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22/04/2021 | LUXEMBOURG | N°63/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 22 avril 2021, 63/21


N° 63 / 2021 du 22.04.2021 Numéro CAS-2020-00073 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, président de chambre à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la COMMUNE DE H), demanderes

se en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude du...

N° 63 / 2021 du 22.04.2021 Numéro CAS-2020-00073 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, président de chambre à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la COMMUNE DE H), demanderesse en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

K), défendeur en cassation.

Vu le jugement attaqué, numéro 818/2020, rendu le 5 mars 2020 par le juge de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance de contredit ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 juin 2020 par la COMMUNE DE H) à K), déposé le 2 juillet 2020 au greffe de la Cour dans le délai légal au regard du règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales ; Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Sur les faits Selon le jugement attaqué, le juge de paix de Luxembourg, saisi par la COMMUNE DE H) avait émis une ordonnance conditionnelle de paiement contre K) aux fins de paiement du solde d’une facture communale de redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation. Se prévalant du principe d’égalité devant l’impôt pour refuser le paiement des taxes lui facturées au tarif plus élevé de l’ancienne commune de X), K) avait formé contredit. Il critiquait les dispositions de l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), qui imposait le maintien en vigueur des règlements des anciennes communes dans l’attente de leur remplacement par des règlements nouveaux et qui imposait au sein de la nouvelle commune l’application de règlements différents suivant que ses destinataires habitent dans l’ancienne commune de X) ou dans l’ancienne commune de H). Par un jugement rendu en dernier ressort, le juge de paix a dit que l’ordonnance conditionnelle de paiement était nulle et non avenue.

Sur le deuxième moyen de cassation, qui est préalable Enoncé du moyen « Tiré de la violation sinon de la fausse application de l'article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisant de la Cour constitutionnelle disposant que : , En ce que le Juge de Paix n'a pas respecté cette obligation Alors pourtant que les conditions permettant à la juridiction de se dispenser de la saisine de la Cour constitutionnelle, à savoir : a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement ; b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ; c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet, ne sont manifestement pas remplies en l'espèce et qu'il aurait dès lors appartenu au Juge de Paix, plutôt que d'écarter une disposition légale en se fondant sur deux dispositions constitutionnelles censées instaurer le principe d'égalité devant l'impôt et, en l'espèce devant des taxes de remboursement, par ailleurs non autrement discutées au fond (article 101 et article 10 bis paragraphe 1er de la Constitution) de saisir la Cour constitutionnelle d'une question préjudicielle s'il avait été d'avis que se posait en l'espèce une question de conformité d'une disposition légale à la Constitution. ».

Réponse de la Cour Vu l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.

Le juge de paix, après un examen de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative aux articles 10bis et 101 de la Constitution, est arrivé à la conclusion que la demanderesse en cassation n’avait pas respecté le principe d’égalité des contribuables d’une même commune se trouvant dans une situation comparable.

Il a, partant, retenu le caractère discriminatoire de la disposition légale en question.

Il aurait, cependant, dû, en vertu de la disposition précitée de la loi du 27 juillet 1997, saisir d’une question préjudicielle la Cour constitutionnelle à laquelle il revient de décider si la différenciation opérée par la loi est objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

Le deuxième moyen de cassation est partant fondé.

Il en suit que le jugement encourt la cassation.

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens de cassation, la Cour de cassation :

casse et annule le jugement numéro 818/2020 du 5 mars 2020 du juge de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance de contredit ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant la justice de paix de Luxembourg, autrement composée ;

condamne le défendeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit Maître Albert RODESCH, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la justice de paix de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, 4 décembre 2020 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation ADMINISTRATION COMMUNALE DE H) c/ K) (affaire n° CAS-2020-00073 du registre) Le pourvoi de la partie demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 2 juillet 2020, d’un mémoire en cassation, signifié le 26 juin 2020 au défendeur en cassation, est dirigé contre un jugement n° 818/2020 contradictoirement rendu en date du 5 mars 2020 par le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance de contredit.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi a pour objet un jugement de tribunal de paix en matière civile statuant sur une demande de condamnation portant sur un montant principal de 113,46.- euros1. L’article 2, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile dispose que le tribunal de paix statue en matière civile en dernier ressort jusqu’à la valeur de 2.000.- euros.

Il en suit que le jugement, bien que rendu par une juridiction de première instance, est susceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

S’agissant du respect du délai de recours, ce dernier est fixé par l’article 7, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dans le cas, de l’espèce, d’un demandeur résidant au Grand-Duché, à deux mois.

Le délai a commencé à courir à partir de la réception de la notification du jugement faite par le greffe conformément à l’article 141 du Nouveau Code de procédure civile, renvoyant à l’article 102 du même Code. Suivant les éléments auxquels vous pouvez avoir égard, cette notification a eu lieu le 9 mars 20202. Le délai a été suspendu au cours de l’état de crise déclaré, sur base de l’article 32, paragraphe 4, de la Constitution, dans le contexte de la pandémie du COVID-

193, par l’effet de l’article 1er, paragraphe 1, du Règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres 1 Jugement attaqué (Pièce n° 20 annexée au mémoire en cassation), page 2, cinquième alinéa.

2 Date d’entrée du jugement y figurant à la page 1 (Pièce n° 14 annexée au mémoire en cassation).

3 Voir le Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 (Mémorial, A, 2020, n° 165, du 18 mars 2020) et la loi du 24 mars 2020 portant prorogation de l’état de crise déclaré par le Règlement grand-ducal précité du 18 mars 2020 (Mémorial, A, 2020, n° 178, du 24 mars 2020).

modalités procédurales4. Cette suspension a pris fin, conformément à l’article 1er de la loi du 24 mars 2020 portant prorogation de l’état de crise5, le 24 juin 2020, à 24.00 heures6. La suspension « signifie que le délai ne court pas et reprend son cours normal une fois que le fait ou l’acte à l’origine de la suspension disparaît »7.

Il en suit que, en l’espèce, le délai de deux mois, prévu par l’article 7, alinéa 1, de la loi précitée de 1885, a commencé à courir du 9 mars 2020 au 25 mars 2020, date d’entrée en vigueur du Règlement grand-ducal précité8, a été suspendu entre le 26 mars et le 24 juin 2020 pour reprendre son cours le 25 juin 2020. Le mémoire ayant été déposé, donc le pourvoi ayant été formé, le 2 juillet 2020, le délai précité a été respecté.

Il en suit que le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai.

La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi précitée de 1885 ont été respectées.

Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue, comme précisé ci-avant, en dernier ressort, qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi de 1885.

4 Mémorial, A, 2020, n° 185, du 25 mars 2020. L’article 1, paragraphe 1, de ce Règlement disposait que : « Les délais prescrits dans les procédures devant les juridictions judiciaires, administratives, militaires et constitutionnel e sont suspendus ». Le Règlement a été successivement modifié, sur d’autres points, par des Règlements modificatifs du 1er avril 2020 (Mémorial, A, 2020, n° 227, du 2 avril 2020), du 17 avril 2020 (Mémorial, A, n° 302, du 17 avril 2020) et du 29 avril 2020 (Mémorial, A, 2020, n° 340, du 29 avril 2020). Le Règlement modificatif précité du 17 avril 2020 a exempté de la suspension les délais de cassation en matière pénale prévus par les articles 41 à 43 de la loi précitée de 1885 (Article 2, paragraphe 1, alinéa 1, sous 8°, du Règlement grand-

ducal précité du 25 mars 2020 tel que modifié). La suspension continua toutefois à s’appliquer aux délais de cassation en matière civile.

5 Voir les références dans la note n° 3.

6 La loi précitée du 24 mars 2020 est entrée en vigueur, conformément à son article 2, le jour de sa publication, soit le 24 mars 2020, de sorte que l’état de crise a pris fin trois mois plus tard, soit le 24 mars 2020 à 24.00 heures.

Voir à ce sujet les articles 1258 (« Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai. […]) et 1256 du Nouveau Code de procédure civile (« […] Le délai expire le dernier jour à minuit. »).

7 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 7587 ayant donné lieu à la loi du 20 juin 2020 portant prorogation de mesures concernant la tenue d’audiences publiques pendant l’état de crise (Mémorial, A, 2020, n° 523, du 24 juin 2020) (Document parlementaire n° 7587-3), page 4, deuxième alinéa. Il est à préciser que la loi précitée du 20 juin 2020 comporte dans son article 6 une disposition suivant laquel e « les délais, légaux ou conventionnels, qui gouvernement l’introduction des procédures en première instance devant les juridictions judiciaires, administratives et militaires […] sont prorogés comme suit : 1° les délais venant à échéance pendant l’état de crise sont reportés de deux mois à compter de la date de la fin de l’état de crise ; 2° les délais venant à échéance dans le mois qui suit le mois qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi, sont reportés d’un mois à compter de leur date d’échéance » (c’est nous qui soulignons). Il résulte des travaux préparatoires de la loi précitée du 20 juin 2020 que cette solution ne s’applique pas aux délais autres que ceux gouvernant l’introduction des procédures en première instance, donc ne s’applique, à titre d’exemple, pas aux délais d’appel, d’opposition ou de pourvoi en cassation, parce que ces derniers délais ont été soumis pendant l’état de crise au régime de la suspension des délais (Rapport de la Commission de Justice de la Chambre des députés, Document parlementaire n° 7587-7, page 6, avant-dernier et dernier alinéas).

8 Le Règlement grand-ducal précité du 25 mars 2020 est, conformément à son article 7, entrée en vigueur le lendemain de sa publication, qui a eu lieu le 25 mars 2020.

Il est, partant, recevable.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, saisi par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE H) le tribunal de paix de Luxembourg émettait une ordonnance conditionnelle de paiement contre K) aux fins du paiement du solde d’une facture communale de redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation. Sur contredit du débiteur, le tribunal de paix dit l’ordonnance conditionnelle de paiement nulle et non avenue.

Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), disposant que « les règlements communaux qui existent dans les communes au jour de la fusion sont maintenus en vigueur pour le territoire pour lequel ils ont été édictés jusqu’à leur remplacement par des règlement édictés par les autorités de la nouvelle commune », en ce que le tribunal de paix a écarté cet article de la loi, ainsi que les règlements de l’ancienne commune de X) maintenus en vigueur par cet article, fixant les tarifs des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, aux motifs que, faute pour la nouvelle commune de H) d’adopter un nouveau règlement traitant de la même manière les contribuables se trouvant dans une situation comparable, elle aurait dû sauvegarder le principe d’égalité des contribuables en appliquant les tarifs les moins élevés arrêtés par les anciennes communes fusionnées, soit, en l’occurrence, ceux, moins élevés, arrêtés par l’ancienne commune de H), à l’exclusion de ceux arrêtés par l’ancienne commune de X), alors que la loi écartée ne comporte aucune limite d’application dans le temps.

Par une loi du 15 avril 20169, les anciennes communes de H) et de X) ont fusionné pour devenir, à partir du 1er janvier 201810, la nouvelle commune de H). L’article 4 de cette loi dispose que « les règlements communaux qui existent dans les communes au jour de la fusion sont maintenus en vigueur pour le territoire pour lequel ils ont été édictés jusqu’à leur remplacement par des règlements édictés par les autorités de la nouvelle commune ».

Parmi ces règlements maintenus en vigueur dans l’attente de leur remplacement par des règlements édictés par les autorités de la nouvelle commune de H), figurent les règlements relatifs aux redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation de l’ancienne commune de X)11.

Le défendeur en cassation, habitant de l’ancienne commune de X), refusa de payer des 195,96.-

euros qui lui étaient réclamés par la Commune au titre des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation pour la période de janvier à mars 2019 un montant de 113,46.- euros12.

9 Loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X) (Mémorial, A, 2016, n° 69, page 1118).

10 Article 13 de la loi précitée.

11 Voir les pièces n° 1 à 11 annexées au mémoire en cassation.

12 Jugement attaqué (reproduit comme pièce n° 20 annexée au mémoire en cassation), page 2, antépénultième à dernier alinéa.

Il motiva son refus de paiement par le fait que, suite à la fusion, il se voyait toujours, en 2019, un an après la fusion, sur base de règlements de l’ancienne commune de X), maintenus en vigueur par l’effet de l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, appliquer les tarifs déjà en vigueur avant la fusion. Ces tarifs seraient plus élevés que ceux qui étaient antérieurement à la fusion dus par les habitants de l’ancienne commune de H). Faute pour la nouvelle commune de H) d’adopter un nouveau règlement, remplaçant ceux des anciennes communes de H) et de X), ces anciens tarifs continueraient à rester en vigueur, ce qui discriminerait les habitants de l’ancienne commune de X) par rapport à ceux de l’ancienne commune de H)13. Le défendeur en cassation conclut que le principe de l’égalité devant l’impôt impose de lui appliquer les tarifs plus favorables de l’ancienne commune de H)14.

Le tribunal de paix fit droit à sa demande. Il dit une ordonnance conditionnelle de paiement rendue en cause comme nulle et non avenue aux motifs que, nonobstant l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, maintenant, « afin d’éviter un vide juridique »15, en vigueur les règlements des anciennes communes dans l’attente de leur remplacement par des nouveaux règlements par la nouvelle commune, « il appartient, cependant, à la nouvelle COMMUNE de faire en sorte que ses contribuables se trouvant dans une situation comparable soient traités de la même manière au niveau des taxes eau et canal »16 et que « étant donné que la COMMUNE n’a pas pris un nouveau règlement portant harmonisation des taxes relatives à la consommation d’eau et à la canalisation, elle aurait dû appliquer les taxes eau et canal les moins élevées arrêtées dans une des communes fusionnées, en l’occurrence celle de l’ancienne commune de H), ceci afin de respecter le principe d’égalité des contribuables d’une même commune se trouvant dans une situation comparable »17.

Il décida donc que la commune de H), à défaut d’avoir au cours de la première année de son existence remplacé les règlements des anciennes communes fusionnées en matière de tarif des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, aurait, nonobstant l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, motif pris d’une violation du principe d’égalité des contribuables devant l’impôt, dû refuser d’appliquer les règlements y relatifs de l’ancienne commune de X) et appliquer en lieu et place les règlements y relatifs de l’ancienne commune de H), prévoyant un tarif moins élevé18.

Dans son premier moyen, la demanderesse en cassation critique le tribunal d’avoir violé l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016.

13 Idem, page 4, premier alinéa.

14 Idem et loc.cit.

15 Idem, page 7, dernier alinéa.

16 Idem, page 8, premier alinéa.

17 Idem, même page, deuxième alinéa.

18 A supposer que le tribunal ait eu le pouvoir de se prononcer en l’espèce sur l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement et à supposer que ce principe ait été méconnu, il n’appartient pas au pouvoir judiciaire de se substituer à l’autorité communale aux fins de décider de quelle façon cette inégalité de traitement constatée est à réparer. L’égalité de traitement est susceptible d’être tout autant respectée en appliquant aux habitants de l’ancienne commune de H) les tarifs de l’ancienne commune de X). La discrimination alléguée ne procède pas des seuls règlements de l’ancienne commune de X), mais de l’application simultanée de règlements (des deux anciennes communes de X) et de H)) fixant des tarifs différents suivant le lieu d’habitation au sein de la commune. Cette discrimination, à supposer qu’elle existe, donc qu’elle ne soit pas, par exemple, objectivement justifiée par des différences de coûts au regard du lieu d’habitation (voir, à ce sujet, la pièce n° 13 annexée au mémoire en cassation), peut être réparée, en substance, de trois façons différentes : en appliquant, comme décidé par le tribunal de paix, aux habitants de l’ancienne commune de X) les tarifs de l’ancienne commune de H) ; en appliquant aux seconds les tarifs de l’ancienne commune de X) ; en adoptant, dans un règlement nouveau, des tarifs nouveaux applicables à tous les habitants de la commune, à mi-chemin entre ceux des deux anciennes communes). La recherche de ce mode de réparation n’incombe pas au juge.

D’un point de vue formel, le tribunal ne s’est pas référé dans son raisonnement à cette loi. Il a considéré que les règlements communaux appliqués étaient discriminatoires. Il reste, d’abord, que les règlements de l’ancienne commune de X) n’ont pu être appliqués que par suite et sur base de cette loi. Ensuite, cette dernière ne définit aucune limite d’application temporelle des anciens règlements, qui sont maintenus tant que la nouvelle commune n’a pas adopté un règlement nouveau. Enfin, en décidant la fusion des deux anciennes communes et en disposant que les anciens règlements de celles-ci restent en vigueur dans l’attente de l’adoption de règlements nouveaux, c’est cette loi dont procède l’application des règlements des deux anciennes communes aux habitants respectifs de celles-ci, considérée comme discriminatoire par le tribunal.

Cette discrimination relevée par le tribunal trouve donc bien sa source dans cette loi.

C’est dès lors à juste titre que la demanderesse en cassation considère que le jugement ait pu avoir violé celle-ci.

Cette violation alléguée aurait consisté en ce que le tribunal a reproché à la demanderesse en cassation de ne pas avoir adopté des règlements nouveaux aux fins d’assurer le respect du principe d’égalité des contribuables. Ce reproche serait, selon la demanderesse en cassation, contraire à l’article 4 de la loi, qui maintient les règlements dans l’attente de l’adoption de règlements nouveaux.

Le tribunal a reproché à la demanderesse en cassation de ne pas avoir adopté des règlements nouveaux parce qu’il considère que le principe d’égalité garanti par la Constitution impose une telle adoption et s’oppose dans cette mesure au maintien en vigueur des anciens règlements et, implicitement, mais nécessairement, à la loi qui ordonne ce maintien en vigueur. Le reproche repose donc sur le constat que les règlements et, par voie de conséquence, la loi dont procède leur maintien en vigueur, sont contraires à la Constitution.

Il se pose, bien entendu, la question de savoir si le tribunal a le pouvoir de procéder à un tel constat d’inconstitutionnalité d’une loi. Cette question est soulevée dans le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle. Ceci étant, le motif critiqué, d’un constat d’inconstitutionnalité implicite, mais nécessaire, de la loi, implique que la loi n’est, à tort ou à raison, pas applicable pour être contraire à la Constitution. Il n’est dès lors pas pertinent d’attaquer le motif en invoquant une violation de la loi, dont le tribunal considère qu’elle est inconstitutionnelle.

L’angle d’attaque pertinent est de critiquer le pouvoir du tribunal de décider de la constitutionnalité de la loi. Ce grief est l’objet du deuxième moyen.

Il en suit que le premier moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, en ce que le tribunal de paix a écarté l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), qui a maintenu en vigueur les règlements de l’ancienne commune de X) fixant les tarifs des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, aux motifs que, faute pour la nouvelle commune de H) d’adopter un nouveau règlement traitant de la même manière les contribuables se trouvant dans une situation comparable, elle aurait dû sauvegarder le principe d’égalité des contribuables en appliquant les tarifs les moins élevés arrêtés par les anciennes communes fusionnées, soit, en l’occurrence, ceux, moins élevés, arrêtés par l’ancienne commune de H), à l’exclusion de ceux arrêtés par l’ancienne commune de X), alors que le tribunal a ainsi écarté de sa propre initiative une loi pour être contraire à la Constitution sans saisir au préalable, conformément à l’article 6 de la loi précitée de 1997, la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du premier moyen, que le reproche adressé par le tribunal à la demanderesse en cassation d’avoir continué à appliquer les règlements de l’ancienne commune de X) constitue en réalité, implicitement, mais nécessairement, une critique de l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, qui impose le maintien en vigueur des règlements des anciennes communes dans l’attente de leur remplacement par des règlements nouveaux, n’a pas limité ce maintien en vigueur dans le temps et a imposé l’application au sein de la nouvelle commune de règlements différents suivant que ses destinataires habitent dans l’ancienne commune de X) ou dans l’ancienne commune de H).

Le constat par le tribunal du caractère discriminatoire des règlements de l’ancienne commune de X) constitue donc en réalité un constat du caractère discriminatoire de l’article 4 de la loi précitée, qui a imposé l’application de ces règlements, qui, à défaut, auraient cessé de s’appliquer par l’effet de la fusion des communes.

La demanderesse en cassation soulève à juste titre que le contrôle de la constitutionnalité des lois relève de la compétence de la Cour constitutionnelle. Ce pouvoir découle de l’article 95ter, paragraphe 1, de la Constitution, qui dispose que « la Cour constitutionnelle statue, par voie d’arrêt, sur la conformité des lois à la Constitution ». L’article 6 de la loi précitée du 27 juillet 1997 en tire les conséquences en disposant dans son alinéa 1 que « lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-

ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle » et dans son alinéa 3 que « si une juridiction estime qu’une question de conformité d’une loi à la Constitution et qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d’office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ».

Le tribunal de paix, qui, pour les motifs précités, a constaté, implicitement, mais nécessairement, que l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016 viole la Constitution, en l’occurrence le principe d’égalité devant l’impôt, a méconnu ce pouvoir exclusif de la Cour constitutionnelle.

Il en suit que le moyen est fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de l’égalité devant l’impôt communal consacré par l’article 101 de la Constitution, en ce que le tribunal de paix, pour retenir que les règlements de l’ancienne commune de X) fixant les tarifs des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, maintenus en vigueur par l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), discriminent au sein de la nouvelle commune de H) les contribuables de l’ancienne commune de X) par rapport à ceux de l’ancienne commune de H), dont les tarifs des redevances en question sont moins élevés, a appliqué le principe de l’égalité devant l’impôt, déduit des articles 10bis et 101 de la Constitution, alors que ce principe n’est pas applicable à des redevances comme celles de l’espèce, qui sont des taxes simplement rémunératoires, dues en contrepartie de la mise à disposition d’un service, partant une créance civile, ne constituant dès lors pas un impôt.

La demanderesse en cassation critique dans son troisième moyen que le tribunal de paix a qualifié les taxes en cause en l’espèce comme redevances civiles19 tout en constatant que le défaut par la nouvelle commune de H) d’adopter de nouveaux règlements fixant des tarifs communs applicables à ces redevances, remplaçant ceux des anciennes communes de H) et de X), qui avaient fixé des tarifs différents, méconnaît le principe d’égalité des contribuables20, donc l’égalité devant l’impôt21.

Dans ses développements relatifs au principe d’égalité, le tribunal rappelle, d’une part, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative à l’article 10bis de la Constitution, consacrant le principe d’égalité de traitement en général, tout en retenant que ce principe est appliqué en l’espèce dans le cadre des rapports entre « les contribuables d’une même commune »22 et concerne l’« égalité devant l’impôt »23, garanti par l’article 101 de la Constitution, qui, au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, n’est, comme le rappelle à juste titre le tribunal, qu’une application de l’article 10bis de celle-ci24.

La demanderesse en cassation a raison de souligner que ces références aux contribuables et à l’impôt ne sont pas pertinentes. Le tribunal a constaté en l’espèce que les taxes en cause sont des redevances civiles.

Les taxes sont classiquement subdivisées en deux catégories, à savoir les taxes proprement dites et les taxes rémunératoires25.

Les taxes proprement dites ne présupposent aucun service offert en contrepartie ou ne constituent à tout le moins pas la contrepartie d’un service, qui peut toutefois être l’occasion de les prélever. Leur finalité est d’alimenter le budget communal, de sorte qu’elles sont assimilées aux impôts.

Les taxes rémunératoires ne sont exigibles qu’en raison de prestations que l’administration offre à l’usager et que ce dernier est en mesure d’utiliser. Elles sont à leur tour subdivisées en taxes de quotité et en taxes simplement rémunératoires. Les premières sont à payer obligatoirement en contrepartie de la mise à disposition d’un service aux habitants de la commune qui y sont 19 Jugement attaqué, page 6, troisième et quatrième alinéa.

20 Idem, page 8, deuxième alinéa.

21 Idem, page 6, titre précédent l’antépénultième alinéa.

22 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.

23 Idem, page 6, titre précédent l’antépénultième alinéa.

24 Idem, page 7, deuxième alinéa, citant à juste titre l’arrêt n° 106 de la Cour constitutionnel e, du 20 décembre 2013.

25 Conclusions de Madame Jeanne GUILLAUME, alors premier avocat général, sous votre arrêt n° 26/11, numéro 2831 du registre, du 7 avril 2011, et les références y citées. Les passages qui suivent y trouvent leur source.

astreints indépendamment de l’utilisation effective dudit service26. Les secondes supposent que le débiteur ait fait usage du service offert et qu’elles correspondent au coût de ce service.

Aucune de ces deux catégories de taxes rémunératoires n’a pour finalité la couverture des charges publiques. Elles ne sont dès lors pas considérées comme des impôts, mais comme des créances civiles. Depuis la création des juridictions administratives le contentieux y relatif est de la compétence des juridictions judiciaires27. Sous l’empire du droit antérieur, le contentieux des taxes de quotité relevait de celle de l’ancienne section du contentieux du Conseil d’Etat, tandis que les juridictions judiciaires étaient compétentes pour connaître du contentieux relatif aux taxes simplement rémunératoires.

Les taxes en cause en l’espèce, qui, conformément à la terminologie précitée, sont des taxes simplement rémunératoires, ne constituent donc pas des impôts.

S’il en suit que les références faites par le tribunal au sujet du principe de l’égalité des contribuables devant l’impôt ne sont pas pertinentes, il reste que l’application de ce principe est soumise aux mêmes règles que celles régissant le principe de l’égalité de traitement prévu par l’article 10bis de la Constitution, rappelées par le tribunal28, le premier principe ne constituant qu’un cas d’espèce du second.

La motivation du jugement attaqué est donc correcte, abstraction faite de la référence surabondante au principe de l’égalité des contribuables devant l’impôt.

Le moyen n’est dès lors pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 95 de la Constitution, en ce que le tribunal de paix a refusé d’appliquer les règlements de l’ancienne commune de X) fixant les tarifs des redevance dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, maintenus en vigueur par l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), en considérant que ces règlements étaient contraires aux articles 10bis et 101 de la Constitution parce qu’ils discriminent au sein de la nouvelle commune de H) les contribuables de l’ancienne commune de X) par rapport à ceux de l’ancienne commune de H), dont les tarifs des redevances en question sont moins élevés, alors que l’article 95 de la Constitution limite la compétence des juridictions au contrôle de la conformité des arrêtés et règlements généraux et locaux à la loi, à l’exclusion de la Constitution.

Dans son quatrième moyen la demanderesse en cassation reproche au tribunal de paix d’avoir écarté les règlements communaux litigieux sur base de l’article 95 de la Constitution pour être contraire à la Constitution, alors que cet article ne permettrait que de contrôler leur conformité à la loi au sens formel du terme.

26 Voir votre arrêt précité, qui définit en ces termes les taxes rémunératoires en général, l’éventuel défaut d’utilisation du service étant le critère spécifique des taxes de quotité par opposition aux taxes simplement rémunératoires.

27 L’article 8, paragraphe 1, sous b), de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que : « le tribunal administratif connaît des contestations relatives : […] b) aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires ».

28 Jugement attaqué, page 7, deuxième alinéa.

Il a été vu ci-avant dans le cadre de la discussion du premier moyen que le tribunal a, en l’espèce, écarté, implicitement, mais nécessairement, l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, qui a maintenu en vigueur les règlements litigieux de l’ancienne commune de X). Le contrôle de constitutionnalité effectuée par le tribunal vise donc en réalité la loi et non les règlements.

L’article 95, première phrase, de la Constitution dispose que « les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois ».

Comme le tribunal n’a en l’espèce pas contrôlé la constitutionnalité des règlements, mais celle de la loi qui a maintenu en vigueur ces règlements, l’article 95, première phrase, de la Constitution, qui est relatif à l’exception d’illégalité des règlements, est étranger au litige.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

A titre subsidiaire, si l’article 95, première phrase, de la Constitution évoque la conformité des règlements aux lois, il institue une exception d’illégalité29, qui vise la conformité à toutes les règles de droit supérieures aux règles administratives, y compris les règles internationales ou européennes intégrées au droit luxembourgeois, donc également à la Constitution, partant, la « légalité » au sens large30.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, en ce que le tribunal de paix a refusé d’appliquer les règlements de l’ancienne commune de X) fixant les tarifs des redevances dues en raison de la consommation d’eau et de l’utilisation de la canalisation, maintenus en vigueur par l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 portant fusion des communes de H) et de X), en considérant que ces règlements étaient contraires aux articles 10bis et 101 de la Constitution parce qu’ils discriminent au sein de la nouvelle commune de H) les contribuables de l’ancienne commune de X) par rapport à ceux de l’ancienne commune de H), dont les tarifs des redevances en question sont moins élevés, alors que, première branche, le tribunal de paix a omis de répondre au moyen de la demanderesse en cassation tiré de ce que le maintien en vigueur des règlements est fondé sur l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016, que, deuxième branche, il s’est contredit en constatant que l’article 4 de la loi précitée du 15 avril 2016 « prévoit une solution quant à la survie des actes réglementaires édictés par les organes des anciennes communes afin d’éviter un vide juridique »31 tout en refusant de l’appliquer en constatant le maintien en vigueur des anciens règlements de la commune de X) 29 Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution, Luxembourg, 2006, page 314, commentant l’article 95 de la Constitution.

30 Yves LEJEUNE, Droit constitutionnel belge, Bruxel es, Larcier, 3e édition, 2017, n° 191, page 244, sous c), au sujet de l’interprétation faite en droit belge de l’article 159 de la Constitution belge actuel e, qui dispose, de façon similaire à l’article 95, première phrase, de la Constitution luxembourgeoise, que « Les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ».

31 Jugement attaqué, page 7, dernier alinéa.

et que, troisième branche, il s’est contredit en constatant que les redevances ne constituent pas un impôt, mais des redevances civiles, tout en retenant qu’elles méconnaissent le principe de l’égalité devant l’impôt.

Dans son cinquième moyen, la demanderesse en cassation invoque différentes violations de l’obligation de motivation, imposée par l’article 89 de la Constitution. Ces violations auraient été commis par un défaut de réponse à conclusions et par des contradictions de motifs.

La première branche critique un défaut de réponse à conclusions. Le tribunal aurait omis de répondre au moyen de la demanderesse en cassation tiré de ce que les règlements communaux contestés de l’ancienne commune de X) ne s’appliquent que parce qu’ils ont été maintenus en vigueur par l’article 4 de la loi du 15 avril 2016.

Il résulte du jugement que la demanderesse en cassation s’était rapporté à cet article « pour dire qu’aussi longtemps qu’aucun nouveau règlement n’est pris par les autorités de la nouvelle commune, les anciens règlements communaux restent en vigueur sur le territoire pour lequel ils ont été édictés »32. Le tribunal y a répondu en retenant, d’une part, que « dans la mesure où la fusion des communes de X) et de H) a mis fin à leur existence, l’article 4 de [la] loi du 15 avril 2016 prévoit une solution quant à la survie des actes réglementaires édictés par les organes des anciennes communes afin d’éviter un vide »33, mais, d’autre part, que « il appartient, cependant, à la nouvelle COMMUNE de faire en sorte que ses contribuables se trouvant dans une situation comparable soient traités de la même manière au niveau des taxes eau et canal »34 et que, à défaut d’adopter un nouveau règlement, « elle aurait dû appliquer les taxes eau et canal les moins élevées arrêtées dans une des communes fusionnées, en l’occurrence celle de l’ancienne commune de H) »35.

Le tribunal a donc répondu au moyen. Le bien-fondé de cette réponse n’est pas susceptible d’être critiqué sur base du grief du défaut de réponse à conclusions, qui constitue une forme de défaut de motifs, qui est un vice de forme, une décision judiciaire étant régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation sur le point considéré36.

Il en suit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Dans la deuxième branche du moyen, la demanderesse en cassation critique que le tribunal se serait contredit en retenant que l’article 4 de la loi du 15 avril 2016 avait pour finalité d’éviter un vide juridique tout en refusant de l’appliquer.

Le grief de la contradiction de motifs, qui est un vice de forme, suppose une contradiction de motifs de fait37. Sous le couvert de ce cas d’ouverture, la demanderesse en cassation critique en réalité le bien-fondé en droit des motifs du jugement, cités ci-avant, par lesquels le tribunal a retenu qu’elle était, nonobstant l’article 4 de la loi de 2016, tenue d’assurer l’égalité de traitement entre ses habitants en adoptant un nouveau règlement ou, à défaut, en appliquant à tous les habitants les taxes eau et canal les moins élevées arrêtées dans une des communes fusionnées, en l’occurrence celles de l’ancienne commune de H). Or, les motifs invoqués, qui 32 Idem, page 6, avant-dernier alinéa.

33 Idem, page 7, dernier alinéa.

34 Idem, page 8, premier alinéa, 35 Idem, même page, deuxième alinéa.

36 Voir, à titre d’il ustration : Cour de cassation, 26 novembre 2020, n° 159/2020, n° CAS-2019-00148 du registre (réponse à la première branche du second moyen).

37 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dal oz, 5e édition, 2015, n° 77.113, page 413.

sont des motifs de droit, ne sont pas contradictoires et leur bien-fondé n’est pas susceptible d’être critiqué par le cas d’ouverture de la contradiction de motifs.

Le cas d’ouverture étant étranger au grief, le moyen, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.

Dans la troisième branche du moyen, la demanderesse en cassation critique que le tribunal se serait contredit en retenant que les taxes en cause en l’espèce sont à qualifier de redevances civiles tout en constatant une violation du principe d’égalité des contribuables devant l’impôt.

Comme rappelé ci-avant, le grief de la contradiction de motifs, qui est un vice de forme, suppose une contradiction de motifs de fait. La demanderesse en cassation critique dans la troisième branche du moyen la contradiction entre un motif de fait, à savoir la qualification des taxes en cause comme redevances civiles, et un motif de droit, à savoir que ces taxes violent le principe d’égalité des contribuables devant l’impôt. Une telle contradiction, qui doit être attaquée au titre d’une violation de la loi, ne saurait l’être par le cas d’ouverture, de pure forme, de la contradiction de motifs38. La demanderesse en cassation a d’ailleurs attaqué ces motifs de façon correcte du point de vue formel dans son troisième moyen, tiré de la violation du principe de l’égalité devant l’impôt communal consacré par l’article 101 de la Constitution.

Le cas d’ouverture étant étranger au grief, le moyen, pris en sa troisième branche, est irrecevable.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable.

Il est fondé dans son deuxième moyen, mais à rejeter pour le surplus.

Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 38 Idem, n° 77.113, pages 412-413.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 63/21
Date de la décision : 22/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-04-22;63.21 ?

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