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03/05/2018 | LUXEMBOURG | N°36/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 03 mai 2018, 36/18


N° 36 / 2018 du 03.05.2018.

Numéro 3958 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trois mai deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Elisabeth WEYRICH, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme SOC1), établie et ayant

son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de comme...

N° 36 / 2018 du 03.05.2018.

Numéro 3958 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trois mai deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Elisabeth WEYRICH, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Tom FELGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société anonyme SOC2), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu le jugement attaqué, numéro 36/2017, rendu le 3 mars 2017 sous le numéro 178206 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 14 juin 2017 par la société anonyme SOC1) à la société anonyme SOC2), déposé le 30 juin 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 2 août 2017 par la société anonyme SOC2) à la société anonyme SOC1), déposé le 8 août 2017 au greffe de la Cour ;

Vu le nouveau mémoire, dit « mémoire en réplique », signifié le 8 septembre 2017 par la société anonyme SOC1) à la société anonyme SOC2), déposé le 18 septembre 2017 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;

Sur les faits :

Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de paix d’Esch-sur-

Alzette, siégeant en matière de bail à loyer, avait condamné la société anonyme SOC1) à rembourser à la société anonyme SOC2) des montants payés à titre de loyers, mais qui n’étaient pas dus ; que, sur appel, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confirmé le jugement entrepris ;

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Attendu que la défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la demanderesse en cassation aurait acquiescé au jugement attaqué du 3 mars 2017 en payant le 3 avril 2017 les montants auxquels elle avait été condamnée ;

Attendu que le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif en matière civile, l’exécution, même sans réserves, d’une décision ne vaut acquiescement que s’il résulte des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu que celui qui s’est exécuté a, sans équivoque, manifesté sa volonté d’acquiescer ;

Attendu qu’une telle volonté n’a pas existé en l’espèce, dès lors que le paiement a été effectué suite à une sommation de payer du mandataire de la société anonyme SOC2) du 7 mars 2017 ;

Que le premier moyen d’irrecevabilité n’est dès lors pas fondé ;

Attendu que la société anonyme SOC2) soulève encore l’irrecevabilité du pourvoi pour indiquer qu’elle comparaît par Maître Jean Minden, avocat à la Cour ;

Attendu que la mention incriminée figure dans les qualités du mémoire, mais non dans l’acte de signification du mémoire ;

Qu’il s’agit donc d’une erreur de rédaction qui est sans effet et sans incidence sur la qualité de la société anonyme SOC2), défenderesse en cassation et partie à l’instance ayant abouti à la décision attaquée ;

Que le deuxième moyen d’irrecevabilité n’est dès lors pas fondé ;

Attendu que la défenderesse en cassation soulève enfin l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la demanderesse en cassation n’a pas déposé d’expédition ou de copie signifiée du jugement de première instance, jugement confirmé en appel par adoption de motifs ;

Attendu que suite à l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2010 modifiant l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la recevabilité du pourvoi n’est plus subordonnée au dépôt, par le demandeur en cassation, de l’expédition ou de la copie signifiée du jugement ou de l’arrêt attaqué et du jugement de première instance en cas de décision sur appel confirmative ;

Que le troisième moyen d’irrecevabilité n’est dès lors pas fondé ;

Attendu que le pourvoi, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation sinon du refus d'application sinon de la mauvaise application de l'article 109 du Code de commerce aux termes duquel les achats et ventes se constatent … par une facture acceptée … en ce que les juges d'appel ont décidé que le principe de la facture acceptée ne saurait être opposé à la demande en répétition de l'indu, alors qu'en décidant comme ils l'ont fait, les juges d'appel ont vidé de sa substance la prédite disposition légale. » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué ;

Attendu que le moyen manque de la précision requise en ce qu’il omet d’indiquer en quoi la décision attaquée serait entachée d’une violation de la disposition légale visée au moyen ;

Attendu que les développements en droit qui, aux termes de l’article 10, alinéa 3, de la même loi peuvent compléter l’énoncé des moyens, ne peuvent cependant suppléer à la carence originaire de ceux-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation sinon du refus d'application sinon de la mauvaise application de l'article 2277 alinéa 2 du Code civil aux termes duquel se prescrivent par cinq ans les actions de paiement des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires, des loyers et fermages, des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, en ce que les juges d'appel ont décidé que ce texte ne s'applique pas à l'action en répétition des loyers, respectivement de charges indûment versés qui relève du régime spécifique des quasi-contrats, alors que les considérations d'humanité et d'ordre public de protéger le débiteur contre l'accumulation des dettes valent tout aussi bien pour le débiteur des loyers que pour le débiteur d'un trop perçu de loyers mensuels. » ;

Attendu qu’une dette de loyers indus, dont le montant est déterminé et qui est remboursable en une fois, comme c’est le cas en l’espèce, n’est pas soumise à l’application de l’article 2277, alinéa 2, du Code civil qui tend principalement à protéger le débiteur contre une augmentation de la dette ;

Attendu que dès lors les juges d’appel, en ne soumettant pas l’action en répétition de loyers payés indûment à la prescription de cinq ans, n’ont pas violé la disposition visée au moyen ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application de l'article 189 du Code de commerce aux termes duquel en ce que les juges d'appel ont décidé que cet article ne s'applique pas à l'action en répétition de l'indu qui relève du régime spécifique des quasi-contrats, alors que les dispositions de l'article 189 du Code de commerce sont d'ordre public et ne souffrent pas d'exceptions qui ne résulteraient pas de l'énoncé de son texte ou d'autres considérations d'ordre public. » ;

Vu l’article 189 du Code de commerce ;

Attendu que l’action en répétition de l’indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale aux quasi-contrats ;

Attendu que ce délai de prescription de droit commun est de trente ans en matière civile et de dix ans en matière commerciale ;

Attendu que sont soumises à la prescription décennale de l’article 189 du Code de commerce les obligations nées de la loi entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants à l’occasion de leur commerce, telle que l’obligation de rembourser résultant du paiement de l’indu ;

Attendu que l’obligation de restitution quasi-contractuelle étant née, en l’espèce, à l’occasion du commerce de deux sociétés commerciales, le délai de prescription de droit commun de l’action en répétition de loyers payés indûment est de dix ans ;

Attendu que les juges d’appel, en soumettant l’action au délai de prescription de trente ans, délai de droit commun en matière civile, ont par conséquent violé la disposition visée au moyen ;

Qu’il en suit que le jugement encourt la cassation ;

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu que la défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Par ces motifs, casse et annule le jugement numéro 36/2017, rendu le 3 mars 2017 sous le numéro 178206 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Tom FELGEN, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute du jugement annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le conseiller Romain LUDOVICY, en présence de Monsieur Serge WAGNER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 36/18
Date de la décision : 03/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-05-03;36.18 ?

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