N° 14 / 2019 pénal. du 24.01.2019. Not. 11085/04/EC Numéro 4081 du registre. La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-quatre janvier deux mille dix-neuf,
sur le pourvoi de :
1) A), demeurant à (…), 2) B), demeurant à (...), demandeurs au civil, demandeurs en cassation, ayant comparu par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile a été élu,
c/
1) C), né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu et défendeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître Mathieu FETTIG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Mathieu FETTIG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE, établi à L-1471 Luxembourg, 125, route d’Esch, représenté par le président de son comité directeur, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J21, 4) l’établissement public ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, établi à L-2976 Luxembourg, 125, route d’Esch, représenté par le président de son comité directeur, inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro J16,
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défendeurs en cassation,
en présence du Ministère public,
l’arrêt qui suit : =======================================================
LA COUR DE CASSATION : Vu le jugement attaqué, rendu le 19 décembre 2017 sous le numéro
254/2017 (Intérêts Civils 182995) par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière de police et en instance d’appel ;
Vu le pourvoi en cassation au civil formé par Maître Olivier LANG, avocat
à la Cour, au nom de A) et d’B), suivant déclaration du 19 janvier 2018 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 9 février 2018 par A) et B) à C), à la
société anonyme SOC1), à l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE et à l’établissement public ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, déposé le 19 février 2018 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 2 mars 2018 par C) et la société
anonyme SOC1) à A), à B), à l’établissement public CAISSE NATIONALE DE SANTE, à l’établissement public ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT et au Procureur général d’Etat, déposé le 6 mars 2018 au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ;
Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et sur les conclusions de
l’avocat général Marc SCHILTZ ; Sur les faits :
Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de police d’Esch-sur- Alzette, après avoir condamné C) à une amende et à une interdiction de conduire et après avoir ordonné au civil une expertise médicale et un complément d’expertise
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médicale, avait condamné C) à payer des dommages et intérêts à B) et à A) et avait déclaré sa décision commune à la société anonyme SOC1) et aux organismes de sécurité sociale défendeurs en cassation ; que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement entrepris ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée : Attendu que les défendeurs en cassation C) et la société anonyme SOC1)
concluent à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que les moyens de cassation ne seraient pas articulés avec la précision requise par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Attendu qu’une éventuelle irrecevabilité des moyens de cassation est sans
incidence sur la recevabilité du pourvoi ; Qu’il en suit que le moyen d’irrecevabilité du pourvoi n’est pas fondé ; Attendu que le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est
recevable ; Sur le premier moyen de cassation : « tiré de l'insuffisance de motifs valant défaut de base légale, et de la
violation de la loi, in specie, de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 6.1. de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 29 août 1953,
en ce que le tribunal d'arrondissement a retenu (page 12) que le demandeur en
cassation sub.1 << invoque encore un certificat du docteur D) du 9 février 2012, suivant lequel une intervention chirurgicale est à envisager, un certificat du docteur E) du 28 février 2012 qui fait état d'un syndrome psychiatrique en 2012 et un certificat du docteur F) du 9 octobre 2012 concernant l'existence d'un psoriasis. Il estime, dès lors, qu'il n'y a pas eu consolidation de son état en date du 1er juin 2006 >>,
et a retenu (page 12) la date de consolidation des séquelles du demandeur en cassation sub. 1 comme étant << celle à laquelle aucune évolution des lésions dans un sens favorable ou défavorable n'est à envisager et que celles-là présentent un caractère stable et définitif, mais que la nécessité de certains soins permanents peut persister, ainsi que la continuation de certaines douleurs ou affections (cf Georges RAVARANI, la responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3è éd., no 1275 ; Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L'évaluation du préjudice corporel, 20a éd., no 36) >>,
et qu'il a contre toute attente estimé que << tel que l'a relevé à bon escient le tribunal de police, les certificats médicaux invoqués par B), faisant état d'un syndrome psychiatrique chronique en 2012 ou évoquant la nécessité éventuelle
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d'une intervention chirurgicale ne contredisent pas l'existence d'une consolidation dans le chef du concerné >>, sans aucunement vérifier si les certificats médicaux du 9 février 2012 du docteur D) et du 28 février 2012 du docteur E) pouvaient contenir des éléments susceptibles de contredire ou pas l'existence d'une consolidation, respectivement la date de consolidation retenue, selon les critères que le tribunal d'arrondissement venait de poser, à savoir si les certificats médicaux étaient susceptibles de révéler ou pas une évolution des lésions du demandeur en cassation sub.1, respectivement si les certificats médicaux permettaient de constater si ces lésions présentaient ou pas un caractère stable et définitif, ni si les pathologies et éléments documentés par les certificats médicaux documentaient ou pas la nécessité de soins permanents qui persisterait ou encore certaines douleurs et affections qui continueraient, le tribunal de police d'Esch- sur-Alzette ayant quant à ce point décidé (page 8 du jugement du 25 novembre 2016 du tribunal de police d'Esch-sur-Alzette) que <<La consolidation doit s'entendre de la stabilisation de l'état de la victime, c'est-à-dire du moment où tous les soins lui ayant été donnés, et toutes les ressources de la technique médicale ayant été utilisées en sa faveur, il n'est plus possible d'attendre de leur continuation une amélioration notable, en sorte que son état devient un état définitif et permanent. La consolidation n'équivaut à la guérison que dans le cas où il ne subsiste aucune incapacité permanente, c'est-à-dire où la victime retrouve ses pleines intégrité et capacités physiques et intellectuelles. Au contraire, dans le cas où des séquelles des blessures subsistent et où la victime est donc diminuée, il n'y en a pas moins consolidation, dès lors qu'aucune évolution des lésions dans un sens favorable ou défavorable n'est à envisager et que celles-là présentent un caractère stable et définitif, lequel n'est par ailleurs pas exclusif de la nécessité de certains soins permanents, ni même de la continuation de certaines douleurs ou affections (cf. Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BILAL, L'évaluation du préjudice corporel, 20e éd., no36). Au vu de ces considérations, l'existence d'un syndrome psychiatrique chronique en 2012 tel qu'attesté par le Dr E) en date du 28 février 2012, l'évocation d'une intervention chirurgicale éventuelle par le Dr D) en date du 9 février 2012 ainsi que l'examen annuel de contrôle en IRM ne sont pas de nature à contredire l'existence d'une consolidation dans le chef de B). Il ne résulte par ailleurs pas du certificat médical versé en cause que le psoriasis constaté par le Dr F) serait en relation causale directe avec l'accident litigieux >>,
alors que 1. le tribunal d'arrondissement procède par voie d'affirmation sans faire les
constatations de fait nécessaires qui permettraient de comprendre pourquoi les certificats médicaux du docteur D) du 9 février 2012 et du docteur E) du 28 février 2012 ne contrediraient pas l'existence d'une consolidation dans le chef du demandeur en cassation sub.1, respectivement la date retenue de cette consolidation, selon les critères que le tribunal d'arrondissement venait de poser, ni pourquoi ces certificats ne justifieraient donc pas l'institution d'une expertise supplémentaire. Le jugement attaqué est ainsi vicié par une insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit. Le renvoi aux motifs du jugement de première instance ne permet pas de redresser cette défaillance, ces motifs étant viciés de la même manière. Le tribunal d'arrondissement empêche ainsi le droit de contrôle de la Cour de cassation et prive son jugement de base légale,
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2. le tribunal d'arrondissement viole ce faisant l'article 89 de la Constitution et l'article 6.1. de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » ;
Attendu qu’en tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution
et, sous ce rapport, de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs, partant un vice de forme ;
Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle
comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ; Attendu qu’en retenant que « L’appelant invoque encore un certificat du
docteur D) du 9 février 2012, suivant lequel une intervention chirurgicale est à envisager, un certificat du docteur E) du 28 février 2012 qui fait état d’un syndrome psychiatrique en 2012 et un certificat du docteur F) du 9 octobre 2012 concernant l’existence d’un psoriasis. Il estime, dès lors, qu’il n’y a pas eu consolidation de son état en date du 1er juin 2006.
Les parties intimées répliquent que la chronicité n’empêche pas la consolidation.
Il convient de retenir comme date de consolidation celle à laquelle aucune évolution des lésions dans un sens favorable ou défavorable n’est à envisager et que celles-là présentent un caractère stable et définitif, mais que la nécessité de certains soins permanents peut persister, ainsi que la continuation de certaines douleurs ou affections (cf. Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e éd., n° 1275 ; Max LE ROY, Jacques-Denis LE ROY, Frédéric BIBAL, L’évaluation du préjudice corporel, 20e éd., n° 36).
Dans son rapport du 17 octobre 2011, l’expert-calculateur Maître G) a retenu comme date de consolidation le 1er juin 2006 sur base des conclusions du rapport du 19 octobre 2006 du docteur H), médecin de confiance d’B), qui se lisent comme suit :
« Du fait accidentel du 6 avril 2004 nous retiendrons : - incapacité totale de travail 100% du 6 avril 2004 au 31 avril 2004 - incapacité partielle 30% du 1er mai 2004 au 31 mai 2004 - incapacité partielle 15% du 1er juin 2004 au 31 mai 2006 - IPP 12% (…) »
Tel que l’a relevé à bon escient le tribunal de police, les certificats médicaux invoqués par B), faisant état d’un syndrome psychiatrique chronique en 2012 ou évoquant la nécessité éventuelle d’une intervention chirurgicale ne contredisent pas l’existence d’une consolidation dans le chef du concerné », le tribunal d’arrondissement a motivé sa décision sur la consolidation des lésions subies par B) ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;
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Attendu que pour autant que le moyen entend mettre en œuvre le grief tiré d’une insuffisance de motifs, il vise le défaut de base légale qui constitue un vice de fond, non visé par l’article 89 de la Constitution ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen est irrecevable ; Sur le deuxième moyen de cassation : « tiré de la contradiction de motifs valant défaut de motifs, du défaut de
base légale et de la violation de la loi, in specie, de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 6.1. de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 29 août 1953
En ce que le tribunal d'arrondissement a d'une part estimé (page 13), que
<<concernant la détermination du taux d'incapacité, le juge de première instance a, à juste titre, rappelé que, dans le cadre de la détermination du préjudice de droit commun, les tribunaux ne sont pas liés par les décisions des organismes de sécurité sociale sur le quantum de la réduction de la capacité de travail subie par la victime d'un accident ayant donné lieu à une action en dommages-intérêts contre le tiers responsable (d. Georges RAVARANI, op. cit., no 1288). Les conclusions relatives à un taux d'IPP de 20% dans le chef de B), émises par les experts I) et J) dans le cadre des procédures devant les juridictions de la sécurité sociale, ne sont partant pas déterminantes pour l'issue du présent litige. >> et qu'il n'a en conséquence aucunement tenu compte des conclusions de ces deux experts, le tribunal de police d'Esch-sur-Alzette ayant quant à ce point retenu que (pages 8 et 9 du jugement du 25 novembre 2016 du tribunal de police d'Esch-sur-Alzette) <<en ce qui concerne la procédure devant le Conseil arbitral des assurances sociales, il est de principe que l'appréciation du préjudice de droit commun se fait sans incidence de la législation sur la sécurité sociale. La détermination du préjudice et l'étendue de l'obligation de réparer incombant à l'auteur responsable sont soumises aux seuls principes des article 1382 et suivants du Code civil (cf. Georges RAVARANI, Panorama de jurisprudence en matière d'indemnisation du dommage, Pasicrisie. 30, n°2). Les tribunaux ne sont donc pas liés par les décisions des organismes de sécurité sociale sur le quantum de la réduction de la capacité de travail subie par la victime d'un accident (ef Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3e éd., n°1288). En effet, les organismes de sécurité sociale se réfèrent à d'autres critères que les juridictions civiles. Ainsi, la notion de causalité ne s'applique pas aussi strictement en droit social qu'en matière civile, les prestations étant dues en vertu de la loi (cf. Cour 9.7.2003, rôle 26.755) >>,
et que le tribunal d'arrondissement a d'autre part décidé (page 21) qu’<< il est rappelé que les décisions et les rapports rédigés dans le cadre des instances relevant de la sécurité sociale ne peuvent pas établir l'étendue du préjudice de droit commun de la partie demanderesse (cf supra). Il n'en demeure cependant pas moins que les juridictions civiles peuvent prendre en considération, en tant qu'élément de fait, les constatations faites dans les rapports médicaux rédigés dans le cadre des instances relevant de la sécurité sociale >> et qu'il a ainsi tenu
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compte, dans le cadre de l'analyse de la question de la fixation des taux d'incapacité de la demanderesse en cassation sub.2, notamment des conclusions des rapports en question pour les confronter aux expertises judiciaires établies en cause,
Alors que 1. le tribunal d'arrondissement se contredit dans ses motifs, lorsque d'une
part, il refuse de considérer des conclusions médicales, élément de fait, au motif qu'elles ont été émises dans le cadre des procédures devant les juridictions de la sécurité sociale et que d'autre part, il accepte de considérer des conclusions médicales formulées dans le cadre de ces mêmes procédures en expliquant pouvoir les prendre en considération en tant qu'élément de fait. Cette contradiction réelle et profonde vaut défaut de motifs car elle a comme conséquence de détruire et d'annihiler réciproquement ces motifs incompatibles dont plus aucun ne peut servir de fondement au jugement,
2. en excluant, d'une part, des éléments de fait de l'examen qu'il fait de la demande du demandeur en cassation sub.1 et en considérant, d'autre part, des éléments de fait d'exactement même nature que ceux ainsi écartés, dans le cadre de l'examen qu'il fait de la demande de la demanderesse en cassation sub.2, le tribunal d'arrondissement se contredit dans ses motifs, respectivement dans son raisonnement. Cette contradiction révèle l'insuffisance dans le jugement des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit, elle empêche la Cour de cassation de vérifier que la règle de droit a été exactement appliquée aux faits retenus et elle est ainsi constitutive d'un défaut de base légale,
3. le tribunal d'arrondissement viole ce faisant l'article 89 de la Constitution et l'article 6.1. de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950. » ;
Attendu que le tribunal a constaté que « les tribunaux ne sont pas liés par
les décisions des organismes de sécurité sociale sur le quantum de la réduction de la capacité de travail subie par la victime d’un accident ayant donné lieu à une action en dommages-intérêts contre le tiers responsable » et que « les juridictions civiles peuvent prendre en considération, en tant qu’élément de fait, les constatations faites dans les rapports médicaux rédigés dans le cadre des instances relevant de la sécurité sociale » ;
Attendu qu’en retenant que « les tribunaux ne sont pas liés par les
décisions des organismes de sécurité sociale », le tribunal n’a pas refusé de prendre en considération les constatations faites dans les rapports médicaux au motif qu’elles auraient été émises dans le cadre des procédures devant les juridictions de la sécurité sociale ;
Qu’il en suit que le moyen, en ce qu’il est tiré d’une prétendue
contradiction de motifs, manque en fait ; Sur le troisième moyen de cassation :
« tiré du défaut de base légale et de la violation de la loi, in specie, de la
violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 6.1. de la Convention de
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Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 29 août 1953,
En ce que pour refuser de remettre en cause le taux d'IPP retenu par l'expert K) pour
la demanderesse en cassation sub.2 dans son volet physiologique, le tribunal d'arrondissement s'est basé (page 21) sur les considérations suivantes :
<< L'appelante invoque le rapport du docteur L) établi le 30 juillet 2014 dans le cadre de la procédure devant le Conseil arbitral de la sécurité sociale, pour remettre en cause les conclusions des docteurs K) et M) et de l'expert- calculateur Maître G). Suivant le prédit rapport du docteur L), établi dix ans après l'accident, A) souffre d'une myélopathie cervicale en relation avec ledit accident. A noter, à cet égard, que, dans son rapport du 31 mai 2006, le docteur K) avait noté l'absence ’’de déficit neurologique’’. Le docteur N), qui avait réalisé un IRM de la colonne cervicale, avait retenu ce qui suit dans un rapport du 14 février 2007, adressé au docteur D) : ’’le signal de la moelle est homogène sans signe de myélopathie inflammatoire ou compressive’’. Dans son rapport du 26 août 2017, établi à la demande de A), le docteur O), médecin spécialiste en neuro-psychiatrie, se réfère à des écrits de la clinique universitaire de Heidelberg des 7 décembre 2009 et 6 mai 2010, qui auraient fait état d'une myélopathie post traumatique. Lesdits écrits ne sont pas versés au dossier. Si le docteur L) ne se prononce pas sur le taux d'incapacité de A), d'un point de vue physiologique et neurologique, le docteur O), tout en mettant l'accent sur les séquelles neurologiques de l'accident, chiffre l'incapacité physique au moment de l'établissement de son rapport à 15%. Le docteur O) évalue partant l'incapacité physique de l'appelante à un taux inférieur à celui retenu par le docteur K) en 2006. Quant au docteur P), il n'évoque pas la question d'une myélopathie cervicale dans son rapport du 11 septembre 2017, mais ’’un syndrome fibromyalgique décompensé par un accident de la voie publique en 2004’’. Le médecin ne précise pas sur base de quels éléments le syndrome constaté est à mettre en relation avec l'accident subi en 2004. Il ne fournit pas non plus d'indications quant à l'incidence du syndrome sur le taux d'IPP de A). Au vu de ce qui précède, les différents rapports médicaux récents produits par A) ne sont pas de nature à remettre en cause le taux d'IIP retenu par le docteur K) quant à l’IPP d'un point de vue physiologique. >>,
et que
malgré l'invocation formelle dans ses plaidoiries de la demanderesse en
cassation sub. 2 (pièce 2, 15ème page) du certificat médical du 15 décembre 2016 du docteur D) qu'elle versait à titre de pièce 12 de sa farde II des pièces produites devant le tribunal d'arrondissement, ce dernier n'a à aucun moment, évoqué ni cité ni ne s'est penché dans son analyse sur ce certificat médical, selon lequel << Dort wurde dann auch die Diagnose der zervikalen post-traumatischen Myelopathie gestellt >> et << Aufgrund der hier erworbenen Erkenntnisse, der Schwere des Unfalls, der Nachbehandlung, der Operation habe ich ein IPP von 40% festgelegt >>,
alors que 1. en ignorant un document produit et invoqué formellement en termes de
plaidoiries par la demanderesse en cassation sub. 2, qui présentait une pertinence
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flagrante, certaine et incontestable à l'appui de sa demande et pour l'appréciation que le tribunal d'arrondissement devait en faire, le tribunal d'arrondissement ne fait pas toutes les constations de fait nécessaires pour statuer sur le droit et empêche la Cour de cassation de vérifier que la règle de droit a été exactement appliquée aux faits, privant ainsi son jugement de base légale,
2. le tribunal d'arrondissement viole ce faisant, l'article 89 de la Constitution et l'article 6.1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950 en privant la demanderesse en cassation sub.2 d'un procès équitable à cet égard. » ;
Attendu qu’en tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution
et, sous ce rapport, de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs, partant un vice de forme ;
Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle
comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ; Attendu que par les développements reproduits au moyen, le tribunal s’est
prononcé sur les rapports médicaux invoqués par les demandeurs en cassation ; Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ; Attendu que pour autant que le moyen entend mettre en œuvre le grief tiré
d’une insuffisance de motifs, il vise le défaut de base légale qui constitue un vice de fond, non visé par l’article 89 de la Constitution ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen est irrecevable ;
Par ces motifs,
rejette le pourvoi ;
condamne les demandeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,75 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-quatre janvier deux mille dix-neuf, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de : Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation,
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qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST. La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Marie- Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.