mémorial, A, 1996, n° 86, page 2460) et la loi du 20 décembre 1999 portant approbation de la Convention, signée à Bruxel es, le 29 novembre 1996, relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuel es, ouverte à la signature à Rome, le 19 juin 1980, ainsi qu’aux premier et deuxième Protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice (Mémorial, A, 1999, n° 150, page 2938).
47 Article 24, paragraphe 1, du règlement Rome I.
48 Article 28 du règlement précité.
Le règlement et la Convention « établissent ensemble un régime complet de règles de conflit de lois dans le domaine des obligations qui remplace les règles de conflit de lois correspondantes des Etats membres »49.
Le règlement reprend très largement les dispositions de la Convention, de sorte que le Rapport explicatif de celle-ci garde de ce point de vue toute sa pertinence50.
La Convention et le règlement ne s’appliquent pas « à la preuve et à la procédure, sous réserve de l’article 14 [de la Convention et 18 du règlement] »51. En effet, « Dès lors qu’il était décidé de ne pas lier l’interprète, par une disposition générale soumettant la preuve à la loi du for, sur les questions non tranchées par la convention, comme par exemple l’obtention des preuves à l’étranger ou la force probante des actes juridiques. Afin que nul doute ne subsiste sur la liberté que conservent les Etats sur les questions de preuve non tranchées par la convention, l’article 1er, paragraphe 2, sous h), exclut du domaine de la convention la preuve et la procédure, sous réserve de l’article 14. »52.
L’article 18 du règlement, reprenant l’article 14 de la Convention, dispose que :
« Article 18. Charge de la preuve 1. La loi régissant l’obligation contractuelle en vertu du présent règlement s’applique dans la mesure où, en matière d’obligations contractuelles, elle établit des présomptions légales ou répartit la charge de la preuve.
2. Les actes juridiques peuvent être prouvés par tout mode de preuve admis soit par la loi du for, soit l’une des lois visées à l’article 11, selon laquelle l’acte est valable quant à la forme, pour autant que la preuve puisse être administrée selon ce mode devant la juridiction saisie. ».
Il en suit que « deux grandes questions ont été réglées, qui font chacune l’objet d’un paragraphe distinct. Il s’agit de l’objet et de la charge de la preuve, d’une part, de l’admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, d’autre part »53.
S’agissant du paragraphe 1, relatif à l’application de la loi du contrat aux dispositions établissant des présomptions légales ou répartissant la charge de la preuve, le règlement « décide seulement que si la loi du contrat comporte de telles dispositions [relatives aux présomptions légales et à la répartition de la charge de la preuve], propres à la matière des obligations contractuelles, 49 Répertoire Dal oz de droit international, V° Règlement Rome I : obligations contractuel es, par Stéphanie FRANCQ, mars 2013, n° 1.
50 Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuel es, par Mario GIULIANO et Paul LAGARDE (Journal officiel des Communautés européennes, n° C 282 du 31.10.80, pages 1 et suivantes).
51 Article 1, paragraphe 2, sous h), de la Convention. Le règlement comporte une disposition similaire dans son article 1, paragraphe 3.
52 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 35, sous Article 14, deuxième alinéa.
53 Idem, même page, sous Article 14, troisième alinéa.
celles-ci devront être appliquées avec [la loi du contrat] »54 . Il régit donc « des dispositions relatives à la preuve [qui] sont indissolublement liées au fond »55.
En ce qui concerne les présomptions légales visées par le paragraphe 1, il s’agit de « présomptions légales [qui], en dispensant de toute preuve celui au profit duquel elles existent, sont en réalité des règles de fond qui, en matière contractuelle, contribuent à préciser les obligations des parties et ne peuvent donc être dissociées de la loi qui régit le contrat »56. Ces présomptions « doivent être spécifiques à la catégorie des contrats »57. Les présomptions visées « sont [donc] celles édictées en matière d’obligations contractuelles exclusivement. Seules ces présomptions liées au fond du droit des contrats sont soumises à la loi du contrat, en raison du lien existant entre le fond et la présomption. Ceci a pour résultat d’écarter les présomptions découlant de l’attitude d’une partie lors de la procédure (soit son défaut qui peut être regardé comme une reconnaissance du bien-fondé de la demande, soit encore le refus de se soumettre à une mesure d’instruction, telle en droit français, la comparution personnelle). »58.
Il importe peu que les présomptions légales soient irréfragables ou simples. En effet, « les présomptions irréfragables sont certainement tout à fait indissociables du fond du contrat.
Quant aux présomptions simples qui ne font que modifier le fardeau de la preuve, elles sont aussi très proches de véritables règles de fond et « touchent trop directement aux intérêts des parties pour ne pas être régies par la loi gouvernant la substance de leurs droits » »59.
Un exemple de présomption légale ainsi visée est l’article 1731 du Code civil français ou luxembourgeois, qui dispose que « s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire »60.
En ce qui concerne les règles répartissant la charge de la preuve visées par le paragraphe 1, celles-ci n’englobent pas toutes les règles ayant cet objet. En effet, « la charge de la preuve n’est pas soumise globalement à la loi du contrat. Elle ne lui est soumise que dans la mesure où la loi du contrat répartit celle-ci en matière d’obligations contractuelles, c’est-à-dire dans la mesure seulement où les règles relatives à la charge de la preuve sont effectivement des règles de fond. »61.
Un exemple en est l’article 1147 ancien du Code civil français62 et actuel du Code civil luxembourgeois, suivant lequel le débiteur qui n’a pas exécuté son obligation est condamné à 54 Répertoire Dal oz de droit international, V° Contrats, par Jean-Michel JACQUET, décembre 1998, n° 260 (s’exprimant au sujet de l’article 14 de la Convention de Rome, identique à l’article 18 du règlement Rome I).
55 Idem et loc.cit.
56 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 35, colonne de droite, sous A, donc dernier alinéa.
57 Répertoire Dal oz de droit international, V° Preuve, par Thierry VIGNAL, septembre 1999, n° 15.
58 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-60: Contrats internationaux – Domaine de la loi du contrat – Conclusion et existence – Validité au fond – Forme et preuve – Sanctions, par Muriel SANTA-CROCE, mars 2008, n° 92.
59 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-15 : Convention de Rome du 19 juin 1980 et règlement « Rome I » du 17 juin 2008 – Détermination de la loi applicable – Domaine de la loi applicable, par Hélène GAUDEMET-
TALLON, mars 2020, n° 141, citant Henri BATTIFOL.
60 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 35, colonne de droite, sous A, donc dernier alinéa.
61 Idem, page 36, colonne de gauche, antépénultième alinéa.
62 Dans le cadre de la réforme du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 l’article 1147 du Code civil a été abrogé en France et remplacé par un article 1231-1 du Code civil, disposant que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de des dommages-intérêts « toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ». « Ce texte répartit la charge de la preuve entre parties. Le créancier doit prouver l’inexécution de l’obligation, le débiteur doit prouver que cette inexécution est due à une cause étrangère. Mais en répartissant cette charge, le texte précise les obligations du débiteur sur un point capital, puisque le débiteur est tenu à des dommages-intérêts même lorsque l’inexécution n’est pas due à une faute prouvée de sa part.
La règle est donc bien une règle de fond qui ne peut dépendre que de la loi du contrat. »63.
En revanche, « certaines législations connaissent des règles relatives à la charge de la preuve, qualifiées même parfois de présomptions légales, qui se rattachent de toute évidence au droit procédural et qu’il serait erroné de rattacher à la loi du contrat. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de la règle qui, en cas de défaut d’une partie, présume fondée l’allégation de la partie qui comparaît, ou encore celle qui présume que le silence gardé par une partie au procès sur les faits allégués par l’autre partie vaut accord sur leur existence. »64. Or, « de telles règles ne sont pas établies en matière d’obligations contractuelles et ne tombent donc pas sous la règle de conflit établie par l’article [18], paragraphe 1 »65. Une telle règle est « une simple règle procédurale : elle sera alors régie par la lex fori »66.
Une règle instituant une présomption légale répartit aussi la charge de la preuve. « Les deux questions sont intimement liées lorsque la loi a établi des présomptions. La présomption dispense celui qui l’invoque de rapporter la preuve. C’est à son adversaire qu’incombe la charge de combattre la présomption, si toutefois celle-ci n’est pas irréfragable. Donc, dans le mécanisme même du droit de la preuve, l’existence d’une présomption, sa force et la charge de la preuve, sont liées »67. En effet « la présomption a pour effet de modifier plus ou moins profondément la charge de la preuve »68.
S’agissant du paragraphe 2 de l’article 18, relatif à l’admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, vise l’admissibilité de modes de preuve tels que la preuve par témoins, le serment, la commune renommée ou la preuve par inscription sur un registre public69. « Le texte consacre l’application alternative de la loi du for et de celle qui régit la forme de l’acte. Cette solution libérale, très favorable à la preuve de l’acte, [était] déjà [antérieurement à l’adoption de la Convention de Rome] admise en France et dans les pays du Benelux. Elle paraît être la seule qui puisse concilier les exigences de la loi du for et le souci de respecter les prévisions légitimes des parties lors de la conclusion de leur acte. »70.
La question de l’admissibilité des modes de preuve, régie par l’article 18, paragraphe 2, du règlement Rome I, est à distinguer de celle, non régie par ce règlement, de l’administration de la preuve, qui relève traditionnellement de la loi du for71.
l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».
63 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 36, colonne de gauche, deuxième alinéa.
64 Idem, même page, même colonne, avant-dernier alinéa.
65 Idem, même page, même colonne, dernier alinéa.
66 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-15, précité, par Hélène GAUDEMET-TALLON, n° 142.
67 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-60, précité, par Muriel SANTA-CROCE, n° 92.
68 Idem, n° 94.
69 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 36, colonne de droite, troisième et quatrième (et avant-dernier) alinéas.
70 Idem, même page, même colonne, deuxième alinéa.
71 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-15, précité, par Hélène GAUDEMET-TALLON, n° 143.
Les questions, régies par le règlement, de la loi applicable aux présomptions légales, à la répartition de la charge de la preuve en matière d’obligations contractuelles et à l’admissibilité des modes de preuve des actes juridiques, se distinguent de celle de la loi applicable à la force probante des actes juridiques : « Aucune disposition [du règlement] ne concerne la force probante des actes juridiques »72. Ainsi, par exemple, « la question de savoir la mesure dans laquelle un document écrit fait preuve suffisante des obligations qu’il comporte et la question des modes de preuve admis outre ou contre le contenu d’un tel document, selon la vieille terminologie du code Napoléon (article 1341) » n’est pas régie par le règlement73. Il est traditionnellement considéré qu’elle relève de la loi du for74.
Sur base de ces principes, la présomption légale de l’article 109 du Code de commerce, par l’effet de laquelle la preuve de l’existence de la créance opposée à un commerçant est déduite de l’acceptation par ce dernier de la facture qui s’y rapporte, constitue, comme l’a soutenu à juste titre l’avocat général Monsieur Marc SCHILTZ dans ses conclusions du 12 juillet 201975 relatives au pourvoi immédiat qui avait été formé par la demanderesse en cassation contre l’arrêt n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018, déclaré irrecevable par votre arrêt n° 10/2020, numéro CAS-2018-00100 du registre du 16 janvier 2020, une loi en matière d’obligations contractuelles établissant une présomption légale et répartissant la charge de la preuve au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement Rome I.
Il s’agit, en effet, d’une présomption légale, « dispensant de toute preuve celui au profit duquel elle[…] existe[…] »76, donc « modifi[ant] […] la charge de la preuve »77, la présomption légale étant « spécifique[…] à la catégorie des contrats »78, donc ayant été « édictée[…] en matière d’obligations contractuelles »79, en l’occurrence en matière de contrats commerciaux de vente, de sorte qu’elle est « en réalité [une] règle[…] de fond »80.
L’article 109 du Code de commerce constitue donc une loi qui « en matière d’obligations contractuelles […] établit des présomptions légales [et] répartit la charge de la preuve »81. Son application relève dès lors de « la loi régissant l’obligation contractuelle »82.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que la facture constitue également un mode de preuve et que l’article 109 du Code de commerce, en présumant l’existence de la créance à partir de l’acceptation de la facture, s’exprime aussi sur l’admissibilité de ce mode de preuve. Cet aspect est, en effet, purement accessoire par rapport à la circonstance que cet article instaure en matière de vente commerciale une présomption légale répartissant la charge de la preuve. Le fait que cette présomption utilise comme instrument un moyen de preuve, donc réglemente forcément dans cette mesure l’admissibilité 72 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 37, colonne de gauche, deuxième alinéa.
73 Idem et loc.cit.
74 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-15, précité, par Hélène GAUDEMET-TALLON, n° 144 ; Répertoire Dal oz de droit international, V° Preuve, précité, par Thierry VIGNAL n° 46.
75 Pièce n° 8 annexée au mémoire en cassation.
76 Rapport GIULIANO/LAGARGE, précité, page 35, colonne de droite, sous A, donc dernier alinéa.
77 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-60, précité, par Muriel SANTA-CROCE, n° 92.
78 Répertoire Dal oz de droit international, V° Preuve, précité, par Thierry VIGNAL, n° 15.
79 Jurisclasseur Droit international, Fascicule 552-60, précité, par Muriel SANTA-CROCE, n° 92.
80 Rapport GIULIANO/LAGARDE, précité, page 35, colonne de droite, sous A, donc dernier alinéa.
81 Article 18, paragraphe 1, du règlement Rome I.
82 Idem. Voir également en ce sens : Rafael JAFFERALI, L’opposabilité des conditions générales dans les contrats internationaux, in : Les conditions générale de vente, Bruxel es, Bruylant, 2013, pages 79 à 144, voir page 93, dernier alinéa.
de ce dernier83, ne l’empêche pas de rester une présomption légale de répartition de la charge de la preuve imposée de façon spécifique en matière contractuelle, donc d’être régie, conformément au paragraphe 1 de l’article 18 du règlement Rome I, par la loi du contrat.
Si la question était pertinente en cause il y aurait, en cas de doute84, le cas échéant, lieu d’envisager, sur base de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un renvoi préjudiciel en interprétation de l’article 18 du règlement Rome I devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Or, la question est sans pertinence dans la mesure où, ainsi que vous l’avez retenu dans votre arrêt précité n° 16/2019, numéro 4072 du registre, du 24 janvier 2019 et que la Cour d’appel l’a admis dans son arrêt attaqué n° 116/20 IV-COM du 21 juillet 2020, la présomption légale de l’article 109 du Code de commerce est circonscrite à la seule vente commerciale. En revanche, dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel l’acceptation d’une facture est invoquée pour établir l’existence d’une créance commerciale se rapportant à un contrat différent d’une vente commerciale, soit, en l’occurrence, à un contrat d’entreprise, l’acceptation de la facture est seulement susceptible d’être prise en considération par le juge à titre de « présomption de l’homme de conformité de la facture par rapport aux conditions du contrat »85.
Cette présomption ne trouve pas sa source dans la loi régissant le contrat, en l’occurrence l’article 109 du Code de commerce. Il est à rappeler que vous avez, dans votre arrêt n° 16/2019, numéro 4072 du registre, du 24 janvier 2019, cassé un arrêt qui avait appliqué l’article précité à un contrat autre qu’une vente commerciale, soit, dans cette espèce, à un contrat d’entreprise.
Elle se fonde sur l’article 1353 du Code civil, qui n’est pas spécifique au contrat d’entreprise ou aux contrats en général, mais définit un mode de preuve – la présomption de l’homme – et en détermine les conditions d’admissibilité.
Cette présomption ne constitue, de par sa nature, pas une présomption légale, donc un « procédé logique [de] déplacement de la preuve [qui] a été généralisé et systématisé par la loi »86. Elle est une présomption de l’homme, donc un « mode de preuve »87 qui « ne prend […] sa valeur que par l’interprétation et l’usage qu’en fait le juge »88. Elle « ne constitue donc, non point une dispense de preuve, comme la présomption légale, mais un mode de preuve d’un fait précis, dans une instance déterminée, mode de preuve fondé sur la force de conviction que ce raisonnement entraîne dans l’esprit du juge »89.
83 Est-ce que toute présomption ne se fonde pas nécessairement sur des faits qui constituent dès lors également des moyens de preuve dont la loi définissant la présomption régit l’admissibilité ? L’application dans ce cas de figure du paragraphe 2 de l’article 18 du règlement Rome I, donc la qualification de la présomption légale comme règle d’admissibilité du moyen de preuve sur lequel se fonde cel e-ci, reviendrait à priver le paragraphe 1 de cet article de tout objet.
84 Voir à ce sujet JAFFERALI, précité, qui, tout en concluant que la facture acceptée constitue une présomption légale au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement Rome I, ajoute dans une note de bas de page : « Il est vrai que si le défaut de protestation de la facture constituait véritablement une question de preuve, on pourrait également songer à appliquer l’article 18.2 du règlement relatif à l’admission des modes de preuve » (op.cit., page 93, note de bas de page n° 67).
85 Arrêt attaqué n° 116/20 IV-COM du 21 juil et 2020, page 8, quatrième alinéa.
86 Jurisclasseur Civil, Art. 1354, précité, par Didier GUEVEL, n° 41, citant BARTIN.
87 Idem, n° 21.
88 Jurisclasseur Civil, Art. 1382, précité, par Didier GUEVEL, n° 12.
89 Idem, n° 13.
N’étant ni une présomption légale, ni même une règle de répartition de la charge de la preuve, mais un mode de preuve dont l’admissibilité est régie par l’article 1353 du Code civil, qui ne s’applique pas de façon spécifique au contrat d’entreprise, voire aux contrats en général ou aux actes juridiques, elle est étrangère à l’article 18, paragraphe 1, mais relève du paragraphe 2 de cet article, partant, se rapporte à une règle d’admissibilité d’un mode de preuve, qui est susceptible d’être régie par la loi du for, soit, en l’espèce, par la loi luxembourgeoise.
C’est donc à juste titre que la Cour d’appel a, dans son arrêt attaqué n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018, retenu « que la preuve de la créance alléguée par la société [défenderesse en cassation] par l’acceptation de la facture relève de l’admissibilité des preuves et est soumise [conformément au paragraphe 2 de l’article 18 du règlement Rome I] à la loi du for »90. C’est également à juste titre qu’elle a retenu dans son arrêt attaqué n° 116/20 IV-COM que « pour les engagements commerciaux autres que les ventes pour lesquels il est habituel d’émettre des factures, l’acceptation constitue une présomption de l’homme de conformité de la facture par rapport aux conditions du contrat [étant précisé que] la facture acceptée en cette matière pourra donc faire preuve de la réalité du contrat, mais cette question sera toujours soumise à l’appréciation du juge »91 et qu’elle a appliqué, sur base du paragraphe 2 de l’article 18 du règlement Rome I la loi du for, donc la loi luxembourgeoise.
C’est toutefois rétrospectivement à tort qu’elle a retenu dans son arrêt n° 99/18 IV-COM du 13 juillet 2018 que la défenderesse en cassation pouvait se prévaloir de la présomption légale de l’article 109 du Code de commerce. Cette solution était cependant à cette époque encore conforme à votre jurisprudence, qui admettait alors l’application de cette présomption légale pour tout contrat commercial mais qui, comme rappelé ci-avant, a connu en 2019, donc postérieurement à l’arrêt, un revirement.
C’est également, pour les motifs exposés ci-avant, à tort qu’elle a retenu dans cet arrêt que la présomption légale de l’article 109 du Code de commerce relève, sur base de l’article 18, paragraphe 2, du règlement Rome I, de la loi du for et non, sur base de l’article 18, paragraphe 1, de ce règlement, de la loi du contrat. C’est pourquoi le Parquet général avait dans ses conclusions relatives au pourvoi immédiat formé par la demanderesse en cassation contre cet arrêt conclu à la cassation de ce dernier92.
Ces deux circonstances ne portent cependant pas à conséquence.
D’une part, la demanderesse en cassation n’a pas tiré moyen de la violation, dans l’arrêt n° 99/18 IV-COM, de l’article 109 du Code de commerce93 ou de l’autorité de la chose jugée de cet arrêt par l’arrêt n° 116/20 IV-COM. A cet égard il est à préciser que l’arrêt attaqué n° 116/20 IV-COM se réfère à plusieurs reprises à cet article94. La Cour d’appel y rappelle qu’elle a, dans son arrêt n° 99/18 IV-COM, « retenu que la preuve de la créance alléguée par [la défenderesse en cassation] par l’acceptation de la facture relève de l’admissibilité des preuves et est donc soumise en vertu de l’article 18 (2) du règlement Rome I à la loi du for et que partant l’article 90 Voir l’arrêt attaqué n° 99/18 IV/COM page 7, deuxième alinéa.
91 Voir l’arrêt attaqué n° 116/20 IV/COM, page 8, quatrième alinéa.
92 Voir les conclusions de l’avocat général Monsieur Marc SCHILTZ du 12 juil et 2019 (pièce n° 8 annexée au mémoire en cassation).
93 La demanderesse en cassation aurait été dépourvue d’intérêt pour critiquer l’application de cet article, dont el e déduit cel e du paragraphe 1 de l’article 18 du règlement Rome I.
94 Arrêt n° 116/20 IV-COM, page 7, avant-dernier alinéa, à page 8, troisième alinéa.
109 du Code de commerce est applicable au litige »95. Son arrêt est donc à comprendre comme appliquant l’article 109 du Code de commerce en faisant abstraction de la présomption légale en déduite, en limitant cette application à la référence y faite aux factures acceptées, comprise, dans le contexte de contrats commerciaux autres que des ventes, comme source possible d’un indice susceptible d’être retenu à titre de présomption de l’homme sur base de l’article 1353 du Code civil. Ainsi compris l’arrêt n° 116/20 IV-COM ne contredit pas le dispositif de l’arrêt n° 99/18 IV-COM, déclarant l’article 109 précité applicable au litige.
D’autre part, et surtout, les deux arrêts attaqués pris ensemble ont correctement appliqué l’article 18 du règlement Rome I, en qualifiant dans l’arrêt n° 116/20 IV-COM l’acceptation de la facture comme présomption de l’homme et en appliquant à cette question, sur base de la conclusion prise dans l’arrêt n° 99/18 IV-COM, le paragraphe 2 de l’article 18.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 95 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.