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10/07/2018 | LUXEMBOURG | N°86/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 juillet 2018, 86/18


N° 86 / 2018 du 10.07.2018.

Numéro 4005 du registre.

Audience publique extraordinaire de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du mardi, dix juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, président, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Yola SCHMIT, conseiller à la Cour d’appel, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société à res

ponsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscri...

N° 86 / 2018 du 10.07.2018.

Numéro 4005 du registre.

Audience publique extraordinaire de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du mardi, dix juillet deux mille dix-huit.

Composition:

Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, président, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Yola SCHMIT, conseiller à la Cour d’appel, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société à responsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société à responsabilité limitée Soc2), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, numéro 58/17, rendu le 11 mai 2017 sous le numéro 41029 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 22 août 2017 par la société à responsabilité limitée SOC1) à la société à responsabilité limitée Soc2), déposé le 28 août 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 octobre 2017 par la société à responsabilité limitée Soc2) à la société à responsabilité limitée SOC1), déposé le 19 octobre 2017 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait déclaré non fondée la demande en paiement de travaux de peinture dirigée par la société SOC2) contre la société SOC1) et la demande reconventionnelle de cette dernière du chef de travaux mal exécutés ; que la Cour d’appel a, par réformation, déclaré la demande de la société SOC2) fondée sur base de la théorie de la facture acceptée et a condamné la société SOC1) au paiement d’un certain montant ; qu’elle a confirmé le jugement entrepris pour le surplus ;

Sur le premier moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement du tribunal d'arrondissement, d'avoir en conséquence condamné la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation la somme de 33.264,15 euros avec les intérêts et d'avoir rejeté l'appel incident de la demanderesse en cassation tendant à l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 11.296,45 euros avec les intérêts, aux motifs que se constatent par une facture acceptée. Cette acceptation peut être expresse ou tacite.

L'article 109 du Code de commerce a une portée générale et s'applique non seulement aux ventes commerciales, mais encore à tous les autres contrats à caractère commercial et partant au contrat d'entreprise tel que celui régissant les relations entre les parties au litige.

L'acceptation de la facture constitue une manifestation d'accord au sujet de l'existence et des modalités d'un contrat et, de plus, une manifestation d'accord sur la créance affirmée par le fournisseur ou le prestataire, en exécution du marché.

Le silence gardé au-delà du temps nécessaire pour prendre connaissance de la facture, pour en contrôler les mentions ainsi que les fournitures ou le résultat des prestations auxquelles elle se rapporte fait présumer que le destinataire de la facture l'a acceptée.

Pour enlever à son silence toute signification d’adhésion, le commerçant doit prendre l’initiative d’émettre des protestations précises valant négation de la créance affirmée, dans un bref délai à compter de la réception de la facture, et il lui appartient d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la facture litigieuse a été adressée au client, la partie intimée, en date du 15 décembre 2011 (cf. pièce n° 4 de la farde I de Me Schwartz) », et en exposant dans la suite de l'arrêt les raisons pour lesquelles, selon la Cour d'appel, les protestations de la demanderesse en cassation avaient été formulées tardivement, ce dont il a été déduit, d'une part, a fait l'objet d'une acceptation tacite. - Par réformation du jugement entrepris il y a partant lieu d'en imposer le paiement à la société intimée », et, d'autre part, que la demande reconventionnelle de la demanderesse en cassation n'était pas fondée au motif que litigieuse valant acceptation de la créance y affirmée, celle-ci n'est plus en droit de se prévaloir de la mauvaise exécution des travaux mentionnés dans ladite facture et son offre de preuve tendant à l'établir est irrecevable », alors que la demanderesse en cassation avait fait valoir (conclusions de Me Michel Schwartz notifiées le 24 février 2015, p. 2) que ;

que la Cour d'appel n'a pas répondu à ces conclusions de la demanderesse en cassation en omettant tout simplement d'examiner, préalablement à l'examen de la question de la protestation contre la facture, si la facture litigieuse était assez précise pour pouvoir faire l'objet d'une quelconque acceptation tacite ;

que le défaut de réponse à conclusions vaut défaut de motifs, si bien que la Cour d'appel a violé l'article 89 de la Constitution ainsi que l'article 249, en combinaison avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile. » ;

Attendu que les juges du fond n’ont pas à répondre à des conclusions trop vagues ou imprécises ;

Attendu que les conclusions invoquées, notifiées le 24 février 2015, ne précisent pas la nature des indications manquantes ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation :

« Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir réformé le jugement du tribunal d'arrondissement, d'avoir en conséquence condamné la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation la somme de 33.264,15 euros avec les intérêts et d'avoir rejeté l'appel incident de la demanderesse en cassation tendant à l'allocation de dommages-intérêts d'un montant de 11.296,45 euros avec les intérêts, aux motifs que se constatent par une facture acceptée. Cette acceptation peut être expresse ou tacite.

L'article 109 du Code de commerce a une portée générale et s'applique non seulement aux ventes commerciales, mais encore à tous les autres contrats à caractère commercial et partant au contrat d'entreprise tel que celui régissant les relations entre les parties au litige.

L'acceptation de la facture constitue une manifestation d'accord au sujet de l'existence et des modalités d'un contrat et, de plus, une manifestation d'accord sur la créance affirmée par le fournisseur ou le prestataire, en exécution du marché.

Le silence gardé au-delà du temps nécessaire pour prendre connaissance de la facture, pour en contrôler les mentions ainsi que les fournitures ou le résultat des prestations auxquelles elle se rapporte fait présumer que le destinataire de la facture l'a acceptée.

Pour enlever à son silence toute signification d'adhésion, le commerçant doit prendre l'initiative d'émettre des protestations précises valant négation de la créance affirmée, dans un bref délai à compter de la réception de la facture, et il lui appartient d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la facture litigieuse a été adressée au client, la partie intimée, en date du 15 décembre 2011 (cf. pièce n° 4 de la farde I de Me Schwartz), La société intimée y a répondu en date du 13 janvier 2012, par l'intermédiaire de l'architecte chargé de la supervision des travaux.

Dans son courriel de réponse, l'architecte demande à SOC2) de lui faire parvenir les fiches justifiant des heures de travail mises en compte (cf pièce n° 3 de la farde I de Me Noesen).

La Cour constate que cette demande est étrangère aux contestations actuellement soulevées par la partie intimée.

Dans une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, datée du 8 février 2012, l'architecte fait valoir que les fiches dont il s'agit lui ont été transmises plus de huit mois après l'ouverture de l'hôtel et que les prestations énoncées dans la facture relèvent du domaine d'activité d'une entreprise tierce, à savoir l'entreprise de maçonnerie Soc3) (cf. pièce n° 6 de la farde I de Me Schwartz).

Outre qu'aucune de ces contestations ne correspond exactement à l'une des contestations opposées actuellement par l'intimée, il y a lieu de constater que ce courrier de contestation a été émis une cinquantaine de jours seulement après réception de la facture litigieuse.

Un tel délai est excessif au regard des exigences de la théorie de la facture acceptée, de sorte qu'il convient de retenir que la facture n° 2011/234 du 15 décembre 2011 a fait l'objet d'une acceptation tacite.

Par réformation du jugement entrepris, il y a partant lieu d'en imposer le payement à la société intimée.

En ce qui concerne la demande reconventionnelle tendant à l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 11.296,45 euros outre les intérêts légaux, pour réparation des désordres que présenteraient les travaux litigieux, il y a lieu de rappeler que toute action du destinataire de la facture pour défaut de conformité de la marchandise livrée ou de la prestation fournie est éteinte lorsqu'il y a facture acceptée.

Le silence prolongé gardé par l’intimée après réception de la facture litigieuse valant acceptation de la créance y affirmée, celle-ci n’est plus en droit de se prévaloir de la mauvaise exécution des travaux mentionnés dans ladite facture et son offre de preuve tendant à l'établir est irrecevable.

II s'ensuit que la partie intimée est à débouter de sa demande reconventionnelle et que son appel incident n'est pas fondé » ;

alors que - première branche - il est de principe que la présomption d'acceptation tacite d'une facture peut être renversée de deux manières, soit par une protestation en temps utile, soit par la preuve, apportée par le destinataire de la facture, que son silence s'explique autrement que par son acceptation de la facture ;

qu'en décidant au contraire (spécialement dans le 4e et l'avant-dernier alinéas des motifs ci-dessus reproduits) que seule la protestation faite dans un bref délai à compter de la réception de la facture vaut renversement de la présomption, la Cour d'appel a violé l'article 109 du Code de commerce ;

et que - deuxième branche - il aurait appartenu à la Cour d'appel de rechercher si, en fait, il n'existait pas de raisons d'admettre que le silence du destinataire de la facture s'expliquait autrement que par son acceptation de celle-ci, en donnant , comme le lui demandaient les conclusions de la demanderesse en cassation du 24 février 2015 (p. 2, dernier alinéa) ; qu'à défaut d'avoir procédé à cette recherche, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 109 du Code de commerce. » ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu que la Cour d’appel n’a pas dit que la présomption d’acceptation tacite d’une facture par le silence prolongé peut seulement être renversée par une protestation du destinataire en temps utile ;

Qu’il en suit que le moyen, pris en sa première branche, manque en fait ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que pour faire tomber la présomption d’acceptation tacite d’une facture par le silence prolongé, il incombe au destinataire de la facture de prouver qu’il a émis des protestations précises ou que, compte tenu de circonstances qu’il est tenu de préciser et de prouver, son silence s’explique autrement que par son acceptation ;

Attendu que la société SOC1) n’ayant pas précisé ni prouvé de telles circonstances, la Cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la recherche que la société lui reproche de ne pas avoir faite ; qu’elle a dès lors motivé sans insuffisance sa décision ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le conseiller Romain LUDOVICY, en présence de Madame Simone FLAMMANG, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 10/07/2018
Date de l'import : 09/12/2019

Fonds documentaire ?: Legilux


Numérotation
Numéro d'arrêt : 86/18
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-07-10;86.18 ?

Source

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