N° 54 / 2021 du 25.03.2021 Numéro CAS-2020-00051 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq mars deux mille vingt-et-un.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, Marc HARPES, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
1) la société anonyme S), 2) la société à responsabilité limitée D), demanderesses en cassation, comparant par Maître Alain RUKAVINA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
1) C), et son épouse 2) G), défendeurs en cassation, comparant par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) la société à responsabilité limitée T), défenderesse en cassation, comparant par Maître François PRUM, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 158/19, rendu le 11 décembre 2019 sous le numéro 42022 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 24 mars 2020 par la société anonyme D) (ci-après « la société D) ») et la société à responsabilité limitée D) à C), à G) et à la société à responsabilité limitée T), déposé le 1er avril 2020 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 11 mai 2020 par C) et G) à la société D), à la société D) et à la société T), déposé le 13 mai 2020 au greffe de la Cour ;
Ecartant le mémoire en réponse signifié le 24 août 2020 par la société T) à la société D), à la société D) et à C) et G), déposé le 18 septembre 2020 au greffe de la Cour, pour ne pas avoir été déposé dans le délai légal au regard du règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales ;
Sur le rapport du conseiller Roger LINDEN et les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG ;
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait déclaré irrecevable pour cause de forclusion, la demande des époux C) et G) tendant à la condamnation des sociétés D), D) et T) à remplacer le revêtement du sol en marbre dans leur appartement, ainsi qu’à la condamnation des sociétés précitées au paiement de dommages-intérêts en réparation des dommages matériels et moral allégués.
Par un premier arrêt, la Cour d’appel avait, par réformation, dit que le revêtement du sol en marbre était à qualifier de gros ouvrage, qu’il y avait lieu à application de la garantie décennale édictée par les articles 1792 et 2270 du Code civil et elle avait institué une expertise.
Par un deuxième arrêt, la Cour d’appel avait rejeté la demande des sociétés S) et D) en récusation de l’expert judiciaire nommé, au motif que le seul fait que l’expert était administrateur délégué d’une société avec laquelle une des parties en cause se trouvait en litige n’était pas de nature à faire douter ipso facto de l’impartialité de l’expert.
Suite au dépôt du rapport d’expertise et au rejet du moyen de nullité des opérations d’expertise pour manque d’impartialité de l’expert, la Cour d’appel a, par l’arrêt attaqué, déclaré partiellement fondée la demande des époux C)-G), condamné in solidum les sociétés S), D) et T) au paiement de plusieurs montants et déchargé les époux C)-G) de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.
Sur l’unique moyen de cassation, pris en ses trois branches Enoncé du moyen « Il est fait grief à la Cour d'appel de ne pas avoir répondu aux nouvelles pièces et nouveaux moyens invoqués par les parties demanderesses en cassation dans leurs conclusions du 8 mai 2019, tendant à la récusation de l'expert judiciaire F) pour manque d'impartialité et de ne pas avoir répondu à leur demande subsidiaire en rejet du rapport d'expertise de l'expert judiciaire, en retenant dans la motivation de son arrêt (page 5, partie , paragraphe 3), que la Cour s'était déjà prononcée sur la question de la récusation de l'expert dans son arrêt du 4 janvier 2017 et que la loi ne sanctionne pas par la nullité un rapport d'expertise contesté d'une partie, ceci notamment en réponse aux conclusions des parties demanderesses en cassation qui faisant valoir que et que , que et que (voir la pièce no.7 produite avec le présent mémoire), alors même que dans le dispositif de leurs conclusions du 8 mai 2019, les parties demanderesses en cassation réitérèrent, sur base des nouveaux éléments invoqués, leur demande en récusation de l'expert en demandant de et sollicitèrent encore à titre subsidiaire la nullité du rapport d'expertise, sinon plus subsidiairement son rejet en demandant expressément à des débats, aux motifs que :
, alors que, première branche, en statuant comme la Cour d'appel l'a fait, en se référant uniquement à son arrêt rendu en date du 4 janvier 2017, sans examiner et sans se prononcer sur l'ensemble des éléments de preuve produits par la suite aux débats par les parties demanderesses en cassation, qui faisaient pourtant apparaitre un évident manquement au principe d'impartialité auquel est soumis un expert judiciaire aux vœux de l'article 437 du Nouveau code de procédure civile (voir les deux annexes à la pièce no. 7 produite avec le présent mémoire), les juges d'appel ont manqué de répondre à la demande réitérée en récusation de l'expert judiciaire F), sur base des nouvelles critiques soulevées par les parties demanderesses en cassation, qui constitue une forme de défaut de motifs et, partant, une violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile, et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
alors que, deuxième branche, les demanderesses en cassation faisant valoir dans leurs conclusions du 8 mai 2019 que , en versant à la procédure les pièces établissant que l'expert judiciaire avait accepté un mandat unilatéral dans une affaire similaire pour le compte de Maître BADEN, mandataire des parties défenderesses en cassation (voir les deux annexes à la pièce no.7 produite avec le présent mémoire) ; que par conséquent, les conclusions des parties demanderesses en cassation faisaient valoir, sur base de ces nouveaux éléments, que l'expert judiciaire ne répondait plus à la condition d'impartialité posée par l'article 437 du Nouveau code de procédure civile, et demandaient, sur base de ces nouveaux éléments de des débats ; qu'il n'a pas été répondu au moyen de rejet dans la motivation de l'arrêt attaqué, qu'en conséquence, l'arrêt attaqué est entaché de défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs et partant, d'une violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile, e de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
alors que, troisième branche, confrontée aux nouvelles critiques et pièces versées par les parties demanderesses en cassation remettant en cause l'impartialité de l'expert judiciaire F), les juges d'appel ont décidé de passer outre ces nouveaux éléments en analysant d'emblée les conclusions de l'expert judiciaire F) ; qu'en statuant comme la Cour d'appel l'a fait, les juges d'appel ont cependant manqué de répondre ultérieurement au moyen des parties demanderesses en cassation tendant d'emblée au rejet du rapport d'expertise sur base des nouveaux moyens et pièces ; qu'en conséquence, l'arrêt attaqué est entaché de défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs et partant, d'une violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile, e de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales. ».
Réponse de la Cour Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs qui est un vice de forme.
Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
En renvoyant à la motivation relative à la récusation de l’expert donnée dans un précédent arrêt et en retenant dans l’arrêt attaqué « La Cour tient à relever au préalable qu’elle ne tiendra pas compte des développements des parties concernant un rapport d’expertise K) établi dans le cadre d’un litige relatif à un autre appartement situé dans la résidence du X) à Luxembourg, ces développements n’étant pas pertinents pour la solution du présent litige.
Les sociétés S) et D) concluent principalement à la nullité des opérations d’expertise en reprochant à l’expert judiciaire son manque d’impartialité.
La Cour s’est prononcée de façon exhaustive sur ce moyen dans son arrêt du 4 janvier 2017 et a rejeté la demande en récusation formulée par les deux sociétés intimées contre l’expert judiciaire F). Il n’y a pas lieu de revenir sur cette décision. Si chaque partie à une expertise est en droit de contester le rapport d'expertise, ces contestations sont à prendre en considération si elles se basent sur des éléments de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire. Aucun texte de loi ne sanctionne cependant de nullité une expertise judiciaire dans cette hypothèse. », les juges d’appel ont répondu aux conclusions visées au moyen ayant mis en cause l’impartialité de l’expert judiciaire.
Il en suit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
condamne les demanderesses en cassation aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.
PARQUET GENERAL Luxembourg, le 10 février 2021 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
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Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation 1) S) S.A.
2) D) SARL c/ 1) C) 2) G) 3) T) Sàrl (affaire n° CAS 2020-00051 du registre) Par mémoire signifié le 24 mars 2020 et déposé le 1er avril 2020 au greffe de Votre Cour, la S) S.A.et la société D) SARL, ont formé un pourvoi en cassation contre un arrêt N° 158/19 – VII - CIV de la VIIème chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière civile, rendu contradictoirement en date du 11 décembre 2019, dans une affaire inscrite au rôle sous le numéro 42022.
Les pièces au dossier ne renseignent cependant pas d’une signification de l’arrêt entrepris.
En l’absence d’éléments contraires, la soussignée part dès lors du principe que le pourvoi en cassation a été interjeté dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues par cette loi.
Faits et rétroactes Suivant contrat de vente en l’état futur d’achèvement du 24 février 2006, C) et son épouse G) (ci-après les époux C)) ont acquis un appartement sis dans la Résidence du X) à Luxembourg. En 2014, les époux C) se sont plaints de désordres affectant le sol en marbre posé par la société T) et ont fait assigner les sociétés S), D) et T) devant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour les voir condamner à remplacer le marbre de l’appartement, sinon pour se voir autoriser à faire exécuter ces travaux par un corps de métier de leur choix aux frais solidaires sinon in solidum des défenderesses. Les époux C) ont chiffré les frais de remise à 45.646,83 € et ont encore requis la somme globale de 53.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des dommages matériels et moral. Ils ont demandé à voir ordonner solidairement sinon in solidum aux défenderesses de veiller particulièrement à ce que l’installation de chauffage au sol ne soit pas abîmée par les travaux de remise en état et ils ont requis à voir désigner un expert afin de dresser un état des lieux avant le début des travaux de remplacement du plancher en marbre. Ils ont finalement réclamé une indemnité de procédure de 2.000 €.
Par jugement du 18 juin 2014, une visite des lieux a été ordonnée par le la XIIIème chambre du Tribunal d’arrondissement avant tout autre progrès en cause, et par jugement du 3 décembre 2014, la demande des époux C) a été déclarée irrecevable pour cause de forclusion à l’égard de l’ensemble des parties et les époux C) ont été condamnés à payer les frais d’instance et à chacune des trois sociétés, une indemnité de procédure de 500 €.
Par acte du 30 décembre 2014 les époux C) ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 30 novembre 2016 la Cour d’appel, VIIème chambre, siégeant en matière civile, a, par réformation, dit que le revêtement du sol en marbre est à qualifier de gros ouvrage et qu’il y a lieu à application de la garantie décennale édictée par les articles 1792 et 2270 du Code civil. Par ce même arrêt, la Cour d’appel a institué une expertise et chargé l’expert F) de se prononcer, entre autres, sur les dommages et vices éventuels dont le dallage en marbre serait affecté et de se prononcer sur les remèdes et coûts éventuels.
Arguant qu’un litige opposait la société D) à une société P) dont F) serait l’administrateur délégué, les sociétés S) et D) ont saisi la Cour d’appel d’une demande en récusation de l’expert le 12 décembre 2016.
Dans un arrêt n° 4/17 du 4 janvier 2017, la Cour d’appel, VIIème chambre, siégeant en matière civile, a rejeté cette demande.
Suite au dépôt du rapport d’expertise et au rejet de la demande en récusation de l’expert F), et statuant en continuation de l’arrêt du 30 novembre 2016, la VIIème chambre de la Cour d’appel a prononcé le 11 décembre 2019 un arrêt dans lequel elle dit, par réformation, partiellement fondée la demande des époux C) et - condamne les sociétés D) Sàrl, S) et T) Sàrl à payer in solidum la somme de 78.312 euros à titre de frais de remise en état des désordres constatés, - condamne lesdites sociétés in solidum à payer la somme de 15.000 euros à titre de frais de déménagement et de stockage du mobilier et des effets personnels des époux C), - condamne lesdites sociétés in solidum à payer la somme de 5.000 euros à titre de frais de séjour à débourser pendant le temps d’exécution des travaux de remise en état des désordres relevés par l’expert F), - condamne lesdites sociétés in solidum à payer la somme de 2.000 euros au titre du dommage moral subi par les époux C), - décharge les époux C) de toutes les condamnations prononcées contre eux dans le jugement de première instance, - condamne lesdites sociétés in solidum à payer la somme de1.500 euros à titre d’indemnité de procédure pour la première instance et 2.000 euros pour l’instance d’appel et finalement, - condamne lesdites sociétés in solidum aux frais et dépens de l’instance y compris les frais de l’expertise judiciaire, avec distraction au profit de Maître Marc BADEN.
Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.
Sur le premier et unique moyen de cassation :
Dans son premier moyen, subdivisé en trois branches, la partie demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel « de ne pas avoir répondu aux nouvelles pièces et nouveaux moyens invoqués par les parties demanderesses en cassation dans leurs conclusions du 8 mai 2019, tendant à la récusation de l’expert judiciaire F) pour manque de partialité et de ne pas avoir répondu à leur demande subsidiaire en rejet du rapport d’expertise de l’expert judiciaire, en retenant dans la motivation de son arrêt (page 5, partie « Discussion », paragraphe 3), que la Cour s’était déjà prononcée sur la question de la récusation de l’expert dans son arrêt du 4 janvier 2017 et que la loi ne sanctionne pas par la nullité le rapport d’expertise contestée d’une partie, ceci notamment en réponse aux conclusions des parties demanderesses en cassation qui faisaient valoir que « les parties concluantes ont été stupéfaites de recevoir, dans une affaire similaire où Me Marc BADEN occupe pour les parties demanderesses ayant elles aussi acquis, en l’état future d’achèvement, auprès de D), un appartement dans la même résidence X), des conclusions de Me Marc BADEN notifiées le 19 avril 2019, à savoir, un rapport d’expertise unilatérale établi par l’expert F) le 18 avril 2019 » et que « il est, pour les parties concluantes plus que choquant de constater que l’expert F), qui a été nommé judiciairement dans le rôle opposant les consorts C) aux parties concluantes S) S.A., D) SARL et T) SARL ait pu accepter d’assister unilatéralement, dans cette seconde affaire parallèle, les parties de Me Marc BADEN contre les mêmes parties défenderesses au présent litige », que « finalement, les parties concluantes relèvent que dans le cadre de ce rapport unilatéral, l’expert F) s’est exprimé et a rédigé son rapport en langue française, tout comme il s’était exprimé en français et avait rédigé ses différents rapports intermédiaires en lange française dans le cadre de la présente affaire, et ce, jusqu’à la demande de Me Marc BADEN faite à l’expert de rédiger son rapport final en allemand » et que « le fait d’avoir établi dans le présent rôle C), à la seule demande de Me Marc BADEN, son rapport final, en allemand est là encore incompréhensible. Le fait que Me Marc BADEN insiste pour que Votre Cour entérine le rapport F) dans sa version allemande ne saurait être admis » (voir la pièce no.7 produite avec le présent mémoire), alors même que dans le dispositif de leurs conclusions du 8 mai 2019, les parties demanderesses en cassation réitèrent, sur base des nouveaux éléments invoqués, leur demande en récusation de l’expert en demandant de « donner acte aux parties concluantes qu’elles maintiennent leur contestations qu’elles maintiennent leur contestations quant à l’impartialité de l’expert judiciaire en l’espèce » et sollicitèrent encore à titre subsidiaire la nullité de l’expertise, sinon plus subsidiairement son rejet en demandant expressément à « voir écarter les conclusions de l’expert F) » des débats, aux motifs que :
« La Cour s’est prononcée de façon exhaustive sur ce moyen dans un arrêt du 4 janvier 2017 et a rejeté la demande en récusation formulée par les deux sociétés intimées contre l’expert judiciaire F). Il n’y a pas lieu de revenir sur cette décision. Si chaque partie à une expertise est en droit de contester le rapport d’expertise, ces contestations sont à prendre en considération si elles se basent sur des éléments de nature à remettre en cause les conclusions de l’expert judiciaire. Aucun texte de loi ne sanctionne cependant par la nullité une expertise judiciaire dans cette hypothèse », alors que, première branche, en statuant comme la Cour d’appel l’a fait, en se référant uniquement à son arrêt rendu en date du 4 janvier 2017, sans examiner et sans se prononcer sur l’ensemble des éléments de preuve produits par la suite aux débats par les parties demanderesses en cassation, qui faisaient pourtant apparaître un évident manquement au principe d’impartialité auquel est soumis un expert judiciaire aux vœux de l’article 437 du Nouveau code de procédure civile (voir les deux annexes à la pièce no.7 produite avec le présent mémoire), les juges d’appel ont manqué de répondre à la demande réitérée en récusation de l’expert F), sur base des nouvelles critiques soulevées par les parties demanderesses en cassation, ce qui constitue une forme de défaut de motifs et, partant, une violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
alors que, deuxième branche, les parties demanderesses en cassation faisant valoir dans leurs conclusions du 8 mai 2019 que « il est, pour les parties concluantes plus que choquant de constater que l’expert F), qui a été nommé judiciairement dans le rôle opposant les consorts C) aux parties concluantes S) S.A., D) SARL et T) SARL ait pu accepter d’assister unilatéralement, dans cette seconde affaire parallèle, les parties de Me Marc BADEN contre les mêmes parties défenderesses au présent litige », en versant à la procédure les pièces établissant que l’expert judiciaire avait accepté un mandat unilatéral dans une affaire similaire pour le compte de Me Marc BADEN, mandataire des parties défenderesses en cassation (voir les deux annexes à la pièce no.7 produite avec le présent mémoire) ; que par conséquent, les conclusions des parties demanderesses en cassation faisaient valoir, sur base de ces nouveaux éléments , que l’expert judiciaire ne répondait plus à la condition d’impartialité posée par l’article 437 du Nouveau code de procédure civile, et demandaient, sur base de ces nouveaux éléments de « voir écarter les conclusions de l’expert F) » des débats ; qu’il n’a pas répondu au moyen de rejet dans la motivation de l’arrêt attaqué, qu’en conséquence, l’arrêt attaqué est entaché de défaut de réponse à conclusion valant défaut de motifs et partant, d’une violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
alors que, troisième branche, confrontée aux nouvelles critiques et pièces versées par les parties demanderesses en cassation remettant en cause l’impartialité de l’expert judiciaire F), les juges d’appel ont décidé de passer outre ces nouveaux éléments en analysant d’emblée les conclusions de l’expert judiciaire F) ; qu’en statuant comme la Cour d’appel l’a fait, les juges d’appel ont cependant manqué de répondre ultérieurement au moyen des parties demanderesses en cassation tendant d’emblée au rejet du rapport d’expertise sur base des nouveaux moyens et pièces ; qu’en conséquence, l’arrêt attaqué est entaché de défaut de réponse à conclusions valant défaut de motifs et parant, , d’une violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » La soussignée considère que l’unique moyen de cassation, pris dans ses trois branches, qui s’analyse en un défaut de réponse à conclusions qui est l’une des formes du défaut de motifs, ne saurait être accueilli.
Même s’il est constant que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis1, ils ne sont tenus de répondre qu’aux véritables moyens, non aux simples arguments ou allégations. Aucun doute ne doit subsister sur l’intention de la partie de tirer un moyen du fait qu’elle allègue 2.
Tout d’abord, dans son moyen de cassation, la partie demanderesse, reproche aux juges de ne pas avoir répondu à « l’ensemble des éléments de preuve produits par la suite aux débats par les parties demanderesses en cassation » (première branche), de ne pas avoir tenu compte « sur base de ces nouveaux éléments, que l’expert judiciaire ne répondait plus à la condition d’impartialité posée par l’article 437 du Nouveau code de procédure civile » alors que les parties demanderesses en cassation « demandaient, sur base de ces nouveaux éléments de « voir écarter les conclusions de l’expert F) » des débats » (deuxième branche) et de ne pas avoir répondu aux « nouvelles critiques et pièces versées par les parties demanderesses en cassation remettant en cause l’impartialité de l’expert judiciaire F) » (troisième branche).
Or, les pièces, critiques et éléments même nouvellement versés et développés à l’appui d’un moyen déjà précédemment invoqué dans le cadre de la procédure devant la même chambre de la Cour d’appel, qui plus est, dans le même litige, ne sont pas à considérer comme un moyen en bonne et due forme.
En outre, même à supposer qu’il s’agisse d’un véritable moyen exigeant réponse, il y a lieu de rappeler que la motivation d’une décision et sa réponse à un chef de conclusions peuvent être implicites et se dégager, par le raisonnement, de l’ensemble de la décision ou des motifs explicites donnés à l’appui d’autres chefs 3. Il est même admis que la motivation d’une décision et la réponse aux conclusions du demandeur au pourvoi peuvent résulter d’une référence à une précédente décision rendue entre les mêmes parties à l’occasion du même litige4 et que le défaut de motifs étant un vice de forme, une réponse, même 1 1 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, édit. 2015/2016, n° 77.160 2 J. et L. BORE, ouvrage précité n°77.171, n° 77.200 4 Cass. 3 mai 2001, n° 33/01 4 J. et L. BORE, ouvrage précité, édit. 2015/2016, n° 77.243 incomplète, suffit à l’écarter 5. Dans le même ordre d’idées, Votre Cour rappelle régulièrement dans le cadre du défaut de motifs, que les juges d’appel ne sont pas tenus d’examiner dans tous les détails l’argumentation développée et les pièces versées6.
Dans le cas d’espèce, force est de constater que les juges d’appel ont clairement répondu aux critiques, déjà formulées antérieurement à l’arrêt du 30 novembre 2016 ayant institué l’expertise F), de la manière suivante :
« Les sociétés S) et D) concluent principalement à la nullité des opérations d’expertise en reprochant à l’expert judiciaire son manque d’impartialité.
La Cour s’est prononcée de façon exhaustive sur ce moyen dans son arrêt du 4 janvier 2017 et a rejeté la demande en récusation formulée par les deux sociétés intimées contre l’expert judiciaire F). Il n’y a pas lieu de revenir sur cette décision. Si chaque partie à une expertise est en droit de contester le rapport d'expertise, ces contestations sont à prendre en considération si elles se basent sur des éléments de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire. Aucun texte de loi ne sanctionne cependant de nullité une expertise judiciaire dans cette hypothèse ».
La soussignée considère que la motivation des juges d’appel reproduite dans le cadre de l’unique moyen de cassation invoqué par les parties demanderesses répond de manière suffisante aux conclusions de l’appelant concernant l’impartialité de l’expert nommé par l’arrêt du 30 novembre 2016 et plus particulièrement, en répondant au moyen tiré de la nullité de l’expertise et en renvoyant à la motivation exhaustive relative à la récusation de l’expert F) donnée dans son arrêt du 30 novembre 2016 faisant partie intégrante de la décision finale du 11 décembre 2019 dont les parties demanderesses demandent la cassation.
En conclusion, l’unique moyen de cassation, pris en ses trois branches, en ce qu’il est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, 249 du Nouveau code de procédure civile combiné avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’est pas fondé.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 5 J. et L. BORE, ouvrage précité n° 77.221 6 Cass. 7 mai 2020, n°67/2020; Cass. 17 novembre 2016, n°88/16 12