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25/02/2021 | LUXEMBOURG | N°30/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 25 février 2021, 30/21


N° 30 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 25721/19/CD Numéro CAS-2020-00065 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

1) TA), 2) JA), demandeurs en cassation, comparant par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en présence du Ministère

public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 15 mai 2020 sous...

N° 30 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 25721/19/CD Numéro CAS-2020-00065 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

1) TA), 2) JA), demandeurs en cassation, comparant par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 15 mai 2020 sous le numéro 495/20 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Romain BUCCI, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, aux noms de TA) et de JA), suivant déclaration du 8 juin 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Romain BUCCI, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, qui représente aux fins de la présente procédure la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, aux noms de TA) et de JA), suivant déclaration du 9 juin 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice, qui annule et remplace le pourvoi suivant déclaration du 8 juin 2020 ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 10 juin 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, un juge d’instruction du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, par une ordonnance rendue dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile dirigée par TA) et JA) contre Z) et inconnu, refusé l’institution de deux expertises demandées par les parties civiles. Maître Romain BUCCI, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, avait relevé appel de cette ordonnance au nom et pour le compte de Z) par une déclaration au greffe du tribunal.

Le même jour, Maître Georges KRIEGER avait déposé une déclaration d’appel aux noms de TA) et de JA) contre la même ordonnance au greffe de la Cour d’appel. La chambre du conseil de la Cour d’appel a déclaré ces appels irrecevables.

Sur la recevabilité du pourvoi L’article 416 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ; (…).

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».

L’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel est un arrêt d’instruction qui n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur le principe de l’action civile.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne les demandeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 1,75 euro.

2 Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

3 Conclusions du Parquet général dans l'affaire de cassation 1. TA) 2. JA) contre Z) en présence du Ministère Public CAS-2020-00065 (25721/19/CD)

_________________________________

Par déclaration au greffe de la Cour en date du 8 juin 2020, Maître Romain BUCCI, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, tous les deux avocats à la Cour, a formé, au nom et pour le compte de TA) et de JA), un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel n°495/20 du 15 mai 2020.

Le pourvoi a été relevé dans la forme et le délai de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Un mémoire en cassation a été déposé au greffe de la Cour le 10 juin 2020, partant endéans du délai prévu par la prédite loi.

Faits et rétroactes :

Par requête du 24 février 2020, Maître Georges KRIEGER a demandé au juge d’instruction, saisi d’une plainte avec constitution de partie civile des consorts A) contre Z) et inconnu, au nom et pour le compte desdites parties civiles de procéder à l’institution de deux expertises.

Le magistrat instructeur a rejeté ces demandes par une décision du 25 février 2020, notifiée aux requérants.

4 Par déclaration du 28 février 2020 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Maître Romain BUCCI, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, a relevé appel de cette ordonnance au nom et pour le compte de Z).

Une déclaration d’appel a encore été déposée au greffe de la Cour en date du 28 février 2020 par Maître Georges KRIEGER au nom et pour le compte des parties civiles Théo et JA).

Par arrêt du 15 mai 2020, la chambre du conseil de la Cour d’appel a déclaré ces deux appels irrecevables, le premier, faute de mandat spécial conféré par Z) à l’avocat qui a interjeté appel en son nom, et le second, pour ne pas être conforme aux dispositions de l’article 133, paragraphe (5), du Code de procédure pénale.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant à la recevabilité du pourvoi :

L’arrêt attaqué a donc déclaré irrecevables les appels relevés contre une décision du juge d’instruction qui a rejeté une demande en institution de deux devoirs d’instruction, en l’occurrence des expertises.

En vertu de l’article 416 du Code de procédure pénale, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif.

Il ne fait aucun doute que la décision attaquée doit être qualifiée d’arrêt d’instruction au sens de l’article 416, alinéa 1er, du prédit code.

En effet, la catégorie des « arrêts préparatoires et d’instruction » s’applique à toutes les décisions qui n’épuisent pas la juridiction du juge pénal soit sur l’action publique, soit sur l’action civile1. Pour être considérée comme décision définitive au sens de l’article 416, il ne suffit dès lors pas que la décision du juge épuise sa juridiction sur une question litigieuse précise2.

La règle – de l’irrecevabilité des pourvois immédiats dirigés contre les « arrêts préparatoires et d’instruction » – que proclame l’article 416 du Code de procédure pénale, dont le but est d’empêcher que la procédure criminelle soit entravée par des pourvois toujours suspensifs en cette matière3, et qui consiste en ce qu’à part les décisions sur la compétence, le recours en cassation n’est autorisé qu’après l’acquittement ou la condamnation, implique qu’il ne suffit pas que quelque chose soit 1 Marc DE SWAEF, Le pourvoi en cassation en matière pénale aujourd’hui et demain : quelques réflexions pour l’avenir, J.T., 2005, pages 605 et suivantes 2 Idem.

3 Idem, n° 14, page 607.

5 définitivement jugé, mais qu’il faut que la décision à déférer à la Cour de cassation mette réellement fin au litige4.

L’article 416 comprend dans sa généralité tous jugements ou arrêts sur l’instruction d’une affaire par opposition au jugement définitif qui met un terme à la poursuite5, donc toutes décisions qui ne mettent pas fin aux poursuites6.

Sont donc, plus précisément, à considérer comme arrêts préparatoires ou d’instruction toutes les décisions qui mettent le litige en état de recevoir une solution mais sans terminer l’instance, étant précisé qu’une décision termine l’instance soit lorsqu’elle se prononce au fond – acquittement ou condamnation –, soit lorsqu’elle admet une exception d’incompétence ou une autre fin de non-recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause7, la cause étant en l’occurrence l’action publique ou civile et non une simple question litigieuse incidente à ces actions8.

Autrement dit, au sens de l’article 416, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, il y a lieu d’entendre par arrêt ou jugement définitif quant à l’action publique, la décision qui, en statuant sur tout ce qui faisait l’objet de cette action, a épuisé à cet égard la juridiction du juge pénal9.

Tel n’est manifestement pas le cas pour l’arrêt attaqué.

Par exception au principe posé par l’alinéa 1er de l’article 416 précité, l’alinéa 2 du même article dispose qu’un recours immédiat est ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile.

Or, en l’espèce, l’arrêt attaqué rendu par la chambre du conseil de la Cour d’appel, en ce qu’il s’est limité à déclarer irrecevables les appels interjetés contre une décision du juge d’instruction ayant refusé des devoirs d’instruction supplémentaires, n’a ni statué sur une question de compétence, ni sur le principe de l’action civile.

4 Camille SCHEYVEN, Traité pratique des pourvois en cassation, Bruxelles, Bruylant, 2ième édition, 1885, n° 41, page 120.

5 DE SWAEF, mentionné ci-avant, n° 14, page 607, citant l’arrêt de la Cour de cassation belge du 26 octobre 1846 (Pas. belge, 1847, I, 188), qui motiva cette conclusion comme suit : « que cela résulte non seulement de la combinaison de cette disposition avec le paragraphe du même article qui excepte de la règle qu’elle prescrit les jugements et arrêts rendus sur la compétence, mais encore de la combinaison du même article avec l’article 408 du même code, qui détermine les ouvertures de cassation contre les arrêts définitifs rendus en matière criminelle […], et enfin avec tout l’ensemble des dispositions du Code d’instruction criminelle relatives aux demandes en cassation, et qui sont exclusivement applicables aux jugements de condamnation ou d’acquittement ou sur la compétence, ce qui démontrent par là même l’étendue de la règle consacrée par l’article 416 ».

6 Henri-D. BOSLY et Damien VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, 3ième édition, 2003, page 1238.

7 Michel FRANCHIMONT, Ann JACOBS et Adrien MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2ième édition, 2006, page 932.

8 DECLERCQ, mentionné ci-avant, n° 306, page 164.

9 Cour de cassation belge, 19 janvier 2005, n° P041515F du rôle.

6 Par conséquent, le pourvoi formé par les demandeurs en cassation contre l’arrêt du 15 mai 2020 de la chambre du conseil de la Cour d’appel est irrecevable au regard de la nature de la décision attaquée10.

Pour être tout à fait complet, il convient d’ajouter, à titre superfétatoire, que selon la jurisprudence constante de Votre Cour « l’article 416 du Code de procédure pénale n’enfreint pas la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

En effet, l’article 416 du Code de procédure pénale, qui a pour but de prévenir les recours dilatoires par l’interdiction de se pourvoir en cassation contre les décisions préparatoires et d’instruction avant la décision définitive, ceci afin d’assurer une bonne administration de la justice, n’a pas pour effet de priver le demandeur en cassation d’un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales11.

Conclusion Le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d'Etat, le premier avocat général Simone FLAMMANG 10 Voir en ce sens : Cass. 24 octobre 2013, n°55/2013, n°3259 du registre 11 Cf, p.ex., Cass. 6 juin 2013, n°34/2013 ; 28 juin 2012, n°28/2012 ; 15 novembre 2018, n°98/2018, n°4033 du registre 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30/21
Date de la décision : 25/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-02-25;30.21 ?

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