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22/11/2018 | LUXEMBOURG | N°110/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 22 novembre 2018, 110/18


N° 110 / 2018 pénal.

du 22.11.2018.

Not. 22961/14/CD + 33166/14/CD + 2535/15/CD + 35638/15/CD + 3321/16/CD Numéro 4035 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-deux novembre deux mille dix-huit, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministèr

e public, l’arrêt qui suit :



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LA COUR...

N° 110 / 2018 pénal.

du 22.11.2018.

Not. 22961/14/CD + 33166/14/CD + 2535/15/CD + 35638/15/CD + 3321/16/CD Numéro 4035 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-deux novembre deux mille dix-huit, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 14 novembre 2017 sous le numéro 428/17 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, au nom de X, suivant déclaration du 13 décembre 2017 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé au greffe de la Cour le 12 janvier 2018 ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné X du chef d’outrage public aux mœurs, de vols et de grivèleries à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis partiel et à une amende ; que la Cour d’appel, après avoir, par un arrêt du 12 juillet 2016, confirmé dans la motivation le jugement entrepris en ce qui concerne l’existence des préventions retenues à charge du prévenu et ordonné une expertise psychiatrique sur la personne du prévenu, a, par l’arrêt attaqué du 14 novembre 2017, par réformation, réduit la peine d’emprisonnement, assorti celle-ci du sursis probatoire intégral, maintenu l’amende et prononcé à l’encontre de X l’interdiction d’exercer une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

Sur le premier moyen de cassation :

« tiré de la violation de l’article 385 du Code pénal Aux termes de l'article 385 du Code pénal, publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la pudeur, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois ans et d'une amende de 251,00.- € à 25.000,00.- € ».

Le législateur n'a pas défini le comportement ou la représentation attentatoire aux bonnes mœurs, laissant au juge le soin d'adapter la loi aux mentalités et aux mœurs de l'époque.

Dans le cas d'espèce, la partie de Maître Daniel BAULISCH a l'impression que le juge semble de plus en plus préoccupé à identifier un critère objectif qui lui permettrait de tracer de manière incontestable la frontière du licite et de l'illicite en matière de défense de la pudeur publique.

Or, conformément aux principes généraux du droit pénal, puisqu'il s'agit d'un délit, en cas de silence du législateur, c'est le dol général qu'il faut appliquer (Liège, 7 novembre 2001, J.L.M.B., 2004, p. 760).

Le dol général est bicéphale en ce sens que le juge devra établir que l'auteur savait qu'il commettait un outrage et qu'il voulait outrager les mœurs ou à tout le moins qu'il acceptait que par son comportement, de telles conséquences surviendraient (Liège, 23 octobre 1990, J.L.M.B., 1991, p. 1361, obs. O.K.).

Dans le cas d'espèce, tant la juridiction du premier degré que celle du degré d'appel ont mal apprécié la présence du dol général, et cela va à l'encontre du principe culpa dolo exonerat.

La réalité nous montre que les lois pénales ne sont pas toujours formulées avec clarté ce qui rend une interprétation nécessaire. Le champ d'application peut également faire difficulté. Dans la mesure où la norme abstraite est plus floue et 2 ses limites moins précises, plus nombreux seront les cas concrets dont il devient difficile d'affirmer qu'ils rentrent ou ne rentrent pas dans la catégorie visée (C.

HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 1991 page 84, n° 96).

Le fait de se montrer nu aux autres peut être constitutif d'outrage aux bonnes mœurs s'il s'accompagne d'une attitude obscène comme le serait l'acte d'un exhibitionniste.

Or, une telle attitude n'est pas démontrée, dans le cas d'espèce.

C'est partant à tort que la Cour d'appel n'a pas tenu compte de la cause de justification invoquée par Monsieur X, notamment celle qu'il a eu un besoin pressant d'uriner.

Certes, la condition de publicité peut être objectivement remplie dès lors que certains négligent de se mettre à l'abri des regards, mais cela n'implique pas que les prévenus aient voulu ou, à tout le moins, aient accepté vouloir outrager les mœurs.

Le principe de la légalité exige en général que la loi pénale est interprétée d'une manière stricte.

La sécurité juridique exige à son tour également que le juge respecte les limites de l’incrimination en droit pénal.

Au vu des considérations qui précèdent, l'élément moral requis pour faire appliquer l'article 385 du Code pénal n'est donné en sorte que l'arrêt faisant l'objet du présent recours repose sur une application erronée de la loi.

Dans les conditions données, l'arrêt doit encourir la sanction de la cassation. » ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, pour l’infraction d’outrage public aux mœurs, mal apprécié l’existence du dol général dans le chef du demandeur en cassation ;

Attendu que l’examen des éléments constitutifs de la prévention d’outrage public aux mœurs figure dans l’arrêt non attaqué du 12 juillet 2016 et non dans l’arrêt du 14 novembre 2017 visé par le pourvoi en cassation ;

Attendu que l’arrêt attaqué est partant étranger au grief invoqué ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation :

« tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme 3 La motivation des décisions judiciaires, surtout en instance d'appel, doit permettre au justiciable, en l'occurrence au prévenu, de comprendre le sens et la portée de l'arrêt, mais encore les motifs qui justifient la décision et la peine, et ce de façon non équivoque.

Or, tel n'est pas le cas, en l'espèce.

L'arrêt aurait dû clairement exprimer son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés et par rapport au droit applicable, entre autres par rapport aux éléments constitutifs des infractions pénales en cause, à savoir ceux des infractions en rapport avec les articles 385, 461, 463 et 491 alinéa 2 du Code pénal.

Alors que la décision querellée n'exprime pas son raisonnement par rapport aux faits constatés, par rapport au droit applicable et par rapport au dossier répressif, l'arrêt en question encourt la cassation.

Bien que les juges d'appel se soient entre autres basés sur la motivation des premiers juges, toujours est-il que la motivation in globo, sur les circonstances des infractions retenues, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, fait défaut.

La notion de procès équitable comporte l'obligation de motivation à la portée du prévenu.

La Cour européenne des droits de l'homme énonce à ce sujet fréquemment le principe que .

* Les Cours et Tribunaux doivent veiller à individualiser la peine et non renvoyer à des critères généraux.

La motivation de la peine est essentielle à l'existence de la décision de justice.

Le juge ne peut se borner à énoncer que les sanctions prononcées en instance sont légales et correspondent à une juste répression dès lors que, ce faisant, il n'indique pas de manière précise les raisons du choix qu'il a fait.

L'exigence de précision dans la motivation de la peine a pour objectif d'éviter le risque d'arbitraire suscité par l'individualisation et la diversification des peines, de faciliter leur exécution et d'augmenter la cohérence dans l'application du droit (Cour d'Arbitrage belge, 14 juin 2000, n° 71, 1T., 2000, p. 806).

Il faut donc mettre en cause la motivation in globo de l'arrêt attaqué alors que la critique quant à la motivation lacunaire doit être faite par rapport à l'ensemble de l'arrêt.

4 Cette solution s'inscrit dans l'évolution qui se dessine actuellement dans la jurisprudence à l'égard de la motivation des décisions rendues par les juges du fond.

Si auparavant les juges n'étaient pas tenus de motiver spécialement le choix des peines, il semble désormais qu'il en soit différent.

Suivant un arrêt de la Cour de cassation belge, justifiée la décision de condamnation qui se limite à considérer la peine prononcée en instance comme légale et en relation avec les faits commis lorsque la peine n'a pas été motivée en instance » (Cass. belge, 14 décembre 1988, Pas., 1989, I, p.

418).

Dans les conditions données, la motivation est à tel point lacunaire qu'elle doit être assimilée à une décision non motivée puisque de par sa présentation, elle ne permet pas de remplir la fin de l'article 89 de la Constitution et celle de l'article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'arrêt doit partant encourir la sanction de la cassation. » ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir clairement exprimé son raisonnement en droit par rapport aux faits constatés, par rapport au droit applicable et par rapport aux éléments constitutifs des infractions en cause ;

Attendu que l’examen des éléments factuels et des éléments constitutifs des préventions retenues à charge du demandeur en cassation figure dans l’arrêt non attaqué du 12 juillet 2016 et non dans l’arrêt du 14 novembre 2017 visé par le pourvoi en cassation ;

Attendu que l’arrêt attaqué est partant étranger au grief invoqué ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen est irrecevable ;

Attendu qu’il est encore fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir motivé les peines prononcées ;

Attendu que les juges du fond, disposant d’un pouvoir souverain d’appréciation quant à la gravité des faits et à la personnalité du prévenu, n’ont pas à motiver le quantum de la peine qu’ils fixent ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 6,50 euros.

5 Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-deux novembre deux mille dix-huit, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Serge WAGNER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 110/18
Date de la décision : 22/11/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-11-22;110.18 ?

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