N° 110 / 2019 du 27.06.2019.
Numéro CAS-2018-00085 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-sept juin deux mille dix-neuf.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
A), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
B), demeurant à (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Danielle WAGNER, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, numéro 109/18, rendu le 13 juin 2018 sous le numéro 44828 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 24 août 2018 par A) à B), déposé le 30 août 2018 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 23 octobre 2018 par B) à A), déposé le 24 octobre 2018 au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que feu la mère d’A) et de B), C), avait vendu une maison d’habitation à B) au prix de 850.000 francs luxembourgeois ; qu’A) avait introduit à l’encontre de son frère, B), une demande en partage et en liquidation de l’indivision entre parties devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg ; que le tribunal avait déclaré non fondée la demande d’A) tendant à voir ordonner à B) de verser l’ordre de virement de la somme de 850.000 francs luxembourgeois sur le compte de feu C) ; que la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ;
Sur l’unique moyen de cassation :
« tiré de la violation de l'article 1315 du Code civil, en ce que l'arrêt attaqué du 13 juin 2018 a, pour dire l'appel non fondé, retenu qu'il appartenait à l'appelant de rapporter la preuve que le prix de vente n'a pas été payé ;
aux motifs que de 850.000 francs luxembourgeois par B) à C) du chef du prix de vente de la maison sise à (…) ne sont partant étayées par aucun élément probant et la charge de la preuve de ses affirmations incombant à A), sa demande tendant à voir ordonner à B) d'apporter les éléments de preuve à l'appui du paiement du montant en cause est à rejeter, comme n'étant pas fondée, ce d'autant plus qu'il n'est pas certain que l'intimé dispose encore des documents y relatifs, la vente ayant eu lieu en 1991 » ;
alors 2 qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil et l'adage actori incumbit probatio en procédant à un renversement illégal de la charge de la preuve. » ;
Attendu que la Cour d’appel a retenu ce qui suit :
« Il ressort de l’acte notarié de vente numéro 13465 du 19 avril 1991, reçu par-devant le notaire Aloyse BIEL, que C) a vendu à B) une maison d’habitation sise à (…), moyennant le prix de 850.000 francs luxembourgeois, « somme que la partie venderesse déclare et reconnaît avoir reçue de la partie acquéreuse avant la passation des présentes, dont bonne et valable quittance, avec renonciation au privilège du vendeur et à l’action résolutoire ».
L’acte notarié fait pleinement foi, conformément à l’article 1319 du Code civil, sauf procédure de faux, quant à l’authenticité de l’instrumentum, ou de faits que l’officier public a pu lui-même constater ou vérifier (…).
Pour ce qui est de la vérité des faits relatés dans l’écrit d’après les déclarations des parties, la force probatoire attachée à l’acte authentique est la même que celle de l’acte sous seing privé (…).
En l’espèce, il ne résulte pas des énonciations de l’acte de vente du 19 avril 1991 que le paiement du prix est intervenu en présence du notaire. En effet il est seulement dit audit acte que le vendeur reconnaît avoir reçu le prix de la part de l’acquéreur avant la passation de l’acte. Cette clause du contrat n’établit partant le paiement du prix que jusqu’à preuve contraire, qui doit être administrée en conformité avec les règles prévues par les articles 1341 et 1347 du Code civil.
Or, A) reste en défaut de rapporter le moindre élément étayant son affirmation selon laquelle le prix de vente n’a pas été payé. La reconnaissance de C) aux termes de l’acte notarié de vente du 19 avril 1991 d’avoir reçu paiement du prix de vente avant la passation de l’acte ne signifie pas que la remise des fonds a eu lieu à une date antérieure au 19 avril 1991 et n’établit pas la preuve du non-
paiement du prix de vente, tel que soutenu par l’appelant, quand bien même la signature de l’acte de vente a précédé la signature de l’acte d’ouverture de crédit, ceci d’autant moins que les deux actes ont été signés consécutivement le même jour devant le même notaire, l’acte de vente portant le numéro 13465 et l’acte d’ouverture de crédit le numéro 13466. L’absence alléguée de rentrée de fonds sur le compte bancaire de C), allégation d’ailleurs pas non plus étayée, est encore insuffisante afin d’établir le non-paiement du prix de vente.
Les affirmations de l’appelant quant au non-paiement de la somme de 850.000 francs luxembourgeois par B) à C) du chef de prix de vente de la maison sise à (…) ne sont partant étayées par aucun élément probant et la charge de la preuve de ses affirmations incombant à A), sa demande tendant à voir ordonner à B) d’apporter les éléments de preuve à l’appui du paiement du montant en cause est à rejeter, comme n’étant pas fondée, ce d’autant plus qu’il n’est pas certain que l’intimé dispose encore des documents y relatifs, la vente ayant eu lieu en 1991.» ;
3 Attendu qu’en décidant, eu égard à la force probante de l’énonciation de l’acte de vente relative à la quittance du prix donnée par la venderesse, que la preuve contraire incombait à A) qui avait invoqué le défaut de paiement du prix de vente, la Cour d’appel n’a pas violé la disposition visée au moyen ;
Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Danielle WAGNER, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Simone FLAMMANG, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.