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17/05/2018 | LUXEMBOURG | N°39/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 17 mai 2018, 39/18


N° 39 / 2018 du 17.05.2018.

Numéro 3961 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mai deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel, Marc HARPES, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant

par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) la sociét...

N° 39 / 2018 du 17.05.2018.

Numéro 3961 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mai deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel, Marc HARPES, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) la société à responsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme de droit belge SOC2), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Laurent BACKES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu les arrêts attaqués, rendus le 13 décembre 2012 et le 30 mars 2017 sous le numéro 36166 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 28 juin 2017 par X à la société à responsabilité limitée SOC1) et à la société anonyme de droit belge SOC2), déposé le 4 juillet 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 8 août 2017 par la société à responsabilité limitée SOC1) à X et à la société anonyme de droit belge SOC2), déposé le 22 août 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 23 août 2017 par la société anonyme de droit belge SOC2) à X et à la société à responsabilité limitée SOC1), déposé le 24 août 2017 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et sur les conclusions de l’avocat général Sandra KERSCH ;

Sur les faits :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, saisi par la société à responsabilité limitée SOC1) d’une demande tendant à voir condamner X au paiement de dommages-

intérêts, sur base de la responsabilité contractuelle, pour avoir mis unilatéralement et de façon prématurée fin à deux contrats d’agent et d’apporteur d’affaires pour la commercialisation de voitures de marque Soc2) au Luxembourg ainsi que d’une demande en garantie dirigée par X contre la société de droit belge SOC2), avait déclaré ces demandes non fondées au motif que la société SOC1) avait accepté, par un courrier du 15 mai 2006, la résiliation anticipée des contrats ; que la Cour d’appel, par réformation, a, par un arrêt du 13 décembre 2012, considéré que ledit courrier ne constituait pas une acceptation claire et non équivoque par la société à responsabilité limitée SOC1) de la résiliation avant terme et a déclaré la demande principale fondée en principe, tout en instituant une expertise pour l’évaluation du préjudice ; que par un arrêt du 30 mars 2017, elle a condamné X à payer à la société à responsabilité limitée SOC1) des dommages-intérêts et a débouté X de sa demande en garantie dirigée contre la société SOC2) ;

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Attendu que les parties défenderesses en cassation soulèvent la déchéance, sinon l’irrecevabilité du pourvoi pour violation de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation en raison d’une indication ambigüe, dans le mémoire en cassation, quant au dépôt des expéditions des deux arrêts attaqués ;

Attendu que suite à l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2010 modifiant l’article 10 de la loi du 18 février 1885, précitée, la recevabilité du pourvoi n’est plus subordonnée au dépôt, par le demandeur en cassation, de l’expédition ou de la copie signifiée du jugement ou de l’arrêt attaqué ;

Que le moyen d’irrecevabilité n’est dès lors pas fondé ;

Attendu que le pourvoi, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 1134 du Code civil alinéa 1er et alinéa 3 qui prévoit que :

faites.

(…) Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

en ce que l'arrêt attaqué du 13 décembre 2012 fait mention que le courrier du 15 mai 2006 du SOC1) à SOC2) S.A. serait à visée purement commerciale, et ne constituerait pas une acceptation de sa part de la résiliation des contrats qui la liaient à X, alors que, sous couvert d'interprétation, les juges du fond ne peuvent altérer le sens clair et précis d'un contrat, ni modifier les obligations que les parties ont librement acceptées » ;

Attendu que sous le couvert du grief de la violation du texte visé au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, d’un élément de preuve, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, sinon de la dénaturation, sinon encore du refus de l'application de la loi, en l'espèce des articles 1145 et 1151 du Code civil, le premier qui prévoit que lorsque l'obligation inexécutée est une obligation de ne pas faire (en l'espèce de ne pas céder le fonds de commerce à un tiers), l'auteur du manquement doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention, et le second qui prévoit que la victime de l'inexécution du contrat devra prouver qu'il existe un lien de causalité entre l'inexécution et le préjudice, alors que la réparation ne doit comporter que ce qui est la suite immédiate et directe de l'inexécution du contrat (article 1151 du Code civil), en ce que l'arrêt attaqué du 13 décembre 2012 décidait qu'il y avait transfert de fonds de commerce, et donc violation d'une obligation contractuelle à charge de X, tout en retenant que si les contrats d'agent et d'apporteur d'affaires avaient été maintenus, le maintien de ce point de vente serait demeuré source de bénéfice pour le SOC1), alors qu’il eut appartenu à la Cour d’identifier la nature exacte de la relation contractuelle que le demandeur en cassation nouait avec le tiers preneur à bail de son site d’exploitation, ainsi que la nature exacte du préjudice découlant de la violation contractuelle, comme devant constituer la suite immédiate et directe de l’inexécution contractuelle, alors qu’il n’y a pas eu transfert de fonds de commerce. » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;

Attendu que le moyen articule deux cas d’ouverture, à savoir, d’une part, la violation de l’article 1145 du Code civil concernant la sanction en cas de violation d’une obligation de ne pas faire et, d’autre part, la violation de l’article 1151 du même code qui vise la sanction de l’inexécution d’une convention en cas de dol du débiteur ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 249 alinéa 1er du NCPC, qui prévoit que .

Est sanctionné sous le visa de cet article le défaut de motivation, que constitue le défaut de réponse à conclusions.

En ce que la Cour, dans son arrêt du 30 mars 2017, par de seules formules vagues et imprécises, décidait, quant aux critiques que le demandeur en cassation élevait contre le rapport d'expertise A) par voie de conclusions, que (pages 5 et 6 de l'arrêt entrepris) :

rapport d'expertise judiciaire, il y a lieu de constater, à titre liminaire, que l'expert a entendu les parties de manière contradictoire, qu'il leur a donné la possibilité de lui faire parvenir des pièces ainsi que leurs observations, que X a été tenu informé des observations et des pièces adressées à l'expert par la partie appelante et qu'il a été mis en mesure d'adresser à l'expert ses observations concernant le projet de rapport d'expertise qui lui a été adressé par courrier du 7 mars 2014 » ;

l'expert seraient surfaits, qu'ils seraient basés, à l'excès, sur les explications et les données fournies par la partie appelante et qu'ils ne tiendraient pas suffisamment compte de la progression de la crise automobile depuis l'année 2007, ou encore qu'ils engloberaient à tort une part du chiffre d'affaires réalisé sur le site de Foetz, l'expert judiciaire a pris position dans son rapport final » ;

contradiction et n'est pas davantage contredit par un autre élément acquis en cause» ;

conclusions de l'expert judiciaire A), il convient d'écarter les griefs de la partie appelante » Alors qu'un moyen présenté dans un acte d'appel est au moins équivalent à une demande formulée par voie de conclusions et que l'arrêt attaqué ne pouvait en faire abstraction sans être vicié par le grief du défaut de réponse à conclusions qui équivaut à un défaut de motifs et doit ainsi encourir la cassation.

Que la justification de l'obligation de motiver est évidente alors que l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse des garanties, puisqu'elle le protège contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés, et en qu'en même temps elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa décision au contrôle de la Cour de cassation (Jurisclasseur Procédure Fascicule 208 n°3, citation du conseiller Faye 1903).

Que pour satisfaire à cette obligation il ne suffit pas que le jugement comporte pour chaque chef de dispositif des motifs qui lui sont propres, il faut aussi que les motifs énoncés puissent être considérés comme justifiant la décision.

Que pour justifier la décision, la motivation doit notamment être précise.

Qu'il est entendu par motivation précise une motivation circonstanciée, propre à l'espèce, dans laquelle le juge s'explique sur les éléments de preuve sur lesquels il s'est fondé et qui ne laisse aucun doute sur le fondement juridique de la décision (Jurisclasseur Procédure Fascicule 508 n°33).

Que l'exigence d'une motivation précise a pour conséquence de refuser le caractère d'une motivation véritable à l'énoncé d'une simple affirmation ou à des motifs d'ordre général. » ;

Attendu que le moyen vise le défaut de réponse à conclusions, constituant une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme ;

Attendu que les simples considérations d’ordre général et théorique exposées par le demandeur en cassation dans son moyen ne permettent pas à la Cour de cerner précisément à quel(s) moyen(s) exigeant réponse les juges d’appel seraient restés en défaut de répondre ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 3.3 du Règlement CE n°1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, §3 du traité CE, En ce que la Cour retient le caractère fautif et dommageable de la cession non établie du fonds de commerce X à un tiers au contrat d'agent, Alors qu'un accord portant sur la distribution ou la réparation d'automobiles ne peut contenir de clause par laquelle le fournisseur interdit la cession par son cocontractant de tous ses droits et obligations contractuels. » ;

Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucun autre élément auquel la Cour de cassation peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait soutenu devant les juges du fond que les dispositions visées au moyen étaient applicables au présent litige ;

Attendu que le moyen est partant nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des faits, mélangé de fait et de droit ;

Qu’il en suit qu’il est irrecevable ;

Sur le cinquième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 1134 du Code civil, d'après lequel les conventions doivent s'exécuter de bonne foi, et par celles de l'article 1135 du même code qui prévoit que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature, sinon encore tiré d'une erreur de droit, dès lors que la base légale de l'appel en garantie concerné ne fut nullement à rechercher sur base d'une responsabilité délictuelle, En ce que la Cour constatait que le demandeur en cassation, qui appelait le concédant SOC2) S.A. en garantie, restait en défaut de justifier d'une faute dans le chef de SOC2), de nature à engager sa responsabilité ou plus généralement un acte ou un fait l'obligeant à tenir X quitte et indemne, Alors que l'appel en garantie du sieur X trouvait son fondement dans les contrats de réparateur et d'agent SOC2), sans qu'il faille imposer au sieur X de démontrer une faute dans le chef de SOC2) de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant des relations commerciales entretenues par les parties en cause, le concédant SOC2) S.A. est , le concessionnaire son co-

contractant direct.

En cette qualité de , le concédant intervient aux actes conclus entre concessionnaires et agents, pour notamment valider sinon agréer ceux-

ci (cfr. article XIII du contrat d'agent X intitulé ).

S'agissant du litige actuellement pendant entre les parties X et SOC1) S.àr.l., le concédant intervint à diverses reprises :

1. Le concédant SOC2) S.A. a tout d'abord avalisé le contrat conclu entre concessionnaire et agent. Il aura avalisé l'ensemble de ses conditions, écrites ou convenues entre parties lors de la signature du contrat ;

2. Le concédant, informé de la cessation des activités du garage X, a manifesté son intention de maintenir ce .

Le concédant SOC2) a conclu directement un contrat de réparateur agréé avec le soc3). (Pièce n°6), ce dès le 17 janvier 2007, soit 3 semaines après que le SOC1) ait écrit au sieur X pour lui signifier son refus (manifestement après avoir été évincé par soc3) d'accepter la résiliation contractuelle.

D'ailleurs du contrat d'agent prévoit que celui-ci respecte diverses interdictions vis-à-vis du concédant, lorsque le contrat vient à cesser.

Ceci tend encore à établir que l'agent se trouve effectivement dans un état de dépendance vis-à-vis du Concédant.

L'appel en garantie de SOC2) S.A. fut manifestement fondé.

L'arrêt entrepris encourt ici encore la cassation. » ;

Attendu que le moyen de cassation procède d’une lecture incorrecte de l’arrêt attaqué ;

Qu’en effet, les juges d’appel ne se sont pas prononcés sur la nature délictuelle ou contractuelle de la responsabilité dans le chef de la partie appelée en garantie ;

Qu’il ensuit que le moyen manque en fait ;

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge des parties défenderesses en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient d’allouer à chacune d’elles une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à chacune des parties défenderesses en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l'instance en cassation, avec distraction au profit de Maîtres Jacques WOLTER et Laurent BACKES, sur leurs affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Marc HARPES, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39/18
Date de la décision : 17/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-05-17;39.18 ?

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