La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2021 | LUXEMBOURG | N°99/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 24 juin 2021, 99/21


N° 99 / 2021 du 24.06.2021 Numéro CAS-2021-00045 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Requête de prise à partie de :

A

), demanderesse aux fins de prise à partie de Monsieur Paul LAMBERT, premier juge près...

N° 99 / 2021 du 24.06.2021 Numéro CAS-2021-00045 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Requête de prise à partie de :

A), demanderesse aux fins de prise à partie de Monsieur Paul LAMBERT, premier juge près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, sur requête déposée au greffe de la Cour le 2 avril 2021, en présence du Ministère public.

____________________________________________________________________

LA COUR DE CASSATION Vu la requête de A) reproduite en annexe et tendant à obtenir la permission de prendre à partie le premier juge près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg Paul LAMBERT ;

Ouï en chambre du conseil le conseiller Roger LINDEN en son rapport ainsi que A) et le procureur général d’Etat adjoint John PETRY en leurs conclusions ;

La requête en ce qu’elle est signée par la demanderesse est recevable au regard des formalités prévues à l’article 644 du Nouveau code de procédure civile.

A) demande à se voir accorder, conformément à l’article 643 du Nouveau code de procédure civile, une permission préalable pour prendre à partie le premier juge Paul LAMBERT.

Aux termes de l’article 639 du Nouveau code de procédure civile, « les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

1° s'il y a dol, fraude ou concussion, qu'on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ;

2° si la prise à partie est expressément énoncée par la loi ;

3° si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts ;

4° s'il y a déni de justice. ».

La demanderesse énumère des faits à l’appui de sa requête qui ne sont à qualifier ni de dol, ni de fraude, ni de concussion, ni ne relèvent d'un cas de prise à partie expressément énoncé par la loi, ni d'un cas de mise en œuvre de la responsabilité civile des juges prévu par la loi, ni d'un déni de justice.

Il en suit qu’il n’y a pas lieu d’accorder à la demanderesse la permission de prendre à partie le premier juge près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg Paul LAMBERT.

La demanderesse est à condamner, aux termes de l’article 646 du Nouveau code de procédure civile, à une amende de huit euros.

PAR CES MOTIFS, dit qu’il n’y a pas lieu à permission de prise à partie ;

condamne A) à une amende de huit euros ;

laisse les frais à sa charge.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier en chef Viviane PROBST.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 20 avril 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général sur une requête en permission préalable de prise à partie sur base des articles 643 et 644 du Nouveau Code de procédure civile et 38, point 5), de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, introduite par A) contre le premier juge Paul LAMBERT Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 avril 2021, A) demande à votre Cour de cassation, sur base des articles 643 et 644 du Nouveau Code de procédure civile et 38, point 5), de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, de lui accorder la permission préalable de prendre à partie le premier juge Paul LAMBERT. Par transmis de Monsieur le Président de la Cour supérieure de justice du 13 avril 2021 cette requête a été communiquée au Parquet général pour conclusions.

Sur les faits et la procédure La requérante fait actuellement l’objet d’une poursuite pénale pour non-représentation d’enfant (notice 18707/19/CD) dans le cadre de laquelle elle a été condamnée par jugement n° 1678/2020 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, douzième chambre, siégeant en matière correctionnelle du 9 juillet 2020 à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois assortie d’un sursis probatoire de cinq ans avec obligation de respecter à l’avenir les décisions de justice prises à son encontre concernant l’autorité parentale ainsi que les droits de résidence, de visite et d’hébergement en relation avec ses enfants et à une amende de mille euros1.

Ce jugement a été rendu par le premier juge Paul LAMBERT, ayant siégé, conformément à l’article 179, paragraphe 3, point 5°, du Code de procédure pénale, comme juge unique.

Il a fait l’objet d’un appel de la requérante2, qui paraîtra devant la Cour d’appel à l’audience du vendredi, 30 avril 2021, à 9.00 heures3.

1 Pièce n° 20 annexée à la requête (pages 106 à 113 des annexes, qui ne reproduisent cependant le jugement qu’en partie, omettant notamment la page 14 de ce dernier, duquel résulte que la peine d’emprisonnement prononcée a été assortie d’un sursis probatoire).

2 Pièce n° 23 annexée à la requête (page 124 des annexes).

3 Pièce n° 24 annexée à la requête (page 125 des annexes).

Postérieurement à l’audience de la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 16 juin 2020 ayant donné lieu au jugement précité, mais antérieurement au prononcé de ce jugement, la requérante avait introduit, en date du 19 juin 2020, sur base de l’article 527 du Nouveau Code de procédure civile, un premier acte de récusation, dirigé contre le vice-président Marc THILL, qu’elle croyait, par erreur, avoir présidé l’audience4. Cette demande, visant un magistrat n’ayant pas siégé, a été déclarée inadmissible par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 21 juillet 20205. Ce jugement a, sur appel de la requérante, été confirmé par arrêt n° 127/20 – VII – CIV (récusation), numéro CAL-2020-

00838, de la Cour d’appel, septième chambre, du 30 septembre 20206.

Postérieurement au jugement précité n° 1678/2020 de la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 9 juillet 2020, l’ayant condamné pour non-représentation d’enfant, la requérante avait introduit, le 14 juillet 2020, un second acte de récusation, dirigé contre le premier juge Paul LAMBERT7. Cette demande, présentée contrairement à l’article 525 du Nouveau Code de procédure pénale après la clôture des débats, donc de façon tardive, a été déclarée inadmissible par jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg8. Ce jugement a, sur appel de la requérante, été confirmé par arrêt n° 126/20 – VII – CIV (récusation), numéro CAL-2020-00837, de la Cour d’appel, septième chambre, du 30 septembre 20209.

Par la requête précitée du 2 avril 2021, la requérante demande la permission de prendre à partie le premier juge Paul LAMBERT10. Les griefs avancés à l’appui de cette requête sont identiques à ceux des actes de récusation précités dirigés contre le vice-président Marc THILL et le premier juge Paul LAMBERT11. Il est donc reproché à ce dernier d’avoir fait preuve de partialité, notamment en ayant refusé d’ordonner la comparution de certains témoins (motifs 1 et 2), de ne pas avoir accordé à la requérante un temps suffisant pour préparer sa défense (motifs 3 et 5), d’avoir imposé un huis-clos, donc de ne pas avoir respecté le droit de la requérante à une audience publique (motif 4), de ne pas avoir ordonné la traduction de certains documents rédigés en langue allemande (motif 6) et de ne pas avoir siégé en formation collégiale (motif 7).

Dans le dispositif de la requête, la requérante vous demande de « constater que le Juge Unique a délibérément violé les articles 639 et suivants du NCPC Annuler par conséquent la décision 1678/2020 […] D’ordonner la réouverture de l’instruction du dossier, en accordant à Madame A) le droit à une audience publique et équitable en première instance »12.

4 Pièce n° 15 annexée à la requête (pages 78 à 101 des annexes).

5 Pièce n° 22 annexée à la requête (pages 122 à 123 des annexes).

6 Idem.

7 Pages 116 et 117 des annexes à la requête.

8 Pièce n° 21 annexée à la requête (pages 120 à 121 des annexes).

9 Idem.

10 Voir la requête, page 1, dernier alinéa : « a l’honneur de vous demander respectueusement, Madame A), de bien vouloir lui accorder une autorisation préalable pour ordonner une prise à partie de Monsieur Paul LAMBERT ».

11 Comparer la motivation de la requête en permission préalable de prise à partie (pages 2 à 24 des annexes) avec celle de l’acte de récusation dirigé contre le premier juge Paul LAMBERT (pièce n° 1 annexée à la requête (pages 27 à 49 des annexes) et avec celle de l’acte de récusation dirigé contre le vice-président Marc THILL (pièce n° 15 annexée à la requête (pages 79 à 100 des annexes).

12 Requête, page 24, dispositif.

Sur la procédure de prise à partie La prise à partie est une procédure prévue par les articles 639 à 649 du Nouveau Code de procédure civile. Elle relève, au regard de l’article 38, point 5), de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, de la compétence de votre Cour de cassation.

Elle est « une action civile dirigée contre un juge ou contre un tribunal, à raison de ses jugements et des actes par lui commis dans l’exercice de sa juridiction, pour obtenir, en vertu de l’art. 1382 du Code civil, la réparation du préjudice causé par sa faute »13. Elle ne constitue pas une voie de recours extraordinaire contre le jugement rendu par le juge visé par la prise à partie : « Quand la prise à partie intervient après le jugement, elle n’est rien de plus qu’une action en dommages-intérêts intentée aux juges pris à partie. En effet, le Code de procédure civile ne donne pas au juge appelé à prononcer sur la prise à partie, le droit d’annuler le jugement qui la motive. Mais la doctrine française admet que si la prise à partie est reconnue fondée, elle ouvre contre ce jugement une voie de recours, qui est suivant la différence des cas, l’appel, la requête civile ou le pourvoi en cassation. En Belgique [et au Luxembourg], la loi n’attribue pas non plus à la Cour de cassation, en la rendant seule compétente en cette matière, le droit d’annuler le jugement, si la prise à partie est reconnue fondée. Il est donc nécessaire de joindre à la requête introductive de la prise à partie, un pourvoi en cassation contre le jugement, si on veut obtenir l’annulation. »14. « Si la Cour de cassation accueille le pourvoi et casse la décision rendue, elle ne pourra pas la remplacer par une autre décision, car elle ne connaît pas du fond des affaires. Elle devra renvoyer les parties devant une juridiction identique à celle qui avait statué. »15.

La procédure de prise à partie « fait, sous trois rapports, exception au droit commun : 1° elle ne peut être formée que dans les cas limitativement prévus par la loi ; 2° elle est portée devant une juridiction supérieure aux tribunaux compétents pour connaître, en général, des actions civiles [en droit luxembourgeois elle est portée devant la Cour de cassation] ; 3° elle ne peut être formée sans la permission préalable du tribunal devant lequel elle sera portée »16.

L’article 639 du Nouveau Code de procédure civile définit les cas dans lesquels il peut y avoir prise à partie :

« Art. 639. Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :

1° s’il y a dol, fraude ou concussion, qu’on prétendrait avoir été commis, soit dans le cours de l’instruction, soit lors des jugements ;

2° si la prise à partie est expressément énoncée par la loi ;

3° si la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts ;

4° s’il y a déni de justice ».

13 E. GARSONNET et Ch. CÉZAR-BRU, Traité théorique et pratique de procédure civile et commerciale, tome VI, Paris, Sirey, 1913, n° 565, page 927.

14 Gustave BELTJENS, Encyclopédie du droit civil belge, Quatrième partie, Code de procédure civile, Tome II, Liège, 1897, Art. 505, n° 3, page 41, dernier alinéa à page 42, troisième alinéa.

15 Répertoire pratique du droit belge, Tome X, Bruxelles, 1951, V° Prise à partie, n° 118, page 250.

16 GARSONNET et CÉZAR-BRU, précité, n° 566, pages 928 à 929.

Cette énumération « n’aurait pas de sens si elle n’était pas limitative. Il en résulte […] que la prise à partie n’est pas admissible hors des circonstances prévues par cet article […] »17.

Le dol et la fraude visent « le fait de juger contrairement à la justice, par affection, animosité ou intérêt personnel, ou de se faire payer par une partie pour prononcer en sa faveur »18.

La concussion est le crime prévu par l’article 243 du Code pénal, sanctionnant le fait pour une personne, dépositaire ou agent de l’autorité ou de la force publique ou chargée d’une mission de service public d’ordonner de percevoir, d’exiger ou de recevoir ce qu’elle savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, impôts, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements. « Elle se comprend moins facilement qu’autrefois où les juges recevaient des honoraires des parties »19.

Les cas de prise à partie expressément énoncés par la loi se limitent, sauf erreur, aux formalités prévues par les articles 105 et 164 du Code de procédure pénale20.

Les cas où la loi déclare les juges responsables, à peine de dommages et intérêts se limitent à quelques hypothèses très rares, telle que l’interdiction adressée par l’article 848 du Nouveau Code de procédure civile aux membres du tribunal devant lequel se poursuit une vente publique consécutive à une saisie immobilière de se rendre adjudicataire ou celle adressée par l’article 647 du Code de commerce à la Cour d’appel d’ordonner le sursis à l’exécution des jugements des tribunaux d’arrondissement siégeant en matière commerciale.

Le déni de justice est défini par l’article 640 du Nouveau Code de procédure civile comme visant le cas dans lequel « les juges refusent de répondre les requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées ». L’article 641 du même Code précise que « le déni de justice sera constaté par deux réquisitions faites aux juges en la personne des greffiers, et signifiées de huit en huit jours ». L’article 642 dispose que « après les deux réquisitions, le juge pourra être pris à partie ». Il en suit que « ce n’est qu’après les deux réquisitions que le juge pourra être pris à partie »21. Par ailleurs « pour qu’il y ait déni de justice, il faut que le juge refuse ou néglige de statuer sur les procès dont il est saisi ; s’il prononce d’une manière quelconque sur ces causes, même injustement ou en violation de la loi, ou par fins de non-

recevoir, ou par déclaration d’incompétence, il n’y a pas déni de justice »22.

L’énumération des cas d’ouverture étant limitative, ils ne sauraient être étendus au « cas où le juge a ainsi jugé de bonne foi, par ignorance ou par erreur, l’ignorance ou l’erreur fussent-

elles si lourdes qu’en toute autre hypothèse on les assimilerait au dol »23. Le droit luxembourgeois n’a pas suivi sur ce point l’évolution du droit français qui, par une loi du 7 février 1933, avait ajouté la faute lourde professionnelle aux cas d’ouverture de la prise à 17 Idem, n° 658, page 931.

18 Idem, Tome I, n° 150, page 233.

19 Idem, Tome VI, n° 567, page 929.

20 L’article 105 du Code de procédure pénale est relatif aux formalités prescrites pour les mandats de comparution, de dépôt, d’amener et d’arrêt. L’article 164 concerne la signature de la minute du jugement dans les vingt-quatre heures au plus tard.

21 BELTJENS, précité, Art. 508, note 1, page 43.

22 Idem, Art. 506, note 1, sous 4, page 43.

23 GARSONNET et CÉZAR-BRU, précité, n° 568, page 931.

partie24. Il en suit que « le « mal jugé » et l’excès de pouvoir ne sont pas des motifs recevables de prise à partie lorsque rien n’est de nature à faire admettre que les juges aient jugé par faveur, haine ou corruption »25.

Du point de vue procédural, la prise à partie suppose une permission préalable à accorder par la juridiction devant laquelle elle sera portée, en droit luxembourgeois par la Cour de cassation :

« Art. 643. Néanmoins, aucun juge ne pourra être pris à partie, sans permission préalable du tribunal devant lequel la prise à partie sera portée ».

L’article 644 du Nouveau Code de procédure civile précise les conditions de forme de cette requête :

« Art. 644. Il sera présenté, à cet effet, une requête signée de la partie ou de son fondé de procuration authentique et spéciale, laquelle procuration sera annexée à la requête, ainsi que les pièces justificatives s’il y en a, à peine de nullité ».

Cette requête, présentée devant la Cour de cassation, doit l’être, conformément au droit commun, par un avocat à la Cour26. A défaut elle est irrecevable27.

Il est admis en France et en Belgique qu’elle est jugée sans débat et sans publicité, en chambre du conseil28. Suivant votre pratique, le requérant et le Ministère public sont cependant entendus en chambre du conseil29.

La requête en permission préalable est rejetée si les faits allégués paraissent dénués de fondement30. En effet, « la loi ne veut pas qu’on la forme sans motif plausible, sans grief sérieux »31.

En cas de rejet, l’article 646 du Nouveau Code de procédure civile dispose que « la partie sera condamnée à une amende qui ne pourra être moindre de 8 euros, sans préjudice des dommages et intérêts envers les parties, s’il y a lieu ».

En cas d’admission, l’article 647 du même Code dispose que la requête de prise à partie « sera signifiée dans trois jours au juge pris à partie […] ».

24 Répertoire Dalloz Procédure civile, Paris, édition 1956, tome II, V° Prise à partie, n° 24, page 533 ; Répertoire Dalloz Procédure civile, Paris, V° Responsabilités encourues pour fonctionnement défectueux du service public de la justice, par Serge GUINCHARD, janvier 2018, n° 97.

25 Répertoire pratique du droit belge, précité, n° 17, citant un arrêt de la Cour de cassation française du 17 novembre 1904.

26 GARSONNET et CÉZAR-BRU, précité, n° 572, page 937 ; Répertoire Dalloz, 1956, précité, n° 35, page 534 ;

Répertoire pratique du droit belge, précité, n° 82, page 248 ; BELTJENS, précité, Art. 511, note 4, page 44.

27 BELTJENS, précité, Art. 511, note 6, page 44.

28 En France : GARSONNET et CÉZAR-BRU, précité, n° 572, page 937 ; en Belgique : Répertoire pratique du droit belge, précité, n° 89, page 248 ; BELTJENS, précité, Art. 511, note 4, page 44.

29 Cour de cassation, 12 juin 1997, n° 46/97, numéro 1410 du registre ; idem, 10 juillet 2003, n° 42/03, numéro 2008 du registre.

30 BELTJENS, précité, Art. 511, note 6, page 44.

31 GARSONNET et CÉZAR-BRU, précité, n° 572, page 937.

Au cours des décennies passées vous avez été saisis, sauf erreur, à deux reprises seulement d’une procédure de prise à partie32.

Sur la recevabilité de la requête en permission préalable de prise à partie La prise à partie suppose, comme rappelé ci-avant, le dépôt d’une requête tendant, sur base des articles 643 et 644 du Nouveau Code de procédure civile, à obtenir la permission préalable de prendre à partie le juge visé. Ce n’est que suite à l’octroi de cette permission par votre Cour que le requérant est autorisé sur base de l’article 647 du même Code de prendre à partie le juge, donc de l’assigner dans le délai de la loi devant votre Cour pour être statué sur la prise à partie.

Il y a donc lieu de distinguer entre la requête en permission préalable de prendre à partie et la requête de prise à partie elle-même.

En l’espèce, la requérante présente une « Requête de prise à partie » dans le cadre de laquelle elle vous demande « de bien vouloir lui accorder une autorisation préalable pour ordonner une prise à partie »33. Cette requête est donc à comprendre comme ayant pour objet l’obtention de la permission prévue par l’article 643, les motifs relatifs à la prise à partie étant à considérer comme des justifications de cette demande.

La requête a été présentée par la partie elle-même, sans recours au ministère d’un avocat à la Cour.

Elle est dès lors irrecevable du point de vue de la forme.

A titre subsidiaire, sur le bien-fondé de la requête préalable de prise à partie Il a été vu ci-avant que la requête en permission préalable de prise à partie suppose un examen du point de savoir si la prise à partie proposée se fonde sur des motifs plausibles, sérieux et non dénués de fondement.

La requête a, en l’espèce, pour finalité l’annulation du jugement de condamnation de la requérante, que celle-ci a par ailleurs déjà frappé d’appel. Ainsi qu’il a été vu la procédure de prise à partie, qui est un recours en responsabilité civile dirigé contre le juge visé, est sans pertinence pour attaquer un jugement.

La requête se fonde sur les mêmes motifs que ceux qui avaient été invoqués à l’appui des deux requêtes en récusation formés en l’espèce par la requérante. Elle procède donc d’une manifeste confusion entre les procédures de récusation et de prise à partie.

Cette confusion explique que la requête n’oppose au magistrat visé aucun des griefs limitativement énoncés par l’article 639 du Nouveau Code de procédure civile. Elle ne fait état ni de dol, ni de fraude, ni de concussion, ni d’un cas de prise à partie expressément énoncé par la loi, ni d’un cas de mise en œuvre de la responsabilité civile des juges prévu par la loi, ni d’un déni de justice. Les griefs exposés sont donc dépourvus de pertinence dans le cadre d’une requête de prise à partie.

32 Il est renvoyé à vos arrêts précités (note n° 29).

33 Voir la requête, page 1, dernier alinéa.

Ils sont susceptibles d’être examinés dans le cadre de l’appel formé par la requérante contre le jugement qui la condamna.

Il est ajouté de façon superfétatoire que la plausibilité de ces griefs, par hypothèse non pertinents dans le cadre de la présente procédure, pose par ailleurs en partie question. Ainsi il est reproché au tribunal correctionnel d’avoir rejeté la demande de la requérante de reporter la date d’audience de la poursuite pénale de celle-ci, qui n’aurait pas pu se préparer de façon adéquate.

Or, il résulte de la pièce n° 13 versée par la requérante34 que l’affaire avait déjà été fixée une première fois à une audience du mois d’octobre 2019, donc huit mois avant la date d’audience du 16 juin 2020, que la requérante avait à ce moment reçu une copie du dossier et que sur sa demande elle a reçu une seconde copie du même dossier le 12 juin 2020. Il est reproché au tribunal correctionnel d’avoir imposé un huis clos. Or, pour établir ce fait la requérante se limite à exposer que le juge présidant la chambre correctionnelle procéda en début d’audience à l’appel des affaires, qu’il invita la requérante de rester dans la salle, qu’il s’adressa « en langue luxembourgeoise aux autres personnes dans la salle, langue que Madame A) ne domine pas »35 et que la requérante s’apercevait « que toutes les personnes quittent la salle d’audience, à l’exception [des parties concernées par la poursuite pénale de la requérante] »36. Cette allégation n’est pas de nature à rendre plausible que le juge aurait imposé un huis clos, donc qu’il aurait interdit à toute personne qui voulait assister au procès de la requérante de le faire. Il est par ailleurs difficile de saisir en quoi la requérante a subi un grief du fait que les parties des autres affaires fixées à l’audience ont quitté la salle d’audience37. Il est reproché au tribunal correctionnel d’avoir siégé en formation de juge unique. Or, l’article 179, paragraphe 3, point 5°, du Code de procédure pénale lui impose de siéger dans cette formation.

Conclusion :

La requête en permission préalable de prise à partie est irrecevable.

A titre subsidiaire, elle est à rejeter.

La requérante est à condamner à l’amende prévue par l’article 646 du Nouveau Code de procédure civile38.

34 Page 74.

35 Requête, page 5, troisième alinéa.

36 Idem et loc.cit.

37 Sans même évoquer le contexte de la pandémie du COVID-19 et des risques de santé encourus de ce fait.

38 Cette condamnation est la conséquence obligatoire prévue par la loi en cas de non admission de la requête de prise à partie.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 99/21
Date de la décision : 24/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-06-24;99.21 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award