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19/11/2020 | LUXEMBOURG | N°152/20

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 novembre 2020, 152/20


N° 152 / 2020 pénal du 19.11.2020 Not. 35303/16/CD Numéro CAS-2019-00173 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf novembre deux mille vingt, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de :

Y, demeurant à (…), défendeur en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 5 novembre 2019 sous le numé

ro 932/19 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvo...

N° 152 / 2020 pénal du 19.11.2020 Not. 35303/16/CD Numéro CAS-2019-00173 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, dix-neuf novembre deux mille vingt, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, et de :

Y, demeurant à (…), défendeur en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 5 novembre 2019 sous le numéro 932/19 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Nicolina BORDIAN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître André LUTGEN, avocat à la Cour au nom d’X, suivant déclaration du 5 décembre 2019 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 23 décembre 2019 par X à Y, déposé le 3 janvier 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait dit non fondée la requête en nullité introduite par A) contre une ordonnance de perquisition au siège de la société SOC1) émise par un juge d’instruction dans le cadre d’une instruction dirigée notamment contre A) et X du chef d’injure et de calomnie, sinon de diffamation, d’infraction à l’article 5 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée et de coups et blessures volontaires, sinon involontaires, à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par Y. La chambre du conseil de la Cour d’appel a déclaré l’appel d’X contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg irrecevable.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée L’article 416 du Code de procédure pénale dispose :

« (1) Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ; (…).

(2) Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l’action civile. ».

L’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel, qui a refusé d’annuler une ordonnance de perquisition émise dans le cadre d’une instruction judiciaire est un arrêt d’instruction qui n’a statué ni sur une question de compétence, ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et contre lequel le recours en cassation n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif.

Il en suit que le pourvoi du demandeur en cassation est irrecevable en application des dispositions de l’article 416 du Code de procédure pénale.

Le demandeur en cassation conclut néanmoins à la recevabilité de son pourvoi en cassation et soulève deux exceptions à l’interdiction de se pourvoir immédiatement contre les arrêts préparatoires et d’instruction prévue à l’article 416 du Code de procédure pénale, à savoir, d’une part, l’excès de pouvoir commis par le juge et, d’autre part, lorsque la décision attaquée ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale.

L'excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d'une règle d'ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité.

Le demandeur en cassation soulève deux moyens de cassation, le premier, tiré de la violation de l’article 133 du Code de procédure pénale et d’un excès de pouvoir négatif et, le second, tiré d’une violation de l’article 89 de la Constitution pour défaut de réponse aux moyens de l’appelant équivalant à un défaut de motivation et une omission de statuer.

Les reproches formulés par le demandeur en cassation ne rentrent pas dans la définition de l'excès de pouvoir.

Quant au reproche que la décision attaquée ne satisferait pas aux conditions essentielles de son existence légale, le demandeur en cassation ne fournit aucun motif mettant en cause une des conditions essentielles de l’existence légale de la décision attaquée.

Il en suit que le pourvoi en cassation est également irrecevable sur ces bases.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne X aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 4 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-neuf novembre deux mille vingt, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Anne-Françoise GREMLING, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X en présence du Ministère public (Affaire numéro CAS-2019-00173 du registre)

______________________

Par déclaration faite le 5 décembre 2019 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Nicolina BORDIAN, avocat à la Cour, en remplacement de Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, les deux demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de X, un recours en cassation contre un arrêt N° 932/19 Ch.c.C. rendu le 5 novembre 2019 par la Chambre du conseil de la Cour d’appel.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 3 janvier 2020 du dépôt d’un mémoire en cassation, qui a été signifié en date du 23 décembre 2019 à la partie civile Y.

Le pourvoi a été déclaré dans les forme et délais de la loi. De même le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation a été déposé dans les formes et délais y imposés.

Le pourvoi est donc recevable quant à la pure forme et aux délais.

La partie civile Y n’a pas déposé de mémoire en réponse.

Quant aux faits Suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée par Y en date du 23 décembre 2016, le Ministère public a requis le 1er février 2017, l’ouverture d’une instruction judiciaire contre « inconnu(s) » du chef d’injure et de calomnie, sinon de diffamation, d’infraction à l’article 5 de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la vie privée, ainsi que de coups et blessures volontaires, sinon involontaires.

Dans le cadre de cette instruction, le juge d’instruction a rendu le 6 mars 2019 une ordonnance tendant à une perquisition dans les locaux de presse de la SOC1) S.A.

Suivant procès-verbal de police n° SPJ21-CP-IP-2019-58883-56 du 12 mars 2019,cette ordonnance a été exécutée le 12 mars 2019 et a donné lieu à la saisie « d’une copie du rapport de l’audit qui a été fait en interne au sujet de l’affaire « Y ».

Par requête déposée le 23 avril 2019, A) a demandé à la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg d’annuler « l’ordonnance sous la notice 35303/16/CD du 6 mars 2019 ordonnant une perquisition aux siège et dépendance de la société SOC1) S.A., établie et ayant son siège social à (…), pour y rechercher et saisir une copie du rapport de l’audit qui a été fait en interne au sujet de l’affaire « Y », c’est-à-dire au sujet de la préparation et de la diffusion des différents reportages qui ont été diffusés en relation avec l’interview de Monsieur Y en date du 13 septembre 2016 par la journaliste B)». Il a demandé encore à « voir annuler tous les actes de procédure subséquents qui ont été posés à la suite et en conséquence de ces actes nuls ».

A l’audience du 21 mai 2019 de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, lors de laquelle il a été plaidé sur la recevabilité et le bien-fondé de cette requête, ont été entendues les parties A), B), X, SOC1) S.A., C), D), la partie civile Y et le représentant du Ministère public.

Par ordonnance N° 1097/19 du 31 mai 2019, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a déclaré que D), B) et C) sont à considérer comme tiers intéressés au sens de l’article 126 (4) du Code de procédure pénale et a déclaré recevable mais non fondée la requête en nullité déposée par A).

Les parties A), X, SOC1) S.A. et C) ont relevé appel de cette ordonnance.

A l’audience du 14 octobre 2019 de la chambre du conseil de la Cour d’appel, les mêmes parties qu’en première instance ont été entendues.

Par arrêt N° 932/19 Ch.c.C. du 5 novembre 2019, la chambre du conseil de la Cour d’appel a déclaré irrecevables les appels de la société anonyme SOC1) S.A., d’X et de C), a déclaré recevable l’appel de A) mais l’a dit non fondé.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant à la recevabilité du pourvoi Aux termes de l'article 416 du Code de procédure pénale, le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d'instruction ou les jugements en dernier ressort de cette qualité n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif. Le recours en cassation est toutefois ouvert contre les arrêts et jugements rendus sur la compétence et contre les dispositions par lesquelles il est statué définitivement sur le principe de l'action civile.

L’interdiction de se pourvoir en cassation immédiatement et avant la décision définitive contre les décisions préparatoires ou d’instruction a précisément pour but de prévenir des recours dilatoires1.

Cette disposition légale s'applique à toutes les décisions qui n'épuisent pas la juridiction du juge pénal soit sur l'action publique, soit sur l'action civile. Pour être considérée comme décision définitive au sens de l'article 416, il ne suffit dès lors pas, que la décision du juge épuise sa juridiction sur une question litigieuse précise.

Sont considérées comme arrêts préparatoires ou d’instruction toutes les décisions qui mettent le litige en état de recevoir une solution, mais sans terminer l’instance.

Une décision termine l’instance soit lorsqu’elle se prononce au fond - acquittement ou condamnation – soit lorsqu’elle admet une exception d’incompétence ou une autre fin de non-recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause.

En l’occurrence, le demandeur en cassation a introduit un pourvoi contre la partie du dispositif de l’arrêt entrepris qui a déclaré son appel dirigé contre l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg irrecevable.

Etant donné que l’arrêt attaqué n’a statué ni définitivement sur l’action publique ou sur le principe d’une action civile et n’a d’ailleurs pas statué sur une question de compétence2, le pourvoi est dès lors à déclarer irrecevable au titre de l’article 416 du Code de procédure pénale.

Le demandeur en cassation conclut néanmoins à la recevabilité de son recours, d’une part, en tant que pourvoi en cassation-nullité pour cause d’excès de pouvoir, et, d’autre part, au motif que la décision attaquée ne satisferait pas aux conditions essentielles de son existence légale.

En ce qui concerne le pourvoi en cassation-nullité pour cause d’excès de pouvoir En ce qui concerne le pourvoi en cassation-nullité pour cause d’excès de pouvoir, le soussigné renvoie aux conclusions de Madame l’avocat général Sandra KERSCH en date du 26 mars 2019 dans une affaire ayant mené à votre arrêt N° 86/2019 pénal du 23 mai 2019 (Numéro CAS-2018-00079) :

« Même si la loi modifiée du 18 février 1985 sur les pourvois et la procédure en cassation n’ouvre pas expressément la voie du pourvoi en cassation-nullité pour excès de pouvoir aux parties, Votre Cour a eu l’occasion de se prononcer 1 Cour de cassation, arrêt numéro 24/2015 du 20 avril 2015, numéro 3459 du registre 2 Dans ce sens : Cour de cassation, arrêt no 107 / 2011 pénal, du 20 octobre 2011, numéro 2946 du registre :

pourvoi dirigé contre la partie du dispositif de l’arrêt de la chambre du conseil de la Cour d’appel ayant confirmé l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement qui a renvoyé les demandeurs en cassation devant le tribunal correctionnel, déclaré irrecevable au titre de l’article 416 du Code de procédure pénalesur leur recevabilité. Le parquet général renvoie à cet effet aux arrêts numéros 55/2012 pénal (numéro 3098 du registre) du 6 décembre 2012, 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015, 29/2015 pénal (numéro 3503 du registre) du 11 juin 2015, 9/2016 pénal (numéro 3588 du registre) du 18 février 2016, 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016, ainsi que 11/2018 pénal (numéro 4030 du registre) du 1er mars 2018.

Vous avez retenu « que l’excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité. » Vous en avez déduit que ne rentrent pas dans la définition de l’excès de pouvoir les reproches suivants :

- d’une violation de la loi3, et plus particulièrement de règles de procédure 4, - d’une violation de l’article 89 de la Constitution5, - d’une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales6 . ».

Dans votre arrêt précité du 23 mai 20197, vous avez de plus retenu que ne rentrent pas dans la définition de l’excès de pouvoir les reproches suivants :

-L’abstention de procéder à l’examen moral de l’infraction d’abus de bien sociaux dans le cadre de l’appréciation des charges suffisantes pour ordonner le renvoi, -le défaut de réponse à conclusions quant à l’appréciation du même élément moral, -le refus d’ordonner des devoirs supplémentaires.

Dans le présent pourvoi, le demandeur en cassation formule deux moyens de cassation :

3 Cour de cassation arrêt no 55/2012 pénal (numéro 3098 du registre) du 6 décembre 2012, Cour de cassation, arrêt no 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015 4 Cour de cassation arrêt no 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016 5 Cour de cassation, arrêt no 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015, Cour de cassation, arrêt no 9/2016 pénal (numéro 3588 du registre) du 18 février 2016 6 Cour de cassation, arrêts nos 34/2013 pénal (numéro 3210 du registre) du 6 juin 2013, 24/2015 pénal (numéro 3459 du registre) du 30 avril 2015, 29/2015 pénal (numéro 3503 du registre) du 11 juin 2015, 32/2016 pénal (numéro 3688 du registre) du 14 juillet 2016 7 Cour de cassation arrêt no 86/2019 pénal (numéro CAS-2018-00079 du registre) du 23 mai 2019-le premier tiré de la violation de l’article 133 du Code de procédure pénale et d’un excès de pouvoir négatif, -le deuxième tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution pour défaut de réponse « aux moyens » de l’actuel demandeur en cassation équivalent à un défaut de motivation.

Il résulte de la jurisprudence indiquée ci-dessus qu’aucun des deux moyens de cassation formulés ne rentre dans la définition de l’excès de pouvoir.

En effet, aucun des deux moyens ne vise « la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité », ce qui exclut le cas de figure de l’excès de pouvoir à la base du pourvoi en cassation-nullité.

Le pourvoi est dès lors irrecevable en tant que pourvoi en cassation-nullité.

La décision attaquée ne satisferait pas aux conditions essentielles de son existence légale.

Il ne résulte pas non plus de la décision attaquée que les conditions essentielles à son existence légale ne soient pas données, de telle sorte que les restrictions à l’ouverture du pourvoi en cassation en matière d’instruction ne s’appliqueraient pas.

Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable.

Conclusion Le pourvoi est irrecevable.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Serge WAGNER 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 152/20
Date de la décision : 19/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2020-11-19;152.20 ?

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