N° 25 / 2018 du 22.03.2018.
Numéro 3933 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux mars deux mille dix-huit.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Michel VALLET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société anonyme de droit grec SOC1), établie et ayant son siège social à (…), prise en sa succursale SOC1), établie à (…), représentée par son représentant permanent, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Guillaume MARY, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, numéro 22/17, rendu le 9 février 2017 sous le numéro 43516 du rôle par la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 11 mai 2017 par X à la société de droit grec SOC1), prise en sa succursale luxembourgeoise SOC1), déposé au greffe de la Cour le 18 mai 2017 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 6 juillet 2017 par la société de droit grec SOC1), prise en sa succursale luxembourgeoise SOC1), à X, déposé au greffe de la Cour le 10 juillet 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Attendu que la défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi au motif que celui-ci vise une décision qui n’existe pas ou qui n’est pas susceptible de pourvoi ;
Attendu qu’il résulte de la page 1 de l’acte de signification du mémoire en cassation que le pourvoi est dirigé « contre un jugement prononcé par la Cour d’appel de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, dans la cause inscrite sous le numéro 43516 du rôle, signifié à partie le 20 mars 2017 » ;
Attendu qu’il résulte de cet énoncé, de la motivation du pourvoi en cassation ainsi que de l’énumération des actes de procédure soumis à la Cour de cassation figurant à la page 9 du mémoire, actes parmi lesquels figure « l’Arrêt de la Cour d’appel daté du 9 février 2017 et signifié à partie le 20 mars 2017 », que la décision visée par le pourvoi est bien l’arrêt du 9 février 2017 et que le terme « jugement » utilisé par le demandeur en cassation constitue une simple erreur matérielle ;
Qu’en vertu de l’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation cet arrêt peut être déféré à la Cour de cassation ;
Attendu que la défenderesse en cassation déclare encore se rapporter à prudence quant à la signification intervenue à sa seule succursale (non accompagnée de la traduction en grec du pourvoi) et quant à la recevabilité du pourvoi en la forme ;
Attendu qu’en vertu de l’article 41 du Nouveau code de procédure civile, la société de droit grec SOC1) a été valablement assignée au seul siège de sa succursale luxembourgeoise, simple extension géographique qui n’a pas de personnalité juridique propre, dès lors que, par décisions de son conseil d’administration des 29 août 2012 et 23 septembre 2013, X et à sa suite Y avaient été nommés représentants qualifiés pour traiter auprès de la succursale avec les tiers et que le litige est né dans le ressort d’activités de cette succursale ;
Attendu que la société de droit grec SOC1) ayant pu être assignée au seul siège de sa succursale luxembourgeoise, la signification a dû se faire conformément aux règles procédurales luxembourgeoises ; que ces règles ont été observées ;
Qu’il en suit que les moyens d’irrecevabilité de la défenderesse en cassation ne sont pas fondés ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal du travail de Luxembourg s’était déclaré compétent ratione materiae pour connaître de la demande de X dirigée contre la société de droit grec SOC1), prise en sa succursale luxembourgeoise, et avait déclaré cette demande partiellement fondée ; que la Cour d’appel a, par réformation, dit que les juridictions du travail sont incompétentes pour connaître de la demande de X ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de la règle de droit par fausse application, sinon fausse interprétation des articles 25 et 61 du Nouveau code de procédure civile et de l'article L-121-1 alinéa 1 du Code du travail.
En ce que :
L'arrêt attaqué a rejeté la qualification de contrat de travail entre les parties en se basant principalement sur le mandat exercé par X au sein de la succursale SOC1) et déclaré le tribunal du travail incompétent.
Alors que :
X avait été révoqué le 23 septembre 2013 avant la date du licenciement intervenu le 27 septembre 2013.
La qualification du contrat entre les parties doit résulter de la situation au jour du licenciement.
Partant, la qualité de représentant légal de la succursale, à la supposer pertinente, n'aurait pas dû être prise en compte par les juges de la Cour d'appel. » ;
Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucun élément du dossier soumis à la Cour de cassation que l’actuel demandeur en cassation ait soulevé devant les juges d’appel la question de l’incidence de la révocation du mandat en date du 23 septembre 2013 sur la qualification du contrat ;
Qu’il en suit que le moyen est nouveau et, en ce qu’il comporterait l’examen de cette question, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation :
tiré « du défaut de réponse à conclusions par la Cour d'appel, de la violation des articles 249 et 587 du Nouveau code de procédure civile, En ce que :
La Cour d'appel n'a pas répondu, dans son arrêt, à un moyen de la partie demanderesse en cassation, à savoir l'absence de personnalité juridique de la succursale.
Alors que :
La partie demanderesse en cassation avait souligné, en première instance, que la succursale SOC1) n'ayant pas de personnalité juridique propre, la qualité de représentant légal de la succursale exercé par X ne lui accordait aucun pouvoir réel.
Ce moyen avait à nouveau été présenté en appel.
Or, la Cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen dans son arrêt prononcé le 9 février 2017. » ;
Attendu que le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme ;
Attendu que les juges d’appel n’ont pas à répondre à des conclusions trop vagues ou imprécises ;
Attendu que dans des conclusions notifiées le 9 août 2016, X avait exposé devant les juges d’appel qu’il « s’appuie sur le raisonnement du tribunal du travail qui constate l’absence de personnalité juridique de la succursale pour conclure que le représentant légal d’une succursale, sans réel pouvoir, n’a pas le statut de dirigeant » ;
Attendu que le tribunal du travail avait retenu l’absence de personnalité juridique dans le chef de la succursale, non pas pour qualifier la relation contractuelle existante entre parties, mais pour constater que dans l’hypothèse d’un contrat de travail, celui-ci s’était formé entre X et la société de droit grec SOC1) et non sa succursale ;
Attenu que pour retenir qu’il y avait lien de subordination, partant contrat de travail, le tribunal du travail avait retenu qu’« Ainsi, même si X bénéficiait de par sa fonction, d’une grande liberté d’organisation, la société SOC1) avait à tout moment le droit de restreindre les libertés données, de donner des instructions pour l’organisation et l’exécution du travail, d’exercer un contrôle plus strict et de sanctionner le salarié, le cas échéant. » ;
Attendu qu’il ne ressort pas avec suffisamment de précision des conclusions du 9 août 2016 que X, qui s’était pourtant appuyé sur le raisonnement du tribunal du travail, ait, devant les juges d’appel, voulu déduire l’absence de réel pouvoir dans son chef de l’absence de personnalité juridique de la succursale ;
Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Guillaume MARY, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Monique SCHMITZ, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.