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28/03/2019 | LUXEMBOURG | N°54/19

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 28 mars 2019, 54/19


N° 54 / 2019 du 28.03.2019.

Numéro CAS-2018-00031 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit mars deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Serge WAGNER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

A), demeurant à (…), d

emandeur en cassation, comparant par Maître Elisabeth MACHADO, avocat à la Cour, en l’étude de la...

N° 54 / 2019 du 28.03.2019.

Numéro CAS-2018-00031 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-huit mars deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Serge WAGNER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

A), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Elisabeth MACHADO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

1) B) et son épouse 2) C), les deux demeurant ensemble à (…), défendeurs en cassation, comparant par Maître André MARMANN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu le jugement attaqué, numéro 343/2015, rendu le 1er juillet 2015 sous le numéro 20105 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière d’appel de bail à loyer ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 9 mai 2018 par A) à B) et à C), déposé le 8 juin 2018 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 7 août 2018 par B) et C) à A), déposé le 8 août 2018 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ ;

Sur les faits :

Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de paix de Diekirch, siégeant en matière de bail à loyer, avait condamné les époux B)-C) à payer à A) des arriérés de loyer, avait déclaré résilié le contrat de bail existant entre parties et avait condamné les locataires au déguerpissement ; que sur appel, le tribunal d’arrondissement de Diekirch, après avoir constaté que le bailleur avait vendu l’immeuble loué aux locataires, a, par réformation, déclaré la demande de A) non fondée ;

Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches :

« tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus d'application, sinon de la fausse interprétation de la loi, in specie - de l'article 3 alinéa 3 du Nouveau code de procédure civile disposant que jusqu'à la valeur de 1.250 euros et à charge d'appel à quelque valeur que la demande puisse s'élever:

3° de toutes les contestations entre bailleurs et preneurs relatives à l'existence et à l'exécution des baux d'immeubles, ainsi que des demandes en paiement d'indemnités d'occupation et en expulsion de lieux occupés sans droit, qu'elles soient ou non la suite d'une convention ;

- Combiné à l'article 19 de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil stipulant que :

connaître de toutes les contestations entre bailleurs et locataires relatives à l'existence et à l’exécution des baux d'immeubles. » - ainsi qu'à l'article 20 du nouveau Code de procédure civile stipulant que :

de droit commun et connaît de toutes les affaires pour lesquelles compétence n'est pas attribuée expressément à une autre juridiction, en raison de la nature ou du montant de la demande. » - et à l'article 22 alinéa 1 du Nouveau code de procédure civile exposant que :

premier ressort par les justices de paix qui ont leur siège dans l'arrondissement.» En ce que :

Le tribunal d'arrondissement, siégeant en matière d'appel de bail à loyer, a dit l'appel des parties défenderesses en cassation fondé, et, par réformation du jugement de première instance, a déclaré les demandes en paiement d'arriérés de loyers, en résiliation et en déguerpissement formulées par la partie demanderesse en cassation à l'encontre des parties défenderesses en cassation non fondées, Aux motifs que :

Par l'écrit du 18 novembre 1999, les parties ont notamment - prévu la signature d'un acte authentique - annulé le contrat de bail du 1er juillet 1989 rétroactivement au 1er mars 1999, - prévu que les parties défenderesses en cassation prendraient en charge les frais de copropriété dès l'année 1999 Par cet écrit, les parties ont dès lors clairement exprimé leur volonté de ne pas tirer de conséquence du défaut de signature de l'acte authentique dans le délai prévu par le compromis de vente du 21 février 1999 et de ne plus faire de la signature de l'acte authentique un élément de leur engagement, respectivement de considérer la vente comme parfaite, de sorte que la vente du studio sis à Beaufort fut parfaite et la propriété acquise aux parties défenderesses en cassation au plus tard le 18 novembre 1999.

Alors que Branche principale En reconnaissant aux parties défenderesses en cassation la qualité de propriétaires de l'immeuble litigieux sur base de l'écrit du 18 novembre 1999 au détriment des contestations de la partie demanderesse en cassation qui se prétendait propriétaire dudit immeuble sur base d'un titre de propriété notarié en bonne et due forme, le tribunal d'arrondissement siégeant en matière d'appel de bail à loyer, a tranché des contestations sur la propriété de l'immeuble litigieux.

Ce faisant, le tribunal d'arrondissement a statué en matière immobilière et pétitoire, laquelle relève de la compétence de droit commun du tribunal d'arrondissement conformément à l'article 20 du Nouveau code de procédure civile, au profit duquel il aurait dû se dessaisir.

Le jugement du 1er juillet 2015 encourt partant la cassation pour incompétence ratione materiae en application des articles 3 alinéa 3, 20 et 22 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile ainsi que de l'article 19 de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil.

Branche subsidiaire En relevant que par l'écrit du 18 novembre 1999, les parties avaient annulé le contrat de bail conclu du 1er juillet 1989 rétroactivement au 1er mars 1999, d'une part, et que la propriété de l'immeuble litigieux était acquise aux parties défenderesses en cassation au plus tard le 18 novembre 1999, le tribunal d'arrondissement siégeant en matière d'appel de bail ne se situait plus dans le cadre d'une contestation entre bailleurs et locataires relative à l'existence ou à l'exécution d'un bail, de sorte qu'il aurait dû se déclarer incompétent ratione materiae.

Le jugement du 1er juillet 2015 encourt partant la cassation pour incompétence ratione materiae en application des articles 3 alinéa 3, 20 et 22 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile ainsi que de l'article 19 de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d'habitation et modifiant certaines dispositions du Code civil. » ;

Attendu que l’article 14 du Nouveau code de procédure civile dispose :

« Le juge de paix connaît de toutes les exceptions et de tous les moyens de défense qui ne soulèvent pas une question relevant de la compétence exclusive du tribunal d’arrondissement ou d’une autre juridiction, alors même qu’ils exigeraient l’interprétation d’un contrat.

Il ne statue qu’à charge d’appel si le moyen de défense implique l’examen d’une question immobilière pétitoire qui excède les limites de sa compétence en dernier ressort. » ;

Attendu qu’en interprétant les conventions conclues par les parties et en se prononçant sur le moyen de défense tiré du transfert de propriété de l’immeuble, les juges d’appel n’ont pas examiné une question relevant de la compétence exclusive du tribunal d’arrondissement et n’ont partant pas violé les dispositions visées au moyen ;

Qu’il en suit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

« tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon du refus d'application, sinon de la fausse interprétation - du principe général du droit ainsi que - de l'article 50 du Nouveau code de procédure civile disposant que - du manque de base légale En ce que :

le tribunal d'arrondissement, siégeant en matière d'appel de bail à loyer a déclaré les demandes en paiement d'arriérés de loyers, en résiliation et en déguerpissement formulées par la partie demanderesse en cassation à l'encontre des parties défenderesses en cassation non fondées Aux motifs que :

Comme par l'écrit du 18 novembre 1999, les parties ont notamment - prévu la signature d'un acte authentique, - annulé le contrat de bail du 1er juillet 1989 rétroactivement au 1er mars 1999, - prévu que les parties défenderesses en cassation prendraient en charge les frais de copropriété dès l'année 1999 les parties ont clairement exprimé leur volonté de ne pas tirer de conséquence du défaut de signature de l'acte authentique dans le délai prévu par le compromis de vente du 21 février 1999 et de ne plus faire de la signature de l'acte authentique un élément de leur engagement, respectivement de considérer la vente comme parfaite, de sorte que la vente du studio sis à Beaufort fut parfaite et la propriété acquise aux parties défenderesses en cassation au plus tard le 18 novembre 1999.

Alors que :

Après avoir dénié la qualité de propriétaire à la partie demanderesse en cassation au profit des parties défenderesses en cassation, le tribunal aurait dû purement et simplement conclure à l'irrecevabilité des demandes de la partie demanderesse en cassation du chef de défaut de qualité et d'intérêt à agir constituant une fin de non recevoir ;

Qu'en concluant au caractère non fondé des demandes de la partie demanderesse en cassation, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, de sorte qu'il a violé le principe général du droit , de même que l'article 50 du Nouveau code de procédure civile » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;

Attendu que le moyen articule, d’une part, la violation du principe général du droit « Pas d’intérêt, pas d’action », d’autre part, la violation de l’article 50 du Nouveau code de procédure civile et, enfin, « le manque de base légale », partant plusieurs cas d’ouverture distincts ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation :

« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise interprétation - de l'article 1108 du Code civil stipulant que :

essentielles pour la validité d'une convention :

- le consentement de la partie qui s'oblige ;

- sa capacité de contracter ;

- un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;

- une cause licite dans l'obligation » ainsi que - de l'article 1134 du Code civil disposant que :

légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » de même que - de l'article 1583 du Code civil retenant qu’ parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. » - de l'article 1589 du Code civil disposant que :

vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. » - combiné au manque de base légale En ce que :

Après avoir relevé que - par le compromis de vente du 21 février 1999, les parties avaient érigé en condition de formation du contrat, la passation de l'acte notarié de vente dans le délai de dizaine suivant la date d'octroi du prêt, - le prêt avait été accordé en date du 25 mars 1999, de sorte que la caducité devait intervenir dès le 5 avril 1999 - aucun acte notarié n'avait été signé dans le prédit délai le tribunal a néanmoins conclu au caractère parfait de la vente au plus tard le 18 novembre 1999 Aux motifs que :

vente. » conséquences juridiques du dépassement du délai. Elles peuvent également d'un commun accord renoncer à l'exigence de l'accomplissement de la formalité de la signature de l'acte notarié pour rendre parfaite la vente entre parties. Cette renonciation qui peut être implicite ne se présume toutefois pas du seul fait que les parties ont laissé passer la date sans réagir » Si dans l’écrit du 18 novembre 1999, signature de l'acte authentique, la passation de l'acte sous la forme authentique n'est plus considérée par les parties comme une condition même de la formation du contrat, mais que la volonté commune des parties était de considérer la vente comme parfaite » exprimé leur volonté commune de ne pas tirer de conséquence du défaut de signature de l'acte notarié et de ne plus faire de la signature de l'acte authentique un élément de leur engagement, il y a lieu de retenir que la vente du studio de Beaufort fut parfaite dès le 18 novembre 1999 » pour rendre la vente opposable aux tiers et pour débloquer et répartir les fonds » Alors que :

La sanction de la défaillance d'une condition de formation du contrat n'est pas la caducité, mais la nullité, voire l'inexistence.

S'il est vrai que les parties peuvent renoncer aux conséquences juridiques d'un dépassement de délai, et notamment à la caducité, de même qu'elles peuvent renoncer à l'exigence de l'accomplissement de certaines formalités ou conditions d'efficacité d'un contrat, elles ne peuvent aucunement renoncer, d'autant moins implicitement, à une condition de formation du contrat, sans l'accomplissement de laquelle le contrat n'existe pas.

En l'absence de passation de l'acte notarié jusqu'au 5 avril 1999, le contrat de vente n'existait dès lors purement et simplement pas.

II incombait dès lors aux parties de conclure un nouveau contrat de vente, autonome du compromis de vente du 21 février 1999.

Or le tribunal n'a pas recherché si l'écrit du 18 novembre 1999 pouvait constituer un nouveau contrat de vente réunissant toutes les conditions nécessaires à sa formation.

II s'est, en effet purement et simplement borné à rechercher si le silence des parties face au dépassement du délai ensemble avec l'écrit du 18 novembre 1999 pouvaient valoir renonciation des parties à tirer les conséquences juridiques du dépassement du délai, de même qu'à l'exigence de l'accomplissement de la formalité de la signature de l'acte notarié.

En d'autres termes, le tribunal s'est borné à analyser si le silence des parties ainsi que l'écrit du 18 novembre 1999 suffisaient à établir une modification des termes du compromis du 21 février 1999.

Ce faisant, le tribunal d'arrondissement n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, de sorte que sa décision manque de base légale et viole les articles 1108, 1134, 1583 et 1598 du Code Civil. » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;

Attendu que le moyen articule la violation des articles 1108, 1134, 1583 et 1589 du Code civil, « combiné au manque de base légale », partant plusieurs cas d’ouverture distincts ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Serge WAGNER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 54/19
Date de la décision : 28/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2019-03-28;54.19 ?

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