N° 46 / 2021 du 18.03.2021 Numéro CAS-2020-00037 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-huit mars deux mille vingt-et-un.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, président de chambre à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
S), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
1) la société anonyme C), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée CASTEGNARO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’Emploi, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeur en cassation.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 84/19, rendu le 13 juin 2019, sous le numéro 45150 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;Vu le mémoire en cassation signifié le 12 mars 2020 par S) à la société anonyme C) et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 13 mars 2020 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 6 mai 2020 par la société C) à S) et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 8 mai 2020 au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du conseiller Roger LINDEN et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal du travail de Luxembourg avait dit non fondée la demande de S) tendant à voir déclarer nul, sinon abusif, le licenciement avec préavis prononcé par son employeur, la société C). La Cour d’appel a confirmé ce jugement.
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi en cassation au motif que le demandeur en cassation n’indique sous le titre « DISPOSITIONS ATTAQUEES » que des parties de la motivation de l’arrêt au lieu d’indiquer dans le mémoire les éléments du dispositif qui sont attaqués.
L’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose :
« Pour introduire son pourvoi, la partie demanderesse en cassation devra, sous peine d’irrecevabilité, dans les délais déterminés ci-avant, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse, lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ou du jugement, les moyens de cassation et contiendra les conclusions dont l’adjudication sera demandée. La désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé de moyens ou des conclusions. ».
Le demandeur en cassation ayant retranscrit l’intégralité du dispositif du jugement et de l’arrêt, précisé que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt qui a confirmé le jugement du tribunal du travail concernant son bien-fondé et ses motifs et ayant exposé les moyens que les juges d’appel auraient à tort rejetés, le mémoire répond aux conditions de l’article 10, alinéa 1, de la loi précitée.
Il en suit que le moyen d’irrecevabilité n’est pas fondé.
Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.
Sur les quatre moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « tiré de la violation, voire d'une application erronée, voire d'une fausse interprétation, in specie de l'article L.124-11 du code du travail alors que première branche : la Cour n'a pas appliqué ou faussement appliqué les articles 1134 et 1135 du Code civil, et, alors que, deuxième branche, la Cour n'a pas appliqué, sinon fait une interprétation erronée des principes généraux du droit sinon de la jurisprudence relatifs au champ d'application du règlement intérieur de l'employeur prévoyant une procédure disciplinaire.
Il est fait grief à la Cour d'appel, huitième chambre, dans les motifs de l'arrêt du 13 juin 2019, au rôle n° 45150 (Arrêt N° 84/19 - VIII - Travail) d'avoir notamment retenu qu'. », le deuxième, « tiré de la violation, voire d'une application erronée, voire d'une fausse interprétation, in specie de l'article L.124-11 du code de travail.
Il est fait grief à la Cour d'appel, huitième chambre, dans les motifs de l'arrêt du 13 juin 2019, au rôle n° 45150 (Arrêt N° 84/19 - VIII - Travail), d'avoir notamment retenu que et constitue par là une cause réelle et sérieuse. », le troisième, « tiré de la violation, voire d'une application erronée, voire d'une fausse interprétation, in specie de l'article 10 bis de la Constitution et du principe à valeur constitutionnelle de l'égalité de traitement.
Il est fait grief à la Cour d'appel, huitième chambre, dans les motifs de l'arrêt du 13 juin 2019, au rôle n° 45150 (Arrêt N° 84/19 - VIII - Travail), d'avoir notamment retenu que . » et le quatrième, « tiré de la violation, voire d'une application erronée, voire d'une fausse interprétation, in specie des articles 6§1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 11 de la Constitution, et de l'article 1er de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée.
Tous ces textes consacrent le droit fondamental au respect de la vie privée.
Il est fait grief à la Cour d'appel, huitième chambre, dans les motifs de l'arrêt du 13 juin 2019, au rôle n° 45150 (Arrêt N° 84/19 - VIII - Travail), de ne pas s'être prononcé quant au constat d'une violation d'un droit fondamental et de son indemnisation. ».
Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’article 10, alinéa 3, de la même loi peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.
Le demandeur en cassation ne précise pas en quoi les parties critiquées de l’arrêt violent les dispositions visées aux moyens.
Il en suit que les quatre moyens sont irrecevables.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
déclare le pourvoi recevable, le rejette, rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure, condamne le demandeur en cassation à payer à la société anonyme C) une indemnité de procédure de 2.500 euros, le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée CASTEGNARO, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.
PARQUET GENERAL Luxembourg, 6 novembre 2020 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
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Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation S) c/ 1) société anonyme C), 2) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (affaire n° CAS-2020-00037 du registre) Le pourvoi de la partie demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 13 mars 2020, d’un mémoire en cassation, signifié le 12 mars 2020 aux défendeurs en cassation, est dirigé contre un arrêt rendu contradictoirement en date du 13 juin 2019 sous le numéro 45150 du rôle par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1.
La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que ces formalités imposées par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ont été respectées.
La défenderesse en cassation C) soulève l’irrecevabilité du pourvoi au motif que ce dernier omettrait, en violation de l’article 10, alinéa 1, première phrase, de la loi précitée de 1885, de préciser les dispositions attaquées de l’arrêt2.
L’article 10, alinéa 1, dernière phrase de la loi précitée dispose que « la désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé de moyens ou des conclusions ». Le demandeur en cassation expose, dans son mémoire en cassation, les faits et rétroactes de l’affaire et y précise que l’arrêt attaqué s’est, dans son dispositif, limité à confirmer le jugement de première instance, qui avait 1 L’arrêt attaqué a été signifié au demandeur en cassation en date du 10 février 2020 (Pièce n° 77 annexée au mémoire en réponse), le mémoire a été déposé le 13 mars 2020 et le demandeur en cassation demeure en Finlande, donc dans un territoire, situé en Europe, d’un pays membre de l’Union européenne, de sorte que le délai de recours de deux mois et quinze jours, prévu par l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ensemble avec l’article 167, point 1°, du Nouveau Code de procédure civile, a été respecté.
2 Mémoire en réponse, page 2, sous I. B.
rejeté les demandes de l’intéressé3. Il précise dans ce même mémoire, dans une partie intitulée « dispositions attaquées », les motifs critiqués de l’arrêt, par lesquels la Cour d’appel a rejeté son appel et confirmé le jugement entrepris4. Il développe cette critique dans l’exposé de ses moyens. Il résulte de la combinaison de ces éléments que le demandeur en cassation attaque l’arrêt en ce que la Cour d’appel a, par les motifs critiqués, confirmé le jugement entrepris, partant a décidé dans le dispositif de l’arrêt que ce jugement est confirmé.
Comme la disposition attaquée a ainsi été précisée à suffisance, l’exception d’irrecevabilité est à rejeter.
Le pourvoi est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi de 1885.
Il est, partant, recevable.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisi par S) d’une demande de voir déclarer nul, sinon abusif, son licenciement, dirigée contre son employeur, la société anonyme C) et l’ETAT DU GRAND-
DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l’Emploi, le tribunal du travail de Luxembourg rejetait les demandes comme non fondées. Sur appel du demandeur, la Cour d’appel confirma le jugement entrepris.
Sur le premier moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article L. 124-11 du Code du travail, en ce que la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal de travail de déclarer la demande en nullité du licenciement du demandeur en cassation irrecevable aux motifs que « C’est à juste titre que le tribunal du travail a déclaré cette demande en nullité irrecevable, en l’absence de texte légal ou réglementaire prévoyant le recours en annulation du licenciement du chef de violation de la procédure interne de licenciement et en l’absence de sanction prévue en cas de non-respect des procédures internes de la société C) »5, alors que, première branche, elle a ainsi violé les articles 1134 et 1135 du Code civil puisque le demandeur en cassation pouvait légitimement s’attendre au respect de la procédure interne prévue en matière de licenciement et que, seconde branche, elle a mal appliqué, sinon mal interprété, les principes généraux du droit, sinon de la jurisprudence de la Cour de cassation française relatifs au champ d’application du règlement intérieur de l’employeur prévoyant une procédure disciplinaire.
En l’espèce, le demandeur en cassation, engagé en qualité de pilote auprès de la défenderesse en cassation, a été licencié par celle-ci avec préavis. Il demanda pour différents motifs la nullité du licenciement. L’une des causes invoquées était la méconnaissance par son employeur de la procédure interne prévue en cas de licenciement.
3 Mémoire en cassation, pages 2 et 3.
4 Idem, page 4.
5 Arrêt attaqué, 10, troisième alinéa.
La Cour d’appel déclara cette demande irrecevable aux motifs suivants :
« Nullité du licenciement pour non-respect de la procédure interne prévue dans le cadre du licenciement d’un pilote L’appelant soutient que le respect de la procédure disciplinaire interne conditionne la validité même du licenciement. Il fait état de l’absence d’avertissement préalable de la part de l’employeur en se référant à la procédure disciplinaire particulière mise en place par ce dernier en son sein.
L’intimée, qui explique en détail la procédure suivie, affirme avoir respecté les procédures internes en vigueur, tant la procédure disciplinaire et le Code éthique que la « Just Culture Policy ». Elle souligne qu’en tout état de cause aucune nullité n’est prévue en cas de violation de celles-ci.
C’est à juste titre que le tribunal du travail a déclaré cette demande en nullité irrecevable, en l’absence de texte légal ou réglementaire prévoyant le recours en annulation du licenciement du chef de violation de la procédure interne de licenciement et en l’absence de sanction prévue en cas de non-respect des procédures internes de la société C). »6.
Par ces motifs, la Cour d’appel adopte les motifs du tribunal du travail, qui, sur ce point, avait décidé ce qui suit :
« Pour demander la nullité de son licenciement, le requérant fait état - d’une violation de sa vie privée, pour avoir été suivi par un détective privé, mandaté par la partie défenderesse, lors d’un arrêt de travail pour cause de maladie, - violation du principe de non-discrimination en raison de l’état de santé, - du non-respect de la procédure interne de licenciement d’un pilote, - d’une violation de l’article 10 bis de la Constitution, La partie défenderesse s’oppose, d’une part, à la nullité du licenciement prononcé en date du 14 avril 2015 à l’encontre de S) tirée d’une violation de la vie privée, d’un non-
respect de la procédure interne et d’une violation de l’article 10 bis de la Constitution, sur base de l’adage « pas de nullité sans texte » et, d’autre part, à la nullité du licenciement du fait d’un traitement discriminatoire en raison de son état de maladie, n’étant pas un motif de discrimination visé par l’article L.251-1(1) du Code du travail.
En réponse à l’argument de la défenderesse tiré de l’adage « pas de nullité sans texte », le requérant s’appuie sur la jurisprudence, qui a progressivement dégagé à côté des nullités dites textuelles la notion de nullité « virtuelle » destinée à sanctionner les atteintes aux libertés et droits fondamentaux, dont le respect de la vie privée.
Le tribunal du travail constate tout d’abord que toutes les jurisprudences citées par le requérant ayant admis la notion de nullité « virtuelle » ont trait aux dispositions relatives au fonctionnement des délégations du personnel, dont l’inobservation des formalités n’est pas expressément sanctionnée de nullité par la loi.
6 Idem, page 9, avant-dernier alinéa, à page 10, troisième alinéa.
En matière de licenciement, le Code du travail prévoit, cependant, expressément des cas de nullité de licenciement et, notamment, en cas de licenciements prononcés à l’encontre de salariés bénéficiant d’un régime de protection légale, de licenciement prononcé pour des faits contraires au principe d’égalité de traitement conformément aux articles L.241-1 et L.251-1 du Code du travail ou en cas de harcèlement sexuel.
Le législateur a ainsi déterminé avec précision les cas dans lesquels le salarié victime d’une irrégularité peut introduire une action en nullité contre le licenciement. De même, il a soumis les actions en nullité à des conditions particulières, tant au niveau des délais à agir qu’au niveau de la juridiction à saisir et de la procédure à suivre.
Il suit de ce qui précède qu’en l’absence de texte légal ou réglementaire prévoyant le recours en annulation du licenciement du chef de violation du droit à la vie privée ou de l’article 10 bis de la Constitution ou d’irrégularité de la procédure de licenciement, ainsi que les conditions afférentes, telle la réintégration du salarié licencié, l’action en nullité invoquée de ces chefs doit être déclarée irrecevable.
Le tribunal du travail constate encore que le règlement C) interne versé en cause concernant la discipline ne prévoit aucune sanction en cas de son non-respect, de sorte que la demande en nullité afférente doit encore être rejetée. »7.
Le moyen est tiré de la violation de l’article L. 124-11 du Code du travail. Cet article définit la notion de licenciement abusif et détermine la procédure de l’action judiciaire en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail. Il est donc en soi étranger à la nullité du licenciement et à l’action en nullité de ce dernier. L’article L. 124-12, paragraphe 4, alinéa 2, du Code du travail dispose cependant que « Sont applicables pour l’action judiciaire en nullité les dispositions de l’article L. 124-11 ». L’invocation de ce dernier article doit donc être compris comme visant dans cet ordre d’idées les dispositions régissant la procédure applicable en cas d’action en nullité du licenciement.
Le moyen est subdivisé en deux branches.
Sur la première branche du moyen Dans la première branche du moyen, il est reproché à la Cour d’appel d’avoir, par sa décision d’irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement pour défaut de respect de la procédure interne de l’employeur violé les articles 1134 et 1135 du Code civil.
L’énoncé du moyen n’apporte aucune précision sur la nature du grief, donc sur ce en quoi l’irrecevabilité de la demande en nullité serait susceptible de constituer une violation des articles 1134 et 1135 du Code civil. Cette précision n’est apportée que par la discussion du moyen, de laquelle résulte, à bien comprendre, que le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir refusé de sanctionner, par la nullité du licenciement, le non-respect allégué par l’employeur de sa procédure interne de licenciement, ce non-respect étant compris comme une violation de la confiance légitime du demandeur en cassation découlant de l’exécution de bonne foi du contrat de travail.
7 Jugement de première instance (Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation), page 6, dernier alinéa, à page 7, avant-dernier alinéa.
L’article 10, alinéa 2, de la loi précitée de 1885 dispose que « sous peine d’irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen […] doit préciser […] – ce en quoi [la partie critiquée de la décision] encourt le reproche allégué ». L’article 10, alinéa 3, ajoute que « l’énoncé du moyen peut être complété par des développements en droit qui sont pris en considération ».
Suivant votre jurisprudence, si les développements en droit peuvent compléter l’énoncé du moyen, ils ne peuvent suppléer à la carence originaire de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité8.
Il en suit que la première branche du moyen est irrecevable.
A titre subsidiaire, il ne résulte pas éléments auxquels vous pouvez avoir égard que le demandeur ait soulevé devant les juges du fond le grief tiré de ce que la méconnaissance alléguée de la procédure interne de licenciement constitue une violation de l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, qu’elle a porté à ce titre atteinte au principe de la confiance légitime du demandeur en cassation et que cette atteinte appelle comme sanction la nullité du licenciement. Le grief est dès lors nouveau et comme il implique l’appréciation de l’incidence de la violation alléguée de la procédure interne de licenciement sur la confiance légitime du demandeur en cassation, donc une appréciation de faits, il est mélangé de fait et droit et, partant, irrecevable.
Il en suit, à titre subsidiaire, que la première branche du moyen est encore irrecevable pour ce motif.
Sur la seconde branche du moyen Le demandeur en cassation critique dans la seconde branche du moyen que la Cour d’appel n’a pas appliqué, sinon mal interprété, les « principes généraux du droit sinon de la jurisprudence relatifs au champ d’application du règlement intérieur de l’employeur prévoyant une procédure disciplinaire ». Il ne précise cependant pas dans l’énoncé du moyen la source et la portée de ces principes généraux du droit et de cette jurisprudence. Les développements en droit révèlent qu’il se réfère à ce sujet à des arrêts de la Cour de cassation française retenant que l’inobservation d’une procédure disciplinaire prévue par un règlement intérieur d’une entreprise est susceptible de rendre dépourvu de cause réelle et sérieuse un licenciement prononcé à la suite de faits disciplinaires non sanctionnés dans le respect de cette procédure. Il ne résulte pas de ces développements en quoi les arrêts cités sont pertinents pour mettre en cause le bien-
fondé du motif critiqué, tiré de ce qu’il n’existe pas d’annulation de licenciement sans texte et que de surcroît la procédure interne en cause ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect.
La branche du moyen ne précisant pas, dans son énoncé, le grief qui en forme l’objet, ce qui constitue une carence qui ne peut être suppléée par les développements en droit complétant l’énoncé, elle est irrecevable sur base de l’article 10, alinéa 2, de la loi précitée de 1885.
8 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 10 janvier 2019, n° 1/2019, numéro 4059 du registre (réponse au premier moyen) ; idem, 6 juin 2019, n° 101/2019, numéro CAS-2018-00059 du registre (réponse aux deux moyens du pourvoi) ; idem, 31 octobre 2019, n° 140/2019, numéro CAS-2018-00096 du registre (réponse au troisième moyen).
A titre subsidiaire, à vouloir néanmoins prendre en considération les développements en droit, ces derniers, qui exposent que le non-respect d’un règlement intérieur d’une entreprise en matière disciplinaire peut rendre un licenciement pour faute disciplinaire prononcé à la suite d’un tel non-respect dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne sont pas pertinents pour mettre en cause le bien-fondé du motif attaqué, tiré de ce que la nullité d’un licenciement irrégulier suppose un texte. En effet, les développements en droit concernent les critères d’appréciation de la régularité du licenciement tandis que le motif attaqué est relatif à la nature de la sanction d’un licenciement irrégulier.
Il en suit, à titre subsidiaire, que la seconde branche du moyen est étrangère au motif attaqué, de sorte qu’elle est irrecevable.
A titre encore plus subsidiaire, donc à admettre que la branche soit recevable du point de vue de sa forme et qu’elle soit pertinente pour critiquer le motif attaqué, elle n’est pas fondée. En effet, le Code du travail prévoit, dans son article L. 124-11, à titre de sanction du licenciement « qui est contraire à la loi ou qui n’est pas fondé sur des motifs réels et sérieux », une action judiciaire en réparation d’une telle résiliation abusive du contrat de travail, mais réserve la nullité du licenciement à des cas limitativement prévus par la loi.
Ce caractère exceptionnel de la nullité résulte de l’article L. 124-12, paragraphe 4, du Code du travail, qui dispose que :
« Art. L. 124-12. […] (4) Dans les cas de nullité du licenciement prévus par la loi, la juridiction du travail doit ordonner le maintien du salarié dans l’entreprise lorsqu’il en fait la demande. Son applicables, dans ces cas, les dispositions des articles 2059 à 2066 du Code civil.
[…] »9.
Le législateur circonscrit donc la sanction de la nullité du licenciement, qui implique le maintien du salarié dans l’entreprise, aux seuls cas prévus par la loi. Ces cas sont définis avec précision par le Code du travail, qui distingue, sauf erreur, dix hypothèses de nullité du licenciement :
- le licenciement prononcé au cours des négociations pour l’établissement d’un plan social, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 166-2, paragraphe 8 ;
- celui prononcé au cours d’un congé parental, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 234-47, paragraphe 8 ;
- celui prononcé à titre de représailles pour dénonciation de discriminations, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 241-8 ;
- celui prononcé à titre de représailles pour dénonciation d’un harcèlement sexuel, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 245-6, paragraphe 3 ;
9 C’est nous qui soulignons.
- celui prononcé à titre de représailles pour dénonciation d’une violation du principe d’égalité de traitement, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 253-1 ;
- celui prononcé à titre de représailles pour dénonciation de faits de corruption, de trafic d’influence ou de prise illégale d’intérêts, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 271-1, paragraphe 4 ;
- celui d’une salariée prononcé au cours d’une grossesse médicalement constatée, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 337-1, paragraphe 1 ;
- celui d’une salariée prononcé en raison de son mariage, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 337-6 ;
- celui d’un délégué du personnel, sanctionné par une nullité prévue par l’article L.
415.10, paragraphe 2 ;
- celui prononcé contre un salarié bénéficiant d’une mesure de reclassement professionnel, sanctionné par une nullité prévue par l’article L. 551-2, paragraphe 2.
La nullité du licenciement constitue donc, dans l’économie du Code du travail, une sanction dérogatoire au droit commun, réservée à des cas limitativement énoncés. C’est dès lors à juste titre que la Cour d’appel a retenu que l’irrégularité alléguée, d’une méconnaissance d’une procédure interne de licenciement, n’est pas susceptible d’être sanctionnée par la nullité du licenciement.
Il en suit, à titre encore plus subsidiairement, que la seconde branche du moyen n’est pas fondée.
Sur le deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article L. 124-11 du Code du travail, en ce que la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal du travail de ne pas déclarer abusif le licenciement du demandeur en cassation aux motifs que « l’absentéisme habituel pris ensemble le prédit comportement désinvolte de l’appelant [de s’être déclaré à deux reprises malade par téléphone douze heures avant le début de son service, tout en produisant, par la suite, un certificat médical délivré en Finlande, ce qui implique que, compte tenu de la durée de trajet entre la Finlande et le Luxembourg, le demandeur en cassation n’aurait pas pu commencer son service en respectant les règles relatives notamment au temps de repos obligatoire avant le service de vol], est suffisamment grave pour justifier son licenciement avec préavis »10, alors que l’absentéisme du demandeur en cassation ne constituait, dans les circonstances de l’espèce, pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le demandeur en cassation omet, dans l’énoncé de son deuxième moyen, d’apporter une quelconque précision sur la nature et la portée du grief opposé par lui au motif, tiré de ce que 10 Arrêt attaqué, page 15, avant-dernier alinéa.
son absentéisme habituel a été suffisamment grave pour justifier son licenciement. Ces précisions ne sont apportées que dans la discussion du moyen.
Il en suit que le moyen ne précisant pas, dans son énoncé, le grief qui en forme l’objet, ce qui constitue une carence qui ne peut être suppléée par les développements en droit complétant l’énoncé, il est irrecevable sur base de l’article 10, alinéa 2, de la loi précitée de 1885.
A titre subsidiaire, le demandeur en cassation soutient, dans le développement du moyen, que son absentéisme ne constituait, dans les circonstances de l’espèce, pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend dès lors qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la gravité de la faute du salarié invoquée par l’employeur comme motif du licenciement, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe à votre contrôle11.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 10bis de la Constitution, en ce que la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal de travail de déclarer la demande en nullité du licenciement du demandeur en cassation irrecevable aux motifs que « Dans la mesure où l’appelant invoque un traitement inégalitaire en matière de licenciement de salariés pour absentéisme au travail, et non pas une inégalité de traitement résultant d’un texte légal, son moyen ne relève pas du principe de l’égalité des citoyens devant la loi »12, alors qu’une discrimination peut aussi être invoquée par rapport à une situation de fait et non nécessairement de façon exclusive par rapport à un texte légal.
Le demandeur en cassation omet à nouveau, dans l’énoncé de son troisième moyen, d’apporter une quelconque précision sur la nature et la portée du grief opposé par lui au motif, tiré de ce que la violation de l’article 10bis de la Constitution suppose une discrimination injustifiée résultant d’une loi. Ces précisions ne sont apportées que dans la discussion du moyen.
Il en suit que le moyen ne précisant pas, dans son énoncé, le grief qui en forme l’objet, ce qui constitue une carence qui ne peut être suppléée par les développements en droit complétant l’énoncé, il est irrecevable sur base de l’article 10, alinéa 2, de la loi précitée de 1885.
A titre subsidiaire, à supposer le moyen recevable, il critique que la Cour d’appel a circonscrit le principe d’égalité de traitement prévu par l’article 10bis de la Constitution à la prévention des discriminations exercées par l’Etat et les pouvoirs publics contre les particuliers au moyen de lois et règlements et a refusé d’y voir une obligation à portée horizontale s’imposant dans les rapports entre les particuliers, en l’occurrence entre les employeurs et leurs salariés.
Cette critique méconnaît que « l’article 10bis de la Constitution se borne poser le principe d’égalité devant la loi [et] s’inscrit dès lors dans un rapport vertical entre le citoyen ou, plus généralement, la personne juridique et l’Etat dont l’acte majeur d’expression de la 11 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 28 février 2019, n° 34/2019, numéro 4096 du registre (réponse au premier moyen).
12 Arrêt attaqué, page 9, antépénultième alinéa.
souveraineté est la loi »13. Vous avez ainsi à plusieurs reprises refusé d’appliquer cet article dans les rapports entre les particuliers14. Par voie de conséquence, la pratique du licenciement de salariés pour absentéisme au travail par un employeur ne saurait être contrôlée au regard de sa conformité avec la disposition constitutionnelle invoquée.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen est inopérant15.
Sur le quatrième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation des articles 6, paragraphe 1, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 11 de la Constitution et 1 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, en ce que la Cour d’appel a confirmé la décision du tribunal de travail de déclarer la demande en nullité du licenciement du demandeur en cassation irrecevable aux motifs que « Aucun texte légal ou réglementaire ne prévoit la nullité du licenciement en cas de violation manifeste par l’employeur du droit fondamental au respect de la vie privée »16 et que « A admettre qu’une nullité du licenciement pour violation des droits fondamentaux ou d’une liberté fondamentale puisse néanmoins être prononcée, force est cependant de constater que les moyens invoqués par l’appelant, tirés de la violation des droits fondamentaux en raison de la filature par un détective pendant le congé de maladie du salarié, ne sauraient avoir comme conséquence la nullité du licenciement, mais seraient de nature à entraîner, le cas échéant, le rejet du motif reposant sur ce moyen de preuve »17, alors qu’elle a omis de se prononcer sur l’existence d’une violation du droit à la protection de la vie privée et sur son indemnisation.
Le demandeur en cassation avait demandé en l’espèce la nullité de son licenciement au motif que son droit au respect de la vie privée a été violé par le fait que son employeur avait engagé un détective privé aux fins de le suivre à l’occasion d’un arrêt de travail pour cause de maladie.
La Cour d’appel a déclaré cette demande irrecevable aux motifs suivants :
« Nullité du licenciement pour violation manifeste par l’employeur du droit fondamental au respect de la vie privée L’appelant demande d’abord à voir constater la nullité de son licenciement pour violation manifeste par l’employeur du droit fondamental au respect de la vie privée pour avoir été suivi par un détective privé, mandaté par la société C), lors d’un arrêt de travail pour cause de maladie.
Il fait valoir que, si au départ, une nullité ne pouvait exister sans texte, la jurisprudence a progressivement dégagé, à côté des nullités dites textuelles, la notion de nullité 13 Conclusions du Procureur général d’Etat adjoint Georges WIWENES sous : Cour de cassation, 11 avril 2013, n° 23/13, numéro 3161 du registre.
14 Cour de cassation, 22 mars 2012, n° 17/12, numéro 2954 du registre (réponse au troisième moyen) (au sujet d’une allégation d’attribution discriminatoire de bonus par un employeur à ses salaries) et 11 avril 2013, précité (réponse au deuxième moyen) (au sujet d’une allégation d’attribution discriminatoire de primes par un employeur à ses salariés).
15 Voir à ce sujet vos arrêts précités du 22 mars 2012 et 11 avril 2013.
16 Arrêt attaqué, 6, dernier alinéa.
17 Idem, page 7, deuxième alinéa.
« virtuelle » destinée à sanctionner les atteintes aux libertés ou droits fondamentaux, dont le droit au respect de la vie privée.
Cette notion de « nullité virtuelle » aurait été retenue à plusieurs reprises par les juridictions luxembourgeoises (Cour d’appel 30 juin 2005, rôle n° 29039; Cour d’appel 28 octobre 2010, rôle n° 35140; Tribunal du travail 21 octobre 2016 n° 3733/2016) ainsi que par la jurisprudence française.
Le droit au respect de la vie privée serait un droit fondamental reconnu notamment par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 11 de la Constitution et l’article 1er de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée.
La nullité du licenciement devrait être impérativement retenue comme consistant en une sanction dissuasive et appropriée en cas de constat d’une violation d’un droit fondamental ou d’une liberté fondamentale.
La filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité du salarié durant sa maladie constituerait un moyen de preuve illicite et tous les développements et éléments de preuve produits par l’intimée ayant trait aux soi-disant manquements qui auraient été constatés durant les absences pour cause de maladie et aux doutes quant à la réalité de la maladie de l’appelant devraient être rejetés.
L’intimée demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande en annulation du licenciement pour violation de la vie privée, à défaut de texte légal ou règlementaire prévoyant la nullité demandée par l’appelant.
A titre subsidiaire, elle conteste toute atteinte à la vie privée de l’appelant et toute violation d’une liberté fondamentale.
Aucun texte légal ou réglementaire ne prévoit la nullité du licenciement en cas de violation manifeste par l’employeur du droit fondamental au respect de la vie privée.
L’article 1131 du Code civil invoqué par l’appelant, aux termes duquel « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », figure au chapitre des conditions essentielles pour la validité des conventions et ne saurait manifestement pas servir de base légale à une demande en nullité d’un licenciement.
A admettre qu’une nullité du licenciement pour violation des droits fondamentaux ou d’une liberté fondamentale puisse néanmoins être prononcée, force est cependant de constater que les moyens invoqués par l’appelant, tirés de la violation des droits fondamentaux en raison de la filature par un détective pendant le congé de maladie du salarié, ne sauraient avoir comme conséquence la nullité du licenciement, mais seraient de nature à entraîner, le cas échéant, le rejet du motif reposant sur ce moyen de preuve. »18.
18 Idem, page 6, premier alinéa, à page 7, deuxième alinéa.
Dans son quatrième moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir omis de se prononcer sur la violation alléguée par lui de son droit au respect de sa vie privée et sur l’indemnisation en découlant.
Il résulte des motifs cités ci-avant que la Cour d’appel, qui était saisie d’une demande de nullité du licenciement, constata « que les moyens invoqués par l’appelant, tirés de la violation des droits fondamentaux en raison de la filature par un détective pendant le congé de maladie du salarié, ne sauraient avoir comme conséquence la nullité du licenciement, mais seraient de nature à entraîner, le cas échéant, le rejet du motif reposant sur ce moyen de preuve. »19.
Elle retint donc que la filature d’un salarié pendant son congé de maladie par un détective privé engagé par son employeur est une pratique qui est susceptible d’être sanctionnée, sauf que cette sanction ne consiste pas, comme il avait été soutenu par le demandeur en cassation, dans la nullité du licenciement, mais dans l’irrecevabilité des moyens de preuve obtenus par son biais.
Elle s’est donc prononcée sur les conséquences de la violation alléguée. Cette réponse est par ailleurs conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation française citée par le demandeur en cassation dans la discussion du moyen. Comme elle était saisie d’une demande en nullité du licenciement, elle n’avait pas à approfondir davantage la question.
Le moyen, qui repose sur la prémisse erronée que la Cour d’appel a omis de se prononcer sur la violation alléguée du droit au respect de la vie privée, manque donc doublement en fait.
D’une part, la Cour d’appel, qui était saisie d’une demande en nullité d’un licenciement motivée par la violation alléguée du droit au respect de la vie privée du salarié et qui constata que cette violation alléguée n’était pas susceptible d’être sanctionnée par cette nullité, n’avait pas à se prononcer sur la réalité de cette violation dans le cas d’espèce et sur d’éventuelles autres sanctions, non réclamées en cause, que cette violation alléguée était susceptible d’engendrer, telle une indemnisation du préjudice subi. D’autre part, elle s’est cependant prononcée sur la sanction qu’une telle violation est susceptible de recevoir, à savoir l’irrecevabilité des moyens de preuve obtenus à l’aide de celle-ci, mais dont l’application n’a pas été demandée et dont les conditions de mise en œuvre, à savoir la preuve qu’un motif de licenciement repose sur le résultat d’une telle filature, n’ont pas été établies.
Il en suit que le moyen manque en fait.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 19 Idem, page 7, deuxième alinéa.