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02/04/2021 | LUXEMBOURG | N°59/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 02 avril 2021, 59/21


N° 59 / 2021 du 01.04.2021 Numéro CAS-2020-00034 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Jeannot NIES, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme

A), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en...

N° 59 / 2021 du 01.04.2021 Numéro CAS-2020-00034 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Jeannot NIES, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme A), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

F), défenderesse en cassation, comparant par Maître Virginie BROUNS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 89/19, rendu le 27 juin 2019 sous le numéro CAL-

2018-00566 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 février 2020 par la société anonyme A) à F), déposé le 6 mars 2020 au greffe de la Cour ;

Ecartant le mémoire en réponse signifié le 18 août 2020 par F) à la société A), déposé le 20 août 2020 au greffe de la Cour, pour ne pas avoir été déposé dans le délai légal au regard du règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales ;

Sur le rapport du conseiller Roger LINDEN et les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal du travail de Luxembourg avait déclaré abusif le licenciement avec préavis de F) prononcé par la société A), dit fondée la demande de la salariée en indemnisation du préjudice moral, dit non fondée sa demande en indemnisation du préjudice matériel et déclaré irrecevable la demande en paiement d’une indemnité de départ. La Cour d’appel a, par réformation, déclaré recevable et fondée la demande de F) en allocation d’une indemnité de départ et confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

Sur le second moyen de cassation, qui est préalable Enoncé du moyen « tiré la violation de l'article L.124-7 du code du travail, en ce que la Cour d'Appel a dit l'appel incident fondé, et dit la demande Madame F) en relation avec l'indemnité de départ recevable et fondée et condamné la société A) S.A. à lui payer la somme de 15.198,00.- € avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande, 16 mars 2018, jusqu'à solde, alors que du fait de l'option choisie par l'employeur au moment du licenciement de prolonger la durée du préavis de sa salariée en lieu et place du paiement de l'indemnité de départ, le paiement de cette indemnité n'était plus exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat de travail de la salariée en cours de préavis. ».

Réponse de la Cour Vu l’article L. 124-7, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, dans la teneur applicable au litige, qui dispose :

« Le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée qui est licencié par l’employeur, sans que ce dernier y soit autorisé par l’article L. 124-10, a droit à une indemnité de départ après une ancienneté de services continus de cinq années auprès du même employeur, (…). » et l’article L. 124-7, paragraphe 2, du même code qui dispose :

« L’employeur occupant moins de vingt salariés peut opter dans la lettre de licenciement soit pour le versement des indemnités visées au paragraphe (1) qui précède, soit pour la prolongation des délais de préavis visés à l’article L.124-3 qui, dans ce cas, sont portés (…) à douze mois pour le salarié justifiant auprès du même employeur d’une ancienneté de service continus de vingt années au moins ; (…). ».

Dès lors que l’option exercée par l’employeur dans la lettre de licenciement de ne pas verser à la salariée une indemnité de départ, mais de prolonger le délai de préavis légal, exclut dans le chef de la salariée la naissance du droit à une indemnité de départ, les juges d’appel, en retenant que le droit de la salariée à une indemnité de départ qui avait pris naissance au moment du licenciement avec préavis était devenu exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat de travail, au motif que la conversion de l’indemnité de départ en prolongement du préavis ne pouvait plus être exécutée, ont violé les dispositions visées au moyen.

Il en suit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le premier moyen de cassation, la Cour de cassation :

casse et annule l’arrêt rendu le 27 juin 2019 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail sous le numéro CAL-2018-00566 du rôle ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

rejette la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit Maître Marisa ROBERTO, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du procureur général d’Etat adjoint Jeannot NIES et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 18 février 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation A) SA c/ F) (affaire n° CAS-2020-00034 du registre) Le pourvoi en cassation introduit par la société anonyme A) SA par mémoire en cassation daté au 26 février 2020, signifié à F) le 27 février 2020, et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 6 mars 2020, est dirigé contre l’arrêt n° 89/19 rendu contradictoirement le 27 juin 2019 par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite sous le n° CAL-2018-00566 du rôle.

Il ne ressort pas des pièces au dossier que l’arrêt dont pourvoi ait fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi du 18 février 1885.

F) a signifié un mémoire en réponse le 18 août 2020, déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 20 août 2020.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Quant aux faits et rétroactes :

F), engagée par la société A) depuis le 1er juin 2013, en tant que responsable adjointe en charge de l’administration commerciale avec reprise d’ancienneté au 7 août 1997, fut licenciée avec préavis à la date du 5 septembre 2017.

Dans la lettre de licenciement, la société A) a indiqué que le préavis normal, compte tenu de l’ancienneté de la salariée, était de six mois, mais qu’en application de l’article L.124-7 du Code du travail elle avait décidé de remplacer l’indemnité de départ par un préavis prolongé de six mois, soit une durée totale de 12 mois, le préavis ayant débuté le 15 septembre 2017 et expiré le 14 septembre 2018.

F) ayant demandé les motifs de son licenciement par courrier recommandé du 7 septembre 2017, elle n’a pas eu de réponse.

Par requête du 28 décembre 2017, F) a convoqué son ancien employeur le tribunal du travail de LUXEMBOURG aux fins de voir déclarer abusif son licenciement avec préavis intervenu à la date du 5 septembre 2017 et aux fins de voir condamner son ancien employeur à lui payer les sommes respectives de 20.000,- EUR et 5.000,- EUR en réparation de ses préjudices matériel et moral.

A l’audience du 16 mars 2018, F) a encore requis une indemnité de part à hauteur de six mois de salaire.

Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal du travail a déclaré abusif le licenciement du 5 septembre 2017, débouté la salariée de sa demande en indemnisation de son préjudice matériel et condamné la société A) à payer à F) le montant de 5.000,- EUR en réparation de son préjudice moral.

Le tribunal du travail a déclaré irrecevable, sur base de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile, la demande de F) en paiement d’une indemnité de départ et lui a alloué une indemnité de procédure de 500 euros.

La cour d’appel, aux termes de l’arrêt dont pourvoi, a, par réformation déclaré recevable et fondée la demande en allocation de l’indemnité de départ prévue à l’article L.124-7 (1) du Code du travail et à en conséquence condamnée la société A) à payer à F) la somme de 15.198 euros avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande, 16 mars 2018, jusqu’à solde.

Premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de la loi, à savoir des articles 53 du Nouveau code de procédure civile, L.124-7 (1) du Code du travail et L.124-12 (1) du même code, « en ce que la Cour d’Appel a dit l’appel incident fondé, et dit la demande Madame F) en relation avec l’indemnité de départ recevable et fondée et condamnée la société A) S.A. à lui payer la somme de 15.198,00.- € avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande, 16 mars 2018, jusqu’à solde, alors que la demande en allocation d’une indemnité de départ non sollicitée dans l’acte introductif d’instance et formulée pour la première fois en audience de plaidoiries devant le tribunal du travail devait être qualifiée de demande nouvelle irrecevable, en ce qu’elle constituait une demande nouvelle pour sa cause (1ère branche), et ne présentait pas de lien suffisant avec la demande originaire (2ème branche), contrairement à ce qui a été retenu par la Cour d’appel ».

Au vœu de l’article 53 du NCPC « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

L’article L.124-12 (1) du code du travail dispose « lorsqu’elle juge qu’il y a usage abusif du droit de résilier le contrat de travail à durée indéterminée, la juridiction du travail condamne l’employeur à verser au salarié des dommages et intérêts compte tenu du dommage subi par lui du fait de son licenciement ».

L’article L.124-7 (1) du code du travail dispose quant à lui « le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée qui est licencié par l’employeur, sans que ce dernier y soit autorisé par l’article L.124-10, ou qui résilie le contrat pour motif grave procédant du fait ou de la faute de l’employeur conformément à l’article L.124-10 et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée par la juridiction du travail a droit à l’indemnité de départ telle que déterminée au présent paragraphe. (…) L’indemnité de départ ne se confond pas avec la réparation visée à l’article L.124-12. ».

La motivation des magistrats d’appel quant à la recevabilité de la demande en allocation de l’indemnité de procédure se lit comme suit :

« (…) Pour le surplus, après avoir relaté que l’article 53 du Nouveau code de procédure civile si l’objet du litige est déterminé pour le demandeur par l’acte introductif d’instance, cet objet peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

On est en présence d’une demande nouvelle chaque fois que la demande a pour objet de substituer un droit différent de celui dont s’est prévalue une partie dans l’acte introductif d’instance. En revanche, si le droit qui sert de fondement à la demande formulée lors de l’audience après l’acte introductif d’instance demeure identique à celui invoqué dans cet acte tout en se présentant sous un aspect différent, la demande n’est pas nouvelle. De même lorsque l’objet de la demande formulée dans l’acte introductif d’instance apparaît comme étant l’expression d’une autre forme d’un même droit, cette demande n’est pas considérée comme nouvelle (par analogie JCL. Procédure civile, fasc. 900-95, v° Appel, effet dévolutif, Cass. 10 juillet 1997, Pas. Lux.30, p.242, Cass. 23 avril 2009, N°27/09, N°2634 registre).

En l’espèce, la demande en allocation de l’indemnité de départ est une conséquence logique et nécessaire de la demande initiale tendant à l’indemnisation relative au licenciement avec préavis qualifié d’abusif.

Il s’ensuit que le jugement entrepris est à réformer en ce qu’il a déclaré la demande en allocation d’une indemnité de départ de F) irrecevable.

Le moyen sous examen est irrecevable.

Il y a lieu de rappeler qu’un moyen est recevable en la forme dès qu’il répond aux exigences minimales de formulation instaurées par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, aux vœux duquel, « sous peine d’irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture. Chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous la même sanction - le cas d’ouverture invoqué, - la partie critiquée de la décision ».

- et en quoi celle-ci encourt le reproche allégué ».

Le moyen vise d’une part la violation de l’article 53 du NCPC, relatif à l’objet du litige, inscrit sous « Les principes directeurs du procès » (Titre III du NCPC), et, d’autre part, la violation de l’article L.124-12 (1) du Code du travail, portant sur les dommages et intérêts à allouer au salarié par la juridiction du travail du chef des dommages subis par lui suite au licenciement qu’elle a déclaré abusif, et de l’article L.124-7 (1) du Code du travail, traitant de l’indemnité de départ à allouer au salarié ayant accumulé une certaine ancienneté et ce dans les cas figure où l’employeur n’était pas autorisé à le licencier par l’article L.124-10, voire ou le salarié à résilie le contrat pour motif grave procédant du fait ou de la faute de l’employeur conformément à l’article L.124-10 et dont la résiliation est jugée justifiée et fondée par la juridiction du travail.

S’il est admis qu’un moyen puisse viser plusieurs cas d’ouverture, il faut toutefois qu’il soit subdivisé en branches, chaque branche devant, sous peine d’irrecevabilité, obéir aux mêmes exigences précitées.

En l’occurrence la division en branche, l’une visant « la cause » de la demande en allocation de l’indemnité de départ, et l’autre visant « lien suffisant » avec la demande originaire en allocation de dommages et intérêts demandés en relation avec le licenciement avec préavis déclaré abusif en l’occurrence, tout comme la formulation de chacune des branches, examinée séparément, ne répond pas aux exigences de précision et de clarté prescrites par l’article 10 de la loi de 1885 précitée.

Ainsi, la division en branches opérée ne sépare pas distinctement les cas d’ouverture en ce que l’une traiterait de la violation de l’article 53 du NCPC et l’autre de la violation des dispositions visées en matière de droit du travail. Par ailleurs, le demandeur en cassation, concluant à la fin de chaque branche que la Cour d’appel a violés « les textes susvisées »1, chacune des branches est censée englober la violation des règles d’ordre procédurale prescrites à l’article 53 du NCPC, tout comme des dispositions en matière de droit du travail en question, sans que le libellé de la branche se rattache concrètement et distinctement aux dispositions respectives.

La division en branches annoncée en l’espèce étant en réalité purement artificielle, il y a lieu de retenir que le moyen mélange des cas d’ouverture différents visant des vices de fond distincts. A ce titre il est à déclarer irrecevable2.

Deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de « la violation de l’article L.124-7 du Code du travail, en ce que la Cour d’Appel a dit l’appel incident fondé et dit la demande Madame F) en relation avec l’indemnité de départ recevable et fondée et condamné la société A) S.A. à lui payer la somme de 15.198,00.- € avec les intérêts légaux à partir du jour de la demande, 16 mars 2018, jusqu’à solde, alors que, du fait de l’option choisie par l’employeur au moment du licenciement de prolonger la durée du préavis de sa salariée en lieu et place du paiement de 1 souligné par la soussignée 2 Cass n° 74/2017 du 26.10.2017, n° 3850 du registre ;

l’indemnité de départ, le paiement de cette indemnité n’était plus exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat de travail de la salariée en cours de préavis ».

La motivation des magistrats d’appel est la suivante :

Quant au fond, en vertu de l’article L.124-7(1) du Code du travail, le salarié qui est licencié par son employeur a droit à une indemnité de départ dont le montant est échelonné suivant le nombre des années de services continus auprès du même employeur. Le bénéfice de l’indemnité de départ n’est exclu que si l’employeur a été autorisé par la loi à résilier le contrat de travail sans préavis pour motif grave (article L-124-10) ou lorsque le salarié peut faire valoir des droits à une pension de vieillesse normale.

Aux termes du paragraphe (2) de l’article L.124-7, l’employeur occupant moins de vingt salariés peut opter dans la lettre de licenciement soit pour le versement des indemnités visées au paragraphe (1) qui précède, soit pour la prolongation des délais de préavis visés à l’article L. 124-3 qui, dans ce cas, sont portés: ….. à douze mois pour le salarié justifiant auprès du même employeur d’une ancienneté de service continus de vingt années au moins, option que la société A) a retenue dans le cas du licenciement avec préavis de F).

En l’espèce, le préavis n’a cependant pu être exécuté intégralement par la salariée en raison de la cessation de plein droit du contrat de travail au cours des premiers six mois du préavis, suite à une incapacité de travail de la salariée pendant 52 semaines. Le bénéfice de l’indemnité de départ n’est exclu que dans les deux cas d’exception précités, dès lors qu’elle est censée réparer le préjudice causé par la rupture unilatérale du contrat et elle a, par conséquent, la nature d’une créance indemnitaire forfaitaire. Le droit à l’indemnité prend naissance à la date du licenciement même si l’exigibilité de l’indemnité de départ est reportée au moment où le salarié quitte effectivement le travail (cf. Cour, 3e, 7 février 2013, rôle 38595 ;

Cour 31 octobre 1995, rôle 18135, N°Judoc 99517612).

Dans la mesure où, en l’espèce, l’option relative au prolongement du préavis n’a pas pu être exécutée, le droit à l’indemnité de départ, qui a pris naissance au moment du licenciement, est devenu exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat suite à l’incapacité de travail de la salariée pendant 52 semaines.

Il s’ensuit que la demande de F) est fondée à concurrence de six mois de salaire au regard de son ancienneté. Elle a droit partant à un montant de 6X 2.533,- = 15.198,-

EUR et il y lieu de réformer le jugement entrepris à cet égard. » En vertu de l’article L.124-7 (1) du Code du travail le salarié qui est licencié par son employeur a droit à une indemnité de départ dont le montant est échelonné suivant le nombre des années de services continus auprès du même employeur. Au vœu de l’article L.124-7 (2) du Code du travail l’employeur occupant moins de vingt salariés peut opter dans la lettre de licenciement soit pour le versement des indemnités visées au paragraphe (1), soit pour la prolongation des délais de préavis dans les proportions prévues au paragraphe (2).

L’indemnité de départ est censée réparer le préjudice causé par la rupture unilatérale du contrat.

Par conséquent elle a la nature d’une créance indemnitaire forfaitaire.

Cette indemnité trouvant ses origines dans la rupture du contrat de travail par l’employeur, le droit à l’indemnité de départ prend naissance à la date du licenciement, même si l’exigibilité de l’indemnité de départ est reportée au moment où le salarié quitte effectivement le travail (cf.

Cour 31 octobre 1995, Trefil Arbed Bissen c/ Biewer ; Cour 6 juin 2013, n° 38667 du rôle ;

Cour 7 février 2013, n 38505 du rôle).

A rappeler encore que le bénéfice de l’indemnité de départ n’est exclu que dans deux hypothèses prévues par la loi, à savoir lorsque l’employeur a été autorisé par la loi à résilier le contrat de travail sans préavis avec motif grave (article L.124-10 (1) alinéa 2) et lorsque le salarié peut faire valoir des droits à une pension de vieillesse normale (article L.124-7 (5)).

En dehors de ces deux exceptions, l’indemnité de départ est due à tout salarié qui est licencié par son employeur et qui a une certaine ancienneté dans l’entreprise (cf.op.cit).

Le règlement de l’indemnité de départ peut avoir deux formes, soit il se fait par le paiement en numéraire et en une seule fois au moment où le salarié quitte effectivement l’entreprise, soit il se fait par la prestation d’un préavis prolongé3, étant précisé que seulement les entreprises occupant moins de 20 salariés peuvent opter pour cette dernière formule, l’idée à la base étant que le paiement de l’indemnité de départ puisse constituer une charge financière trop lourde pour une entreprise de petite taille.

Toutefois, la conversion de l’indemnité de départ en prolongation du préavis n’est qu’une modalité d’exécution de cette indemnité dont la finalité, rappelons-le, est de tenir compte de l’ancienneté du salarié auprès du même employeur, et elle n’est pas de nature à ôter à l’indemnité de départ son caractère indemnitaire, même si son exécution ne se fait pas en numéraire mais en termes de préavis prolongé.

L’option pour cette modalité d’exécution ne fait du sens que si elle est réalisée, c’est-à-dire que si la prolongation du préavis a effectivement lieu. Il tombe sous l’évidence que si la prolongation du préavis ne peut être exécutée, du fait, telle qu’en l’occurrence, de la cessation de plein droit du contrat de travail suite à une incapacité de travail pendant 52 semaines, le droit au paiement de l’indemnité de départ renaît et devient en toute logique exigible au moment de la cessation du contrat de travail.

Suivre le raisonnement du demandeur en cassation - reviendrait à priver le salarié, qui remplit les conditions d’ancienneté prévues à l’article L.124-7 (1) du Code du travail, de son droit à l’indemnité de départ acquis en vertu dudit texte, et, en même temps, à avantager l’employeur qui, du fait de la cessation de plein droit du contrat de travail, n’est tenu à aucune obligation de paiement du salaire faute de prolongation effective du préavis, 3 dans les proportions prévues au paragraphe (3) de l’article L.124-7 du Code du travail - aboutirait à rajouter une exclusion au bénéfice de l’indemnité de départ, toutefois cantonnée aux deux seuls cas de figures prévus aux articles L.124-10 (1) alinéa 2 et L.124-7 (5) du Code du travail et aux termes desquels le salarié perd son droit à l’indemnité de départ lorsque l’employeur a été autorisé par la loi à résilier le contrat de travail sans préavis avec motif grave ou lorsque le salarié peut faire valoir des droits à une pension de vieillesse normale.

Dès lors, c’est sans violer la disposition visée au moyen que les magistrats d’appel, en adoptant la motivation ci-avant reproduite, ont déclaré la demande de F) en allocation de l’indemnité de départ justifiée et fondée.

Conclusion :

déclarer recevable le pourvoi, mais le rejeter pour le surplus.

Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Monique SCHMITZ 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 59/21
Date de la décision : 02/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-04-02;59.21 ?

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