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10/06/2021 | LUXEMBOURG | N°94/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 juin 2021, 94/21


N° 94 / 2021 du 10.06.2021 Numéro CAS-2020-00102 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

H), reprenant l’instance au nom de J), d

écédé en date du 9 mai 2018, demanderesse en cassation, comparant par Maître Henri FRANK...

N° 94 / 2021 du 10.06.2021 Numéro CAS-2020-00102 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

H), reprenant l’instance au nom de J), décédé en date du 9 mai 2018, demanderesse en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1. R), 2. la société anonyme ASSURANCES X), t défendeurs en cassation, comparant par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3. la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie et ayant son siège social à L-1471 Luxembourg, 125, route d'Esch, Luxembourg, représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J21, défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu les arrêts attaqués, rendus les 5 mars 2015 et 2 avril 2020 sous le numéro 40034 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié par H) le 13 août 2020 à la société anonyme ASSURANCES X) et à la CAISSE NATIONALE DE SANTE et le 17 août 2020 à R), déposé le 19 août 2020 au greffe de la Cour ;

Ecartant le mémoire en réponse signifié le 7 octobre 2020 par la CAISSE NATIONALE DE SANTE à H), à la société ASSURANCES X) et à R), pour avoir été déposé le 14 octobre 2020 au greffe de la Cour, partant en dehors du délai légal ;

Ecartant le mémoire en réponse signifié le 12 octobre 2020 par R) et la société ASSURANCES X) à H) et à la CAISSE NATIONALE DE SANTE, pour avoir été déposé le 19 octobre 2020 au greffe de la Cour, partant en dehors du délai légal ;

Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Jeannot NIES ;

Sur la recevabilité du pourvoi Le mémoire en cassation, après avoir repris les dispositifs du jugement de première instance et des deux arrêts rendus en instance d’appel, indique que « C’est contre ces deux arrêts que la demanderesse en cassation forme le présent pourvoi ».

La demanderesse en cassation ne précise cependant pas les dispositions attaquées de l’arrêt du 5 mars 2015, les moyens ainsi que les conclusions dont l’adjudication est demandée.

Il en suit que le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt du 5 mars 2015 est irrecevable.

Le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt du 2 avril 2020, introduit dans le formes et délai de la loi, est recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré la demande en indemnisation introduite par J) contre le docteur R) recevable sur la base contractuelle et ordonné un complément d’expertise pour se prononcer de manière détaillée sur « le lien causal entre la négligence commise par le docteur R) et le préjudice subi par J). ».

La Cour d’appel avait, par un premier arrêt du 5 mars 2015, suite au constat d’une pluralité de facteurs de risque, par réformation, ordonné un complément d’expertise pour voir examiner « le lien causal entre le coma hyperosmolaire, hyperglycémique de J) et l’ischémie avec amputation sous-gonale droite, en prenant en compte l’état de santé antérieur de J) et les soins lui prodigués lors de la prise en charge du coma hyperosmolaire, hyperglycémique, ainsi que du traitement et en cas de constat d’une causalité multifactorielle de l’ischémie avec amputation sous-

gonale, de se prononcer sur la probabilité de celle-ci à défaut d’état de coma hyperosmolaire, hyperglycémique. ».

Par l’arrêt subséquent attaqué du 2 avril 2020, la Cour d’appel a retenu que la responsabilité du docteur R) n’est pas engagée et a déclaré la demande de H) non fondée.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution d’après lequel les jugements doivent être motivés ce qui signifie que les moyens ne doivent pas être entachés de contradiction, doivent être transparents et doivent fournir la base de la décision sans contradiction ni tergiversation ;

en ce qu’en l’espèce, l’arrêt du 2 avril 2020, à la page 4, ensemble avec l’alinéa 5 et surtout l’alinéa 6 sont d’une incohérence et d’une incompréhension telle qu’ils ne peuvent définitivement pas constituer les motifs légitimes d’après l’article 89 de la Constitution, l’arrêt disant dans son alinéa 6, il, c’est-à-dire l’expert, en ajoutant qu’ et finalement en disant que ;

alors que ce faisant étant d’une telle désinvolture et d’une telle incompréhension et d’une telle incohérence que le justiciable ne peut définitivement pas se faire une idée de ce qui est jugé, ceci constitue l’alpha et l’oméga de l’Etat de droit, tout jugement motivé de façon aussi chaotique doit entraîner comme sanction la cassation ».

Réponse de la Cour Le moyen vise le défaut de motifs qui constitue un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « Abstraction faite de la considération que l’expert se pose la question de savoir si J) avait effectivement pris les médicaments qui lui avait été prescrits par le docteur R) (cf. à ce sujet la remarque en haut de la page 2 du rapport ), il n’affirme ni que le coma a nécessairement favorisé le développement de l’ischémie ni que cette ischémie ne se serait pas manifestée à défaut de coma.

Il ne peut tout simplement pas se prononcer.

C’est en ce sens qu’il convient de comprendre le passage .

Il appartient toutefois au demandeur en indemnisation de rapporter la preuve positive de ce que la faute qu’il reproche à son médecin traitant se trouve en relation causale directe avec le préjudice qu’il affirme avoir subi.

(Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, N° 656 p. 673).

La théorie de la causalité adéquate ne retient (op. cité N° 998 p. 981).

Or, en l’occurrence, il n’est, sur base du rapport C), pas possible de retenir que c’était en raison du traitement prescrit par le docteur R), que l’ischémie s’est produite et que l’amputation a dû être faite.

Ce constat n’est pas mis en échec par la circonstance que l’intervention chirurgicale a dû être pratiquée quelques jours seulement après que J) ait consulté le docteur R).

Dans les conditions données, la demande est à déclarer non fondée sur la base contractuelle. », les juges d’appel ont pris position quant à la relation causale entre le traitement prescrit par le médecin R) et la production de l’ischémie avec amputation sous-gonale subie par J) et ont partant motivé le point litigieux.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution en ce que l’arrêt décisif du 2 avril 2020 a cité le passage de l’expertise C) qui dit , l’arrêt disant dans son alinéa suivant qu’, ces deux alinéas étant en contradiction ;

en ce que le rapport C) faisant état qu’on ne puisse affirmer un lien causal direct exclusif entre les corticoïdes consommées par la partie J) et l’amputation alors que dans l’alinéa suivant, il est dit de façon péremptoire que le demandeur en indemnisation doit rapporter la preuve positive de ce que la faute reprochée au médecin traitant se trouve en relation causale directe avec le préjudice, relation causale improuvée ;

alors que ce faisant l’arrêt se contredit dans deux alinéas décisifs, cette contradiction valant absence de motif au sens de l’article 89 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la contradiction des motifs, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des conséquences à tirer de l’expertise quant à la relation causale directe entre le préjudice subi par J) et la faute reprochée au médecin, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare irrecevable le pourvoi en tant que dirigé contre l’arrêt de la Cour d’appel du 5 mars 2015 ;

le déclare recevable pour le surplus ;

le rejette ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Jean-Marie BAULER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Serge WAGNER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Ministère Public dans l’affaire de cassation H) contre 1) R) 2) la société anonyme ASSURANCES X) SA 3) la Caisse nationale de Santé numéro CAS-2020-00102 du registre Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 19 août 2020 d’un mémoire en cassation signé par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, signifié le 13 août 2020 aux défendeurs en cassation Assurances X) SA et Caisse nationale de Santé par le ministère de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, ainsi que le 17 août 2020 au défendeur en cassation R) par le ministère de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, est dirigé, aux termes du mémoire, (1) contre un arrêt rendu contradictoirement le 5 mars 2015 par la IXe chambre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, siégeant en matière civile, sous le numéro du rôle 40.034, arrêt qui n’a pas fait l’objet d’une signification suivant les pièces de la procédure transmises à Votre Cour, ainsi que (2) contre un arrêt no. 48/20 rendu par la même juridiction dans le même rôle en date du 2 avril 2020, signifié à la demanderesse en cassation par le ministère de l’huissier de justice Patrick MÜLLER en date du 25 mai 2020.

La défenderesse en cassation sub 3) a déposé un mémoire en réponse en date du 14 octobre 2020, partant dans le délai de la loi, le mémoire ayant été au préalable signifié à la partie demanderesse en date du 7 octobre 2020 par le ministère de de l’huissier de justice Véronique REYTER de Luxembourg, Les défendeurs sub 1) et sub 2) ont déposé un mémoire en réponse en date du 19 octobre 2020, partant dans le délai de la loi, le mémoire ayant été au préalable signifié à la partie demanderesse en date du 12 octobre 2020 par le ministère de l’huissier de justice Martine LISE de Luxembourg.

Le recours en cassation est à déclarer irrecevable pour être tardif pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêt no. 48/20, précité, alors qu’il a été introduit en dehors du délai de deux mois imposé pour former un pourvoi en cassation par l’article 7, alinéa 1er de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation pour la partie qui, comme en l’espèce, demeure dans le Grand-duché de Luxembourg. Il découle en effet des pièces du dossier1 que l’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 25 mai 2020, de telle sorte que le délai pour interjeter cassation avait expiré au moment de l’introduction du pourvoi.

Ce n’est donc qu’en ordre subsidiaire que le concluant estime qu’il est mal-fondé, les deux moyens avancés à son appui, tous les deux basés sur l’article 89 de la Constitution, étant à rejeter. Les moyens tirés de l’article 89 de la Constitution visent l’absence de motifs sous toutes ses formes, y compris la contradiction de motifs, et dès lors un vice de forme de la décision entreprise. Une décision est toutefois régulière en la forme, si, à l’instar de la décision attaquée, elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Par ailleurs, le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision2. La contradiction de motifs ne vicie la décision entreprise que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité3.

Or, en l’espèce, il suffira de compléter la lecture des alinéas cités par le demandeur dans son pourvoi par ceux – non-cités – qui complètent le raisonnement des juges d’appel pour comprendre parfaitement le raisonnement de ceux-ci.

Pour autant qu’il vise l’arrêt d’avant dire droit du 5 mars 2015 (qui n’est toutefois cité qu’en tant qu’arrêt attaqué mais n’est ensuite plus repris par aucun des deux moyens articulés à l’appui du pourvoi), le recours, même introduit dans le délai de la loi, la décision en question ne semblant pas avoir fait l’objet d’une signification, aurait de toute façon été irrecevable sur le fondement de l’article 3 de la loi précitée du 18 février 1885 pour ne faisant qu’ordonner une mesure d’instruction sans pour autant trancher, dans son dispositif, une partie du principal. En ordre subsidiaire, il est encore irrecevable en la forme en raison de l’absence totale de moyens de cassation articulés à son encontre.

en conclusion Le recours est irrecevable pour être tardif pour avoir été interjeté en dehors du délai prévu à la loi pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêt no. 48/20 rendu par la IXe chambre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, siégeant en matière civile, sous le numéro du rôle 40034 en date du 2 avril 2020. En ordre subsidiaire il est non-

fondé.

Il est encore irrecevable pour ce qui est de l’arrêt rendu contradictoirement le 5 mars 2015 par la même juridiction pour être dirigé contre une décision ne tranchant pas dans le dispositif le fond ou une partie du fond du litige. En ordre subsidiaire, il est encore 1 pièce no. 3 de la farde de pièces de Me Henri FRANK 2 Cass. 10 décembre 2020, N°166/2020, numéro CAS-2019-00176 du registre 3 La cassation en matière civile, 5ème édition, Jacques & Jean-Louis Boré, n° 77.92 irrecevable en la forme en raison de l’absence totale de moyens de cassation articulés à son encontre.

Le pourvoi est dès lors à rejeter.

Luxembourg, le 11 mars 2021 pour le Procureur général d’Etat Jeannot NIES procureur général d’État adjoint 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 94/21
Date de la décision : 10/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-06-10;94.21 ?

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