La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/2021 | LUXEMBOURG | N°02/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 14 janvier 2021, 02/21


N° 02 / 2021 pénal du 14.01.2021 Not. 10078/11/CD + 15545/18/CD Numéro CAS-2020-00025 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze janvier deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 22 janvier 2020 sous le n

uméro 26/20 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant...

N° 02 / 2021 pénal du 14.01.2021 Not. 10078/11/CD + 15545/18/CD Numéro CAS-2020-00025 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze janvier deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg, prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 22 janvier 2020 sous le numéro 26/20 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, au nom de X, suivant déclaration du 13 février 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 24 février 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné X du chef de menaces verbales d’attentat à l’égard de son épouse et de coups et blessures volontaires ayant causé une incapacité de travail personnel à une peine d’emprisonnement et à une peine d’amende, tout en l’acquittant des préventions de vol à l’aide d’effraction, de blanchiment-détention et d’association de malfaiteurs. La Cour d’appel, après avoir retenu également les infractions de vol à l’aide d’effraction et de blanchiment-

détention à charge du prévenu, a augmenté la durée de la peine d’emprisonnement et a confirmé le jugement pour le surplus.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l'article 175 du code de procédure pénale et de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la convention européenne de Sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après ConvEDH) L'article 175 du code de procédure pénale dispose que L'article 6 de la ConvEDH dispose dans son premier paragraphe que En vertu du troisième paragraphe de l'article 6 de la ConvEDH, En première instance et après avoir pris en compte l'ensemble des éléments de preuve présentés à l'audience, la juridiction de première instance a acquitté le demandeur en cassation des préventions de vol avec effraction par jugement du 11 juillet 2019 (n°1899/2019), en estimant .

La cour d'appel, pour sa part, l'a condamné du chef de la même infraction, sans pour autant réentendre les témoins, à savoir Monsieur le commissaire S), Monsieur M) de la police technique, ainsi que Madame L) en sa qualité de gérante de la station.

Ainsi, la conclusion des premiers juges que la culpabilité du demandeur en cassation n'était pas établie à l'exclusion de tout doute, a été renversée par l'arrêt prononcé par la chambre correctionnelle de la cour d'appel, alors que, lors de cetteaudience, seul le prévenu fut entendu, aucune déclaration de témoin n'a été lue à l'audience et qu'aucun témoin n'a été cité ou entendu.

Pour cette raison, le demandeur en cassation estime que son droit à un procès équitable, tel que prévu par l'article 6 de la ConvEDH, n'a pas été respecté par la juridiction d'appel.

Bien que l'article 175 du Code de procédure pénale prévoit que les témoins peuvent être entendus à la demande d'une des parties ou du procureur impérial d'Etat, cette disposition est à interpréter à la lumière de l'article 6 §§ 1 et 3 d de la ConvEDH et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-

après CourEDH).

Dans le même ordre d'idées, il serait contraire au droit à un procès équitable de limiter la déposition des témoins aux seules hypothèses lorsque celles-ci ont été expressément requises par le procureur ou une des parties.

Une telle interprétation contreviendrait au droit au respect réel et effectif du double degré de juridiction, à savoir au droit de toute personne que sa cause soit entendue équitablement, cela aussi bien en première qu'en seconde instance.

Ainsi, le demandeur en cassation estime qu'il appartenait à la chambre correctionnelle de la cour d'appel de et à Luxembourg de ré-examiner l'affaire en fait et en droit, ce qui sous-entend la convocation des témoins cités en première instance, dont les déclarations furent d'ailleurs prises en compte par les premiers juges pour fonder l'acquittement du demandeur en cassation et par les juges d'appel, a contrario, sa condamnation.

Le raisonnement du demandeur en cassation est d'ailleurs conforme à celui de la jurisprudence constante sur cette problématique de la CourEDH.

Ainsi, dans son arrêt MANOLACHI contre Roumanie du 5 mars 2015 (requête n°36605/04), la CourEDH a estimé dans son paragraphe 49, qu'en cas de substitution d'une décision de condamnation à une décision initiale d'acquittement sans disposer de données nouvelles, la possibilité pour le prévenu de se confronter avec un témoin en la présence du juge appelé à statuer en dernier lieu sur l'accusation, est une garantie d'un procès équitable, dans la mesure où les observations du juge en ce qui concerne la crédibilité d'un témoin peuvent avoir des conséquences pour le prévenu.

Il échet de constater que dans le cas d'espèce, la cour d'appel ne disposait pas de données nouvelles, de sorte les deux affaires sont parfaitement similaires.

De plus, le demandeur invoque au soutien de ses prétentions l'interprétation par la CourEDH de l'article 6 de la ConvEDH, notamment, dans son jugement HANU C ROUMANIE du 4 juin 2013 et se permet d'en reproduire ci-dessous les §§ 38 à 42 :

A titre d'illustration supplémentaire, le demandeur en cassation se permet de citer, en outre la décision FLUERAŞ c. Roumanie du 9 avril 2013, (requête n°17520/04) :

Comme démontré ci-dessus, la jurisprudence, d'ailleurs constante, de la CourEDH estime qu'en cas de condamnation en instance d'appel d'un prévenu fondée sur les mêmes preuves testimoniales qui ont servi à prononcer son acquittement en première instance, l'équité de la procédure exige que les témoins soient réentendus.

La juridiction est donc dans l'obligation de prendre des mesures positives lui permettant de procéder à une nouvelle appréciation des preuves pour réexaminer l'affaire en fait et en droit, en l'occurrence de réentendre les témoins. Cette obligation vaut indépendamment de la question de savoir si le prévenu ou le procureur l'ont requis ou pas.

Or, à aucun moment le demandeur en cassation n'a eu l'occasion de bénéficier en instance d'appel de la faculté de pouvoir réentendre et interroger les témoins.

Partant, le procès du demandeur en cassation n'a pas revêtu un caractère équitable dans son ensemble tel que cela est exigé par l'article 6 § 1 de la ConvEDH.

Il s'en suit de ce qui précède que le requérant demande à votre haute juridiction, la cassation partant l'annulation de l'arrêt le condamnant, pour violation de l'article 6 § 1 et 6 § 3 d), de la ConvEDH.

Il s’en suit de ce qui précède que le requérant demande à votre haute juridiction, la cassation partant l’annulation de l’arrêt le condamnant, pour violation de l’article 175 du Code de procédure pénale et de l’article 6 § 1 et 6 § 3 d) de la ConvEDH. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation de la pertinence d’une nouvelle audition des témoins entendus par la juridiction de première instance, non sollicitée par le demandeur en cassation, malgré l’appel général du ministère public, par les juges du fond, qui ont considéré que les éléments de preuve matériels au dossier, à savoir les constatations policières, les empreintes dactyloscopiques, une trace ADN, considérés ensemble les explications divergentes fournies par le demandeur en cassation, étaient suffisants pour emporter leur conviction quant à la culpabilité de X et qui ont fait abstraction des déclarations desdits témoins, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne X aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,25 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quatorze janvier deux mille vingt-et-un, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X en présence du Ministère Public (n° CAS-2020-00025 du registre)

________________________________________________________________________

Par déclaration faite le 13 février 2020 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma un recours en cassation au nom et pour le compte de X, né le (…) à (…), contre un arrêt rendu le 22 janvier 2020 sous le numéro 26/20 X. par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours fut suivie en date du 24 février 2020 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Roby SCHONS, avocat à la Cour, au nom et pour le compte de X.

Le pourvoi respecte le délai d’un mois courant à partir du prononcé de la décision attaquée dans lequel la déclaration de pourvoi doit, conformément à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, intervenir. Il respecte en outre le délai d’un mois, prévu par l’article 43 de la loi du 18 février 1885, dans lequel la déclaration du pourvoi doit être suivie du dépôt du mémoire en cassation.

Conformément à l’article 43 de la loi précitée, ce mémoire a été signé par un avocat à la Cour, précise les dispositions attaquées de l’arrêt et contient des moyens de cassation.

Le pourvoi est donc recevable.

Faits et rétroactes :

Par jugement n°1899/2019 du 11 juillet 2019 rendu contradictoirement par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, X a été condamné, du chef de menaces verbales d’attentat à l’égard de son épouse ainsi que de coups etblessures volontaires ayant causé une incapacité de travail personnel, à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre mois ainsi qu’à une amende de 1.000 euros. Le même jugement l’a cependant acquitté des préventions de vol à l’aide d’effraction, de blanchiment-détention et d’association de malfaiteurs que le ministère public lui reprochait d’avoir commis le 14 mars 2011.

Sur appel de X et du procureur d’Etat de Luxembourg, la Cour d’appel, dixième chambre a, par un arrêt n°26/20 X. rendu le 22 janvier 2020, déclaré les appels recevables et celui du ministère public fondé, en retenant, par réformation du jugement entrepris, également les préventions de vol à l’aide d’effraction et de blanchiment-détention à charge du prévenu et en portant la peine d’emprisonnement à trente mois, tout en confirmant le jugement pour le surplus.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier et unique moyen de cassation :

« tiré de la violation de l’article 175 du Code de procédure pénale et de l’article 6 §§ 1 et 3d) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Le moyen vise uniquement la partie de l’arrêt attaqué contenant la décision de la Cour d’appel de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a acquitté l’actuel demandeur en cassation des préventions de vol à l’aide d’effraction et de blanchiment-détention et de retenir ces infractions à sa charge.

Il fait grief aux magistrats d’appel d’avoir retenu la culpabilité de ce chef de l’actuel demandeur en cassation, sans avoir procédé à une nouvelle audition des témoins entendus en première instance et d’avoir ainsi violé son droit à un procès équitable, au vœu de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en contrevenant ainsi à cette norme de droit supranational, mais aussi à l’article 175 du Code de procédure pénale.

A l’appui de son moyen, le demandeur en cassation soutient que même en l’absence de demande en ce sens, formulée soit par le ministère public, soit par la défense, il aurait appartenu d’office à la Cour d’appel de faire convoquer les mêmes témoins qu’en première instance et il cite à cet égard plusieurs décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’article 175 du Code de procédure pénale dispose ainsi :

« Lorsque, sur l’appel, le procureur impérial (d’Etat) ou l’une des parties requerra, les témoins pourront être entendus de nouveau, et il pourra en être entendu d’autres. ».

Selon ladite disposition, les juges du fond ont la faculté d’ordonner la ré-audition de témoins ou l’audition de nouveaux témoins. Ils n’en ont pas l’obligation.

De même, l’article 14§5 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996 et l’article 2 du Protocole 7 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoient seulement le « droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation»1 et non le droit pour la personne déclarée coupable à ce que la juridiction supérieure procède de nouveau en appel à une instruction complète avec une nouvelle audition des témoins entendus en première instance.

L’article 6 § 3 d) de la Convention européenne des droits de l’homme, pour sa part, consacre le droit de tout accusé d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, cette garantie constituant un élément essentiel du procès équitable.

Le droit consacré par l’article 6 § 3 d) de la Convention européenne des droits de l’homme n’est cependant pas un droit à caractère absolu. Cette disposition ne prive pas le juge national du droit d'apprécier souverainement, en fait, si un témoin tant à charge qu'à décharge doit encore être entendu pour former sa conviction.2 Le juge peut refuser de convoquer un témoin désigné par la défense, lorsque l’audition de ce témoin n’est pas de nature à aider à la manifestation de la vérité, à condition de motiver sa décision.3 Il est donc admis que l’article 6 § 3 d) de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas pour but de donner au prévenu le droit de faire citer des témoins sans aucune restriction et ne requiert pas davantage la présence et l’audition de chacun des témoins dont le prévenu souhaite la déposition. Le prévenu ne bénéficie dès lors ni du droit d’obtenir la convocation de n’importe quelle personne, et notamment de celles qui ne seraient pas en mesure, par leurs déclarations, de favoriser la manifestation de la vérité, ni d’obtenir l’audition à l’audience de tout témoin entendu avant la saisine de la juridiction de jugement.

Les droits de la défense et le droit garanti par l’article 6 § 3 d) de la Convention européenne des droits de l’homme ne privent en effet pas le juge du fond du pouvoir d’apprécier souverainement, « sous réserve des droits de la défense » et « dans la mesure compatible avec la notion de procès équitable », la nécessité et l’opportunité de procéder à la réalisation d’un devoir d’instruction complémentaire ou de procéder à l’audition d’un témoin à charge ou à décharge.4 La non audition d’un témoin sollicitée par la défense n’emporte la méconnaissance de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’en cas de circonstances exceptionnelles.5 1 Souligné par la soussignée 2Cass. 6 janvier 2000, n° 4/00 ; Cass. belge sect. fr. 2e chambre 8 avril 1998, n° J C98481_4 ; n° rôle P971692F 3 Cass. 22 janvier 1998, n° 1/98 pénal ; Cass belge, sect. néerl. 2e chambre, 22 juin 1999, n° JC996M3_3, n° rôle P990716N ; R.P.D.B., complément VII, convention européenne des droits de l’homme, n° 610 et suiv. par J. Velu.

4 cf. Franklin KUTY, Justice pénale et procès équitable, volume 2, n°1967 5 Franklin KUTY, Justice pénale et procès équitable, volume 2, n°1968 La tâche que la Convention européenne des droits de l’homme attribue à la Cour européenne consiste partant à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable.6 Il en est de même de l’article 6 §1 de ladite Convention, qui ne garantit pas explicitement le droit de citer des témoins, la procédure envisagée dans son ensemble, devant cependant être équitable au sens de l’article 6 §1.7 Dans cette logique d’un droit à l’interrogation de témoins à décharge ne constituant qu’un, parmi de nombreux autres, critère du caractère équitable de la procédure, qui se détermine non par la prise en considération isolée de tel ou tel critère, mais à partir d’une appréciation d’ensemble de la procédure, il ne saurait étonner que la Cour européenne des droits de l’homme décide que « l’article 6 § 3 d) de la Convention n’exige pas la convocation et l’interrogation de tout témoin à décharge »8, et qu’elle laisse aux juridictions nationales le soin de juger d’une offre de preuve par témoins.9 La Cour européenne des droits de l’homme ajoute, au sujet du droit de l’accusé de faire entendre des témoins à décharge, qu’il « ne suffit pas à un accusé de se plaindre de ne pas avoir pu interroger certains témoins. Encore faut-il qu’il étaye sa demande d’audition de témoins en en précisant l’importance et que cette audition soit nécessaire à la manifestation de la vérité.»10 Il faut donc « qu’il rende vraisemblable que la convocation dudit témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l’interroger a causé d’un préjudice aux droits de la défense. »11.

Il s’y ajoute qu’en l’espèce, ni l’actuel demandeur en cassation, ni son défenseur n’ont sollicité une nouvelle audition de témoins en instance d’appel. Même après avoir entendu le réquisitoire du représentant du parquet général, demandant la condamnation du prévenu, par réformation du jugement entrepris, des préventions de vol aggravé et de blanchiment-

détention, l’actuel demandeur en cassation n’a formulé aucune demande en ce sens, alors qu’il aurait eu cette possibilité, ayant eu la parole en dernier12.

Par ailleurs, il résulte de l’arrêt entrepris que la Cour d’appel n’a pas fondé sa décision de retenir la culpabilité de l’actuel demandeur en cassation du chef des préventions de vol et de blanchiment sur base de preuves de nature testimoniale, mais sur d’autres moyens de preuve, à savoir l’exploitation des images des caméras de surveillance de la station-service, les empreintes digitales du prévenu retrouvées sur la porte d’entrée forcée, les traces d’ADN du prévenu découvertes à l’intérieur du local dans lequel le vol a été commis ainsi 6 CourEDH, arrêt Edwards 16 décembre 1992, série A n° 247-B, pp. 34-35, par. 34 7 Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, § 31 8 Arrêt Guilloury c. France, mentionné ci-avant, § 55.

9 Cour européenne des droits de l’homme, 6 mai 2003, Perna c. Italie [G.C.], n° 48898/99, § 29, citant l’arrêt Vidal c.

Belgique, mentionné ci-avant, § 33.

10 Arrêt Perna c. Italie, mentionné ci-avant, § 29, citant les arrêts Engel et autres c. Pays-Bas, du 8 juin 1976, série A n° 22, pp. 38-39, § 91, et Bricmont c. Belgique, du 7 juillet 1989, série A n° 158, p. 31, § 89.

11 Arrêt Guilloury c. France, mentionné ci-avant, § 55, citant la décision Erich Priebke c. Italie, n° 48799/99, du 5 avril 2001.

12 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 6que finalement les explications et dénégations variables du prévenu quant à la présence de ces traces sur le lieu des infractions13.

Or, étant donné que les magistrats d’appel n’ont pas appuyé la décision critiquée sur la preuve testimoniale, l’on ne saurait raisonnablement leur reprocher de ne pas avoir procédé à une nouvelle audition de témoins.

En réalité, sous le couvert de la violation des textes cités au moyen, le demandeur en cassation ne tend qu’à remettre en cause la libre appréciation, par les juges du fond, de la pertinence d’une mesure d’instruction supplémentaire, de surcroît non sollicitée, ainsi que de la valeur des éléments de preuve déjà collectés, qui relève de leur pouvoir souverain et qui échappe au contrôle de Votre Cour14.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable mais il n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 13 Arrêt attaqué, pages 12, 13, 14, 15 et 16 14 Voir en ce sens, par exemple, Cass. 24 janvier 2019, n°12/2019 pénal, n°4076 du registre 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/21
Date de la décision : 14/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-01-14;02.21 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award