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29/04/2021 | LUXEMBOURG | N°73/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 29 avril 2021, 73/21


N° 73 / 2021 du 29.04.2021 Numéro CAS-2020-00078 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme X), a

nciennement la société à responsabilité limitée X), demanderesse en cassation, compa...

N° 73 / 2021 du 29.04.2021 Numéro CAS-2020-00078 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme X), anciennement la société à responsabilité limitée X), demanderesse en cassation, comparant par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, assisté de Maître André DELVAUX, avocat, demeurant à Liège, et:

1) le CENTRE NATIONAL DE REEDUCATION FONCTIONNELLE ET DE READAPTATION, établissement public, ayant son siège social à L-2674 Luxembourg, 1, rue André Vésale, représenté par le comité de direction, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J27, défendeur en cassation, comparant par Maître Mathias PONCIN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeur en cassation.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 183/19, rendu le 27 novembre 2019 sous le numéro 45046 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 9 juillet 2020 par la société anonyme X) à l’établissement public CENTRE NATIONAL DE REEDUCATION FONCTIONNELLE ET DE READAPTATION (ci-après « le REHAZENTER ») et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après « l’ETAT »), déposé le 17 juillet 2020 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 14 août 2020 par le REHAZENTER à la société X) et à l’ETAT, déposé le 25 août 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi d’une demande en paiement de dommages-intérêts dirigée par la société X) contre le REHAZENTER et l’ETAT pour rupture abusive d’un marché d’adjudication publique confié à la société X) relatif à la réalisation d’un centre de rééducation fonctionnelle et de réadaptation à Dudelange, avait retenu la responsabilité contractuelle du REHAZENTER, avait dit que ce dernier était tenu de réparer le préjudice causé et avait invité les parties à conclure plus amplement sur la responsabilité de l’ETAT et l’étendue du dommage.

La Cour d’appel avait, par réformation, dit la demande de la société X) dirigée contre le REHAZENTER non fondée sur la base contractuelle et irrecevable sur la base délictuelle et avait renvoyé les parties devant le tribunal d’arrondissement.

La Cour de cassation avait cassé cet arrêt par décision du 12 décembre 2013.

Statuant au rescisoire, la Cour d’appel avait confirmé le jugement précité en ce qui concerne la demande de la société X) dirigée contre le REHAZENTER et avait renvoyé les parties devant la juridiction de première instance pour voir statuer sur la question de la responsabilité de l’ETAT.

Le tribunal d’arrondissement avait, par un second jugement, retenu que la responsabilité délictuelle de l’ETAT était engagée à l’égard de la société X) et que celle-ci avait droit à la réparation intégrale de son dommage en relevant que les montants indemnitaires devaient être fixés avec valeur au jour de la survenance du dommage pour ensuite être réévalués au jour du dépôt du rapport d’expertise et que ces montants réévalués portaient des intérêts de retard à partir du jour du dépôt du rapport d’expertise jusqu’au jour du paiement effectif, sans que, toutefois, la société X) puisse cumuler la réévaluation des montants indemnitaires à un jour proche du paiement et l’allocation d’intérêts de retard à partir du jour de la naissance du dommage. L’ETAT et le REHAZENTER avaient été condamnés in solidum à indemniser la société X) de ce dommage, l’ETAT devant tenir le REHAZENTER quitte et indemne, et une expertise avait été ordonnée pour déterminer le préjudice subi par la société X) du fait de la résiliation du marché en principal et accessoires.

Par l’arrêt attaqué, les juges d’appel ont confirmé ce second jugement.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation, de l'article 1149 du Code civil et du principe y consacré de la réparation intégrale du préjudice causé, en ce que l'arrêt attaqué a retenu que, concernant le préjudice lié au retard de l'indemnisation, la société X) ne pouvait solliciter à la fois l'indexation des montants indemnitaires et le paiement des intérêts de retard sur les indemnités à partir du jour du dommage, qu'ainsi selon l'arrêt dont cassation, , de sorte qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1149 du Code civil précité, de portée générale, qui dispose que : , ainsi que le principe en découlant de la réparation intégrale du préjudice, alors que l'arrêt aurait dû décider, au contraire, que :

- l'indexation des indemnités, d'une part, et l'allocation d'intérêts de retard depuis la date de survenance du dommage jusqu'à sa réévaluation, d'autre part, visent à réparer deux préjudices distincts, - ainsi, après avoir confirmé que la société X) pouvait prétendre à l'indemnisation de son préjudice intégral, il devait admettre et déclarer fondé l'appel incident introduit par la société X) quant à ce volet visant au paiement des intérêts de retard sur la période antérieure à la date de réévaluation des montants indemnitaires. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de de la consistance du dommage allégué par la demanderesse en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du REHAZENTER l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à l’établissement public CENTRE NATIONAL DE REEDUCATION FONCTIONNELLE ET DE READAPTATION une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Mathias PONCIN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER et du greffier Daniel SCHROEDER.

Grand-Duché de Luxembourg Luxembourg, le 9 février 2021 PARQUET GENERAL CITE JUDICIAIRE Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation société anonyme X) S.A.

contre 1. Centre National de Rééducation Fonctionnelle et de Réadaptation 2. Etat du Grand-Duché de Luxembourg N° CAS-2020-00078 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de la société anonyme X) S.A., anciennement société à responsabilité limitée X) Sàrl, signifié en date du 9 juillet 2020 à l’établissement public Centre National de Rééducation Fonctionnelle et de Réadaptation ainsi qu’à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et déposé le 17 juillet 2020 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro 45046 du rôle.

Cet arrêt a été signifié à la société X) ainsi qu’au Centre National de Rééducation Fonctionnelle et de Réadaptation par exploit d’huissier de justice du 9 avril 2020.

Au vu de la suspension des délais, dont celle du délai de cassation en matière civile, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du Règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales1, les délais institués par la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée n’ont pas commencé à courir à la date de la signification de l’arrêt. Cette suspension a pris fin, conformément à l’article 1er de la loi du 24 mars 2020 portant prorogation de l’état de crise2, le 24 juin 2020, à 24.00 heures3. La suspension « signifie que le délai ne court pas et reprend son cours normal une fois que le fait ou l’acte à l’origine de la suspension disparaît »4.

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est dès lors recevable.

Le mémoire en réponse du Centre National de Rééducation Fonctionnelle et de Réadaptation, signifié le 14 août 2020 à la société X) ainsi qu’à l’Etat en leurs domiciles élus et déposé le 25 août 2020 au greffe de la Cour, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes 1 Mémorial, A, 2020, n° 185, du 25 mars 2020. L’article 1, paragraphe 1, de ce Règlement disposait que : « Les délais prescrits dans les procédures devant les juridictions judiciaires, administratives, militaires et constitutionnel e sont suspendus ». Le Règlement a été successivement modifié, sur d’autres points, par des Règlements modificatifs du 1er avril 2020 (Mémorial, A, 2020, n° 227, du 2 avril 2020), du 17 avril 2020 (Mémorial, A, n° 302, du 17 avril 2020) et du 29 avril 2020 (Mémorial, A, 2020, n° 340, du 29 avril 2020). Le Règlement modificatif précité du 17 avril 2020 a exempté de la suspension les délais de cassation en matière pénale prévus par les articles 41 à 43 de la loi précitée de 1885 (Article 2, paragraphe 1, alinéa 1, sous 8°, du Règlement grand-

ducal précité du 25 mars 2020 tel que modifié). La suspension continua toutefois à s’appliquer aux délais de cassation en matière civile.

2 Voir les références dans la note n° 3.

3 La loi précitée du 24 mars 2020 est entrée en vigueur, conformément à son article 2, le jour de sa publication, soit le 24 mars 2020, de sorte que l’état de crise a pris fin trois mois plus tard, soit le 24 mars 2020 à 24.00 heures.

4 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 7587 ayant donné lieu à la loi du 20 juin 2020 portant prorogation de mesures concernant la tenue d’audiences publiques pendant l’état de crise (Mémorial, A, 2020, n° 523, du 24 juin 2020) (Document parlementaire n° 7587-3), page 4, deuxième alinéa. Il est à préciser que la loi précitée du 20 juin 2020 comporte dans son article 6 une disposition suivant laquel e « les délais, légaux ou conventionnels, qui gouvernement l’introduction des procédures en première instance devant les juridictions judiciaires, administratives et militaires […] sont prorogés comme suit : 1° les délais venant à échéance pendant l’état de crise sont reportés de deux mois à compter de la date de la fin de l’état de crise ; 2° les délais venant à échéance dans le mois qui suit le mois qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi, sont reportés d’un mois à compter de leur date d’échéance » (c’est nous qui soulignons). Il résulte des travaux préparatoires de cette loi que cette solution ne s’applique pas aux délais autres que ceux gouvernant l’introduction des procédures en première instance, donc ne s’applique pas aux délais d’appel, d’opposition ou de pourvoi en cassation, parce que ces délais ont été soumis pendant l’état de crise au régime de la suspension des délais (Rapport de la Commission de Justice de la Chambre des députés, Document parlementaire n° 7587-7, page 6, avant-dernier et dernier alinéas).

Le présent pourvoi se situe dans le cadre d’un litige concernant l’indemnisation réclamée par la société X) suite à l’annulation de la décision d’adjudication publique en sa faveur de la conception et de la réalisation d’un centre de rééducation fonctionnelle et de réadaptation, dit REHAZENTER.

Ledit centre aurait dû être construit sur des terrains situés à Dudelange.

Par lettre du 3 avril 1998, la société X) fut informée qu’elle avait été retenue comme adjudicataire dudit projet.

Toutefois, le 11 octobre 2000, le conseil du gouvernement décida d’implanter le centre de rééducation au Kirchberg.

Ainsi, par décision du 2 avril 2001, le conseil d’administration de l’association5 REHAZENTER décida d’annuler la mise en adjudication lancée en 1997 et la société X) en fut informée par un courrier du 26 avril 2001, émanant du Ministre de la Santé.

Par exploit d’huissier du 12 juillet 2001, la société X) fit assigner le REHAZENTER et l’Etat devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en vue de l’exécution forcée du contrat, sinon en allocation de dommages-

intérêts. En cours d’instance, elle renonça à sa demande en exécution forcée.

Ce litige a donné lieu, au cours d’une procédure s’étalant sur une vingtaine d’années, à différentes décisions de justice, tant de première instance que d’appel, voire même de cassation.

Il est constant en cause que par arrêt du 11 février 2015, la Cour d’appel a décidé de manière définitive que la responsabilité contractuelle du REHAZENTER vis-à-vis de la société X) était engagée et que ce dernier est tenu de réparer le préjudice accru à ladite société en raison de la rupture fautive du contrat6.

Par arrêt du 27 novembre 2019, la Cour d’appel a retenu la responsabilité de l’Etat sur base de l’article 1er de la loi du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, pour avoir décidé de manière brusque, imprévisible et sans justification particulière, partant de manière fautive, de changer le site d’implantation du centre de rééducation, cette décision étant à l’origine de l’annulation du marché public attribué à la société X)7.

5 A l’époque, ce fut une association sans but lucratif REHAZENTER Asbl qui fut chargée par l’Etat de la mission de créer un centre de rééducation. En cours de procédure, cette asbl fut dissoute et ses fonctions furent reprises par l’actuel établissement public.

6 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa, et page 7, alinéa 1er 7 Arrêt attaqué, page 8, alinéas 2 et 3 Par conséquent, le REHAZENTER et l’Etat ont été condamnés in solidum à indemniser la société X) de l’intégralité de son préjudice, l’Etat devant tenir le REHAZENTER quitte et indemne8.

Aux termes du pourvoi, la seule disposition qui reste litigieuse à l’heure actuelle concerne la détermination exacte du préjudice et plus particulièrement la décision de la Cour d’appel de confirmer les premiers juges en ce qu’ils ont rejeté la demande de l’actuelle demanderesse en cassation tendant à se voir accorder des intérêts de retard sur la période antérieure à la date de réévaluation des montants indemnitaires, déboutant ainsi la société X) de son appel incident.

Quant au moyen unique de cassation :

tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 1149 du Code civil et du principe y consacré de la réparation intégrale du préjudice causé, en ce que l’arrêt attaqué a retenu que, concernant le préjudicie lié au retard de l’indemnisation, la société X) ne pouvait solliciter à la fois l’indexation des montants indemnitaires et le paiement des intérêts de retard sur les indemnités à partir du jour du dommage, alors que l’arrêt aurait dû décider, au contraire que :

- l’indexation des indemnités, d’une part, et l’allocation d’intérêts de retard depuis la date de survenance du dommage jusqu’à sa réévaluation, d’autre part, visent à réparer deux préjudices distincts - ainsi, après avoir confirmé que la société X) pouvait prétendre à l’indemnisation de son préjudice intégral, il devait admettre et déclarer fondé l’appel incident introduit par la société X) quant à ce volet visant au paiement des intérêts de retard sur la période antérieure à la date de réévaluation des montants indemnitaires L’unique moyen de cassation fait grief à la Cour d’appel de ne pas avoir fait droit à l’appel incident de l’actuelle demanderesse en cassation en vertu duquel celle-ci sollicitait des intérêts de retard sur le montant des indemnités lui revenant et cela pour la période antérieure à la réévaluation des montants indemnitaires. Ce faisant, la Cour d’appel aurait violé le principe de réparation intégrale du préjudice, consacré par l’article 1149 du Code civil, dès lors que l’indexation des indemnités et les intérêts de retard viseraient à réparer deux volets différents du dommage.

8 Dispositif du jugement du 29 mars 2017, confirmé par l’arrêt attaqué (pièce n°4 de la farde de Maître BORNERT) Le moyen porte donc sur une question ayant trait à la consistance du dommage.

Or, selon la jurisprudence traditionnelle et constante de Votre Cour9, la consistance du préjudice en relation causale avec l’inexécution d’une obligation contractuelle est souverainement appréciée par les juges du fond et échappe à l’appréciation de Votre Cour.

Partant, à titre principal, le moyen ne saurait être accueilli.

En France, la Cour de cassation retient que les juges du fond sont souverains pour évaluer le montant du dommage et pour fixer le quantum des dommages-

intérêts10. Les bases de calcul sont laissées à l’arbitrage du juge du fond qui détermine souverainement l’évaluation de l’indemnité et le mode de réparation11.

En effet, le principe de la réparation intégrale imposant une appréciation souveraine concrète du préjudice effectivement subi, sa mise en œuvre relève tout naturellement du pouvoir souverain des juges du fond12.

Toutefois, le Cour suprême contrôle le respect des règles relatives aux intérêts moratoires, sous le visa de l’article 1153 du Code civil, ainsi que du principe de la réparation intégrale, dans des cas exceptionnels13. Ainsi, la Cour de cassation a développé, au cours des décennies, un contrôle plus actif de la motivation des décisions du fond relative à l’évaluation de la réparation, en censurant davantage que par le passé, notamment pour contradiction de motifs14.

Or, en l’espèce, le reproche formulé par le moyen ne porte pas sur la motivation de l’arrêt attaqué. Le moyen de cassation ne met donc pas en œuvre un vice de forme, mais un vice de fond, tiré de la violation de la loi.

Pour autant que Votre Cour devait admettre que ce contrôle relève néanmoins de sa compétence, il convient d’analyser le moyen quant à son fond, à titre subsidiaire.

Dès la première instance, l’actuelle demanderesse en cassation avait sollicité l’indemnisation intégrale de son préjudice, né du retard du règlement, couvrant :

9 Voir, p.ex. : Cass. 19 février 2009, n°2601 du registre (réponse au troisième moyen, tiré de la violation des article 1147 et 1149 du Code civil) 10 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, Dal oz éd. 2015/2016, n°67.158, p. 340 11 Idem, n°67.181, p. 341 et 342 12 Jurisclasseur civil, fascicule 201, Régime de la réparation, n°56 13 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, Dal oz éd. 2015/2016, n°67.158, p. 340 14 Jurisclasseur, précité, n°56 « - d’une part l’actualisation au jour du jugement à intervenir des montants calculés sur base des montants de la commande passée en 1998, usuellement indemnisée au titre de la dépréciation monétaire - d’autre part le préjudice né de la perte de jouissance des indemnités couvrant le préjudice en principal s’il avait été indemnisé au jour de la survenance du dommage (i.e. les intérêts de retard) »15 Le REHAZENTER s’était opposé à cette demande, estimant qu’il n’y avait lieu d’allouer que les intérêts légaux, en dehors de toute indexation, en donnant à considérer que la durée de la procédure ne lui était pas imputable.

Faisant remarquer que c’est n’était vrai qu’en partie, dès lors que c’était le REHAZENTER qui avait engendré la procédure d’appel, puis de cassation, les juges de première instance ont pris position comme suit :

« Pour le surplus, l’imputabilité du retard est étrangère à la question de l’indemnisation intégrale. Si le retard a causé un préjudice, il doit être indemnisé.

La société X) soutient que l’indexation des montants alloués, qui seraient évalués au jour de la résiliation du marché, devrait intervenir pour lui procurer une indemnisation intégrale à travers la réparation du préjudice né de la dépréciation monétaire afin de lui permettre de faire au jour de l’indemnisation ce qu’il lui aurait été possible de faire au jour de la survenance du préjudice. Elle demande par exemple à voir réévaluer les indemnités en fonction de l’évolution de l’indice des prix entre le jour de la réalisation du préjudice et le jour du paiement intégral.

L’indemnité allouée à la victime doit correspondre le plus près possible au dommage effectivement subi. A cet effet, les montants indemnitaires doivent être fixés avec valeur au jour de la survenance du dommage pour ensuite être réévaluées à un jour proche du paiement effectif, concrètement au jour du dépôt du rapport d’expertise à ordonner ci-dessous. Ces montants réévalués portent ensuite à partir de ce jour intérêts de retard jusqu’au jour du paiement effectif. La société X) ne saurait toutefois cumuler réévaluation des montants indemnitaires à un jour proche du paiement et allocation des intérêts de retard à partir du jour de la naissance du dommage. »16 Par conséquent, ils ont rejeté la demande l’actuelle demanderesse en cassation dans les termes suivants :

15 Jugement du 29 mars 2017, page 11 16 Jugement du 29 mars 2017, page 26 « dit que la société anonyme X) n’a pas droit aux intérêts de retard sur la période antérieure à la date de réévaluation des montants indemnitaires »17 En instance d’appel, l’actuelle demanderesse en cassation a interjeté appel incident sur ce point dans ses conclusions du 11 novembre 201818, reprochant au tribunal d’avoir méconnu son droit à la réparation intégrale du préjudice.

Elle a formulé sa demande ainsi :

« Comme observé ci-avant, la non mise à disposition d’une indemnité en principal a porté préjudice à l’entreprise, puisqu’elle n’a pu bénéficier des fruits qu’aurait donné ce montant principal, soit par un placement financier et/ou un investissement industriel : c’est-à-dire ce que couvrent les intérêts aux taux légaux.

Ces intérêts sont dès lors dus - sur la somme en principal depuis la survenance du préjudice jusqu’au jour du paiement intégral - et sur le supplément pour valorisation au jour de la décision à intervenir depuis la date de cette décision jusqu’au jour du paiement intégral »19 La Cour d’appel a souligné que l’actuelle demanderesse en cassation a droit à l’indemnisation de son préjudice intégral20.

Quant au montant dudit préjudice, elle rejeté les arguments avancés par celle-

ci et a déclaré l’appel incident non fondé, au motif que le mode de calcul ainsi proposé, consistant à faire courir les intérêts de retard non seulement à partir du jour de la réévaluation des indemnités, mais déjà à partir du jour de l’évènement dommageable, dépasserait la réparation du préjudice intégral et mènerait à une double indemnisation :

« Concernant le retard de l’indemnisation, c’est à bon droit que la demande en indexation des montants indemnitaires a été déclarée recevable en tant que demande accessoire de la demande en dommages-intérêts et le tribunal a retenu à juste titre que l’indemnité de la victime devant correspondre autant que possible au dommage effectivement subi, les montants indemnitaires étaient à évaluer au jour du dommage et à réévaluer au jour du dépôt du rapport d’expertise, ces montants portant ensuite intérêts jusqu’au jour du paiement effectif, de sorte qu’il n’y a pas lieu de suivre les conclusions de la société X) qui réclame en outre les intérêts de retard sur les indemnités à partir du jour du dommage sous peine de procéder à une double indemnisation. »21 17 Jugement du 29 mars 2017, dispositif, page 33 18 Farde de pièces de Maître BORNERT, pièce n°3, pages 12 et 13 19 Idem, page 13 20 Arrêt attaqué, page 10, alinéa 5. La Cour a certes inversé les termes, mais vise certainement par là que la société X) a droit à l’indemnisation intégrale de son préjudice.

21 Arrêt attaqué, page 11, alinéa 1er La question qui se pose à Votre Cour est donc celle de savoir si, pour assurer le respect du principe de la réparation intégrale du préjudice, l’indemnité à laquelle a droit la partie lésée, réévaluée au moyen d’une indexation à un moment proche du paiement, doit être assortie d’intérêts de retard à partir du jour de l’incident ayant fait naître le droit à réparation, tel que le réclame l’actuelle demanderesse en cassation, ou bien à partir du jour de la réévaluation, tel que l’ont décidé les juges du fond.

Afin d’y répondre, il y a lieu de rappeler tout d’abord qu’en matière d’indemnisation d’un préjudice, l’étendue de la réparation est gouvernée par le principe de la réparation intégrale22.

L’article 1149 du Code civil dispose :

« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-

après. » Il en découle que la réparation doit être égale à la totalité du préjudice, mais ne peut pas le dépasser et le juge ne doit pas réparer deux fois le même préjudice23.

L’indemnisation peut prendre deux formes, à savoir celle de la réparation en nature, sinon la réparation pécuniaire ou en valeur, consistant à allouer à la victime des dommages-intérêts24.

En l’espèce, la société X) avait renoncé, en cours de procédure, à l’exécution forcée du contrat et a sollicité l’allocation de dommages-intérêts.

Concernant la typologie des dommages-intérêts, il faut constater, à titre de remarque préliminaire, que les droits français, belge et luxembourgeois n’emploient pas toujours les mêmes termes, de sorte qu’il existe un certain risque de confusion, voire un certain flou dans l’utilisation des différentes notions.

En principe, la doctrine et la jurisprudence françaises distinguent deux types de dommages-intérêts : les dommages-intérêts compensatoires25, d’une part, qui consistent en la somme d’argent destinée à compenser le préjudice subi, et les dommages-intérêts moratoires, ou intérêts de retard, indemnisant le préjudice résultant du retard dans l’exécution d’une obligation26.

22 Jurisclasseur civil, fascicule 201 : Régime de la réparation, n°47 23 Idem, n°54 24 Idem, n°8 25 En droit belge et en droit luxembourgeois, par contre, on utilise la notion d’intérêts compensatoires pour désigner une catégorie spécifique d’intérêts de retard, tels qu’il sera exposé ci-dessous.

26 Idem, n°11 et 12 L’actuelle demanderesse en cassation a réclamé, en sus des dommages-intérêts compensatoires, c’est-à-dire des sommes d’argent en réparation du préjudice qu’elle a subi suite à l’annulation du marché public, des intérêts de retard, au vu de la longue période de temps qui s’était écoulée depuis l’incident dommageable. Pour la même raison, elle a sollicité la réévaluation des montants lui revenant à titre de dommages-intérêts à une date proche du règlement du préjudice.

Cette dernière demande n’est donc pas stricto sensu une question dommages-

intérêts supplémentaires, mais elle a trait à la date d’évaluation de la réparation. A cet égard, le principe de la réparation intégrale commande de choisir comme date d’évaluation de la réparation la date la plus proche de la réparation effective. Normalement, cette date est celle de la dernière décision rendue par les juges du fond statuant sur le principe de la réparation27. La raison en est, entre autres, qu’en raison des fluctuations de la monnaie, et notamment de sa dépréciation, l’expression pécuniaire du dommage peut varier entre la survenance de celui-ci et le jugement statuant sur la réparation.

La date d’évaluation retenue, en permettant de tenir compte de cette possible variation dans l’expression monétaire du dommage, ajuste au plus près la réparation allouée au dommage subi et par là-même assure une réparation intégrale28.

Pour ce faire, il est possible d’évaluer le dommage au jour de la réparation, mais en l’actualisant au jour de la décision en fonction de l’évolution d’un indice29. C’est ce qu’on fait les juges du fond en l’espèce, en retenant le principe de l’indexation des montants indemnitaires. Certes, les juges du fond n’ont pas fixé le moment de cette réévaluation au jour de leur décision, mais ils ont choisi celui du dépôt de l’expertise qu’ils ont ordonnée, donc à un moment encore plus proche de la réparation.

Cette décision concernant la réévaluation en elle-même, de même que sa date, ne sont pas remises en cause par le moyen.

Par contre, le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il ne lui a pas accordé, en plus, des intérêts de retard sur les montants indemnitaires à partir du jour du dommage, ceux-ci ne lui ayant été accordés qu’à partir du jour de réévaluation.

En Belgique, les intérêts de retard, appelés intérêts moratoires en droit français, sont dénommés « intérêts compensatoires », ce qui risque de porter à confusion avec les « dommages-intérêts compensatoires »30 de droit français.

27 Idem, n°59 28 Idem, n°59 29 Cass. com. 2 novembre 1993, Bul . civ. 1993, IV, n°380 30 Cf. développements ci-dessus La position de la Cour de cassation belge n’est pas constante quant à la question de savoir si les intérêts compensatoires peuvent être cumulés avec l’actualisation de l’indemnité par le biais d’une indexation.

Un arrêt avait fait la distinction très nette entre les intérêts compensatoires qui « réparent le préjudice résultant du retard dans l’indemnisation » et l’actualisation qui est « un procédé de calcul appliqué pour tenir compte de la diminution du pouvoir d’achat de la monnaie ». Il s’agit, selon l’arrêt, de « deux correctifs différents, même s’ils sont l’un et l’autre liés à l’écoulement du temps »31.

D’autres arrêts ont toutefois décidé que les intérêts compensatoires ont également pour objet de compenser le préjudice « né de l’érosion monétaire »32.

Des contradictions similaires se retrouvent dans la jurisprudence de la Cour de cassation française33. En effet, la troisième chambre a décidé que si le juge indexe l’indemnité jusqu’au paiement et décide également de faire courir les intérêts sur cette indemnité à compter de la demande, il y a une double indemnisation du préjudice lié au retard34. La première chambre, par contre, a admis la possibilité d’actualiser une indemnité préalablement évaluée au jour du paiement effectif et de condamner le débiteur à payer les intérêts moratoires à compter de la demande en paiement en observant que « l’actualisation compense la dépréciation monétaire entre le jour où la créance est évaluée et le jour du paiement, tandis que les intérêts moratoires indemnisent seulement le retard dans le paiement. »35 En droit luxembourgeois, il est généralement admis qu’étant donné que l’évaluation monétaire du préjudice doit se faire à un jour proche de la décision judiciaire fixant l’indemnité, il faut procéder à une réévaluation, au jour de la décision, qui exige une double opération : l’adaptation en fonction de la variation de l’indice du coût de la vie et l’allocation d’intérêts de retard.

Ces deux opérations ne font pas double emploi :

- le montant revalorisé d’un dommage évalué à une date antérieure, et adapté au nouvel indice du coût de la vie, ne constitue que la contre-valeur du dommage proprement dit ; la réévaluation a pour objet de compenser la diminution du pouvoir d’achat de la monnaie ;

31 Cass. belge, 13 octobre 1999, Pas. 1999, 1308 32 Cass. belge 20 février 2004, pas. 2004, 297; 16 janvier 1998, Pas. 1998, 86 33 Jurisclasseur Notarial, responsabilité civile, fascicule 205, n° 38 34 Cass. fr. 3ème ch. 8 février 1995, Dal .1995, somm. 234 35 Cass. fr. 1ère ch., 16 mai 1995, Bul .civ. 1995, I, n°207 - les intérêts de retard sont destinés à réparer le préjudice supplémentaire qui résulte du fait que le préjudice n’est réparé que tardivement36.

A noter que l’indemnisation complémentaire devant compenser le retard dans le jugement de la créance indemnitaire de base n’est pas liée à l’existence d’une négligence du débiteur dans le paiement tardif et est à ajouter au montant du préjudice proprement dit, même si l’évaluation de celui-ci a été différée pour l’une ou l’autre raison, comme, par exemple, des mesures d’instruction nécessitées à cette fin.

De ce fait, la victime réalise souvent un gain qui est d’autant plus substantiel que les provisions, non réévaluées, sont importantes. C’est pourquoi certaines juridictions du premier degré résistent à l’application de ces règles37.

Or, il faut se demander si une telle approche ne se heurte pas au principe de la réparation intégrale du préjudice qui exige qu’il ne puisse y avoir pour la victime ni perte, ni profit, ou en d’autres termes, que la réparation allouée ne doit être ni inférieure, ni supérieure au dommage réparable38.

Ceci pourrait amener Votre Cour à en déduire que le moyen n’est pas fondé et que c’est à juste titre et sans violer ni la disposition visée au moyen, ni le principe de la réparation intégrale du préjudice, que la Cour d’appel, après avoir retenu que les montants indemnitaires étaient à réévaluer au jour du dépôt du rapport d’expertise, a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’allouer des intérêts de retard sur les indemnités à partir du jour du dommage, sous peine de procéder à une double indemnisation.

La doctrine luxembourgeoise citée ci-dessus distingue deux sortes d’intérêts de retard, à savoir les intérêts moratoires, soumis au taux légal, courant depuis la décision jusqu’au jour du paiement39, et les intérêts compensatoires, destinés à indemniser le préjudice que la victime subit du fait qu’elle ne touche pas immédiatement le capital des dommages-intérêts auquel elle a droit40.

Ces intérêts dits compensatoires s’analysent en des dommages-intérêts destinés à compléter la réparation du préjudice, en assurant à la partie lésée l’indemnisation du dommage supplémentaire que lui cause le retard – même involontaire – apporté par l’auteur du dommage à en réparer les effets41. Ils n’ont pas pour objet – du moins pas comme objet exclusif – de compenser l’inflation et peuvent donc 36 Georges RAVARANI, La responsabilité civile, 3ème édiction, n°1242, page 1195 37 Georges RAVARANI, La responsabilité civile, 3ème édiction, n°1242, page 1196, et jurisprudences y citées 38 Cass. fr., 9 novembre 1976, Bul . civ. 1976, II, n°302 39 Georges RAVARANI, La responsabilité civile, 3ème édiction, n°1248, page 1198 40 Idem, n°1251, page 1200 41 Cour d’appel, IXème chambre, 1er décembre 2016, n°40039 et 41304 du rôle être alloués sur des indemnités déjà réévaluées pour tenir compte de l’érosion monétaire42.

En analysant la demande de l’actuelle demanderesse en cassation, on constate qu’en réclamant des « intérêts de retard » sur les indemnités à partir du jour du dommage, elle visait en réalité des « intérêts compensatoires », d’après les critères dégagés ci-dessus, même si elle n’a pas employé ce terme devant les juges du fond.

L’application d’un intérêt compensatoire n’est pas automatique et il ne s’impose qu’au cas où la victime subit un préjudice du fait de l’écoulement du temps entre la date de la réalisation du dommage et celle de la date de fixation de l’indemnité.

Le juge, libre d’en allouer ou non, peut partant estimer en fonction des éléments de la cause qu’il n’y a pas lieu d’allouer des intérêts compensatoires ou encore d’allouer une indemnité globale, intérêts compensatoires compris43.

Or, si le juge du fond est libre d’allouer des intérêts compensatoires ou non, selon qu’il estime que la partie créancière a subi un préjudice spécifique du fait du retard du paiement, il faut en conclure que cette décision relève de son pouvoir souverain d’appréciation et échappe au contrôle de Votre Cour, tel que la soussignée l’a conclu à titre principal.

En résumé, il n’est pas aisé de tirer une conclusion tranchée des développements ci-dessus. Rien que les décisions antagonistes au niveau des cours suprêmes française et belge démontrent la complexité du sujet. Tout dépend finalement des circonstances factuelles de chaque cas d’espèce et de l’existence, retenue par les juges du fond, d’un préjudice distinct et spécifique découlant du retard du paiement, non réparé par la réévaluation des indemnités pour combler la dépréciation monétaire.

Ce n’est que si Votre Cour devait, d’une part, s’aligner à la doctrine luxembourgeoise citée ci-dessus, conforme à un courant majoritaire de la jurisprudence et, d’autre part, arriver à la conclusion que la Cour d’appel a décidé que par principe, l’actuelle demanderesse en cassation ne pouvait prétendre à des intérêts compensatoires, dès lors qu’il avait été fait droit à sa demande de réévaluation des montants indemnitaires lui revenant, qu’elle pourrait décider que le moyen est fondé, dès lors qu’il est majoritairement admis en droit luxembourgeois qu’un tel cumul est possible.

42 Idem ; Cour d’appel, 11 mars 2010, n°22972 du rôle : « La Cour retient que les intérêts compensatoires ne sont pas destinés à permettre une indemnisation qui tienne compte de l’érosion monétaire. En effet, c’est l’évaluation du dommage au jour de la décision, et, le cas échéant, la réévaluation de l’indemnité en tenant compte de l’évolution de l’indice du coût de la vie, qui permet d’accorder à la victime d’un fait dommageable une indemnité qui assure sa réparation intégrale du préjudice. La demande d’intérêts compensatoires en vue d’aboutir à une indemnisation tenant compte de la dépréciation de la monnaie n’est dès lors pas justifiée. » 43 Idem, page 2001 Toutefois, la soussignée estime que les magistrats d’appel n’ont pas exclu cette possibilité par voie de principe, mais uniquement sur base des circonstances de fait leur soumises, c’est-à-dire en fonction de leur pouvoir souverain d’appréciation.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 73/21
Date de la décision : 29/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-04-29;73.21 ?

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