N° 44 / 2021 du 11.03.2021 Numéro CAS-2020-00050 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, onze mars deux mille vingt-et-un.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Martine SOLOVIEFF, procureur général d’Etat, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.
Entre:
G), demandeur en cassation, comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeur en cassation, comparant par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
Vu l’arrêt attaqué, rendu le 16 janvier 2020 sous le numéro 2020/0010 (No. du reg.: ADEM 2019/0074) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 26 mars 2020 par G) à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, déposé le 31 mars 2020 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 14 mai 2020 par l’ETAT DU GRAND-
DUCHE DE LUXEMBOURG à G), déposé le 26 mai 2020 au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la commission spéciale de réexamen avait, par confirmation d’une décision du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi, refusé à G), en reclassement externe, le bénéfice des indemnités de chômage complet au motif qu’il avait déjà bénéficié d’indemnités de chômage en France pour la même période d’occupation. Le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait déclaré non fondé le recours formé par G) contre cette décision. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a confirmé ce jugement.
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de réponse à conclusions valant absence de motifs, En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 de la partie défenderesse en cassation au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, Alors que le demandeur en cassation avait expressément invoqué l'absence d'effet autonome de l'article 10 du règlement CE n°883/2004 par rapport à la législation nationale des Etats membres, ainsi que l'obligation de la partie défenderesse en cassation et des juridictions d'invoquer une disposition légale nationale à l'appui d'une éventuelle décision d'anti-cumul entre des indemnités de chômage prévues par la législation luxembourgeoise et des indemnités de chômage touchées dans le pays de résidence du demandeur pour pouvoir justifier une telle décision, Qu’en appliquant l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 sans se prononcer, ainsi qu'il lui avait été demandé, sur l'effet de substitution dudit article dans l'ordre interne du Grand-Duché de Luxembourg en l'absence d'une disposition de droit interne prévoyant un tel non-cumul, l'arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale encourt la cassation pour non-réponse à conclusions, valant absence de motifs. » et le deuxième, « Tiré de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme (respectivement de la personne humaine) et de l'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions, En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 de la partie défenderesse en cassation au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, Alors que le demandeur en cassation avait expressément invoqué l'absence d'effet autonome de l'article 10 du règlement CE n°883/2004 par rapport à la législation nationale des Etats membres, partant l'obligation de la partie défenderesse en cassation et des juridictions d'invoquer une disposition légale nationale à l'appui d'une éventuelle décision d'anti-cumul entre des indemnités de chômage prévues par la législation luxembourgeoise en cas de reclassement externe de salariés frontaliers et des indemnités de chômage touchées dans le pays de résidence du demandeur pour pouvoir justifier une telle décision, Qu’en appliquant l'article 10 du règlement CE n°883/2004 sans motiver l'effet de substitution dudit article dans l'ordre interne du Grand-Duché de Luxembourg en l'absence d'une disposition de droit interne prévoyant un tel non-
cumul, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a omis de répondre au moyen soulevé par le demandeur en cassation et encourt ainsi la cassation pour violation des textes visés au moyen. ».
Réponse de la Cour Le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs, qui est un vice de forme.
Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
L’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail dispose :
« Après épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet conformément aux dispositions de l’article L. 521-11 et sous réserve de l’accomplissement des autres conditions d’admission prévues à l’article L. 521-3, le droit à l’indemnité de chômage complet s’ouvre à nouveau au plus tôt après une période de 12 mois qui suit la fin des droits lorsque les conditions de stage prévues au présent article sont de nouveau remplies. Dans ce cas, la période de référence à prendre en considération pour le calcul de la période de stage commence à courir au plus tôt à l’expiration des droits. ».
L’article 5 du Règlement (CE) N° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après « le Règlement »), intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements » dispose :
« A moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent :
a) si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre Etat membre ou de revenus acquis dans un autre Etat membre ;
b) si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet Etat membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre Etat membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire. » .
L’article 10 du Règlement, précité, intitulé « Non-cumul de prestations » dispose :
« Le présent règlement ne confère ni ne maintient, à moins qu’il n’en soit disposé autrement, le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire. ».
En assimilant les indemnités de chômage françaises aux indemnités de chômage luxembourgeoises aux fins de vérifier si la condition de stage prescrite par l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail était remplie, les juges d’appel ont appliqué les dispositions de l’article 5, b), du Règlement, dont le demandeur en cassation s’était lui-même prévalu pour voir tenir compte, en application de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du même code, de la période de chômage indemnisée en France comme cause de prorogation de la période de référence, et ont, partant, au regard de l’effet direct desdites dispositions du Règlement, implicitement, mais nécessairement, rejeté les conclusions du demandeur en cassation relatives à la nécessité d'une disposition de droit interne prévoyant un tel non-cumul.
Il en suit que les deux moyens ne sont pas fondés.
Sur les troisième et quatrième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le troisième, « pris de la violation sinon fausse application de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, sans aucunement se référer à une norme de droit interne prévoyant un non-cumul en matière d'indemnités de chômage revenant aux salariés frontaliers en reclassement externe avec des prestations étrangères de même nature, a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004, Alors que le règlement CE n°883/2004 constitue un règlement de coordination édictant uniquement des règles générales de limites imposées aux Etats membres, cadre dans lequel ces derniers peuvent prévoir des règles de non-cumul en matière de sécurité sociale et que , tel que s'est exprimé notre Conseil d'Etat dans son avis du 03.05.2005 sur le projet de loi N° 5334/10 modifiant entre autres la loi du 25 juillet 2002 concernant l'incapacité de travail et la réinsertion professionnelle, notamment par l'ajout d'un 2e alinéa à l'article 9 de la loi du 25 juillet 2002 (devenu par la suite l'article L.551-9 du Code du travail) prévoyant qu', de sorte que l'article 10 dudit règlement ne constitue pas une norme autonome de nature à légitimer une décision de refus de cumul entre différentes prestations sociales, comme en l'espèce des prestations de chômage d'un salarié frontalier en reclassement externe, du moment qu'il n'existe en droit interne aucune disposition de non-cumul en la matière, Qu’en confirmant la décision de refus des indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg de la partie défenderesse du 17 avril 2018 sur la seule base dudit article 10 et sans pouvoir se référer à une norme de droit interne prévoyant pareille disposition de non-cumul pour ce faire, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé sinon faussement appliqué l'article 10 du règlement CE n° 883/2004. » et le quatrième, « Pour excès de pouvoir par rapport à l'article 11 paragraphe (5) de la Constitution selon lequel la matière de la sécurité sociale est réservée exclusivement au législateur.
En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, sans aucunement se référer à une norme de droit interne prévoyant un non-cumul en matière d'indemnités de chômage revenant aux salariés frontaliers en reclassement externe avec des prestations étrangères de même nature, a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, Alors que l'Union européenne n'a pas compétence d'édicter les règles de non-
cumul spécifiquement par rapport aux différentes prestations sociales prévues par les différentes législations de ses Etats membres et que l'article 10 du règlement CE n° 883/2004, en dehors de toute norme de droit interne, ne constitue pas une base légale autonome applicable aux décisions de la partie défenderesse en cassation, établissement public, ni aux arrêts du Conseil supérieur de la sécurité sociale, juridiction, la matière de la sécurité sociale étant réservée exclusivement au législateur par l'article 11 paragraphe (5) de la Constitution, Qu’en retenant néanmoins qu'il ressortait du seul article 10 du règlement CE n° 883/2004 que les indemnités de chômage prévues par la législation française n'étaient pas cumulables avec les indemnités de chômage prévues par la législation luxembourgeoise en matie de reclassement externe des salariés frontaliers, sans pour autant viser une disposition de droit national prévoyant un tel non-cumul, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a excédé ses pouvoirs en tant que juridiction relevant du pouvoir judiciaire alors qu'il a (Jurisclasseur. Pr. Civ., v° Cassation fasc. 769, n° 140), en instaurant lui-même une règle de non-cumul en matière de sécurité sociale, pouvoir réservé au seul législateur par l'article 11 paragraphe (5) de la Constitution. ».
Réponse de la Cour En retenant, après avoir assimilé les indemnités de chômage françaises touchées par le demandeur en cassation aux indemnités de chômage luxembourgeoises, par application de l’article 5, b), du Règlement, et dit que les prestations de même nature ne se cumulent pas, par application de l’article 10 du même Règlement, les juges d’appel n’ont, sans avoir dû se référer à une disposition de droit interne de non-cumul eu égard à l’effet direct des dispositions de l’article 5 du Règlement, pas violé l'article 10 du Règlement, ni commis un excès de pouvoir.
Il en suit que les deux moyens ne sont pas fondés.
Sur les cinquième et sixième moyens de cassation et le neuvième moyen de cassation, pris en sa première branche, réunis Enoncé des moyens le cinquième, « Pris du défaut de base légale au regard du principe de non-
cumul de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale sinon du principe de non-cumul de l'article 12, paragraphe 1, 1ère phrase du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 applicable jusqu'au 30 avril 2010 inclusivement, pris ensemble avec ou séparément l'article L.551-9 du Code du travail prévoyant qu' , En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 Alors qu’en omettant de vérifier si la suspension des indemnités de chômage luxembourgeoises allouées par l'article L.551-9 du Code du travail au profit des salariés frontaliers en reclassement (assimilés aux salariés résidents) jusqu'à concurrence d'une prestation étrangère de même nature, à savoir le chômage touché de la part du Pôle Emploi français, n'est pas de nature à empêcher un cumul indu des prestations luxembourgeoises et des prestations étrangères, auxquelles les intéressés pourraient prétendre et s'il est dès lors conforme ou non au principe de non-cumul de l'article 10 du règlement n° UE/883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale (applicable à partir du 1er mai 2010 et remplaçant l'ancien article 12 du règlement 1408/71) sinon ledit article 12 du règlement n° 1409/71/CEE en ce sens que les deux textes réglementaires tout autant que le texte national ne cherchent qu'à assurer un juste équilibre entre assurés sédentaires et assurés migrants, ces derniers ne pouvant être ni défavorisés ni avantagés par rapport aux premiers du fait de leur migration, les juges d'appel n'ont pas donné de base légale à leur décision et empêchent la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de sa décision. », le sixième, « Pris de la violation du principe de non-cumul de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale sinon du principe de non-cumul de l'article 12, paragraphe 1, 1ère phrase du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971 applicable jusqu'au 30 avril 2010 inclusivement, pris ensemble avec ou séparément de l'article L.551-9 du Code du travail prévoyant qu', En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004, Alors qu’en interprétant, lors de l'application de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l'article L.551-9 du Code du travail comme permettant un cumul indu entre les prestations complémentaires luxembourgeoises et les prestations étrangères auxquelles le demandeur en cassation pourrait prétendre, alors que c'est précisément le contraire qui est le cas en ce sens que le demandeur ne peut toucher que la différence (éventuelle) entre la prestation de chômage luxembourgeoise et la prestation du Pôle emploi français, les juges d'appel ont violé par mauvaise application ou interprétation le principe de non-
cumul de l'article 10 du règlement n° UE/883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale (applicable à partir du 1er mai 2010) sinon le principe de non-cumul de l'article 12, paragraphe 1, 1ère phrase du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 applicable jusqu'au 30 avril 2010 inclusivement, Que l'article visé au moyen, loin de prévoir un cumul pur et simple d'une indemnité de chômage payée par l'ADEM luxembourgeoise avec celle réglée par le Pôle Emploi français, ne fait qu'assurer un juste équilibre entre assurés sédentaires et assurés migrants, ces derniers n'étant ni défavorisés ni avantagés par rapport aux premiers du fait de leur migration, étant donné que l'assimilation des salariés frontaliers aux salariés résidents est strictement encadrée par le 2e alinéa de l'article L.551-9 du Code du travail en ce sens que les salariés frontaliers en reclassement ne touchent au total, toutes prestations de chômage confondues, que le même montant qu'ils auraient touché s'ils avaient résidé au Luxembourg. » et le neuvième, « pris de la violation sinon fausse application de l'article L.551-
9 du Code du travail disposant qu', En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 respectivement des articles 12, 1er paragraphe, 1ère phrase du règlement n° 1408/71/CEE sinon de l'article 71, paragraphe 1, sous b) i) et ii) du règlement 1408/71/CEE du 14 juin 1971, première branche Alors que l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 respectivement les articles 12, 1er paragraphe, 1ère phrase et 71, paragraphe 1, sous b) i) et ii) du règlement n° 1408/71/CEE doivent être analysés ensemble avec le droit national dont L.551-9 du Code du travail autorise un certain cumul entre les indemnités de chômage dues dans le pays de résidence d'un travailleur frontalier avec les indemnités de chômage dues au Grand-Duché de Luxembourg aux salariés frontaliers en reclassement, tout en l'encadrant de façon à éviter tout cumul indu, ce cumul n'étant pas de nature à avantager de quelque façon que ce soit le demandeur en cassation par rapport à un travailleur résident bénéficiaire du statut de reclassement.
Qu’en déclarant non fondé l'appel du demandeur en cassation sur base de l'article 10 du règlement n° CE 883/2004 (applicable à partir du 1er mai 2010 tout en étant de la même teneur que l'ancien article 12 du règlement CE n° 1408/71) prévoyant prétendument le non cumul entre les indemnités de chômage des pays de résidence et d'emploi le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé sinon faussement appliqué l'article L.551-9 du Code du travail qui prévoit clairement que les indemnités de chômage prévues par la législation luxembourgeoise seront simplement suspendues jusqu'à concurrence des indemnités de chômage auxquelles a droit ledit travailleur frontalier dans son pays de résidence. ».
Réponse de la Cour Les moyens qui font grief aux juges d’appel d’avoir enfreint l’article L. 551-9 du Code du travail qui prévoit la suspension de l’indemnité de chômage à verser au salarié frontalier jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature, en ce qu’ils portent sur l’étendue du non-cumul desdites prestations, visent une disposition étrangère au litige, les juges d’appel ayant confirmé la décision de refus d’accorder au demandeur d’emploi les indemnités de chômage luxembourgeoises au motif qu’il ne remplissait pas la condition de stage prévue à l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, pour en bénéficier.
Il en suit que les moyens sont irrecevables.
Sur les septième et huitième moyens de cassation, chacun pris en ses deux branches et sur le neuvième moyen de cassation, pris en sa seconde branche, réunis Enoncé des moyens le septième, « pris du défaut de base légale au regard de l'article 71, paragraphe 1er sous b) i) et ii) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, applicable jusqu'au 30 avril 2010 inclus en vertu de l'article 97 du règlement CE n° 883/2004, En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible selon le règlementation communautaire en matière de sécurité sociale tout en se référant expressément à l'arrêt MIETHE de la Cour de Justice des Communautés européennes du 12 juin 1986 cité à titre jurisprudentiel dans l'arrêt entrepris, selon lequel , reprochant ainsi au demandeur en cassation d'avoir opté pour les indemnités de chômage prévues par la législation française.
première branche Alors que les juges d'appel n'ont pas examiné à suffisance si, au moment de faire appel au chômage français (7 janvier 2010), il existait dans son chef un autre choix que celui de solliciter le chômage français et s'il était en droit à ce moment de solliciter l'octroi du chômage luxembourgeois, dans la mesure où un cet octroi aurait impérativement nécessité la saisine préalable de la commission mixte (dont l'initiative dépendait du seul CMSS et qui n'a eu lieu qu'en 2013 après retrait d'une indemnité d'invalidité temporaire) et l'octroi subséquent du reclassement qui ne lui a été accordé que plus de sept années plus tard par arrêt du Conseil supérieur du 6 novembre 2017 (après réformation par celle-ci d'un refus préalable de la commission mixte du 6 septembre 2013 pour prétendue irrecevabilité de son dossier) L'arrêt entrepris encourt dès lors la cassation pour ne pas permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle.
deuxième branche Alors qu’en déclarant non fondé l'appel du demandeur en cassation sur base d'un prétendu choix opéré par ce dernier tel que prévu à l'article 71, paragraphe 1 sous b) i) et ii) du règlement CEE n° 1408/71, sans vérifier au préalable si l'article en question s'appliquait également aux travailleurs frontaliers, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a privé son arrêt de base légale au regard du règlement n° 1408/71 CEE du 14 juin 1971. », le huitième, « Pris de la violation sinon fausse application de l’article 71, paragraphe 1er, sous b) i) et ii) du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, applicable jusqu'au 30 avril 2010 inclus en vertu de l'article 97 du règlement CE n° 883/2004, En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible selon le réglementation communautaire en matière de sécurité sociale tout en se référant expressément à l'arrêt MIETHE de la Cour de Justice des Communautés européennes du 12 juin 1986 cité à titre jurisprudentiel dans l'arrêt entrepris, selon lequel , reprochant ainsi au demandeur en cassation d'avoir opté pour les indemnités de chômage prévues par la législation française.
première branche Alors qu’au moment de faire appel au chômage français (7 janvier 2010), il existait dans son chef aucun autre choix que celui de solliciter le chômage français, étant donné que le droit au chômage luxembourgeois aurait impérativement nécessité la saisine préalable de la commission mixte (dont l'initiative dépendait du seul CMSS et qui n'a eu lieu qu'en 2013 après retrait d'une indemnité d'invalidité temporaire) et l'octroi subséquent du reclassement qui ne lui a été accordé que plus de sept années plus tard par arrêt du Conseil supérieur du 6 novembre 2017 (après réformation par celle-ci d'un refus préalable de la commission mixte du 6 septembre 2013 pour prétendue irrecevabilité de son dossier).
L'arrêt entrepris encourt dès lors la cassation pour violation du texte visé au moyen.
deuxième branche Alors que l'article 71, paragraphe 1 sous b) i) et ii) du règlement no 1408/71/CEE s'applique exclusivement au travailleur salarié autre qu'un travailleur frontalier, de sorte que l'option préconisée par le Conseil supérieur de la sécurité sociale en application de l'arrêt MIEHTE était inexistante dans le chef du demandeur en cassation et que son arrêt encourt la cassation pour violation du texte visé au moyen. » et le neuvième, « pris de la violation sinon fausse application de l'article L.551-
9 du Code du travail disposant qu', En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature et que le cumul avec les indemnités de chômage complet au Grand-Duché de Luxembourg n'était partant pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 respectivement des articles 12, 1er paragraphe, 1ère phrase du règlement n° 1408/71/CEE sinon de l'article 71, paragraphe 1, sous b) i) et ii) du règlement 1408/71/CEE du 14 juin 1971, deuxième branche Alors que l'article 71, paragraphe 1er, sous b) i) et ii du règlement n° 1408/71/CEE du 14 juin 1971 n'est pas de nature à évincer le droit national et plus particulièrement l'article L.511-9 de notre Code du travail et cela d'autant moins qu'il s'applique exclusivement au travailleur salarié autre qu'un travailleur frontalier, de sorte que l'option soulevée par le Conseil supérieur de la sécurité sociale en application de l'arrêt MIEHTE était inexistante dans le chef du demandeur en cassation et que l’arrêt entrepris encourt la cassation pour violation du texte visé au moyen. ».
Réponse de la Cour Le fait pour les juges d’appel d’avoir, de manière surabondante, mentionné l’arrêt Miethe du 12 juin 1986 dans lequel la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que les travailleurs au chômage complet disposent d’une option en se mettant à la disposition soit des services de l’emploi de l’Etat du dernier emploi, soit des services de l’emploi de l’Etat de résidence, n’a pas été déterminant dans leur décision, celle-ci reposant exclusivement sur le constat que l’indemnité de chômage réclamée par le demandeur en cassation à la suite de son reclassement professionnel externe, servait, tout comme celle qu’il avait perçue en France, à remplacer le salaire perdu à la suite de son licenciement en 2009 à Luxembourg, de sorte que ces deux prestations, pour être de même nature, ne sauraient se cumuler en application de l’article 10 du Règlement.
Il en suit que les moyens sont inopérants.
Sur le dixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du défaut de base légale au regard de l'article L.521-6 paragraphe (3) du Code du travail, pris ensemble avec ou séparément de l'article L.521-11 du même Code En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que le demandeur en cassation entendait , que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature que les indemnités de chômage complet allouées aux salariés frontaliers en reclassement au Grand-Duché de Luxembourg et que le cumul des deux prestations de chômage n'était pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, Alors que l'article L.521-6 (3) du Code du travail vise expressément l'épuisement des droits à l'indemnité de chômage complet par renvoi à l'article L.521-11 du code du travail qui prévoit la durée et le montant du chômage auquel a droit un bénéficiaire des indemnités de chômage complet, de façon à ce que l'épuisement doit avoir eu lieu par référence à la durée et aux montants prévues audit article, Qu’en retenant - pour autant que le rejet soit fondé sur l'article L.521-6 (3) du Code du travail - que le demandeur en cassation ne pouvait pas cumuler les indemnités de chômage luxembourgeois et français sans vérifier si les indemnités de chômage touchées en vertu de la législation française par le demandeur en cassation correspondaient par leur durée et leurs montants aux montants auxquels il aurait eu droit en vertu de l'article L.521-11 du Code du travail, le Conseil supérieur de la sécurité sociale n'a pas donné de base légale à sa décision et empêche la Cour de Cassation d'exercer son contrôle en sorte que son arrêt encourt la cassation. ».
Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.
La décision des juges d’appel indique la période pendant laquelle le demandeur en cassation a bénéficié des indemnités de chômage françaises, qui dépasse celle pendant laquelle il aurait eu droit de toucher lesdites indemnités au Luxembourg, ce fait étant à lui seul suffisant pour entraîner dans son chef l’épuisement de son droit de toucher des indemnités de chômage au Luxembourg.
L’arrêt attaqué n’encourt partant pas le grief tiré du défaut de base légale.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le onzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation sinon fausse application de l'article L.521-6 paragraphe (3) du Code du travail, pris ensemble avec ou séparément de l'article L.521-11 du même Code En ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a déclaré non fondé l'appel du demandeur en cassation et confirmé la décision de refus d'octroi des indemnités de chômage complet du 17 avril 2018 au motif que le demandeur en cassation entendait , que les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France étaient de même nature que les indemnités de chômage complet allouées aux salariés frontaliers en reclassement au Grand-Duché de Luxembourg et que le cumul des deux prestations de chômage n'était pas possible en vertu de l'article 10 du règlement CE n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, Alors que l'article L.521-6 (3) du Code du travail vise l'hypothèse de l'épuisement des droits aux indemnités de chômage, hypothèse dans laquelle une nouvelle période de stage doit être accomplie avant que le droit aux indemnités de chômage s'ouvre de nouveau, l'épuisement des droits aux indemnités de chômage visant expressément les droits aux indemnités de chômage prévues par l'article L.521-11 du code du travail, partant les indemnités de chômage prévues par la législation nationale et non pas les indemnités de chômage prévues par la législation d'un autre Etat membre, Qu’en retenant néanmoins que l'article 10 du règlement n° CE 883/2004 s'opposait au cumul entre différentes indemnités de chômage prévues par le droit luxembourgeois et le droit français alors que ces indemnités étaient de même nature et finalité, pour rejeter comme non fondé l'appel du demandeur en cassation et pour autant que ce rejet soit fondé sur l'article L.521-6 du Code du travail qui inclurait, à la lumière dudit article 10, l'épuisement des droits aux indemnités de chômage prévues par le droit français (quod non), le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé sinon faussement appliqué l'article L.521-6 (3) du Code du travail. ».
Réponse de la Cour L’article 5 du Règlement impose de conférer aux indemnités de chômage perçues dans un autre Etat membre les mêmes effets juridiques que si ces indemnités avaient été perçues au Luxembourg.
Au regard de ce principe d’assimilation, les juges d’appel, en tenant compte dans l’évaluation de la période de stage prévue à l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, des indemnités de chômage perçues par le demandeur en cassation en France, n’encourent pas le grief visé au moyen.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le douzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de violation de l’article 1350-2° de notre Code civil garantissant l’autorité de la chose jugée, en l’occurrence celle de l’arrêt N° 2017/0305 du Conseil Supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 2017, ayant réformé le jugement du 6 novembre 2017, ayant réformé le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale N° COMI 97/13 du 15 septembre 2005, et renvoyé l’affaire devant l’Etat.
En ce que le Conseil Supérieur de la sécurité sociale, après avoir cité le dispositif de l'arrêt N° 2017/0305 du Conseil Supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 2017 conçu comme suit :
tout en continuant comme suit :
Le dispositif de la décision de la commission mixte, prise à l'issue de l'arrêt précité, se lit comme suit :
.
Cette décision, indiquant les voies et délais de recours, a été notifiée à G) sans être entreprise par celui-ci d'un recours.
Suivant l'article L.551-5 (1) du code du travail le salarié ayant le statut de personne en reclassement professionnel est inscrit d'office comme demandeur d'emploi auprès de l'Agence pour le développement de l'emploi à partir du jour suivant la notification de la décision prise par la commission mixte de reclassement des travailleurs incapables à exercer leur dernier poste de travail.
En l'espèce, la décision de la commission mixte du 11 décembre 2017 a également été notifiée à l'ADEM et G) a été inscrit comme demandeur d'emploi le jour après, soit le 12 décembre 2017, conformément aux dispositions légales précitées. » Alors que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt N° 2017/0305 du Conseil Supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 2017 était opposable à l'Etat luxembourgeois, partant également à l'Agence pour le Développement de l'emploi (ci-après ) lors de la prise de ses décisions de refus des 26 janvier 2018 et 5 février 2018 - qui font d'ailleurs expressément état de l'arrêt question - et aurait dû amener l'ADEM à retenir que les conditions dans le chef du demandeur en cassation pour un reclassement externe étaient remplies à la date du 6 septembre 2013, date de la première décision (d'irrecevabilité) de la Commission mixte. ».
Réponse de la Cour Le grief est formulé à l’égard de la décision de l’Agence pour le développement de l’emploi et est partant étranger à l’arrêt attaqué.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Olivier UNSEN, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du procureur général d’Etat Martine SOLOVIEFF et du greffier Daniel SCHROEDER.
PARQUET GENERAL Luxembourg, le 28 octobre 2020 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
________
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation G) c/ ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (affaire n° CAS-2020-00050 du registre) Le pourvoi du demandeur en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 31 mars 2020 d’un mémoire en cassation, signifié le 26 mars 2020 au défendeur en cassation, est dirigé contre un arrêt rendu contradictoirement le 16 janvier 2020 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale dans la cause inscrite sous le numéro ADEM 2019/0074 du registre.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est dirigé contre un arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale, contre lequel un pourvoi en cassation peut être formé sur base de l’article 455, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale.
Le pourvoi est par ailleurs recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisi par G), qui avait sollicité auprès du directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi (ci-après « ADEM ») l’octroi d’indemnités de chômage complet, qui lui avaient été refusées tant par ce dernier que, suite à sa demande de réexamen, par la Commission spéciale de réexamen3, au motif qu’il avait, pour la période d’occupation concernée et pendant une durée dépassant les limites maximales prévues à l’article L. 521-11 1 L’arrêt contradictoire attaqué a été notifié (conformément à l’article 458 du Code de la sécurité sociale) le 22 janvier 2020 au demandeur en cassation. Comme le pourvoi a été formé le 31 mars 2020, le délai de recours, de deux mois et quinze jours, prévu par l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ensemble avec l’article 167, point 1°, du Nouveau Code de procédure civile auquel renvoie l’article 7, alinéa 2, précité (le demandeur en cassation résidant en France), a été respecté, sans même prendre en compte la suspension du délai provoquée par l’entrée en vigueur, le 26 mars 2020, du Règlement grand-
ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales (Mémorial, A, 2020, n° 185 du 25 mars 2020) (ce Règlement grand-ducal ayant disposé dans son article 1er, paragraphe 1, la suspension, sous réserve d’exceptions non pertinentes en cause, de tous les délais prescrits dans les procédures devant les juridictions judiciaires, le Règlement grand-ducal étant entré en vigueur, conformément à son article 7, le lendemain de sa publication (intervenue le 25 mars 2020)).
2 Le demandeur en cassation a, dans le délai du recours, déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que les formalités de l’article 10 de la loi de 1885 ont été respectées.
3 Il s’agit d’une Commission créée par l’article l. 527-1, paragraphe 2, du Code du travail.
du Code du travail, bénéficié d’indemnités de chômage en France, qu’il ne peut pas être indemnisé deux fois pour la même période d’occupation et que son droit à l’indemnité de chômage complet ne s’ouvre ainsi, conformément à l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, qu’après une période de douze mois, le Conseil arbitral de la sécurité sociale déclarait non fondé le recours formé par lui contre ce refus. Sur son appel, le Conseil supérieur de la sécurité sociale confirma le jugement entrepris.
Sur le cadre juridique Le Code du travail dispose au sujet des conditions d’octroi de l’indemnité de chômage complet que :
« Art. L. 521-3. Pour être admis au bénéfice de l’indemnité de chômage complet, le salarié doit répondre aux conditions d’admission suivantes :
[…] 6. être inscrit comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placement publics et avoir introduit une demande d’octroi d’indemnité de chômage complet ;
7. remplir la condition de stage définie à l’article L. 521-6.
[…].
Art. L. 521-6. (1) Répondent à la condition de stage prévue à l’article L. 521-3, le salarié occupé à plein temps et le salarié occupé habituellement à temps partiel sur le territoire luxembourgeois conformément à l’article L. 521-1 à titre de salarié lié par un ou plusieurs contrats de travail, pendant au moins vingt-six semaines au cours des douze mois précédant le jour de l’inscription comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placement publics.
Ne peuvent être comptées pour le calcul du stage que les périodes ayant donné lieu à l’affiliation obligatoire auprès d’un régime d’assurance pension.
(2) Lorsque la période de référence de douze mois comprend des périodes d’incapacité de travail ou de capacité de travail réduite d’un taux égal ou supérieur à 50% (cinquante pour cent), celle-ci est prorogé si nécessaire pour une période d’un durée égale à celle de l’incapacité de travail ou de la capacité de travail réduite.
La même règle est applicable lorsque ladite période de référence comprend des périodes de détention, des périodes de chômage indemnisé ou des périodes d’attente d’une décision portant sur l’octroi d’une pension d’invalidité à prendre par les juridictions sociales compétentes.
(3) Après épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet conformément aux dispositions de l’article L. 521-11 et sous réserve de l’accomplissement des autres conditions d’admission prévues à l’article L. 521-3, le droit à l’indemnité de chômage complet s’ouvre à nouveau au plus tôt après une période de douze mois qui suit la fin des droits lorsque les conditions de stage prévues au présent article sont de nouveau remplies. Dans ce cas, la période de référence à prendre en considération pour le calcul de la période de stage commence à courir au plus tôt à l’expiration des droits.
[…] Art. L. 521-11. (1) La durée de l’indemnisation est égale à la durée de travail calculée en mois entiers, effectuée au cours de la période servant de référence au calcul de la condition de stage. […] (2) L’indemnité de chômage complet ne peut dépasser la durée prévue au paragraphe (1) par période de vingt-quatre mois.
[…] ».
Le Code du travail dispose en ce qui concerne le reclassement professionnel notamment ce qui suit :
« Art. L. 551-1. (1) Le salarié qui n’est pas à considérer comme invalide au sens de l’article 187 du Code de la sécurité sociale, mais qui par suite de maladie ou d’infirmité présente une incapacité pour exécuter les tâches correspondant à son dernier poste de travail, peut bénéficier, dans les conditions prévues au présent Titre, d’un reclassement professionnel interne ou d’un reclassement professionnel externe, ainsi que du statut de personne en reclassement professionnel.
[…] Art. L. 551-5. (1) Lorsque la Commission mixte prévue à l’article L. 552-1 estime qu’un reclassement professionnel interne est impossible, elle décide le reclassement professionnel externe et le salarié ayant le statut de personne en reclassement professionnel est inscrit d’office comme demandeur d’emploi auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi à partir du jour suivant la notification de la décision, conformément aux dispositions du Titre II du présent Livre.
[…] Art. L. 551-9. Aux fins de l’application des articles L. 551-1 à L. 551-8, les salariés frontaliers sont assimilés aux salariés résidents.
Toutefois, l’indemnité de chômage reste suspendue jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature. ».
Il résulte de la combinaison de l’article L. 521-3, alinéa 1, points 6 et 7, avec l’article L. 551-5, paragraphe 1, précités, du Code du travail, que le reclassement externe d’un salarié implique certes l’inscription d’office de ce dernier auprès de l’ADEM4, mais que cette inscription, si elle constitue une condition nécessaire du droit à des indemnités de chômage5, n’en constitue pas 4 Article L. 551-5, paragraphe 1, du Code du travail.
5 Article L. 521-3, alinéa 1, point 6, du Code du travail.
une condition suffisante, ce droit étant notamment, en outre, subordonné au respect de la condition de stage définie à l’article L. 521-6 du même Code6.
Il découle par ailleurs de la combinaison des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 521-6 du même Code que si des périodes de chômage indemnisé sont susceptibles de proroger la période de référence de la condition de stage7, il n’en est ainsi que si ces périodes ne s’étendent pas au point de provoquer l’épuisement des droits à l’indemnité de chômage, auquel cas le droit à l’indemnité de chômage ne s’ouvre qu’au plus tôt après une période de douze mois qui suit la fin des droits8. Une période d’indemnisation de chômage égale ou supérieure à la durée maximale des droits à l’indemnité n’est donc plus de nature à proroger la période de référence du calcul de la condition de stage, mais à mettre fin aux droits, qui ne sont susceptibles de renaître qu’après une période de carence d’au moins douze mois.
Le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérêt de la Communauté (ci-après « le règlement 1408/71 »), disposait notamment ce qui suit :
« Article premier. Définitions Aux fins de l’application du présent règlement :
[…] b) le terme « travailleur frontalier » désigne tout travailleur qui est occupé sur le territoire d’un Etat membre et réside sur le territoire d’un autre Etat membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine ; […] […] Article 4. Champ d’application matériel 1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :
[…] g) les prestations de chômage ;
[…] Article 12. Non-cumul de prestations 6 Article L. 521-3, alinéa 1, point 7, du Code du travail.
7 Article L. 521-6, paragraphe 2, second alinéa, du Code du travail disposant que la période de référence de douze mois, au cours de laquelle le salarié doit être employé pendant au moins vingt-six semaines pour avoir droit aux indemnités, est prorogée pour une durée égale à celle des périodes de chômage indemnisé.
8 Article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail.
1. Le présent règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire. […] 2. Les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d’un Etat membre en cas de cumul d’une prestation avec d’autres prestations de sécurité sociale ou avec d’autres revenus sont opposables au bénéficiaire, même s’il s’agit de prestation acquises au titre de la législation d’un autre Etat membre ou de revenus obtenus sur le territoire d’un autre Etat membre. […].
[…] Article 71.
1. Le chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d'un État membre autre que l'État compétent bénéficie des prestations selon les dispositions suivantes:
a) i) le travailleur frontalier qui est en chômage partiel ou accidentel dans l'entreprise qui l'occupe bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l'État compétent, comme s'il résidait sur le territoire de cet État;
ces prestations sont servies par l'institution compétente;
ii) le travailleur frontalier qui est en chômage complet bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside, comme s'il avait été soumis à cette législation au cours de son dernier emploi; ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa charge;
b) i) un travailleur autre qu'un travailleur frontalier qui est en chômage partiel, accidentel ou complet et qui demeure à la disposition de son employeur ou des services de l'emploi sur le territoire de l'État compétent bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s'il résidait sur son territoire; ces prestations sont servies par l'institution compétente;
ii) un travailleur autre qu'un travailleur frontalier qui est en chômage complet et qui se met à la disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s'il y avait exercé son denier emploi; ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa charge. Toutefois, si ce travailleur a été admis au bénéfice des prestations à charge de l'institution compétente de l'État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, il bénéficie des prestations conformément aux dispositions de l'article 69. Le bénéfice des prestations de la législation de l'État de sa résidence est suspendu pendant la période au cours de laquelle le chômeur peut prétendre, en vertu des dispositions de l'article 69, aux prestations de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu.
2. Aussi longtemps qu'un chômeur a droit à des prestations en vertu des dispositions du paragraphe 1 alinéa a) i) ou b) i), il ne peut prétendre aux prestations en vertu de la législation de l'État membre sur le territoire duquel il réside. » Le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après « le règlement 883/2004 »), qui a remplacé le règlement 1408/71, dispose notamment que :
« Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, […] considérant ce qui suit :
[…] (4) Il convient de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination.
[…] (9) À plusieurs occasions, la Cour de justice s’est exprimée sur la possibilité d’assimiler les prestations, les revenus et les faits ; ce principe devrait être adopté expressément et développé, dans le respect du fond et de l’esprit des décisions judiciaires.
[…] (12) Compte tenu de la proportionnalité, il convient de veiller à ce que le principe d’assimilation des faits ou événements ne donne pas lieu à des résultats objectivement injustifiés ou à un cumul de prestations de même nature pour la même période.
[…] Article premier. Définitions Aux fins du présent règlement :
[…] q) le terme « institution compétente » désigne :
i) l’institution à laquelle l’intéressé est affilié au moment de la demande de prestations ; ou ii) l’institution de la part de laquelle l’intéressé a droit ou aurait droit à des prestations s’il résidait ou si le ou les membres de sa famille résidaient dans l’Etat membre où se trouve cette institution ;
[…] s) le terme « Etat membre compétent » désigne l’Etat membre dans lequel se trouve l’institution compétente ;
[…] Article 3. Champ d’application matériel 1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :
[…] h) les prestations de chômage ;
[…] Article 5. Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d'événements À moins que le présent règlement n'en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s'appliquent:
a) si, en vertu de la législation de l'État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d'autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d'un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre;
b) si, en vertu de la législation de l'État membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre État membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire.
[…] Article 10. Non-cumul de prestations Le présent règlement ne confère ni ne maintient, à moins qu’il n’en soit disposé autrement, le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire.
[…] Article 65. Chômeurs qui résidaient dans un État membre autre que l'État compétent 1. La personne en chômage partiel ou intermittent qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l'État membre compétent se met à la disposition de son employeur ou des services de l'emploi de l'État membre compétent. Elle bénéficie des prestations selon la législation de l'État membre compétent, comme si elle résidait dans cet État membre. Ces prestations sont servies par l'institution de l'État membre compétent.
2. La personne en chômage complet qui, au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée, résidait dans un État membre autre que l'État membre compétent et qui continue à résider dans le même État membre ou qui retourne dans cet État membre se met à la disposition des services de l'emploi de l'État membre de résidence. Sans préjudice de l'article 649, une personne en chômage complet peut, à titre complémentaire, se mettre à la disposition des services de l'emploi de l'État membre où elle a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée. Une personne en chômage, autre qu'un travailleur frontalier, qui ne retourne pas dans l'État membre de sa résidence se met à la disposition des services de l'emploi de l'État membre à la législation duquel elle a été soumise en dernier lieu.
3. Le chômeur visé au paragraphe 2, première phrase, s'inscrit comme demandeur d'emploi auprès des services compétents en la matière de l'État membre dans lequel il réside; il est assujetti au contrôle qui y est organisé et respecte les conditions fixées par la législation de cet État membre. S'il choisit de s'inscrire également comme demandeur d'emploi dans l'État membre où il a exercé sa dernière activité salariée ou non salariée, il respecte les obligations applicables dans cet État.
4. Les modalités de mise en œuvre du paragraphe 2, deuxième phrase, et du paragraphe 3, deuxième phrase, ainsi que les modalités d'échange d'informations, de coopération et d'assistance mutuelle entre les institutions et les services de l'État membre de résidence et de l'État membre de dernière activité professionnelle sont établies dans le règlement d'application 5. a) Le chômeur visé au paragraphe 2, première et deuxième phrases, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de l'État membre de résidence, comme s'il avait été soumis à cette législation au cours de sa dernière activité salariée ou non salariée. Ces prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence.
b) Toutefois, s'il s'agit d'un travailleur, autre qu'un travailleur frontalier, auquel ont été servies des prestations à charge de l'institution compétente de l'État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, il bénéficie d'abord, à son retour dans l'État membre de résidence, des prestations conformément à l'article 64, le bénéfice des prestations conformément au point a) étant suspendu pendant la durée de perception des prestations en vertu de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu.
[…] Article 87. Dispositions transitoires 9 L’article 64 vise le cas d’un chômeur qui se rend dans un autre Etat membre pour y chercher un emploi et dispose que ce chômeur conserve le droit aux prestations de chômage sous réserve du respect de certaines conditions et limites.
1. Le présent règlement n'ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application.
2. Toute période d'assurance ainsi que, le cas échéant, toute période d'emploi, d'activité non salariée ou de résidence accomplie sous la législation d'un État membre avant la date d'application du présent règlement dans l'État membre concerné est prise en considération pour la détermination des droits ouverts en vertu du présent règlement.
3. Sous réserve du paragraphe 1, un droit est ouvert en vertu du présent règlement, même s'il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date de son application dans l'État membre concerné.
[…] Article 90. Abrogation 1. Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil est abrogé à partir de la date d’application du présent règlement. […] Article 91. Entrée en vigueur […] [Le présent règlement] est applicable à partir de la date d’entrée en vigueur du règlement d’application. ».
Le règlement d’application auquel se réfère le règlement 883/2004 et auquel ce dernier subordonne sa date d’applicabilité est le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du Règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui est entré en vigueur, au regard de son article 97, alinéa 1er, le 1er mai 2010.
Sur le litige Le demandeur en cassation a été salarié du 27 octobre 2008 jusqu’au 30 avril 2009 auprès d’un employeur luxembourgeois10, avant d’être licencié11. Il a ensuite successivement bénéficié :
- jusqu’au 6 janvier 2010 d’indemnités pécuniaires de maladie, servies par la Caisse nationale de santé12, 10 Jugement de première instance (Pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation, Pièce n° 11 annexée au mémoire en réponse), page 2, cinquième alinéa, citant la décision de la Commission spéciale de réexamen.
11 Arrêt attaqué, page 6, deuxième alinéa.
12 Décision du directeur de l’ADEM du 5 février 2018 (Pièce n° 7 annexée au mémoire en cassation, Pièce n° 5 annexée au mémoire en réponse), troisième alinéa.
- du 7 janvier 2010 au 31 mai 2013, sur base de son occupation salariée à Luxembourg, des prestations de chômage complet servies, sur sa demande, fondée sur le fait de sa résidence en France, par un organisme de sécurité social français13 et - du 11 juin 2013 au 31 août 2013 d’une pension d’invalidité temporaire à Luxembourg14.
A la suite de cette mise en invalidité temporaire, le demandeur en cassation sollicita un reclassement professionnel sur base des articles L. 551-1 et suivants du Code du travail15. Ce reclassement lui a été refusé par l’organe compétent pour y statuer, à savoir la Commission mixte instituée par l’article L. 552-1 du même Code16. Le recours formé par lui contre cette décision a été rejeté par le Conseil arbitral de la sécurité sociale, par jugement du 15 septembre 201517. Ce jugement a été réformé par arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 201718. En exécution de cet arrêt, la Commission mixte a accordé le reclassement externe au demandeur en cassation par décision du 24 novembre 2017, notifiée le 11 décembre 201719.
Le 12 décembre 2017, le demandeur en cassation s’est inscrit à l’ADEM et a demandé le bénéfice des indemnités de chômage complet en rapport avec ce reclassement externe20.
Cette demande lui a été refusée par l’ADEM par une décision du 26 janvier 201821, rapportée et remplacée par une décision du 5 février 201822. Ce refus a été motivé par la considération tirée de ce que le demandeur en cassation a bénéficié, en raison de la perte de son emploi à Luxembourg, d’indemnités de chômage en France et, qu’ayant épuisé ses droits aux indemnités de chômage du fait de cette perte d’emploi, il ne saurait en bénéficier une seconde fois à Luxembourg23.
Sur le recours du demandeur en cassation, la Commission spéciale de réexamen confirma ce refus24, aux motifs que :
« étant donné que la partie requérante a déjà bénéficié des allocations de chômage en France sur base de son occupation salariée auprès de Pro Inter s.a. elle ne peut pas bénéficier une seconde fois des indemnités de chômage complet au Luxembourg en raisons de la perte dudit emploi »25. Elle ajoute que « contrairement aux arguments avancés dans le cadre de la demande en réexamen, il n’y a pas lieu de prendre en considération les dispositions de l’article L. 551-9 du Code du Travail selon lequel « Aux fins de l’application des articles L. 551-1 à L. 551-8, les salariés frontaliers sont assimilés aux frontaliers résidents. Toutefois, l’indemnité de chômage complet reste suspendue jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature « dès lors que la Commission mixte n’a PAS 13 Jugement de première instance, page 2, antépénultième alinéa.
14 Arrêt attaqué, page 2, antépénultième alinéa.
15 Idem, même page, avant-dernier alinéa.
16 Idem et loc.cit.
17 Idem et loc.cit.
18 Idem, page 3, deuxième alinéa.
19 Idem, même page, troisième alinéa.
20 Idem, même page, quatrième alinéa.
21 Pièce n° 8 annexée au mémoire en cassation et Pièce n° 4 annexée au mémoire en réponse.
22 Pièce n° 7 annexée au mémoire en cassation et Pièce n° 5 annexée au mémoire en réponse.
23 Idem et loc.cit.
24 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa ; Pièce n° 5 annexée au mémoire en cassation ; Pièce n° 9 annexée au mémoire en réponse.
25 Pièces précitées, page 2, premier alinéa.
procédé au reclassement externe de la partie requérante avec effet rétroactif au 06.09.2013, que la partie requérante n’était pas inscrite comme demandeur d’emploi à l’ADEM en 2013 et que la période d’indemnisation en France ne se superpose pas à une éventuelle période d’indemnisation au Luxembourg ; qu’en effet, le reclassement externe de la partie requérante ayant été notifié en date du 11.122017, un éventuel droit aux indemnités de chômage complet au Luxembourg ne pourrait prendre cours qu’à partir du 12.12.2017, date de son inscription comme demandeur d’emploi à l’ADEM. »26.
Le Conseil arbitral de la sécurité sociale déclara non fondé le recours formé par le demandeur en cassation contre cette décision, aux motifs que :
« Attendu que le requérant a épuisé ses droits aux indemnités de chômage dans son pays de résidence à la suite d’une occupation salariée au Luxembourg.
Qu’une double indemnisation est prohibée par le règlement communautaire n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurités sociale.
Pour autant que la demande du requérant concerne la période à partir du 7 janvier 2010, il y a lieu de constater qu’il a été indemnisé en France.
Si la demande concerne la période à partir du 11 décembre 2017, force est de constater que le requérant ne justifie pas d’une occupation salariée durant la période de référence d’une année à partir de son inscription.
Que la même conclusion s’impose au moment du retrait de la pension d’invalidité avec effet au 1er septembre 2013, puisque, à cette date, le requérant avait déjà épuisé en France, son droit à l’indemnisation. »27.
Dans le cadre de son appel devant le Conseil supérieur de la sécurité sociale, le demandeur en cassation soutint :
- que son droit au reclassement externe, dont il avait demandé le bénéfice à la suite de la fin de son droit à une pension d’invalidité temporaire au cours de la période du 1er juin 2013 au 31 août 2013, ce droit lui ayant été refusé par décision de la Commission mixte de reclassement du 6 septembre 2013, mais lui ayant été finalement accordé par arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 2017, à la suite duquel il avait demandé, le 12 décembre 2017, son inscription à l’ADEM et l’octroi d’indemnités de chômage, prend effet, non le 12 décembre 2017, mais de façon rétroactive le 6 septembre 201328, - qu’il y a donc lieu de se placer à la date du 6 septembre 2013 pour apprécier s’il respecte les conditions de stage de l’article L. 521-5 du Code du travail29, - que la période de référence, prévue par l’article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail, d’un emploi salarié d’au moins vingt-six semaines au cours des douze mois 26 Idem, même page, sixième et septième alinéas.
27 Pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation ; Pièce n° 11 annexée au mémoire en réponse, page 4, septième au onzième alinéas.
28 Arrêt attaqué, page 4, deuxième alinéa.
29 Idem, page 4, troisième alinéa.
précédant le jour de l’inscription à l’ADEM, pour apprécier la condition de stage, est prorogée, conformément à l’article L. 521-6, paragraphe 2, du même Code, des périodes au cours desquelles il a bénéficié de la pension d’invalidité temporaire (du 11 juin 2013 au 31 août 2013, correspondant à une période de 50 jours), a dû attendre la décision d’octroi de celle-ci (entre le 11 décembre 2012, date de sa demande, et le 23 avril 2013, jour de la décision d’octroi de la pension, correspondant à une période de 133 jours) et a bénéficié de l’octroi d’indemnités de chômage complet en France (entre le 7 janvier 2010 et le 31 mai 2013, correspondant à une période de 1.239 jours)30, - que suite à la prise en considération de ces prorogations, la période de référence, prévue par l’article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail, d’un emploi salarié d’au moins vingt-six semaines au cours des douze mois précédant le jour de l’inscription à l’ADEM, se situe entre le 5 septembre 2008 et le 5 septembre 200931, - qu’il a, au cours de cette période de douze mois, occupé un emploi salarié au Luxembourg pendant au moins vingt-six semaines, soit du 27 octobre 2008 jusqu’au 30 avril 200932, - qu’il a donc, suite à son reclassement externe prenant effet le 6 septembre 2013, droit à des indemnités de chômage complet33 et - que ce raisonnement n’est pas remis en cause par la circonstance qu’il a perçu, en raison de son emploi à Luxembourg et jusqu’à leur épuisement, des indemnités de chômage complet en France parce que ces indemnités lui ont été servies en raison de cet emploi et non pas en raison de son reclassement externe, que la finalité et les conditions d’octroi de ces deux indemnités diffèrent et que le motif de refus, tiré de l’article 10 du règlement 883/2004, qui dispose que ce règlement ne confère ni ne maintient le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire, est dépourvu de pertinence dès lors que les indemnités de chômage complet perçues en France en raison de l’emploi à Luxembourg et celles sollicitées à Luxembourg à la suite de la décision de reclassement ne sont pas de même nature et ne se rapportent à une même période.
Le Conseil supérieur de la sécurité sociale rejeta l’appel aux motifs suivants :
« En l’espèce, indépendamment du fait si la période de référence s’étend maintenant du 11 décembre 2017 au 11 décembre 2016 où, comme l’entend l’appelant, à partir du moment où la décision du 6 septembre 2013 lui aurait dû attribuer le statut de salarié en reclassement, et même à prendre en considération les prorogations de la période de référence non autrement contestées par l’intimé, toujours est-il que l’appelant, qui ne conteste pas avoir touché, suite à son licenciement, des indemnités de chômage complet du 7 janvier 2010 au 31 mai 2013, entend contourner les dispositions notamment de l’article L.521-6 (3) du code du travail en arguant que le chômage touché en France a été payé en raison de la cessation de son contrat de travail et qu’actuellement il sollicite le chômage en relation avec un reclassement, partant deux finalités différentes permettant le cumul.
30 Idem et loc.cit.
31 Idem, même page, quatrième alinéa.
32 Idem et loc.cit.
33 Idem et loc.cit.
L’article 10 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale prévoit comme principe général que « Le présent règlement ne confère ni ne maintient, à moins qu’il n’en soit disposé autrement, le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire ».
Les articles 53 et suivants de ce règlement définissent les règles anticumul, le critère à prendre en considération étant celui de la nature des prestations et le but, d’après le considérant (35) du règlement, étant d’éviter des cumuls injustifiés.
Il en découle que les prestations de même nature ne se cumulent pas.
La Cour de justice des Communautés européennes (ci-après la CJCE) a déjà eu, à plusieurs reprises, l’occasion de se prononcer à ce sujet.
Dans l’arrêt du 12 juin 1986, Miethe (1/85, Rec. p. 1837), elle a précisé que les travailleurs au chômage complet disposent d’une option entre les prestations de l’État d’emploi et celles de l’État de résidence. Ils exercent cette faculté d’option en se mettant à la disposition soit des services de l’emploi de l’État du dernier emploi ((article 71, paragraphe 1, sous b), i) )) soit des services de l’emploi de l’État de résidence ((article 71, paragraphe 1, sous b), ii) )).
Ainsi, il a encore été retenu que le règlement 1408/71 et, à sa suite, le règlement 883/2004 s’appliquent aux législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations de chômage.
Dans l’arrêt C-102/91 Doris KNOCH contre Bundesanstalt für Arbeit (demande de décision préjudicielle formée par le Bundessozialgericht) du 8 juillet 1992, la CJCE a retenu :
« Selon une jurisprudence constante de la Cour, des prestations de sécurité sociale doivent être regardées, indépendamment des caractéristiques propres aux différentes législations nationales, comme étant de même nature lorsque leur objet et leur finalité ainsi que leur base de calcul et leurs conditions d’octroi sont identiques. Par contre, ne doivent pas être considérés comme éléments pertinents pour la classification des prestations des caractéristiques purement formelles.
Il y lieu d’observer que, compte tenu des nombreuses différences qui existent entre les régimes nationaux de sécurité sociale, l’exigence d’une similitude complète dans les bases de calcul et les conditions d’octroi aurait pour conséquence que l’application de l’interdiction du cumul contenue à l’article 12 serait considérablement réduite. Un tel effet irait à l’encontre de l’objectif de cette interdiction, à savoir éviter des cumuls non justifiés de prestations sociales.
Comme il ressort de l’arrêt du 5 juillet 1983, Valentini (171/82, Rec. p. 2157), le fait que la base de calcul et les conditions d’octroi de prestations de chômage ne soient pas identiques ne constitue pas un obstacle à l’application de l’article 12, paragraphe 1, pour autant que ces différences sont liées à des caractéristiques propres aux différentes législations nationales.
Par conséquent, il y a lieu de répondre que des prestations de chômage constituent des prestations de même nature, au sens de l’article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement n 1408/71, lorsqu’ elles sont destinées à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l’entretien d’une personne ».
En l’espèce, l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible. »34.
Sur le premier et le deuxième moyen de cassation Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution pour défaut de réponse à conclusions, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »35 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors qu’il a omis de répondre au moyen tiré de ce que cet article n’a pas d’effet autonome, de sorte que le non-cumul des prestations suppose une disposition de droit interne, qui fait défaut.
Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 249, alinéa 1er, du Nouveau Code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions et, sous ce rapport, de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales 89 de la Constitution pour défaut de réponse à conclusions, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »36 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors qu’il a omis de répondre au moyen tiré de ce que cet article n’a pas d’effet autonome, de sorte que le non-cumul des prestations suppose une disposition de droit interne, qui fait défaut.
Les deux premiers moyens sont d’ordre formel. Il est, sans qu’il ne soit possible de procéder à une différenciation des moyens au regard de leur objet, reproché au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir omis de répondre à des conclusions.
Les juges d’appel ont confirmé le bien-fondé du refus par l’ADEM de l’octroi d’indemnités de chômage au demandeur en cassation à la suite du reclassement professionnel externe de ce dernier. Ils ont à cet effet repris la motivation qui a été adoptée tout au long de la procédure, 34 Idem, page 6, deuxième alinéa, à page 7, avant-dernier alinéa.
35 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
36 Idem et loc.cit.
par l’ADEM, par la Commission spéciale de réexamen et par le Conseil arbitral de la sécurité sociale. Ces différentes instances ont argumenté que le demandeur en cassation ne peut bénéficier des indemnités de chômage parce que, au regard des indemnités de chômage perçues par lui en France à la suite de la perte de son emploi à Luxembourg, il ne respecte pas la condition de stage définie par l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail. Cette condition consiste à imposer au chômeur dont les droits à l’indemnité de chômage sont épuisés de patienter pendant une période de douze mois qui suit la fin des droits pour prétendre à nouveau à de telles indemnités. Les instances précitées ont donc assimilé, aux fins de l’application de l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, les indemnités de chômage françaises aux indemnités luxembourgeoises. Elles ont, implicitement, mais nécessairement, procédé à cette assimilation sur base de l’article 5, sous a), du règlement 883/2004, qui dispose que « si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus [en l’occurrence le bénéfice des indemnités de chômage luxembourgeoises jusqu’à épuisement des droits] produit certains effets juridiques [en l’occurrence l’effet de subordonner l’octroi de nouvelles indemnités de chômage au respect d’un stage de douze mois], les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre Etat membre ou de revenus acquis dans un autre Etat membre [en l’occurrence le bénéfice des indemnités de chômage françaises jusqu’à épuisement des droits] ». Elles ont constaté, à la suite de cette assimilation, que le demandeur en cassation ne respecte pas les conditions de stage de l’article précité. Elles ont fondé leur refus, impliqué par l’application « élargie » de cet article à la suite de l’assimilation imposée par le règlement, sur l’article 10 de ce dernier, retenant que les prestations de même nature servies par différents Etats membres de l’Union européenne ne se cumulent pas37.
Le demandeur en cassation avait fait valoir en instance d’appel38 que l’article 10 du règlement 883/2004 n’interdit pas aux Etats membres de prévoir dans leurs législations des cumuls de prestations. Il a exposé que cet article se limite à préciser que le règlement, dont l’objet se limite à coordonner, donc non à harmoniser, les législations de sécurité sociale des Etats membres, ne saurait avoir pour effet de conférer ou de maintenir de tels cumuls. L’article aurait donc pour objet de confirmer que le règlement ne saurait avoir pour effet d’imposer des cumuls de prestations non prévues par le droit interne des Etats membres. Il serait donc de nature à confirmer la neutralité du règlement par rapport aux législations des Etats membres. En revanche, il n’interdirait pas aux Etats membres de prévoir dans leur législation de tels cumuls.
Or, l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail n’impose pas, pour l’appréciation du respect de la condition de stage à laquelle le droit aux indemnités de chômage est subordonné, la prise en considération d’indemnités de chômage perçues à l’étranger. Il est, partant, de nature à rendre possible des cumuls d’indemnités de chômage perçues à l’étranger et à Luxembourg, sans les interdire. Comme le règlement laisserait donc le champ libre aux législations des Etats membres de prévoir des cumuls de prestations, que l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail implique la possibilité d’un tel cumul et qu’aucune disposition de droit interne n’interdit de considérer qu’un demandeur d’emploi qui a touché à l’étranger des indemnités de chômage et qui y a épuisé le droit à ces indemnités respecte néanmoins à Luxembourg la condition de stage prévue par l’article précité, l’article 10 du règlement serait sans pertinence pour interdire ce cumul.
Le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir omis de répondre à ce moyen.
37 Idem, page 6, antépénultième alinéa.
38 Requête d’appel (Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation), pages 6 et 7, sous 3.
L’arrêt ne comporte, il est vrai, pas de motifs formels discutant le moyen.
Or, « la motivation d’un arrêt et sa réponse à un chef de conclusions peuvent être implicites et se dégager, par le raisonnement, de l’ensemble de l’arrêt ou des motifs explicites données à l’appui d’autres chefs »39.
En l’espèce, les juges d’appel concluent qu’il découle de l’article 10 du règlement 883/2004 que les prestations de même nature ne se cumulent pas40 et en déduisent que l’épuisement des droits à l’indemnité de chômage aux fins de l’appréciation du respect de la condition de stage prévue par l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail n’est pas seulement à apprécier au regard des droits nés à Luxembourg, mais également au regard de ceux nés dans l’Etat membre étranger de résidence du demandeur d’emploi.
Cette réponse implique implicitement, mais nécessairement, que les juges d’appel rejettent le moyen tiré de ce que l’article 10 du règlement est dépourvu de pertinence pour interdire le cumul de prestations.
Il en suit que le premier et le deuxième moyen ne sont pas fondés.
Sur le troisième et le quatrième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 10 du règlement 883/2004, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »41 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors que cet article, issu d’un règlement dont l’objet se limite à coordonner les législations des Etats membres de l’Union européenne en matière de sécurité sociale, ne constitue pas une norme autonome de nature à légitimer un non-cumul de prestations en l’absence d’une disposition de droit interne qui l’impose, une telle disposition faisant défaut en la matière.
Le quatrième moyen est tiré de l’excès de pouvoir au regard de l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »42 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors que cet article, issu d’un règlement dont l’objet se limite à coordonner les législations des Etats membres de l’Union européenne en matière de sécurité sociale, ne constitue pas une norme autonome se substituant au droit interne des Etats membres 39 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 5e édition, 2015, n° 77.253, page 426.Voir également, à titre d’illustration : Cour de cassation, 11 janvier 2018, n° 01/2018, numéro 3889 du registre (réponse au troisième moyen).
40 Arrêt attaqué, page 6, antépénultième alinéa.
41 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
42 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
de nature à légitimer un non-cumul de prestations en l’absence d’une disposition de droit interne qui l’impose, une telle disposition faisant défaut en la matière, de sorte que la juridiction a instauré elle-même, par excès de pouvoir, une règle de non-cumul en matière de sécurité sociale, pouvoir réservé au législateur par l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution.
Dans ses troisième et quatrième moyens le demandeur en cassation se réfère à nouveau au moyen d’appel résumé ci-avant dans le cadre de la discussion du premier et du deuxième moyen. Il reproche aux juges d’appel d’avoir, par leur réponse implicite de rejet, violé l’article 10 du règlement 883/2004 (troisième moyen) et commis un excès de pouvoir en créant d’office, sans base législative, une règle de non-cumul en matière de sécurité sociale (quatrième moyen).
L’arrêt attaqué applique le règlement 883/2004, ce qui suppose – point non contesté en cause – qu’il s’applique tant bien même que les faits remontent en partie à l’empire du règlement 1408/71, qui a pris fin le 1er mai 2010. Le premier de ces règlements dispose, dans son article 87, paragraphe 2, que « toute période d'assurance ainsi que, le cas échéant, toute période d'emploi, d'activité non salariée ou de résidence accomplie sous la législation d'un État membre avant la date d'application du présent règlement dans l'État membre concerné est prise en considération pour la détermination des droits ouverts en vertu du présent règlement » et dans le paragraphe 3 de cet article que « un droit est ouvert en vertu du présent règlement, même s'il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date de son application dans l'État membre concerné ».
Le demandeur en cassation a raison de souligner que le règlement 883/2004 a uniquement pour objet de coordonner les législations des Etats membres en matière de sécurité sociale, sans les harmoniser. Cette caractéristique est rappelée par le considérant 4 du règlement, qui précise que « il convient de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination ».
Elle n’empêche cependant pas que l’article 5 du règlement oblige les Etats membres à assimiler dans le cadre de l’application de leur droit de la sécurité sociale les prestations et les revenus acquis en vertu de la législation des autres Etats membres et les faits et événements survenus sur le territoire de ces Etats comme des prestations et revenus acquis en vertu de leur législation ou comme des faits et événements survenus sur leur territoire. Cet article « consacre le principe jurisprudentiel d’assimilation des prestations, des revenus et des faits, que le législateur de l’Union a voulu introduire dans le texte dudit règlement afin que ce principe soit développé dans le respect du fond et de l’esprit des décisions judiciaires de la Cour [de justice de l’Union européenne] »43. Ainsi qu’il résulte du considérant 9 du règlement, l’article se limite à consacrer une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne développée sous l’empire du règlement 1408/71. Il ne constitue donc pas une innovation, mais une confirmation législative d’une solution jurisprudentielle.
Ce principe d’assimilation, consacré par l’article 5 du règlement, impose, dans le cadre de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du Code du travail, relatif aux événements qui sont de nature à proroger la période de référence de douze mois pertinente pour apprécier le droit aux indemnités de chômage et disposant que cette période est prorogée par les « périodes de chômage indemnisé », d’assimiler les périodes de chômage indemnisé dans un autre Etat membre de l’Union européenne à celles indemnisées à Luxembourg.
43 Voir, à titre d’illustration : Cour de justice de l’Union européenne, 12 mars 2020, Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle, C-769/18, point 42.
Le demandeur en cassation s’est d’ailleurs, à juste titre, fondé sur ce principe d’assimilation pour demander de voir allonger la période de référence prévue par l’article L. 521-6, paragraphe 2, de celle au cours de laquelle il a touché des indemnités de chômage en France44. Il est dès lors paradoxal, pour ne pas dire contradictoire, qu’il s’oppose à cette assimilation des indemnités de chômage perçues par lui en France dans le cadre de l’article L. 521-6, paragraphe 3. Cette assimilation est pourtant imposée par l’article 5 du règlement, que ce soit dans le cadre du paragraphe 2 ou du paragraphe 3 de l’article L. 521-6. Elle permet de garantir que le demandeur d’emploi qui est éligible aux indemnités de chômage à Luxembourg ne soit, du point de vue de l’appréciation de la condition de stage, traité de façon différente selon qu’il a antérieurement touché des indemnités en France ou à Luxembourg.
Dans les circonstances de l’espèce, l’assimilation, dans le cadre de l’article L. 521-6, paragraphe 3, des indemnités de chômage servies en France à celles servies à Luxembourg, s’impose, outre sur base de l’article 5 du règlement, également sur base de l’article 10 de ce dernier. Il est à cet effet à rappeler que l’octroi de ces indemnités est subordonné à Luxembourg au respect d’une condition de stage, définie par l’article L. 521-6 du Code du travail. Cette condition de stage suppose que le salarié ayant perdu son emploi ait occupé un emploi pendant au moins vingt-six semaines au cours des douze mois précédant le jour de l’inscription comme demandeur d’emploi45. La période de référence de douze mois est prorogée notamment par des périodes de chômage indemnisé46. En l’espèce, le demandeur en cassation a, en dernier lieu, occupé un emploi du 27 octobre 2008 au 30 avril 200947. La période de référence a cessé au plus tôt le 6 septembre 2013, donc au « moment où la décision [de la Commission de reclassement ayant refusé au demandeur en cassation le reclassement professionnel externe, cette décision ayant été réformée par arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale du 6 novembre 2017] lui aurait dû attribuer le statut de salarié en reclassement [professionnel externe, qui entraîne l’inscription d’office du salarié comme demandeur d’emploi auprès de l’ADEM48]»49. Pour être, dans ces circonstances, en mesure de prétendre, au regard de la condition de stage, qui implique, en principe, l’occupation d’un emploi au cours des douze mois précédant l’inscription, en l’occurrence en date du 6 septembre 2013, du salarié comme demandeur d’emploi, le demandeur en cassation, dont le dernier l’emploi occupé remontait à la période du 27 octobre 2008 au 30 avril 2009, devait faire valoir, sur base de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du Code du travail, des causes de prorogation de la période de référence. La principale cause de prorogation invoquée par lui a été sa période, de 1.239 jours50, de chômage indemnisé en France, du 7 janvier 2010 au 31 mai 201351, du fait de sa perte d’emploi à Luxembourg. L’admission de cette cause de prorogation, qui n’a pas été contestée par l’Etat52, est une condition nécessaire pour permettre au demandeur en cassation de respecter la condition de stage à laquelle l’octroi d’indemnités de chômage est subordonné. Or, l’admission, sur base de l’article L. 521-6, paragraphe 2, de la période de chômage indemnisé en France comme cause de prorogation de la période de référence de la condition de stage suppose de considérer que les termes « périodes de chômage indemnisé » ne se limitent pas au seul chômage indemnisé 44 Requête d’appel (Pièce n° 2 annexée au mémoire en cassation), page 5, sous « Allongement de la période de référence en raison du bénéfice du chômage français ».
45 Article L. 521-6, paragraphe 1, du Code du travail.
46 Article l. 521-6, paragraphe 2, alinéa 2, du Code du travail.
47 Jugement de première instance (Pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation, Pièce n° 11 annexée au mémoire en réponse), page 2, cinquième alinéa, citant la décision de la Commission spéciale de réexamen.
48 Article L. 551-5, paragraphe 1, du Code du travail.
49 Arrêt attaqué, page 6, deuxième alinéa.
50 Idem, page 4, troisième alinéa.
51 Idem et loc.cit.
52 Idem, page 6, deuxième alinéa.
luxembourgeois, mais également, dans un cas comme celui de l’espèce, aux périodes de chômage indemnisé en France. Cette assimilation, revendiquée par le demandeur en cassation et acceptée par l’Etat, du chômage français au chômage luxembourgeois, trouve sa base légale dans l’article 5 du règlement.
Il en suit que c’est seulement à la suite de l’application du règlement, dans le cadre de laquelle les indemnités de chômage payées en France ont été prises en considération aux fins de proroger, sur base de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du Code du travail, la période de référence de l’appréciation de la condition de stage, que se pose la question de savoir si ces mêmes indemnités sont également à prendre en considération pour l’application de l’article L. 521-3, du même Code, disposant que après épuisement des droits à l’indemnité de chômage, le droit à des nouvelles indemnités s’ouvre seulement à nouveau après une période de douze mois. En cas de réponse négative à cette question, l’application du règlement aurait pour effet de permettre au demandeur en cassation de bénéficier des indemnités luxembourgeoises tant bien même qu’il a, pour la même perte d’emploi, déjà touché des indemnités en France et a épuisé celles-ci.
Or, le règlement prohibe, dans son article 10, de tels cumuls de prestations engendrés par son application. L’assimilation, dans le cadre du paragraphe 3 de l’article L. 521-6 du Code du travail, de l’« épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet » perçus en France à l’épuisement de ceux perçus à Luxembourg, n’est donc pas seulement commandée par l’article 5 du règlement, mais également, comme l’ont retenu à juste titre les différents organismes et juridictions saisis du cas d’espèce, par l’article 10.
Cette conclusion n’est pas contredite par l’avis, plusieurs fois cité dans le mémoire en cassation, du Conseil d’Etat dans les travaux préparatoires de la loi du 1er juillet 2005 modifiant la loi du 25 juillet 2002 concernant l’incapacité de travail et la réinsertion professionnelle53, ayant introduit la disposition, actuellement insérée à l’article L. 551-9 du Code du travail, prévoyant que « l’indemnité de chômage [servie dans le cadre du reclassement professionnel à un salarié frontalier qui, sur base du premier alinéa de l’article L. 551-9, est assimilé au salarié résident] reste suspendue jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature ». Dans cet avis, le Conseil d’Etat observe que la loi de 2002, figurant actuellement aux articles L. 551-1 et suivants du Code du travail relatifs au reclassement professionnel, confère au salarié frontalier vocation à toucher, en cas de reclassement professionnel, une indemnité de chômage à Luxembourg, alors que sur base du règlement 1408/71 un tel salarié ne peut toucher une telle indemnité que dans son pays de résidence54. La loi confère donc un droit qui n’est pas conféré par le règlement. La disposition précitée, prévoyant la suspension de cette indemnité jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature « vise à éviter un cumul des prestations luxembourgeoises et des prestations étrangères auxquelles l’intéressé pourrait prétendre »55.
Le Conseil d’Etat observe que cette disposition ne saurait s’appuyer sur l’article 12 du règlement 1408/71, devenu l’article 10 du règlement 883/2004, qui dispose que « le présent règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature », parce que, « d’après la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, l’article 12 prévisé ne peut éviter un non-cumul des prestations que si la législation nationale prévoit une disposition de non-cumul en la matière »56. Si cette 53 Mémorial, A, 2005, n° 97, page 1718.
54 Avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi n° 5334, ayant donné lieu à la loi précitée du 1er juillet 2005 (Document parlementaire n° 5334-10), page 6, dernier alinéa.
55 Idem et loc.cit.
56 Idem, page 7, deuxième alinéa.
constatation est juste, le règlement, qui n’est qu’un instrument de coordination des législations, ne pouvant éviter des cumuls que les lois des Etats membres prévoient, elle est à compléter par une seconde constatation, découlant du libellé même de l’article et constituant sa finalité : le règlement ne saurait lui-même, par son application, conférer un droit à une double prestation non prévue par les lois des Etats membres. Il ne saurait donc être lui-même la source d’un cumul de prestations. Un tel cumul, provoqué par le règlement lui-même, est prohibé par l’article en question. Cette situation se présente dans le cas d’espèce, par suite de l’application du principe d’assimilation de l’article 5 du règlement 883/2004.
Sur le troisième moyen Dans son troisième moyen, le demandeur en cassation critique les juges d’appel, en justifiant l’assimilation, dans le cadre de l’appréciation de la condition visée par l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, des indemnités de chômage françaises aux indemnités de chômage luxembourgeoises, par l’article 10 du règlement, d’avoir méconnu que cet article ne constitue pas une norme autonome de nature à légitimer un non-cumul de prestations en l’absence d’une disposition de droit interne qui l’impose. Il repose sur la prémisse que l’article 10 se limite à prohiber les cumuls de prestations qui sont la conséquence de l’application du règlement.
Il a été vu ci-avant que dans le cas d’espèce la possibilité d’un cumul de prestations, prohibé par l’article 10 du règlement, est la conséquence de l’application du règlement lui-même, qui impose par son article 5 d’assimiler les indemnités de chômage françaises aux indemnités luxembourgeoises aux fins de proroger, sur base de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du Code du travail, la période de référence de l’appréciation de la condition de stage, cette prorogation ayant été la condition nécessaire de la prétention du demandeur en cassation à des indemnités de chômage luxembourgeoises du fait d’une perte d’emploi ayant donné lieu au paiement jusqu’à leur épuisement d’indemnités de chômage françaises. Le cumul de prestations a donc été provoqué par l’application du règlement, de sorte que sa prévention se fonde à juste titre sur l’article 10 du règlement.
Le moyen, qui suppose que le non-cumul a été imposé sur base du droit interne, alors qu’il l’a été sur base du règlement, manque en fait.
Sur le quatrième moyen Dans son quatrième moyen, le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir commis un excès de pouvoir en ayant conçu et appliqué une règle de non-cumul non prévue par la loi.
Ce reproche méconnaît, comme exposé ci-avant, que le non-cumul est imposé par le règlement et vise à prévenir un cumul de prestations découlant de l’application de ce dernier, à savoir, aux fins de la détermination, dans le cadre de l’article L. 521-6, paragraphe 2, du Code du travail, de la période de référence de la condition de stage à respecter par le demandeur d’indemnités de chômage, de l’assimilation, sur base de l’article 5 du règlement, des périodes d’indemnisation en France à des périodes d’indemnisation à Luxembourg.
Il en suit que le quatrième moyen manque également en fait.
Sur le cinquième et le sixième moyen de cassation Le cinquième moyen est tiré d’un défaut de base légale au regard de l’article 10 du règlement 883/2004, sinon de l’article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement 1408/71, pris ensemble avec ou séparément avec l’article L. 551-9 du Code du travail, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »57 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors qu’il n’a pas donné de base légale à sa décision en omettant de vérifier, sur base de l’article L. 551-9 du Code du travail, si la suspension des indemnités de chômage luxembourgeoises au profit des salariés frontaliers en reclassement, que l’article assimile aux salariés résidents, jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature, à savoir les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation en France, n’est pas de nature à empêcher un cumul indu des prestations luxembourgeoises et françaises et s’il est dès lors conforme au principe de non-cumul de l’article 10 du règlement 883/2004, sinon 12 du règlement 1408/71 en ce sens que ces derniers ne cherchent qu’à assurer un juste équilibre entre assurés sédentaires et migrants, les seconds ne pouvant être ni défavorisés ni avantagés par rapport aux premiers du fait de leur migration.
Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 10 du règlement 883/2004, sinon de l’article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement 1408/71, pris ensemble avec ou séparément avec l’article L. 551-9 du Code du travail, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »58 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, alors qu’il a, à l’occasion de l’application de l’article 10 du règlement 883/2004, interprété l’article L. 551-9 du Code du travail comme permettant un cumul indu des prestations luxembourgeoises et françaises, l’article 10 du règlement 883/2004, sinon l’article 12 du règlement 1408/71, qui était applicable jusqu’au 30 avril 2010, ensemble avec l’article L. 551-9 du Code du travail, n’ayant pas pour effet d’imposer un cumul pur et simple des indemnités de chômage luxembourgeoises et françaises, mais de garantir que les salariés frontaliers en reclassement ne touchent au total, toutes prestations confondues, que le même montant qu’ils auraient touché s’ils avaient résidé à Luxembourg.
Les cinquième et sixième moyens sont subsidiaires aux troisième et quatrième, en ce qu’ils reposent sur la prémisse que le non-cumul des prestations de chômage imposé en l’espèce a pu l’être sur base de l’article 10 du règlement. Or, à accepter cette prémisse, le non-cumul aurait, selon le demandeur en cassation, dû être mis en œuvre d’une façon moins radicale qu’il l’a été en l’espèce. La critique ne porte donc pas sur le principe du non-cumul, accepté pour les besoins 57 Arrêt attaqué, page 7, avant-dernier alinéa.
58 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
de la discussion, mais sur ses modalités. Ce non-cumul a été imposé en l’espèce sous forme d’un refus des indemnités de chômage luxembourgeoises. Le demandeur en cassation critique que ce principe aurait, en réalité, dû être mis en œuvre par une méthode moins radicale, à savoir par une suspension des indemnités de chômage luxembourgeoises jusqu’à concurrence du montant des indemnités perçues en France. A l’appui de cette thèse, il se prévaut de l’article L.
551-9 du Code du travail, qui dispose que dans le cadre du reclassement professionnel « les salariés frontaliers sont assimilés aux salariés résidents [et que] l’indemnité de chômage reste suspendue jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature ».
Cette critique méconnaît que l’article L. 551-9 du Code du travail suppose que le salarié reclassé ait droit à des indemnités de chômage à Luxembourg. L’article réglemente dans ce cas le concours des indemnités luxembourgeoises avec d’éventuelles indemnités perçues à l’étranger.
La disposition pertinente en cause, à savoir l’article L. 521-6 du Code du travail concerne, en revanche, la question différente de savoir si le demandeur d’emploi est, au regard de la condition de stage y définie, admissible au bénéfice de l’indemnité de chômage luxembourgeoise. Son objet est donc différent. L’article L. 521-6 concerne une question qui est préalable à celle régie par l’article L. 551-9.
Il est dans cet ordre d’idées à rappeler que le reclassement professionnel externe entraîne, sur base de l’article L. 551-6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, l’inscription d’office du bénéficiaire comme demandeur d’emploi à l’ADEM. Or, cette inscription, si elle constitue, au regard de l’article L. 521-3, alinéa 1, point 6), une condition nécessaire de l’octroi de l’indemnité de chômage, n’en est pas une condition suffisante. L’octroi de l’indemnité suppose en outre le respect d’un certain nombre d’autres conditions, parmi lesquelles, ainsi qu’il est prévu par l’article L. 521-3, alinéa 1, point 7, celle du respect de la condition de stage prévue par l’article L. 521-6. L’octroi du reclassement professionnel externe n’entraîne donc pas forcément celui d’indemnités de chômage. La mise en œuvre de l’article L. 551-9 suppose cet obstacle franchi. La condition de stage est l’une des composantes de cet obstacle.
Il en suit que les sixième et septième moyens se réfèrent à une disposition qui est étrangère au litige, de sorte qu’ils sont irrecevables.
Sur le septième au neuvième moyen de cassation Le septième moyen est tiré d’un défaut de base légale au regard de l’article 71, paragraphe 1er, sous b) i) et ii) du règlement 1408/71, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »59 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, tout en précisant, en se référant à l’arrêt Miehte de la Cour de justice de l’Union européenne60, que « les travailleurs au chômage complet disposent [au regard de la disposition visée au moyen] d’une option entre les prestations de l’Etat d’emploi et celles de l’Etat de résidence »61, ce dont le demandeur en cassation déduit qu’il se voit 59 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
60 Cour de justice de l’Union européenne, 12 juin 1986, 1/85, Miethe, ECLI :EU:C:1986:243.
61 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa.
reprocher d’avoir opté pour les indemnités de chômage prévues par la législation française, alors que, première branche, les juges d’appel ont omis d’examiner à suffisance si le demandeur en cassation avait, dans sa situation personnelle particulière, un autre choix que de solliciter les indemnités de chômage en France et que, seconde branche, ils ont rejeté l’appel du demandeur en cassation sur base du choix que ce dernier aurait, selon eux, opéré à tort, sans vérifier si la disposition visée au moyen lui était applicable en sa qualité de travailleur frontalier.
Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 71, paragraphe 1er, sous b) i) et ii) du règlement 1408/71, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »62 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, tout en précisant, en se référant à l’arrêt Miehte de la Cour de justice de l’Union européenne, que « les travailleurs au chômage complet disposent [au regard de la disposition visée au moyen] d’une option entre les prestations de l’Etat d’emploi et celles de l’Etat de résidence »63, ce dont le demandeur en cassation déduit qu’il se voit reprocher d’avoir opté pour les indemnités de chômage prévues par la législation française, alors que, première branche, au moment de solliciter des indemnités de chômage en France le demandeur en cassation n’avait en fait aucun autre choix que d’y solliciter ces indemnités et que, seconde branche, la disposition visée au moyen ne s’applique pas aux travailleurs frontaliers, de sorte qu’elle n’ouvrait aucune option au demandeur en cassation, qui était travailleur frontalier.
Le neuvième moyen est tiré de la violation de l’article L. 551-9 du Code du travail, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »64 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, sinon de l’article 12 du règlement 1408/71 ensemble avec l’article 71, paragraphe 1, sous b), i) et ii) du même règlement, alors que, première branche, l’article L. 551-9 du Code du travail autorise un certain cumul dees indemnités de chômage luxembourgeoises avec celles du pays de résidence du travailleur frontalier, les premières étant suspendues jusqu’à concurrence du montant des secondes et que, seconde branche, cet article n’est pas évincé par l’article 71, paragraphe 1, sous b) i) et ii), du règlement 1408/71, dès lors que ce dernier ne s’applique pas aux travailleurs frontaliers, tel que le demandeur en cassation, et ne leur ouvre dès lors aucune option quant au choix du pays (du dernier emploi ou du lieu de résidence) appelé à servir les indemnités de chômage.
Dans son septième, huitième et neuvième moyen, le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir retenu qu’il disposait d’une option de choisir entre les indemnités de chômage à Luxembourg ou en France. Il se réfère à cet effet à un alinéa des motifs de l’arrêt attaqué dans lequel il est fait référence à un arrêt Miethe de la Cour de justice de l’Union européenne et dans lequel il est affirmé que le salarié ayant exercé son emploi dans un Etat membre autre que celui de sa résidence dispose, en cas de perte d’emploi, d’une option de solliciter des indemnités de 62 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
63 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa.
64 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
chômage dans l’Etat d’emploi ou dans l’Etat de résidence65. Il y est également fait référence à l’article 71, paragraphe 1, sous b), i) et ii), du règlement 1408/7166. Le demandeur en cassation critique l’existence, en droit et en fait, d’une telle option dans son cas de figure, d’un travailleur frontalier, le sort de cette catégorie de travailleurs étant régi par l’article 71, paragraphe 1, sous a), tandis que l’article 71, paragraphe 1, sous b, vise la catégorie, non pertinente en cause, des travailleurs non frontaliers.
Le passage critiqué a pour objet d’illustrer que le non-cumul de prestations de même nature, prévu par l’article 10 du règlement, a aussi déjà été consacré par la Cour de justice de l’Union européenne. Les juges d’appel se réfèrent à cet effet aux arrêt Miethe et Knoch67. Dans le cadre de l’évocation de l’arrêt Miethe, ils se réfèrent à l’existence d’une option qui existerait au profit d’un travailleur qui a perdu son emploi dans un Etat membre autre que celui de sa résidence et qui lui permettrait d’opter entre les indemnités de chômage de l’Etat du dernier emploi et celles de l’Etat de résidence68. Ils font à cet effet état de l’article 71, paragraphe 1, sous b), i) et ii), du règlement 1408/71.
Ce règlement définissait le travailleur frontalier comme celui « qui est occupé sur le territoire d’un Etat membre et réside sur le territoire d’un autre Etat membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine »69. Il détermina dans son article 71 l’Etat compétent pour servir les indemnités de chômage du « chômeur qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d’un Etat membre autre que l’Etat compétent »70. Il opéra à cet effet une distinction entre le travailleur frontalier et le travailleur autre que frontalier. Dans le cas du travailleur frontalier, l’article 71, paragraphe 1, sous a), du règlement distinguait entre le travailleur frontalier qui était en chômage partiel ou accidentel et celui qui était en chômage complet. Le premier devait se voir attribuer les indemnités de chômage par l’Etat d’emploi71 tandis que le second devait se les voir attribuer par l’Etat de résidence72. Dans le cas du travailleur qui, tout en résidant sur le territoire d’un Etat membre autre que celui du dernier emploi, ne respectait pas les critères d’un travailleur frontalier, donc ne se déplaçait pas quotidiennement ou au moins une fois par semaine entre le lieu d’emploi et le lieu de résidence, le règlement distinguait suivant que le travailleur se mettait à la disposition des services d’emploi de l’Etat de son dernier emploi ou de ceux de sa résidence. Dans le premier cas il était en droit de percevoir les indemnités de chômage de l’Etat de son dernier emploi73 tandis que cette compétence incombait dans le second cas, et dans la seule hypothèse d’un travailleur en chômage complet, à son Etat de résidence74. Le travailleur autre qu’un travailleur frontalier qui était en chômage complet disposait donc d’une option de se mettre à la disposition des services de l’emploi, et de percevoir par suite des indemnités de chômage, soit de l’Etat d’emploi, soit de l’Etat de résidence. La Cour de justice a rappelé dans l’arrêt Miethe que le « vrai » travailleur frontalier, donc celui qui « vit dans l’Etat de résidence où il a sa famille et ses amis, et où il 65 Idem, page 6, dernier alinéa.
66 Idem et loc.cit.
67 Cour de justice de l’Union européenne, 8 juillet 1992, Knoch, C-102/91, ECLI :EU :C :1992 :203. La référence aux arrêts Miethe et Knoch s’étend dans l’arrêt attaqué de la page 6, avant-dernier alinéa, à la page 7, troisième alinéa.
68 Arrêt attaqué, page 6, dernier alinéa.
69 Article 1er, sous b), du règlement 1408/71.
70 Article 71, paragraphe 1, du prédit règlement.
71 Article 71, paragraphe 1, sous a), i), du prédit règlement.
72 Article 71, paragraphe 1, sous a), ii), du prédit règlement.
73 Article 71, paragraphe 1, sous b), i), du prédit règlement.
74 Article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du prédit règlement.
exerce ses activités sociales et politiques »75 ne peut percevoir ses indemnités de chômage que dans l’Etat de résidence, à l’exclusion de l’Etat du dernier emploi, et ce même s’il remplit les conditions exigées par la législation de ce dernier Etat pour l’octroi d’un droit à prestation76.
Elle précisa, en revanche, ce qui constitue l’apport de l’arrêt, qu’un « faux » travailleur frontalier, qui « a exceptionnellement conservé dans l’Etat du dernier emploi des liens personnels et professionnels tels que c’est dans cet Etat qu’il dispose des meilleures chances de réinsertion professionnelle »77, doit être regardé, nonobstant qu’il répond aux critères du travailleur frontalier, comme un « travailleur autre que frontalier », relevant du champ d’application de l’article 71, paragraphe 1, sous b), et pouvant à ce titre se mettre à la disposition des services de l’emploi de l’Etat de son dernier emploi et y bénéficier d’indemnités de chômage78. Il résulte donc de cet arrêt que dans certaines circonstances exceptionnelles, du maintien d’un lien rapproché entre le travailleur frontalier en chômage complet et l’Etat de son dernier emploi, le premier peut prétendre, sur base de l’article 71, paragraphe 1, sous b), i), du règlement 1408/71, à des indemnités de chômage dans cet Etat, qui lui sont, en principe, refusées sur base de l’article 71, paragraphe 1, sous a), ii).
Ces règles ont été maintenues en substance par le règlement 883/2004, qui a depuis le 1er mai 2010 remplacé le règlement 1408/71 et ouvre, conformément à son article 87, paragraphe 3, ses droits même s’ils se rapportent à une éventualité réalisée antérieurement à sa date d’entrée en vigueur ou impliquent, ainsi qu’il est prévu par son article 87, paragraphe 2, la prise en considération de faits accomplis avant sa date d’entrée en vigueur. Ce règlement confère, dans son article 65, paragraphe 2, une option à la personne en chômage complet qui, au cours de son emploi, résidait dans un Etat membre autre que celui de son dernier emploi et continue à y résider. Si cette personne doit, en principe, se mettre à la disposition des services de l’Etat membre de sa résidence, elle a aussi le choix de se mettre à disposition des services de l’Etat membre de son dernier emploi. Ce dernier choix n’empêche cependant pas, conformément à l’article 65, paragraphe 5, sous a), que le chômeur bénéficie des prestations selon la législation de l’Etat membre de résidence, du moins s’il s’agit d’un travailleur frontalier. En effet, les travailleurs, autres que frontaliers, peuvent prétendre, sur base de l’article 65, paragraphe 5, sous b), de façon en substance analogue à l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement 1408/71, à l’indemnité de chômage de l’Etat de leur dernier emploi.
Il est à préciser que l’octroi de l’indemnité de chômage est, en droit commun interne, réservé, par l’article L. 521-3, alinéa 1, sous 2, du Code du travail, au chômeur domicilié sur le territoire luxembourgeois au moment du licenciement, sans préjudice des règles applicables en vertu notamment de la réglementation du droit de l’Union européenne. Par dérogation à ce principe, il est fait abstraction de la condition de domicile dans le cadre du reclassement professionnel, l’article L. 551-9 du Code du travail disposant que aux fins de l’application des dispositions régissant cette matière « les salariés frontaliers sont assimilés aux salariés résidents ». A bien comprendre, les pièces du dossier restant cependant muettes sur ce point, c’est cette disposition qui, dans le présent cas d’espèce, explique pourquoi l’ADEM n’a pas rejeté la demande d’indemnité de chômage introduite par le demandeur en cassation à la suite de son reclassement professionnel externe au motif que l’intéressé n’était pas domicilié à Luxembourg au moment de sa perte d’emploi. Il est à rappeler que le reclassement professionnel externe a, conformément à l’article L. 551-5, paragraphe 1, premier alinéa, du Code du travail, pour effet l’inscription d’office de la personne en reclassement professionnel comme demandeur d’emploi 75 Arrêt Miethe, point 15, résumant le point de vue de la Commission, adopté par la Cour.
76 Idem, réponse à la première question préjudicielle.
77 Idem, point 18.
78 Idem, réponse à la seconde question.
auprès de l’ADEM. Cette inscription, qui constitue une condition nécessaire de l’octroi de l’indemnité de chômage au regard de l’article L. 521-3, alinéa 1, sous 6, du Code du travail n’en constitue cependant pas une condition suffisante, l’octroi de cette indemnité supposant par ailleurs, outre le respect de la condition de stage de l’article L. 521-6, également celle, prévue par l’article L. 521-3, alinéa 1, sous 1, d’un domicile du demandeur sur le territoire Luxembourg, sous réserve de l’application de la réglementation du droit de l’Union européenne.
Les juges d’appel font donc à juste titre référence, dans le cadre de l’évocation de l’arrêt Miethe, à une faculté d’option qui peut permettre à des travailleurs frontaliers de solliciter des indemnités de chômage dans l’Etat de leur dernier emploi. Cette faculté n’est cependant pas, comme pourrait le suggérer le motif critiqué, générale, mais circonscrite à des cas exceptionnels.
Quels que soient le bien-fondé et la pertinence de ce motif, il reste que les juges d’appel n’en tirent pas de conséquence. Ils n’affirment pas que le demandeur en cassation disposait en l’espèce de la possibilité de solliciter des indemnités de chômage à Luxembourg. Ils ne lui font pas reproche d’avoir demandé en France l’octroi des indemnités. Ils ne déduisent pas leur confirmation du rejet de l’octroi des indemnités à Luxembourg du non-usage préalable par le demandeur en cassation d’une option en faveur d’un tel octroi. Ils ne constatent, contrairement à ce qui est reproché par la seconde branche du neuvième moyen, pas que l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement 1408/71 évincerait l’article L. 551-9 du Code du travail.
Leur décision repose sur l’invocation de l’article 10 du règlement 883/2004 et du principe de non-cumul de prestations de même nature en déduit ainsi que du constat que l’indemnité de chômage actuellement réclamée par le demandeur en cassation à la suite de son reclassement professionnel externe sert, tout comme celle perçue en France, à remplacer le salaire perdu à la suite du licenciement subi en 2009 à Luxembourg, de sorte que ces deux prestations sont de même nature et ne sauraient se cumuler.
Il en suit que le motif attaqué est surabondant.
Sur le septième moyen Dans son septième moyen, le demandeur en cassation critique les juges d’appel, dans la première branche, d’avoir omis d’examiner à suffisance si le demandeur en cassation avait, dans sa situation personnelle particulière, un autre choix que de solliciter les indemnités de chômage en France et, dans la seconde branche, d’avoir rejeté son appel sur base du choix qu’il aurait, selon eux, opéré à tort, sans vérifier si la disposition visée au moyen lui était applicable en sa qualité de travailleur frontalier.
Le moyen attaque, pour les raisons exposées ci-avant, un motif surabondant, de sorte qu’il est inopérant.
Dans un ordre subsidiaire, il repose sur la prémisse erronée que les juges d’appel ont confirmé la légalité du rejet des indemnités de chômage à Luxembourg au motif que le demandeur en cassation a antérieurement opté à tort pour la perception d’indemnités en France. Ce reproche procède d’une mauvaise lecture de l’arrêt.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen manque en fait.
Sur le huitième moyen Le huitième moyen critique que le demandeur en cassation n’avait, en sa qualité de travailleur frontalier résidant en France, aucun autre choix à la suite de sa perte d’emploi à Luxembourg que de solliciter l’octroi d’indemnités de chômage en France. La première branche s’attache de ce point de vue aux obstacles de fait à une demande de telles indemnités à Luxembourg et la seconde aux obstacles de droit.
Le moyen attaque, comme le septième, pour les raisons exposées ci-avant, un motif surabondant, de sorte qu’il est inopérant.
A titre subsidiaire, il manque en fait, puisqu’il postule, comme le septième moyen, que l’arrêt attaqué se base sur une critique d’une abstention injustifiée du demandeur en cassation de solliciter les indemnités de chômage à Luxembourg.
Sur le neuvième moyen Le neuvième moyen présente des critiques hétéroclites. Sa première branche reprend le grief du sixième moyen, tiré de ce que l’article L. 551-9 du Code du travail aurait obligé les juges d’appel à admettre un droit du demandeur en cassation aux indemnités de chômage luxembourgeoises à concurrence de celles touchées par lui en France, au lieu de confirmer, un rejet pur et simple de ces indemnités. Sa seconde branche critique que l’article 71, paragraphe 1, sous b), i) et ii), du règlement 1408/71 n’aurait pas imposé d’évincer l’article L. 511-9.
Sur la première branche Il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion du sixième moyen, que l’article L. 551-
9, alinéa 2, du Code du travail, disposant que, dans le cadre du reclassement professionnel, « l’indemnité de chômage reste suspendue jusqu’à concurrence d’une prestation étrangère de même nature », suppose que la personne admise au reclassement professionnel ait droit à des indemnités de chômage à Luxembourg. Or, le reclassement professionnel externe, pertinent en cause, s’il implique, sur base de l’article L. 551-5, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail, l’inscription d’office du bénéficiaire comme demandeur d’emploi auprès de l’ADEM, n’implique pas nécessairement que le bénéficiaire ait également droit à des indemnités de chômage. L’octroi de ces dernières est régi par l’article L. 521-3 du Code du travail.
L’inscription comme demandeur d’emploi en constitue une condition, mais non la seule. Dans le cas d’espèce, le demandeur en cassation s’est vu refuser l’octroi des indemnités pour non-
respect de la condition de stage, prévue par l’article L. 521-3, alinéa 1, sous 7, du Code du travail. Or, l’article L. 551-9, alinéa 2, du même Code, en disposant que l’indemnité luxembourgeoise de chômage reste suspendue, suppose que le bénéficiaire du reclassement ait droit à une telle indemnité, ce qui peut ne pas être le cas et ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Il en suit que la branche du moyen est tirée de la violation d’une disposition qui est étrangère au litige, de sorte qu’elle est, au même titre que le sixième moyen, irrecevable.
Cette conclusion n’est pas remise en question par la circonstance, signalée ci-avant, que la décision de l’ADEM de ne pas refuser d’office la demande d’indemnité sur base de l’absence de domicile du demandeur en cassation à Luxembourg, ce qui constitue l’un des critères de l’octroi de l’indemnité, prévu par l’article L. 521-3, alinéa 1, sous 1, du Code du travail, pourrait, à bien comprendre, s’expliquer par l’article L. 551-9, alinéa 1, du même Code, qui dispose que « aux fins de l’application des articles L. 551-1 à L. 551-8, les salariés frontaliers sont assimilés aux salariés résidents ». A admettre que cette disposition ait amené l’ADEM à considérer qu’il y ait lieu de faire abstraction de la condition de domicile régissant l’octroi de cette indemnité, tant bien même que l’octroi du reclassement professionnel externe n’implique pas nécessairement celui de l’indemnité de chômage et que la condition de domicile figure dans un article étranger aux articles L. 551-1 à L. 551-8, à savoir dans l’article L. 521-3, il reste que l’alinéa 2 de l’article L. 551-9 suppose que le bénéficiaire au reclassement ait droit à l’indemnité de chômage, ce qui ne constitue pas une conséquence nécessaire de ce régime. Par ailleurs, l’assimilation des salariés frontaliers aux salariés résidents, prévue par l’article L. 551-9, alinéa 1, n’est pas de nature à obliger de faire abstraction de la condition dite de stage de l’article L.
521-6, prévue à titre de condition d’octroi de l’indemnité de chômage par l’article L. 521-2, alinéa 1, sous 7. En effet, contrairement à la condition tirée d’un domicile à Luxembourg, qui ne peut, par hypothèse, être respectée par les salariés frontaliers, la condition de stage a vocation à s’appliquer quel que soit le domicile du salarié, donc peu importe que ce dernier réside à Luxembourg ou soit salarié frontalier. Le principe d’assimilation n’est donc pas de nature à mettre en cause l’application de cette condition aux salariés frontaliers. Tout au contraire, ce principe, tel qu’il est prévu par l’article 5 du règlement 883/2004, impose cette application à ces salariés.
Sur la seconde branche La seconde branche attaque, pour les raisons exposées ci-avant dans le cadre de la discussion du septième et du huitième moyen, un motif surabondant, de sorte qu’il est inopérant.
Dans un ordre subsidiaire, il reproche aux juges d’appel d’avoir évincé l’article L. 511-9 par l’article 71, paragraphe 1, sous b), i) et ii), du règlement 1408/71. L’arrêt n’évoque pas le premier de ces articles et se limite à faire état du second dans le cadre d’un motif surabondant.
Il ne résulte donc pas de l’arrêt qu’il ait, comme reproché, évincé le premier au bénéfice du second.
Il en suit, à titre subsidiaire, que la branche du moyen manque en fait.
A titre encore plus subsidiaire, l’article L. 511-9 n’est, pour les motifs précisés ci-avant, pas de nature à mettre en cause l’application au demandeur en cassation de la condition de stage de l’article L. 521-6, sur le non-respect de laquelle se fonde, en l’espèce, le refus des indemnités de chômage. Il est donc de ce point de vue étranger au litige, de sorte que la branche du moyen est irrecevable.
Sur le dixième moyen de cassation Le dixième moyen est tiré d’un défaut de base légale au regard de l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, pris ensemble avec l’article L. 521-11 du même Code, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »79 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, tout en reprochant au demandeur en cassation de vouloir « contourner les dispositions notamment de l’article L. 521-
6 (3) du code du travail en arguant que le chômage touché en France a été payé en raison de la cessation de son contrat de travail et qu’actuellement il sollicite le chômage en relation avec un reclassement, partant deux finalités différentes permettant le cumul »80, alors que, pour autant que le rejet soit fondé sur l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, les juges d’appel ont omis de vérifier si les indemnités de chômage touchées par le demandeur en cassation sur base de la législation française correspondaient par leur durée et leurs montants aux indemnités auxquelles il aurait eu droit en vertu de l’article L. 521-11 du Code du travail.
Dans son dixième moyen, le demandeur en cassation critique la Cour d’appel d’avoir, par défaut de base légale, négligé de préciser les motifs de fait ayant fondé son appréciation des modalités d’application du principe d’assimilation, dans le cadre de l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, d’un « épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet conformément aux dispositions de l’article L. 521-11 » à l’épuisement des droits à l’indemnité de chômage perçue par le demandeur en cassation en France.
Il résulte des constatations souveraines des juges du fond que le demandeur en cassation :
- a été salarié du 27 octobre 2008 jusqu’au 30 avril 2009 auprès d’un employeur luxembourgeois81, avant d’être licencié82, - a touché des indemnités de chômage complet en France du 7 janvier 2010 au 31 mai 201383, soit pendant 1.239 jours84 et - a épuisé ses droits aux indemnités de chômage en France85.
L’article L. 521-11, paragraphe 1, du Code du travail dispose que « la durée de l’indemnisation est égale à la durée de travail, calculée en mois entiers, effectuée au cours de la période servant de référence au calcul de la condition de stage » et ne peut, au regard du paragraphe 2 du même article « dépasser [cette] durée par période de vingt-quatre mois ». Cette durée d’indemnisation peut être prolongée dans certains cas de figure, également prévus par l’article L. 521-11, qui ne sont cependant pas pertinents au regard des faits souverainement constatés86 79 Arrêt attaqué, page 7, avant-dernier alinéa.
80 Idem, page 6, deuxième alinéa.
81 Jugement de première instance (Pièce n° 3 annexée au mémoire en cassation, Pièce n° 11 annexée au mémoire en réponse), page 2, cinquième alinéa, citant la décision de la Commission spéciale de réexamen.
82 Arrêt attaqué, page 6, deuxième alinéa.
83 Jugement de première instance, page 2, antépénultième alinéa, et arrêt attaqué, page 6, deuxième alinéa.
84 Arrêt attaqué, page 4, troisième alinéa.
85 Jugement de première instance, page 4, septième alinéa.
86 Cette prolongation se conçoit pour des chômeurs âgés de cinquante ans accomplis (ce qui est le cas du demandeur en cassation, qui est né en 1958), si des conditions supplémentaires, de durée minimale d’assurance obligatoire à l’assurance pension d’une durée d’au moins vingt, vingt-cinq ou trente ans sont respectés (conditions non pertinentes en cause) (article L. 521-11, paragraphe 3) ou pour des chômeurs particulièrement difficiles à placer (circonstance non constatée en cause) (article L. 521-11, paragraphe 4).
La durée de l’indemnisation est donc au maximum de douze mois, ce qui suppose que le chômeur ait travaillé au cours des douze mois précédant son inscription comme demandeur d’emploi. Suivant les constatations souveraines qui précèdent le demandeur en cassation n’a pas travaillé pendant toute la durée de référence, prévue par l’article L. 521-6, paragraphe 1, alinéa 1, du Code du travail. Dans l’hypothèse la plus favorable, donc à vouloir faire débuter cette période au jour de la perte d’emploi, soit au 30 avril 2009, et à tenir compte de l’article L.
521-11, paragraphe 1, seconde phrase, qui dispose que « les journées de travail dépassant un mois sont à considérer comme mois entier », la durée de travail indemnisable se limite à sept mois87. En tout état de cause, la durée d’indemnisation dont le demandeur en cassation a bénéficié en France, de trois ans et cinq mois, dépasse de loin le maximum légal prévu à Luxembourg.
Il résulte donc des faits souverainement constatés des juges du fond que le demandeur en cassation, qui a épuisé en France ses droits aux indemnités de chômage du fait de la perte d’emploi subie à Luxembourg, aurait également épuisé au regard de l’article L. 521-11 du Code du travail ses droits à Luxembourg, s’il y avait touché les indemnités perçues en France.
Le demandeur en cassation reproche encore aux juges d’appel d’avoir omis de comparer les montants perçus en France à titre d’indemnités de chômage à ceux qu’il aurait pu percevoir à Luxembourg. Ce critère, du montant des indemnités, est étranger à celui, pertinent en cause, de l’épuisement des droits, qui s’apprécie sans égard aux montants perçus antérieurement à cet épuisement. Ce critère est par ailleurs étranger au principe d’assimilation de l’article 5 du règlement 883/2004, qui dispose dans son point a), que « si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale […] produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre Etat membre […] ». De ce point de vue les indemnités de chômage perçues en France constituent, par leur nature et leur objet, des prestations équivalentes à des indemnités de chômage perçues à Luxembourg, sans qu’il ne soit pertinent de s’interroger sur les montants respectivement servis.
Abstraction faite de cette dernière question non pertinente, les juges du fond ont procédé à une exposition complète des faits de nature à vous assurer qu’ils ont pu, sans insuffisance de motifs de fait justificatifs de leur conclusion, retenir que le demandeur en cassation a omis de respecter le critère du non-épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet prévu par l’article L.
521-6, paragraphe 3, du Code du travail, appliqué en exécution du principe d’assimilation prévu par l’article 5 du règlement 883/2004 aux indemnités de chômage complet perçues par le demandeur en cassation en France.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le onzième moyen de cassation Le onzième moyen est tiré de la violation de l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, pris ensemble avec l’article L. 521-11 du même Code, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, pour rejeter l’appel du demandeur en cassation, a retenu que « l’indemnité de 87 Le salarié a travaillé, suivant les constations souveraines des juges du fond, du 27 octobre 2008 au 30 avril 2009, soit 6 mois jusqu’au 27 avril 2009, plus trois jours qui, au regard de l’article L. 521-11, paragraphe 1, seconde phrase, sont à considérer comme un mois entier.
chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »88 sur base de l’article 10 du règlement 883/2004, tout en reprochant au demandeur en cassation de vouloir « contourner les dispositions notamment de l’article L. 521-6 (3) du code du travail en arguant que le chômage touché en France a été payé en raison de la cessation de son contrat de travail et qu’actuellement il sollicite le chômage en relation avec un reclassement, partant deux finalités différentes permettant le cumul »89, alors que l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, en visant l’hypothèse d’un épuisement des droits aux indemnités de chômage, se réfère aux droits aux indemnités de chômage prévues par l’article L. 521-11 du même Code, donc par la législation nationale, à l’exclusion de celles d’un autre Etat membre, dont l’applicabilité constitue cependant la condition nécessaire de celle de l’article 10 du règlement 883/2004, sur lequel les juges d’appel se sont fondés pour rejeter l’appel.
Dans son onzième moyen, le demandeur en cassation critique les juges d’appel d’avoir assimilé, dans le cadre de l’application de la condition de non-épuisement des droits aux indemnités de chômage de l’article L. 521-6, paragraphe 3, du Code du travail, les indemnités perçues par lui à ce titre en France aux indemnités de chômage luxembourgeoises, tant bien même que cet article se réfère à un « épuisement des droits à l’indemnité de chômage complet conformément aux dispositions de l’article L. 521-11 », ce qui impliquerait un renvoi exclusif à ces droits tels qu’ils existent en droit luxembourgeois, à l’exclusion de droits similaires nés dans d’autres Etats membres de l’Union européenne.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du troisième et quatrième moyen, que la prétention du demandeur en cassation à des indemnités de chômage à Luxembourg à la suite de sa perte d’emploi y subie repose sur la prémisse que la période de référence permettant d’apprécier le respect de la condition de stage prévue par l’article L. 521-6 du Code du travail est prorogée, sur base du paragraphe 2 de cet article, de la durée de la période au cours de laquelle il a touché des indemnités de chômage en France à la suite de sa perte d’emploi à Luxembourg. Le demandeur en cassation considère donc que les termes « périodes de chômage indemnisé » prévus par le paragraphe 2, alinéa 2, de l’article sont susceptibles d’inclure une indemnisation de chômage perçue à l’étranger. Pourtant, une lecture littérale du Code obligerait à définir les termes « périodes de chômage indemnisé » comme visant les seules indemnités de chômage prévues et définies par ce Code, donc accordées et servies à Luxembourg. Le demandeur en cassation soutient cependant que, dans le contexte du paragraphe 2 de l’article L. 521-6, les indemnités de chômage perçues en France sont à assimiler à celles perçues à Luxembourg. De façon paradoxale, sinon contradictoire, il s’oppose à une telle assimilation dans le cadre du paragraphe 3 de l’article. A l’appui de cette thèse, il invoque un argument d’interprétation littérale qui obligerait également d’exclure toute assimilation dans le cadre du paragraphe 2.
Le demandeur en cassation a raison de prétendre, dans le cadre du paragraphe 2, à une assimilation des indemnités françaises aux indemnités luxembourgeoises. Cette assimilation est, en effet, imposée par le droit de l’Union européenne sur base de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne consacrée législativement par l’article 5 du règlement 883/2004. Cet article dispose, dans son point a), que « si, en vertu de la législation de l’Etat 88 Arrêt attaqué, page 7, avant-dernier alinéa.
89 Idem, page 6, deuxième alinéa.
membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre Etat membre ou de revenus acquis dans un autre Etat membre ». Il impose donc de conférer aux indemnités de chômage perçues dans un autre Etat membre les mêmes effets juridiques que si ces indemnités avaient été perçues à Luxembourg. Ce principe d’assimilation oblige, dans le cadre du paragraphe 2 de l’article L. 521-6, de conférer aux périodes de chômage indemnisé dans un autre Etat membre les mêmes effets juridiques que ceux conférés à des périodes de chômage indemnisé à Luxembourg, en l’occurrence l’effet de proroger la période de référence de la condition de stage de l’article en question. Il oblige cependant tout autant, dans le cadre du paragraphe 3 du même article, de conférer à l’épuisement des droits à l’indemnité de chômage dans un autre Etat membre les mêmes effets que ceux produits par un épuisement de ces droits à Luxembourg, en l’occurrence l’ouverture, après la fin des droits, d’une nouvelle période de référence de douze mois et, partant, l’impossibilité de bénéficier à nouveau d’indemnités de chômage en raison d’une perte d’emploi déjà indemnisée.
Le principe d’assimilation, imposé par le droit de l’Union européenne, oblige donc à tenir compte des prestations de sécurité sociale perçues dans les autres Etats membres et de leur conférer les effets produits par des prestations équivalentes en droit interne. Il implique à cette fin une application par analogie du droit interne de la sécurité sociale, obligeant de s’écarter d’une interprétation littérale de dispositions qui, par hypothèse, n’envisagent du point de vue formel que les prestations de sécurité sociale servies en droit interne.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le douzième moyen de cassation Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 1350, point 3°, du Code civil, en ce que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a constaté qu’il a, par son arrêt n° 2017/0305 du 6 novembre 2017, dit que le demandeur en cassation remplissait, au moment de la décision de la Commission mixte du 6 septembre 2013, les conditions de l’article L. 551-1, paragraphe 2, du Code du travail, pour bénéficier d’un reclassement externe et en a déduit que « il en résulte que les conditions dans le chef [du demandeur en cassation] pour un reclassement externe étaient, contrairement à ce qui avait été retenu par la commission mixte, remplies à cette date, partant la situation effective et réelle, créatrice de droit au reclassement externe, se situe bien au 6 septembre 2013 »90, sans en déduire que l’ADEM aurait dû constater que le demandeur en cassation respectait les conditions du reclassement externe à la date du 6 septembre 2013, alors qu’ il a ainsi violé l’autorité de la chose jugée de son arrêt n° 2017/0305.
Le demandeur en cassation avait demandé son reclassement professionnel en 2013 et se l’était vu refuser par décision de la Commission mixte de reclassement le 6 septembre 201391. Le Conseil supérieur de la sécurité sociale avait, par arrêt du 6 novembre 2017, déclaré fondé le recours formé contre cette décision92. La Commission mixte de reclassement a accordé le reclassement le 24 novembre 201793. Le demandeur en cassation s’est inscrit le 12 décembre 90 Arrêt attaqué, page 5, deuxième alinéa.
91 Idem, page 2, sous « Rétroactes », premier alinéa.
92 Idem, page 3, premier alinéa.
93 Idem, même page, deuxième alinéa.
2017 à l’ADEM comme demandeur d’emploi et a sollicité l’octroi d’indemnités de chômage complet en relation avec ce reclassement94. Cet octroi a été refusé par l’ADEM95. Sur recours du demandeur en cassation, la Commission spéciale de réexamen, tout en confirmant le refus, a notamment fait valoir que la décision de reclassement du 24 novembre 2017 n’a pas été adoptée avec effet rétroactif au 6 septembre 2013, de sorte qu’elle ne prend effet qu’à partir de 201796 .
Le Conseil supérieur a, dans l’arrêt attaqué, constaté le mal-fondé de cet argument, en retenant, après avoir cité le dispositif de son arrêt du 6 novembre 2017, qu’« il en résulte que les conditions dans le chef [du demandeur en cassation] pour un reclassement externe étaient, contrairement à ce qui avait été retenu par la commission mixte, remplies à cette date, partant la situation effective et réelle, créatrice de droit au reclassement externe, se situe bien au 6 septembre 2013 »97.
Il a cependant rejeté, par confirmation, le recours, en constatant que « indépendamment du fait si la période de référence s’étend maintenant du 11 décembre 2017 au 11 décembre 2016 ou, comme l’entend l’appelant, à partir du moment où la décision du 6 septembre 2013 lui aurait dû attribuer le statut de salarié en reclassement […], toujours est-il que l’appelant […] entend contourner les dispositions notamment de l’article L. 521-6 (3) du code du travail en arguant que le chômage touché en France a été payé en raison de la cessation de son contrat de travail et qu’actuellement il sollicite le chômage en relation avec un reclassement, partant deux finalités différentes permettant le cumul »98 et en retenant que « en l’espèce, l’indemnité de chômage complet payée en France suite à la perte de l’emploi, que cette perte soit liée à un licenciement ou à une incapacité professionnelle, sert, dans les deux hypothèses, à remplacer le salaire perdu afin de subvenir à l’entretien d’une personne, partant, contrairement à l’argumentation de l’appelant, les prestations sont de même nature et le cumul n’est pas possible »99.
Il a donc accepté la thèse du demandeur en cassation, tirée de ce que l’arrêt du 6 novembre 2017 rétroagit au 6 septembre 2013, mais a constaté que le recours devait néanmoins être rejeté parce que les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage ne sont pas réunies même à reconnaître cet effet rétroactif.
Dans son douzième moyen critique les juges d’appel de ne pas avoir retenu que l’ADEM aurait dû constater que le demandeur en cassation respectait les conditions du reclassement externe à la date du 6 septembre 2013, de sorte qu’ils ont ainsi violé l’autorité de la chose jugée de leur arrêt de 2017.
Le moyen méconnaît que les juges d’appel ont retenu que l’ADEM aurait dû constater que le demandeur en cassation respectait les conditions du reclassement externe à la date du 6 septembre 2013 mais que cette circonstance est dépourvue de pertinence pour l’appréciation du bien-fondé du recours.
Il en suit que le moyen manque en fait.
94 Idem, même page, troisième alinéa.
95 Idem, même page, quatrième alinéa.
96 Idem et loc.cit.
97 Idem, page 5, deuxième alinéa.
98 Idem, page 6, deuxième alinéa.
99 Idem, page 7, avant-dernier alinéa.
Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 50