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17/10/2019 | LUXEMBOURG | N°128/2019

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 17 octobre 2019, 128/2019


N° 128 / 2019 du 17.10.2019. Numéro CAS-2018-00058 du registre. Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept octobre deux mille dix-neuf.

Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation,
Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation,
Isabelle JUNG, avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre: A), demeurant à (...), dema

ndeur en cassation, comparant par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour, en l’étude duquel ...

N° 128 / 2019 du 17.10.2019. Numéro CAS-2018-00058 du registre. Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept octobre deux mille dix-neuf.

Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation,
Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation,
Isabelle JUNG, avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre: A), demeurant à (...), demandeur en cassation, comparant par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et: B), demeurant à ( ...), défenderesse en cassation, comparant par Maître Christian GAILLOT, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 75/18, rendu le 18 avril 2018 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 27 juillet 2018 par A) à B), déposé le 30 juillet 2018 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 20 septembre 2018 par B) à A), déposé le 25 septembre 2018 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Marc SCHILTZ.

Sur les faits : Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant dans le cadre du partage de l’indivision du concubinage ayant existé entre les parties, avait dit non fondée la demande de B) en paiement d’un certain montant à titre de remboursement de prêts contractés par celle-ci pour le compte de A).

La Cour d’appel a, par réformation, fait droit à cette demande.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée : La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut de qualité à agir du demandeur en cassation Sacha « C) » indiqué dans l’acte de signification du pourvoi, sinon au motif que l’indication inexacte du nom du demandeur en cassation constituerait une cause de nullité de cet acte. A défaut par la défenderesse en cassation de justifier que le vice de forme de l’exploit consistant dans la simple épellation incorrecte du nom du demandeur en cassation, correctement indiqué dans le mémoire en cassation, ait eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts, son moyen de nullité est à rejeter en application de l’article 264, alinéa 2, du Nouveau code de procédure civile. La défenderesse en cassation conclut encore à l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut de désignation exacte des actes produits à l’appui du recours, désignation qui serait prescrite sous peine de déchéance par l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. La disposition citée par la défenderesse en cassation dans son mémoire en réponse à l’appui de son moyen a été remplacée par une disposition d’une teneur différente par la loi modificative du 3 août 2010, de sorte que ce moyen d’irrecevabilité est également à rejeter.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation : tiré « de la violation des articles 1341 et 1347 du Code civil Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenue l'existence d'un commencement de preuve par écrit (article 1347 du Code civil) consistant dans quelques rares virements opérés du compte A) vers le « compte - remboursement » de l'établissement de crédit en lieu et place de la partie B) en permettant ainsi à la partie B) de prouver par tous moyens et en l'espèce par témoin(s) que les prêts contractés par la partie B) seule, et partant des fonds virés dans un premier temps à la partie B) seule, l'auraient été pour le compte de de la partie A) suite à de rares virements (effectués de manière sporadique par la suite au profit de la partie B)) ; L'article 1341 du Code civil dispose qu'il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de tous actes juridiques portant sur une somme d'une valeur excédant celle fixée par règlement Grand-ducal ; Que les montants litigieux de la présente affaire tombent bien dans le champs d'application de l'article 1341 du Code civil, et la Cour d'appel en réformant le jugement de première instance sur ce point crucial a violé l'article 1341 ; L'article 1347 du Code civil consacrant les règles et conditions réglant l'existence et l'admission d'un commencement de preuve par écrit exige bien comme la Cour l'a à juste titre retenu trois conditions afin de trouver à s'appliquer à savoir : - un acte écrit - écrit émanant de la partie à laquelle on l'oppose - écrit rendant vraisemblable le fait allégué Attendu qu'il est cependant fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que les quelques virements électroniques sporadiques et irréguliers opérés par la partie A) en remboursement des prêts contractés par la partie B) seule, rendent vraisemblable le fait allégué à savoir que la partie B) aurait emprunté pour compte de la partie A) le montant de 32.580 euros ; Que ceci n'est cependant manifestement pas le cas alors que la partie A) à ce moment partenaire de la partie B) a tout simplement pu vouloir aider sinon soutenir la partie B) dans le cadre des remboursements, la partie B) ayant eu d'autres obligations financières à ce moment ; Que quelques virements, voire remboursements sporadiques d'une personne tierce par rapport à une dette ne peuvent pas rendre vraisemblable l'existence du devoir de remboursement d'une dette contractée par une autre personne ; Que dans un même ordre d'idées, ces mêmes virements ne sont pas de nature à justifier la perte dans le chef de la partie A) du bénéfice de la présomption de don (animus domini) qui sera traitée dans le cadre d'un prochain moyen de cassation ; Que le raisonnement de la Cour remet quasiment néant des règles fondamentales de preuves consacrées par le Code civil ; Qu'il aurait en effet appartenu à la partie B) de se procurer un écrit contre la partie A) ; Que cet écrit fait cependant défaut ». Sous le couvert du grief de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, de la question de savoir si les virements retenus au titre de commencement de preuve
4par écrit rendaient vraisemblable le fait allégué par la défenderesse en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le deuxième moyen de cassation : tiré « de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile x sans fournir de motivation dans l'arrêt critiqué - défaut de motivation de la décision Que l'arrêt énonce que « [Aucune pièce ne démontre que ces] remises de fonds constituent un don, toutefois A) profite de la présomption de don. Mais le soi-disant donataire n'est protégé par sa possession qu'au cas où son [allégation a une]apparence sérieuse de vérité. Toute circonstance rendant douteuse l'animus domini suffit à faire rejeter [sur] le prétendu gratifié la charge de la preuve du don manuel, bien que la possession ne soit pas promiscue » ; Que l'arrêt n'énonce cependant pas en quoi animus domini serait douteux ; Que tout en affirmant et consacrant la présomption de don au profit de la partie A) l'arrêt l'a fait en un clin d'œil disparaître au préjudice de la partie A) ; Que les faits de l'espèce sont courants, voire même banals et il n'existe apparent pas de circonstances douteuses puisque la Cour ne les a pas désignées ; L'article 89 de la Constitution prévoit que : « Tout jugement doit être motivé. II est prononcé en audience publique » ; Que l'arrêt encoure dès lors la cassation pour défaut de motivation de la décision ; L'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile prévoit que « La rédaction du jugement contiendra les noms des juges, du procureur d'Etat, s'il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements » ; A ce titre, il y a violation de la loi. » Lesdits articles font obligation aux jugements d'être motivés sous peine de nullité ; La justification de l'obligation de motiver est évidente alors que « l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse des garanties, elle le protège contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés et en même temps elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa décision au contrôle de la Cour de Cassation » (Jurisclasseur Procédure Fascicule 208 n°3, citation du conseiller Faye 1903) ; Pour satisfaire à cette obligation il ne suffit pas que le jugement comporte pour chaque chef de dispositif des motifs qui lui sont propres, il faut aussi que les motifs énoncés puissent être considérés comme justifiant la décision ; Pour justifier la décision, la motivation doit notamment être précise.

Il est entendu par motivation précise une motivation circonstanciée, propre à l'espèce, dans laquelle le juge s'explique sur les éléments de preuve sur lesquels il s'est fondé et qui ne laisse aucun doute sur le fondement juridique de la décision (Jurisclasseur Procédure Fascicule 508 n°33) ; L'exigence d'une motivation précise a pour conséquence de refuser le caractère d'une motivation véritable à l'énoncé d'une simple affirmation ou à des motifs d'ordre général ; En effet en se fondant sur une simple affirmation, les juges de la Cour d'appel ne permettent pas de vérifier sur quels éléments de fait ils se sont basés pour en tirer cette conclusion. Le principe de motivation doit être strictement respecté alors que ce principe est celui selon lequel les juges doivent s'expliquer sur les documents de la cause et notamment préciser les éléments de preuve dont ils ont fait usage pour déduire l'existence du fait contesté (Cassation française 2ème civile 14.02.1974, Bulletin civil II, n°63, Cassation civile 1ère,15.12.1976, Bulletin civil V, n°459). La motivation adoptée par la Cour d'appel ne permet pas à la Cour de cassation de vérifier les éléments de fait dont dépend l'application de la règle de droit. Les juges du fond ont répondu aux conclusions par une simple affirmation qui constitue une motivation imprécise et en l'espèce faussée.

La Cour d'appel a ainsi manifestement violé l'article 89 de la Constitution combiné à l'article 249, alinéa 1 du Nouveau code de procédure civil. Elle a déduit la solution du litige des prétentions de l'une des parties sans fournir aucune motivation propre, ce qui équivaut à une absence de motifs (Dalloz, Procédure civile, Verbo : Pourvoi en cassation, N° 478 page 69). La Cour de cassation française a posé comme règle fondamentale qu'une décision de justice doit se suffire à elle-même et qu'(il) ne peut être supplée au défaut ou à l'insuffisance de motifs par le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats, n'ayant fait l'objet d'aucune analyse (Civ. 3e, 16 décembre 1998, n° 97-10400, Bull. civ. II n°254). ».

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture. Le moyen vise, d’une part, en tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 249, alinéa 1, du Nouveau code de procédure civile, le défaut de motifs, qui est un vice de forme, et d’autre part, en ce qu’il articule le grief d’une motivation imprécise et faussée qui ne permettrait pas à la Cour de cassation de vérifier les éléments de fait dont dépend l’application de la règle de droit, le défaut de base légale, qui est un vice de fond, partant deux cas d’ouverture distincts. Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation : tiré « de la violation du principe général de droit garantissant la sécurité juridique : En effet, le raisonnement de la Cour en admettant que quelques virements sporadiques opérés tel que développé sous le premier moyen de cassation rendent vraisemblable que la dette initial a été contractée par une personne non partie au contrat constatant la dette ; Que ce raisonnement met constituerait quasiment une mise à néant des règles de preuves consacrées par le Code civil ; Qu'il y a encore violation de la loi en l'espèce ». Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture. En invoquant, d’une part, une violation du principe de sécurité juridique et, d’autre part, une violation des règles de preuve édictées par le Code civil, le moyen met en œuvre deux cas d’ouverture distincts. Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure : Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ; condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ; condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Christian GAILLOT, sur ses affirmations de droit. La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Isabelle JUNG, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 128/2019
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Arrêt

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2019-10-17;128.2019 ?
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