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25/02/2021 | LUXEMBOURG | N°29/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 25 février 2021, 29/21


N° 29 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 27432/17/CD Numéro CAS-2020-00059 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

N), demanderesse en cassation, comparant par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 479/20 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu

le pourvoi en cassation formé par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, au nom de N), ...

N° 29 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 27432/17/CD Numéro CAS-2020-00059 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

N), demanderesse en cassation, comparant par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 479/20 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, au nom de N), suivant déclaration du 14 mai 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 12 juin 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisie d’un réquisitoire du procureur d’Etat aux fins de voir renvoyer la demanderesse en cassation devant une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour y répondre du chef d’infractions de coups et blessures volontaires portés à des personnes qui sont tenues à son égard par des liens de subordination et du chef de coups et blessures volontaires portés à des enfants au-

dessous de l’âge de quatorze ans accomplis, s’était déclarée incompétente pour ordonner au magistrat instructeur un devoir supplémentaire sollicité par la demanderesse en cassation et avait renvoyé celle-ci, après avoir ajouté au libellé du ministère public une circonstance aggravante, devant une chambre criminelle du tribunal. La chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance entreprise.

Sur la recevabilité du pourvoi L’article 416 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ; (…).

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».

Par décisions rendues sur la compétence au sens de l’article 416, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, il faut entendre celles qui statuent sur une contestation de compétence et celles par lesquelles le juge se déclare incompétent à raison de la matière, du lieu ou de la personne.

La chambre du conseil de la Cour d’appel, qui s’était limitée à confirmer l’ordonnance de la chambre du conseil de première instance qui avait renvoyé N) devant une chambre criminelle, n’était pas saisie d’une contestation de la compétence de la chambre criminelle et les juges d’appel n’ont donc pas statué sur une question de compétence.

L’arrêt n’a pas non plus mis fin à l’action publique poursuivie à charge de la prévenue ni statué sur le principe de l’action civile.

Il en suit que le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 22 décembre 2020 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général sur le pourvoi en cassation de N), en présence du Ministère public (Affaire numéro CAS-2020-00059) Par déclaration faite le 14 mai 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de N) contre un arrêt rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 479/20 Ch.c.C par la Chambre du conseil de la Cour d’appel.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 12 juin 2020 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, au nom et pour le compte de N).

Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le demandeur en cassation, demande de voir casser l’arrêt dont pourvoi, - son premier moyen de cassation étant tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 133(7) du code de procédure pénale, combiné à l’article 2(3)3° du règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle, ainsi que de l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH, du principe du contradictoire et du procès équitable, en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel a refusé de tenir audience pour entendre N) en ses arguments de fait et de droit, ni en personne, ni par l’intermédiaire de son mandataire, a pris l’affaire en délibéré sur simple décision administrative et a rendu un arrêt non contradictoire, alors que l’obligation pour la chambre du conseil de la Cour d’appel de fixer audience et de convoquer l’inculpée pour lui permettre de fournir tels mémoires et de faire telles réquisitions verbales ou écrites, droit fondamental, est inhérente au procès équitable qui doit se dérouler de manière contradictoire et en présence de l’inculpé et le cas échéant de son mandataire si tel est le choix de l’inculpée ;

- son deuxième moyen étant tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 6 paragraphe 1 et paragraphe 3 de la CEDH, en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel n’a pas prononcé la nullité de l’ordonnance du 18 décembre 2019, alors que la chambre du conseil en première instance n’avait pas informé l’inculpée d’une éventuelle requalification par la chambre du conseil de délit en crime des faits lui reprochés, alors que la chambre du conseil de première instance avait l’obligation d’informer l’inculpéed’une éventuelle requalification par la chambre du conseil de délit en crime des faits lui reprochés, et a par conséquent privé l’inculpée de faire valoir ses droits par rapport à cette éventuelle requalification ; et - le troisième moyen étant tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation des articles 249 combiné à l’article 587 du NCPC, ainsi que de l’article 6 de la CEDH en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel n’a pas motivé sa décision quant à la prétendue absence de violation des droits de la défense de l’inculpée par la chambre de conseil en première instance alors que l’obligation de motivation des décisions de justice est inhérente au procès équitable.

Il y a de prime abord lieu d’analyser la recevabilité du pourvoi en cassation au regard de l’article 416 du Code de procédure pénale, aux termes duquel « (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif. (2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile. » L’interdiction de se pourvoir en cassation immédiatement et avant la décision définitive contre les décisions préparatoires ou d’instruction a précisément pour but de prévenir des recours dilatoires1.

Cette disposition légale s'applique à toutes les décisions qui n'épuisent pas la juridiction du juge pénal soit sur l'action publique, soit sur l'action civile.

Sont considérées comme arrêts préparatoires ou d’instruction toutes les décisions qui mettent le litige en état de recevoir une solution, mais sans terminer l’instance. Une décision termine l’instance soit lorsqu’elle se prononce au fond - acquittement ou condamnation – soit lorsqu’elle admet une exception d’incompétence ou une autre fin de non-recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause.

En l’occurrence, le pourvoi en cassation est dirigé contre un arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel ordonnant le renvoi de N) devant la chambre criminelle près le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Les arrêts de renvoi relèvent de la catégorie des arrêts d’instruction contre lesquels le recours en cassation n’est ouvert, aux termes de l’article 416, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, qu’après l’arrêt ou le jugement définitif 2.

L’arrêt dont pourvoi n’ayant pas statué définitivement sur l’action publique, le pourvoi est irrecevable sur base de l’article 416, paragraphe 1, du Code de procédure pénale.

Aux termes de l'article 416, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence.

Par décisions rendues sur la compétence au sens de l’article 416, paragraphe 2, du Code de procédure pénale il faut entendre celles par lesquelles la juridiction se prononce sur sa 1 Cour de cassation, arrêt numéro 24/2015 du 20 avril 2015, numéro 3459 du registre 2 Cour de cassation, arrêt numéro 137/2019 du 31 octobre 2019, numéro CAS-2018-00094 du registre compétence en raison de la matière, du lieu ou de la personne pour connaître de l’action publique3.

Pour l’application de cette disposition, la notion de compétence est comprise dans un sens très strict.4 Il y a violation des règles de compétence lorsque le juge empiète sur les attributions d’une autre juridiction pénale, qu’il s’approprie ainsi la compétence d’un autre juge.5 Suivant la jurisprudence de la Cour de cassation belge, il n’y a contestation de compétence au sens de l’article 416, alinéa 2 du Code d’instruction criminelle belge :

- que lorsque le juge empiète sur les attributions d’un autre juge,6 - que lorsqu’il est allégué qu’un juge s’est arrogé la compétence d’un autre juge, de telle sorte qu’il peut en résulter un conflit de juridiction auquel seul un règlement de juges peut mettre fin »7.

Suivant une formule devenue habituelle, la Cour de cassation belge définit la portée de l’article 416, alinéa 2, en ce sens que, pour l’application de cette disposition, sont rendus sur la compétence les arrêts et jugements qui statuent sur une contestation soulevée par une des parties et portant sur la compétence de la juridiction saisie, de même que ceux par lesquels le juge se déclare d’office incompétent,8 provoquant ainsi un conflit de juridiction qui entrave le cours de la justice et ne peut prendre fin que par un règlement de juges.9 Votre Cour a rejoint la Cour de cassation belge dans son interprétation de la notion de la décision « rendue sur la compétence » et a retenu que « par décisions rendues sur la compétence au sens de l’article 416 paragraphe 2, du Code d’instruction criminelle, il faut entendre celles qui statuent sur une contestation de compétence et celles par lesquelles le juge se déclare incompétent, à raison de la matière, du lieu ou de la personne »10.

En l’occurrence la demanderesse en cassation, qui ne fait pas valoir que l’arrêt attaqué relève de ceux qui ont été « rendus sur la compétence », n’a pas formulé de contestation ni quant à la compétence de la chambre du conseil pour procéder au règlement de la procédure, ni quant à la compétence en tant que telle de la chambre criminelle pour connaître de faits au sens de l’article 401bis alinéa 3 du Code pénal11. Attribuant à la chambre du conseil le droit et même l’obligation de requalification des faits, le cas échéant de crime en délits, la demanderesse en cassation critique l’absence d’information préalable par la chambre du conseil de l’inculpée sur la requalification envisagée. Le reproche est dès lors étranger à toute question de compétence.

3 cf. à titre illustratif op.cit.

4 cf. conclusions de Monsieur le 1ier avocat général John PETRY dans l’affaire de cassation n° 03/2009, n° 2649 du registre, 5 DECLERCQ R. Cassation en matière répressive, Edition Bruylant 2006, n° 346 dans op.cit 6 Cour de cassation belge, 2ème chambre, 14 avril 2015, Pas. 2015/4 no 249, de même Cour de cassation belge (ch. vac.) 23 juillet 1991, Pas. I, 1991, p. 945 7 conclusions de Monsieur l’avocat général LOOP R, avant l’arrêt de la Cour de cassation belge, 2ème chambre, 12 janvier 2011, (RG P.10.1671.F), Pas. 2011, n° 27, p. 108-109 8 DECLERCQ R. Cassation en matière répressive, Edition Bruylant 2006, n° 348 et 349 9 Cour de cassation belge, 4 décembre 2007, (RG P.07.1163N) 10 Cour de cassation n° 03/2009 pénal du 15 janvier 2009, n° 2649 du registre 11 soit des faits susceptibles de constituer le crime de coups et blessures volontaires à un enfant en-dessous de l’âge de 14 ans accomplis par les parents légitimes, naturels ou adoptifs ou autres ascendants légitimes ou toutes autres personnes ayant autorité sur l’enfant ou ayant sa garde s’il y a eu préméditation et maladie ou incapacité de travail ;Ainsi, la chambre de conseil de la Cour d’appel, en confirmant la décision de règlement, n’a pas rendu une décision sur la compétence au sens de l’article 416, paragraphe 2, du Code de procédure pénale.

L’arrêt attaqué n’ayant statué ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et n’ayant pas statué sur une question de compétence, le pourvoi est dès lors à déclarer irrecevable au titre de l’article 416 du Code de procédure pénale.

Le pourvoi ne passant pas le cap de la recevabilité, il n’y a pas lieu d’examiner autrement les moyens de cassation.

Conclusion :

Le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d’Etat l’avocat général Monique SCHMITZ 7



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 25/02/2021
Date de l'import : 27/02/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 29/21
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-02-25;29.21 ?

Source

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